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en [2]

pron. (an ; l'n se lie quand en précède le verbe ; et alors en se prononce exactement comme la préposition en : je n'en ai pas, il s'en amuse ; le succès en est douteux, dites : je nan-n ai pas ; il san-n amuse ; le succès an-n est douteux ; quelques personnes prononcent : je na-n ai pas, il s'a-n amuse, le succès a-n est douteux ; mais cette prononciation, peut-être plus conforme à d'autres analogies, est aujourd'hui provinciale ; en ne se lie pas quand il suit le verbe : donnez-en un ou deux, dites donnezan un ou deux)

Pronom relatif de la 3e personne, des deux genres et des deux nombres, disent la plupart des grammairiens, pronom relatif ou particule relative, dit l'Académie ; d'après Jullien, nom général de choses qu'on qualifie ordinairement de pronom, parce qu'il se met, comme les pronoms, devant les verbes dont il est le complément et, après eux, à l'impératif ; mais il n'indique aucunement la 1re, la 2e ou la 3e personne ; il ne remplace pas toujours un nom, mais bien souvent une proposition tout entière ; il ne s'accorde pas du tout avec les noms qu'il représente ; il est toujours, au cas indirect, marqué par de, et ne joue jamais le rôle de sujet. Ce fait est que en, venant du latin inde qui signifie de là, est d'abord et étymologiquement un adverbe de lieu, puis exprime par extension toute sorte d'autres rapports.

  • 1De ce lieu, de ces lieux. Vous allez à Lyon, j'en viens. Dans le sein paternel je me vis rappelée, Un malheur inouï m'en avait exilée. [Voltaire, Tancrède]
  • 2D'adverbe de lieu, en passe au rôle de pronom (comme où, qui, du rôle d'adverbe de lieu, passe au rôle de pronom relatif dans : le bonheur où j'aspire), et signifie de ce, de ceci, de cela, de cette chose, de ces choses. Cette affaire est délicate, le succès en est douteux. [Elle] Se saisit du poignard et de sa propre main à nos yeux, comme lui, s'en traverse le sein. [Corneille, Oedipe] Comme l'amour ici ne m'offre aucun plaisir, Je m'en veux faire au moins qui soient d'autre nature. [Molière, L'amphytrion] Non, en conscience, vous en [des fagots] payerez cela. [Molière, Le médecin malgré lui] Qu'avez-vous fait pour être gentilhomme ? croyez-vous qu'il suffise d'en porter le nom et les armes ? [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre] Vous voudriez bien aussi savoir qui est la personne qui en écrit de la sorte [dans les deux premières provinciales]. [Pascal, Rép. aux deux 1res lett.] Votre père et les rois qui les ont devancés, Sitôt qu'ils y montaient [au trône], s'en sont vus renversés. [Racine, La Thébaïde, ou Les frères ennemis] Cet illustre trépas ne peut-il vous calmer, Puisque même mes fils s'en laissent désarmer ? [Racine, ib. III, 3] Nourri dans le sérail, j'en connais les détours. [Racine, Bajazet] La vie est un dépôt confié par le ciel ; Oser en disposer, c'est être criminel. [Gresset, Édouard III, IV, 7] Néron, bourreau de Rome, en était l'histrion. [Delille, L'homme des champs, ou Les Géorgiques françaises] Hésiode a écrit sur l'agriculture ; Démocrite, Xénophon, Aristote, Théophraste en ont traité en prose. [Delille, Préf. aux Géorgiq.]
  • 3Il se dit aussi des personnes : de lui, d'elle, d'eux, d'elles. Sans l'avoir jamais vu, je connais son courage ; Qu'importe après cela quel en soit le visage ? [Corneille, Le menteur] J'en ai fait un martyr [de Polyeucte], sa mort me fait chrétien ; J'ai fait tout son bonheur, il veut faire le mien. [Corneille, Polyeucte] C'est pourquoi, dépêchons, et cherche dans ta tête Les moyens les plus prompts d'en faire ma conquête. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps] Le plus parfait objet dont je serais charmé N'aurait pas mon amour, n'en étant point aimé. [Molière, Le dépit amoureux] Le bon de cette profession [médecin], c'est qu'il y a parmi les morts une honnêteté, une discrétion la plus grande du monde, et jamais on n'en voit se plaindre du médecin qui l'a tué. [Molière, Le médecin malgré lui] J'espère retrouver mes parents ; j'en attends des nouvelles avec impatience. [Molière, L'avare] Multipliez les créatures, et en augmentez les perfections de plus en plus jusqu'à l'infini, ce ne sera toujours, à les regarder en elles-mêmes, qu'un non-être. [Bossuet, Concupisc. 12] La crainte de faire des ingrats ou le déplaisir d'en avoir trouvé, ne l'ont jamais empêchée de faire du bien. [Fléchier, Or. fun. de Mme de Montaus.] Quoi, vous en [de lui] attendez quelque injure nouvelle ? [Racine, Andromaque] Ses grâces, sa beauté, sa fière modestie, Tout m'en plaît. [Crébillon, Catilina, I, 1] C'est sa tante ; pourquoi ne la verrait-il pas ? Il en doit recueillir un fort gros héritage. [Destouches, le Médis. II, 7] J'adore Adélaïde, et j'en suis estimé. [Piron, G. Wasa, IV, 2] Au roi que nous pleurons, il laissa la couronne ; Constance en est la soeur.... [Saurin, Blanche et Guisc. I, 4] Nos poëtes ont assez reposé leurs amants sur le bord des ruisseaux, j'en ai voulu asseoir sur le rivage de la mer. [Bernardin de Saint-pierre, Paul et Virginie]

    Par lui, par elle, par eux, par elles, en tant que, dans la phrase, le de qui est dans en peut être conçu comme remplacé par la préposition par. Tout est au-dessous d'elle, à moins que de régner ; Et sans doute qu'Aemon s'en verra dédaigner. [Corneille, Oedipe]

  • 4Sert à rappeler d'une manière plus ou moins régulière et précise l'idée énoncée dans une proposition. Consultez-en, seigneur, la reine votre mère. [Corneille, Nicomède] Allons en résoudre chez moi. [Corneille, Sertorius] Et si la curiosité me prenait de savoir si ces propositions sont dans Jansénius, son livre n'est pas si rare ni si gros que je ne le puisse lire tout entier pour m'en éclaircir, sans en consulter la Sorbonne. [Pascal, Les provinciales] La mort qui frappe tôt s'en fait moins ressentir. [Rotrou, Bélisaire] Mais je ne suis pas homme à gober le morceau, Et laisser le champ libre aux yeux d'un damoiseau ; J'en veux rompre le cours. [Molière, L'école des femmes] Ah ! ah ! tu t'en avises, Traître, de t'approcher de nous. [Molière, L'amphytrion] Il connaît et son crime et son ingratitude, Il s'en hait, il en sent la peine la plus rude. [Corneille Th. Ariane] Le ciel, en le perdant, s'en est vengé sur vous. [Racine, La Thébaïde, ou Les frères ennemis] En t'avouant pour fils en est-il moins coupable ? En es-tu moins Brutus ? en es-tu moins romain ? [Voltaire, La mort de César] Romains, j'aime la gloire et ne veux point m'en taire. [Voltaire, Catilina, ou Rome sauvée] Je t'en aime encor plus, et je crains davantage. [Voltaire, La méroppe française] Ma douleur s'en accroît, ma honte s'en augmente. [Voltaire, Tancrède]
  • 5Il entre dans un grand nombre de gallicismes, comme ceux-ci par exemple : il en veut à un tel ; il s'en donne ; je m'en promets ; en venir aux mains ; il s'en faut.

    Il en est de.... c'est-à-dire la chose se comporte comme. Il en sera de cette réclamation comme de celle de l'an passé. Mais de vous, cher compère, il en est autrement. [Molière, L'école des femmes] Vaugelas condamnait cette locution, et voulait y supprimer en ; suivant lui il fallait dire : il est des hommes comme de.... et non il en est des hommes comme de.... On lui objectait que cette suppression faisait amphibologie, et que il est des hommes semblait d'abord signifier : il y a des hommes. Finalement en a triomphé, et à bon droit ; ce n'est pas la logique qui demandait ce pléonasme, mais la clarté du discours y a gagné.

    C'en est assez, c'est-à-dire cela suffit. En est-ce assez, ô ciel ? [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste]

    C'en est trop, la chose dépasse la mesure. Mais, c'en est trop, Cléone. [Racine, Andromaque]

    En être, c'est-à-dire être d'un complot, d'un secret, d'une cabale, etc. Quoi ! Néarque en est donc [de la secte des chrétiens]. [Corneille, Polyeucte]

    En être à, n'être pas plus avancé que.... N'est-il pas singulier que, dans une ville aussi fameuse que Carthage, on en soit à chercher l'emplacement même de ses ports ? [Chateaubriand, Itinéraires de Paris à Jérusalem]

    En être pour, perdre. J'en suis pour mon argent. Où tout autre aurait trouvé du moins quelque honneur, j'en suis pour mon argent et ma réputation. [Courier, Lettres de France et d'Italie]

    C'en est fait, la chose est terminée, résolue. Mes amis sont tous prêts, c'en est fait, il est mort. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] En est-ce fait, Arcas ? [Racine, Mithridate]

    En tenir, être joué, trompé. Hé ! bien, monsieur, Nous en tenons tous deux, si l'autre est véritable. [Molière, Le dépit amoureux]

    En donner d'une, tromper, abuser. Bon, bon, tu voudrais bien ici m'en donner d'une. [Molière, Le dépit amoureux]

    On dit aussi, en tenir, dans le sens d'être amoureux.

    En planter, faire porter des cornes à un mari. Je sais les tours rusés et les subtiles trames Dont, pour nous en planter, savent user les femmes. [Molière, L'école des femmes]N'en pouvoir mais, n'être pas cause de.... ... Ayant de la manière Sur ce qui n'en peut mais déchargé sa colère. [Molière, L'école des femmes]

    N'en pas devoir, avoir autant qu'un autre la chose, la qualité dont il s'agit. Il ne vous en doit rien, madame, en dureté de coeur. [Molière, La princesse d'Élide]

    En être jusqu'à, et, en supprimant jusque, en être à, être conduit au point de. Pour moi, j'en suis souvent jusqu'à verser des larmes. [Molière, Psyché]

    S'en tenir à, n'aller pas plus loin que. Napoléon ajouta quelques menaces déjà moins violentes, et il s'en tint aux paroles, soit qu'il eût jeté toute sa colère dans un premier mouvement, soit qu'il n'eût voulu qu'en effrayer tous les Allemands qui seraient tentés de l'abandonner. [Ségur, Histoire de Napoléon et de la Grande-Armée pendant l'année 1812]

    S'en dire, se faire à soi-même des reproches, des remontrances. Mon coeur s'en est plus dit que vous ne m'en direz. [Racine, Britannicus]

    En croire quelqu'un, ajouter foi à ses dires. Je ne vous en croirai qu'après l'expérience. [Corneille, Le Cid]À qui en a-t-il ? c'est-à-dire contre qui est-il en colère ? Je suis pétrifié, dit-il ; à qui en a-t-il ? [Genlis, Veillées du chât. t. III, p. 136, dans POUGENS]

  • 6En- sert aussi de préfixe pour indiquer déplacement : emporter, porter-en, portare inde, emmener, mener-en, minare inde, s'enfuir, fuir-en, fugere inde, s'en aller, aller-en, aller de là, etc.

REMARQUE

1. En se met toujours avant le verbe, et, si le verbe est composé, avant le verbe auxiliaire : il en parle, il en a parlé ; excepté à l'impératif (2e personne du singulier, 1re et 2e personnes du pluriel), où il se met après, s'y joignant par un trait d'union : prends-en, parlez-en, parlons-en.

2. Avec les impératifs de la 1re conjugaison, à la 2e personne du singulier, on intercale pour l'euphonie une s, de cette façon : parles-en.

3. Si le verbe à l'impératif est construit avec une négation, en se met avant le verbe : n'en parle pas ; ne vous en étonnez pas ; n'en disons rien ; ne nous en effrayons pas.

4. En, construit avec des pronoms, se met toujours après ces pronoms : il vous en a parlé ; il s'en moque ; parlez-nous-en ; retirez-les-en ; nous vous en empêcherons ; nous ne vous en empêcherons pas ; il t'en enverra ; vous lui en adresserez.

5. À l'impératif, quand en est joint avec moi, toi, on change moi, toi, en m', t' : va-t'en, donne-m'en, donne-t'en ; et, avec la négation : ne m'en veuille pas, ne t'en vante pas.

6. En joint à y se met toujours après y : il s'y en donna. Il faut donc que, pour les ordures, vous ayez des lumières que les autres n'ont pas ; car, pour moi, je n'y en ai point vu [dans l'École des femmes]. - C'est que vous ne voulez pas y en avoir vu, assurément. [Molière, Critique de l'école des femmes] J'y ai fait tant de corrections, j'y en ferai tant encore. [Voltaire, Correspondance] De même à l'impératif : mettez-y en. Lachaussée a eu tort de dire dans l'École des mères, IV, 4 : je m'en y vais ; il faut : je m'y en vais.

7. En joue toujours le rôle de complément indirect, puisqu'il contient virtuellement la préposition de : voyez ces fleurs ; en avez-vous cueilli ? c'est-à-dire : avez-vous cueilli une part de ces fleurs ? En conséquence, le participe passé qui le suit reste invariable, parce que en auquel il se rapporte n'a par lui-même ni genre ni nombre. Il a lui seul fait plus d'exploits que les autres en ont lu. [Boileau, Disc. à l'Acad.] Baléazar est aimé des peuples ; en possédant les coeurs, il possède plus de trésors que son père n'en avait amassé par son avarice cruelle. [Fénelon, Télémaque] Idoménée a fait de grandes fautes, mais cherchez dans tous les pays les mieux policés un roi qui n'en ait pas fait d'inexcusables. [Fénelon, ib. XI] Par son analyse, Descartes fit faire plus de progrès à la géométrie qu'elle n'en avait fait depuis la création du monde. [Thomas, Éloge de Desc.] Cependant des grammairiens, prêtant à en un sens qu'il n'a pas, disent que le participe peut s'accorder ; c'est une erreur ; mais l'accord est une licence qu'on peut passer à un poëte, sans devoir pour cela faire autorité : Des pleurs, ah ! ma faiblesse en a trop répandus. [Voltaire, Oreste, II, 2] Mais, dans ce vers de Racine : Et de ce peu de jours, si longtemps attendus, Ah ! malheureux, combien j'en ai déjà perdus ! [Racine, Bérénice] il ne faudrait pas croire que c'est en qui détermine l'accord du participe ; c'est combien qui le détermine. Voir COMBIEN, remarque 1 ; suivant la règle, on dira : combien de jours j'ai perdus, ou combien j'ai perdu de jours.

8. Dans le XVIIe siècle, on employait volontiers en par pléonasme. Il y a, dans l'instruction, quelque chose qui ne dépend que de la conformation des organes, et de cela les animaux en sont capables comme nous. [Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même] Dans la milice sacrée, c'est en être déserteur que de cesser de combattre. [Massillon, Profess. rel. 2] Des restes de sa droiture, il en fait les ébauches de ses passions. [Massillon, Panég. St Thom.] Ce pléonasme n'est pas sans utilité, et pourrait, dans quelques cas, être imité.

9. Les substantifs pris d'une façon partitive, sans article défini, en un sens général, ne peuvent guère être représentés consécutivement par les pronoms et en conséquence par en. Cependant cette phrase ne doit pas être condamnée : Pardonnez-moi si vous ne me trouvez que bon citoyen, et soyez sûr qu'il n'y en a point qui attende de vous de si grandes choses. [Voltaire, Corresp. génér. 18 déc. 1744]

10. Avec faire on peut, dans s'en aller, supprimer le pronom personnel s' (voy. ALLER, S'EN ALLER). Il faut que ce soit elle avec une parole Qui trouve le moyen de les faire en aller. [Molière, Dom Garcie de Navarre, ou Le prince jaloux] Vous ne voulez pas faire en aller cet homme-là. [Molière, L'impromptu de Versailles]

11. Molière a dit : en être de même, pour être de même. Il [cela] est très naturel, et j'en suis bien de même. [Molière, Le dépit amoureux] Cette tournure n'est plus usitée.

12. Au XVIIe siècle, on se servait de en précédé de et pour joindre deux membres de phrase à peu près comme nous les joindrions par dont ; la tournure est commode, et mérite d'être regrettée. C'est un autre ennemi qu'il faut combattre, et en porter tout le poids et la violence. [Folard, Traité de la colonne, V]

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