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déchirer

vt (dé-chi-ré)
  • 1Mettre en pièces sans se servir d'un instrument tranchant. Déchirer ses vêtements en signe d'affliction. Ou si par mes taureaux il se fait déchirer, Voulez-vous que je l'aime afin de le pleurer ? [Corneille, La toison d'or] Il [le peuple] vient de déchirer Métrobate et Zénon. [Corneille, Nicomède] Arrachons, déchirons tous ces vains ornements. [Racine, Esther] Ayant déchiré ses vêtements, il [Jacob] se couvrit d'un ciliçe. [Sacy, Bible, genèse, 37, 34] L'esprit du Seigneur se saisit de Samson, qui déchira le lion comme il aurait fait un chevreau. [Sacy, Bible, juges, XIV, 6] Solon, à ce mot, déchirant ses habits, frappant sa poitrine, et ne s'expliquant que par des larmes et des sanglots, s'abandonna à la plus vive douleur. [Rollin, Histoire ancienne] Il n'est plus ? Quelles mains ont déchiré son flanc ? [Voltaire, La méroppe française] Mais tant que je verrai des tigres en furie Déchirer les enfants de ma triste patrie. [Voltaire, Octave et le jeune Pompée, ou Le triumvirat] Le tonnerre et les vents déchirent les nuages. [St-lambert, Saisons, été.]

    Par extension. Cependant les trois cents Français que déchire la mitraille, persévèrent ; déjà ils atteignaient la position ennemie.... [Ségur, Histoire de Napoléon et de la Grande-Armée pendant l'année 1812]

    Déchirer un acte, un contrat, le mettre en pièces ; et fig. Déchirer un contrat, un acte, une constitution, les anéantir.

    Poétiquement. Déchirer les entrailles de la terre, la fouiller soit pour y chercher les métaux, soit seulement pour la labourer. Plus on déchire les entrailles de la terre, plus elle est libérale.

    Déchirer un bateau, en débiter les parties, les planches.

    Déchirer de coups, donner tant de coups ou des coups si violents que la peau s'enlève. Ils sont armés de fouets et ils se disposent à le déchirer de coups. [Bourdaloue, Exhort. sur la flagell. de J. C. t. II, p. 71]

    Déchirer une blessure, la rouvrir, la rendre plus grande ; et fig. renouveler une douleur. Pourquoi, renouvelant ma honte et ton injure, De tes funestes mains déchirer ma blessure ? [Voltaire, Les Scythes]

    Terme militaire. Déchirer la cartouche, déchirer avec les dents l'extrémité par laquelle on l'introduit dans le fusil.

    Fig. Terme militaire. Déchirer la toile, exécuter sans ensemble des feux d'infanterie.

    Déchirer se dit, en un sens plus restreint, pour faire une déchirure. Elle a déchiré sa robe.

    On dit aussi déchirer pour séparer, diviser, sans qu'il y ait une idée d'irrégularité. Déchirer une feuille de papier en deux.

  • 2 Fig. Troubler par des déchirements, par des divisions. Déchirer la société en partis opposés. Pour ne pas partager vos biens, et pour soutenir le vain honneur de votre nom, vous déchirez et vous déshonorez l'héritage de Jésus-Christ. [Massillon, Car. Dang. des prosp. temp.] Moi, j'irais de mon fils, le seul bien qui me reste, Déchirer avec vous l'héritage funeste ! [Voltaire, La méroppe française] Jérusalem était déchirée par trois factions. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Ce prince du plus noble sang qu'il y ait dans le monde et qui travaille à déchirer de ses propres mains sa patrie et le royaume de ses ancêtres. [Fénelon, Dialogues des morts] La France allait encor se déchirer le sein. [Lemerc. Bruneh. I, 1]
  • 3Causer une vive douleur physique. Un mal cuisant déchire ma poitrine. [Béranger, Malade.]

    Fig. Déchirer le coeur, l'âme, causer une vive, une profonde affliction. Qu'il déchire mon âme et ne l'ébranle pas. [Corneille, Polyeucte] Vous parlerai-je de ses pertes et de la mort de ses chers enfants ? ils lui ont tous déchiré le coeur. [Bossuet, Oraisons funèbres] Portant partout le trait dont je suis déchiré. [Racine, Phèdre] C'est de déchirer vos coeurs et non vos vêtements. [Massillon, Car. Culte.]

    Elliptiquement et en sous-entendant le coeur, l'âme. ....Hélas ! que vous me déchirez. [Racine, Bérénice] Un trouble assez cruel m'agite et me dévore, Sans que des pleurs si chers me déchirent encore. [Racine, ib. IV, 5] Mille soupçons encor viennent me déchirer. [Racine, Mithridate] Quoi ! de quelque remords êtes-vous déchirée ? [Racine, Phèdre] Tant de ménagement me déchire et m'irrite. [Voltaire, Les Scythes] De quel ressouvenir mon âme est déchirée ? [Voltaire, Zaïre] Mon épouse, mon fils me déchirent le coeur. [Voltaire, L'orphelin de la Chine] De quelque grand remords tu sembles déchiré. [Voltaire, Le fanatisme, ou Mahomet le Prophète] Les douleurs de cette pauvre femme me déchiraient. [Rousseau, Les confessions] C'est trop gémir et soupirer. Ah ! calmez ces regrets profanes ; Vos maux viendraient me déchirer Jusqu'au fond du séjour des mânes. [Gilbert, Ode à la reine.] Les jalouses fureurs dont vous me déchirez. [Delavigne, Les vêpres siciliennes] Pourquoi nous déchirer de regrets superflus ? [Delavigne, ib. IV, 4]

  • 4Déchirer quelqu'un à belles dents, en médire outrageusement.

    Absolument. Diffamer. Sa mémoire fut déchirée. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Vous devez cette grâce à votre propre gloire ; En m'arrachant la mienne on la va déchirer. [Corneille, Théodore et Héraclius] Je vais composer contre eux une satire du style de Juvénal qui les déchirera de la belle façon. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Il déchire l'innocence de ces filles. [Pascal, Les provinciales] Par quelles injures on déchire l'Église romaine. [Bossuet, Réfut.] Ils déchirent par leurs railleries et même par leurs médisances tout ce que les serviteurs de Dieu font de plus édifiant. [Bourdaloue, Sainteté, 2e avent, p. 289] Vous avez déchiré la réputation de votre frère. [Bourdaloue, Pénitence, 2e avent. p. 485] On me déchire de tous côtés, vous ne m'apprenez rien de nouveau. [Maintenon, Lettres] De la même bouche dont on vient de bénir le Seigneur, on déchire ses frères. [Massillon, Car. Culte.] Les sots, qui déchireraient Corneille s'il n'était pas mort, et qui seront bien aises de vous déchirer, parce que vous êtes vivant. [D'alembert, Lett. à Volt. 27 janv. 1762] Que font ici, dis-moi, les vertus de nos pères ? En déchirant ton siècle, où prétends-tu venir ? [Mar. J. CHÉN. Gracques, II, 3]

    Absolument. Une duplicité indigne qui loue en face et déchire en secret. [Massillon, Car. Médis.]

  • 5Déchirer la main qui nous protége, rendre le mal pour le bien. Un infidèle ami que j'avais mal jugé, Qui déchire la main dont il fut protégé. [Delavigne, Les vêpres siciliennes]
  • 6 Fig. et familièrement. Déchirer l'oreille, les oreilles, affecter le sens de l'ouïe d'une manière désagréable.
  • 7 vi Terme du commerce de la broderie. Déchirer, couper les pièces de mousseline, etc. sur lesquelles on doit broder (parce qu'en effet on déchire). Ainsi l'on dit : c'est aujourd'hui qu'on déchire dans telle maison.
  • 8Se déchirer, vpron Se mettre en pièces. Le malheureux lion se déchire lui-même. [La Fontaine, Fables]

    Être déchiré. En même temps le voile du temple se déchira en deux depuis le haut jusqu'en bas. [Sacy, Bible, Évang. St Mathieu, XXVII, 51]

    Se diviser régulièrement. En ce sens on dit que le calicot se déchire, à la différence d'autres tissus qui, à défaut de ciseaux, se déchirent, c'est-à-dire se divisent irrégulièrement.

    Terme d'hydraulique. Se séparer avant de tomber dans le bassin inférieur, en parlant d'une nappe d'eau.

  • 9Médire les uns des autres. Les hommes de parti se calomnient et se déchirent. Eh ! sans sortir de la cour, n'a-t-il pas encore vingt caractères de gens où il n'a point touché ? n'a-t-il pas, par exemple, ceux qui se font les plus grandes amitiés du monde et qui, le dos tourné, font galanterie de se déchirer l'un l'autre ? [Molière, L'impromptu de Versailles] Est-il rien de plus commun dans le commerce des hommes que de se déchirer mutuellement par de cruelles et injurieuses médisances ? [Bourdaloue, Exhort. Faux tém. contre J. C. t. II, p. 5] Vous avez des domestiques qui se déchirent les uns les autres. [Bourdaloue, 2e dim. après Pâques, Dominic. t. II, p. 57] Les chrétiens, partagés en Monophysites ou Jacobites et orthodoxes, se déchiraient. [Diderot, Opinions des anciens philosophes]

    PROVERBE

    Il ne s'est pas fait déchirer le manteau, son manteau pour cela, c'est-à-dire il n'a pas fallu lui faire violence pour lui faire accepter.... pour le décider à.... Diction tiré de l'histoire de Joseph qui laissa son manteau entre les mains de la femme de Putiphar.
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