Voir les citations avec "digérer"

digérer

vt (di-jé-ré. La syllabe gé prend l'accent grave quand la syllabe qui suit est muette : je digère, excepté au futur et au conditionnel : je digérerai, je digérerais, exception qui n'est pas justifiée)
  • 1Mettre en ordre, d'après le sens primitif du latin digerere, qui est porter deçà et delà. Le sénat devait digérer toutes les affaires. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Lois qu'un roi a digérées. [Bossuet, ib. III, 3] L'histoire qu'il avait digérée dès l'origine du monde. [Bossuet, ib. I, 4]
  • 2Transmuer par la digestion les aliments introduits dans l'estomac. Il ne peut digérer que des viandes légères et délicates. Son estomac digère tout. Il n'a pu digérer son dîner.

    Fig. L'on se couche à la cour et l'on se lève sur l'intérêt : c'est ce que l'on digère le matin et le soir, le jour et la nuit. [La Bruyère, VIII]

    Absolument. Il digère bien. Il digère mal. Un verre d'orgeat l'empêcha de digérer. Il a tout : il a l'art de plaire, L'art de nous donner du plaisir, L'art si peu connu de jouir, Mais il n'a rien, s'il ne digère. [Voltaire, Correspondance] Digérer un peu et rire beaucoup, voilà à quoi je borne mes prétentions. [D'alembert, Lett. à Volt. 29 août 1764]

  • 3Il se dit, en un sens analogue, dans le langage médical, de ce qui procure la maturation de quelque humeur. Onguent propre à digérer une inflammation suppurative.
  • 4 Terme de pharmacie. Faire digérer une substance, en extraire par digestion un principe utile.
  • 5 Fig. Mener à maturité par un travail de l'esprit comparé à la digestion de l'estomac. J'ai conçu, digéré, produit un stratagème. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps] Je vous laisse digérer ces réflexions. [Sévigné, 411] Je laisse à votre bon coeur cette pensée à digérer. [Sévigné, 171] Il faut du temps pour bien digérer ce que m'envoie M. Phelippeaux. [Bossuet, Lett. quiét. 288] Pour bien lire, il faut digérer la lecture. [Bossuet, Obl. 3] Il a écrit longtemps après le commencement de la réforme prétendue, de sorte que, les matières ayant déjà été fort agitées et les docteurs ayant eu plus de loisir de les digérer, la doctrine de Calvin paraît plus uniforme que celle des autres. [Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes] Peu lire et penser beaucoup à nos lectures est le moyen de les bien digérer. [Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse] Je digérais le plan déjà formé de mes institutions politiques, dont j'aurai bientôt à parler. [Rousseau, Les confessions]

    Absolument. Un esprit qui dévore plus qu'il ne digère.

  • 6Supporter en silence quelque chose de fâcheux. Il ne peut digérer les cinq cents écus que je lui arrache. [Molière, Les fourberies de Scapin] Ces coups de bâton me reviennent au coeur ; je ne les saurais digérer. [Molière, Le médecin malgré lui] Le père lui laissa digérer sa disgrâce. [La Fontaine, Fables] J'ai été forcé de lui citer un mot qu'elle a eu bien de la peine à digérer. [Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse] J'ai un estomac qui me joue d'aussi mauvais tours que si je l'obligeais à digérer tout ce qui se fait et tout ce qui se dit en France. [D'alembert, Lett. à Volt. 9 juill. 1764]

    En ce sens il se construit avec que et le subjonctif. Nous avons peine à digérer que tel ou tel depuis si longtemps nous rendent de mauvais offices. [Bourdaloue, Serm. 21e dim. après la Pentec. Dominic. t. IV, p. 282]

    Il se construit aussi avec de. Il ne pouvait digérer de voir ses livres méprisés du public. [Racine, dans le Dict. de POITEVIN.]

    Refuser d'accepter, de croire. Dites tout ce que vous voudrez, je ne saurais digérer cela, non plus que le potage et la tarte à la crème, dont madame a parlé tantôt. [Molière, Critique de l'école des femmes] Il ne put faire digérer aux Suisses sa présence substantielle. [Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes] Ne pouvant digérer la folie que le monde trouvait dans l'Évangile. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]

    Cela est bien dur à digérer, cela est difficile à supporter ou à croire.

  • 7Se digérer, vpron Être digéré. Cet aliment ne se digère pas bien.

    Fig. Être médité. Ces lectures se digèrent, se classent dans l'esprit et y fructifient.

    Être supporté, accepté. Il soutenait que du principe de Descartes s'ensuivrait la possibilité du mouvement perpétuel artificiel, ou d'un effet plus grand que sa cause, conséquence qui ne se peut digérer ni en mécanique ni en métaphysique. [Fontenelle, Leibnitz.]

  • rechercher