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faire [1]

vt (fê-r) Au XVIe Siècle, d'après Bèze, les Parisiens prononçaient à tort fesant au lieu de faisant ; c'est cette prononciation des Parisiens, condamnée alors, qui a prévalu ; on prononce aujourd'hui fe-zan, fe-zon, fe-zê, fe-zié), je fais, tu fais, il fait, nous faisons, vous faites, ils font ; je faisais ; je fis ; je ferai ; je ferais ; fais, qu'il fasse, faisons, faites, qu'ils fassent ; que je fasse, que tu fasses, qu'il fasse, que nous fassions, que vous fassiez, qu'ils fassent ; que je fisse ; faisant ; fait, faite

Résumé

    Mot à signification très étendue qui, exprimant au sens actif ce que agir exprime au sens neutre, et au sens déterminé et appliqué à un objet ce que agir exprime au sens indéterminé et abstrait, dénote toute espèce d'opération qui donne être ou forme.

  • 1° Donner être ou forme.
  • 2° Engendrer.
  • 3° Façonner, fabriquer, construire, en parlant des oeuvres matérielles de l'art et de l'industrie.
  • 4° Se dit dans le même sens, en parlant des oeuvres de l'intelligence, de l'imagination.
  • 5° Il s'emploie dans un sens beaucoup plus étendu, en parlant de tout ce qu'un sujet opère, effectue, exécute dans l'ordre physique ou moral.
  • 6° Faire quelque chose pour quelqu'un, lui accorder ou lui faire obtenir quelque chose.
  • 7° Il se dit des choses qui sont agents de quelque chose.
  • 8° Se faire, faire à soi, se créer, se procurer.
  • 9° Faire d'une personne, d'une chose.... la changer en, en user comme de....
  • 10° Faire suivi de la préposition de, disposer de quelqu'un ou de quelque chose, en tirer parti d'une façon quelconque.
  • 11° Employer ses forces, son activité à quelque chose, s'en occuper, y passer son temps.
  • 12° Faire du mal, faire du bien à quelqu'un.
  • 13° Récolter ; semer, cultiver.
  • 14° Dans le commerce, faire le genre d'opérations auxquelles on se livre.
  • 15° Produire le même effet, le même résultat que....
  • 16° Arranger, mettre dans un état convenable.
  • 17° Mettre en pratique, observer, en parlant de choses d'obligation, de précepte.
  • 18° Former par un exercice convenable ; accoutumer, habituer.
  • 19° Se dit des choses qui marquent espace, étendue.
  • 20° Il exprime un grand nombre de modes d'action et de manières d'être, au moyen des autres mots de la phrase auxquels il est lié et qui lui donnent sa signification spéciale.
  • 21° Il se dit de certaines fonctions de guerre.
  • 22° Divers emplois, en termes de marine.
  • 23° À la natation, faire la planche.
  • 24° Divers emplois, en termes de vénerie.
  • 25° Divers emplois, en termes de jeux.
  • 26° Amasser, mettre ensemble.
  • 27° Faire des recrues, appeler des hommes sous les drapeaux.
  • 28° Acquérir, gagner.
  • 29° Consacrer un temps à l'étude d'une chose.
  • 30° Il se dit en parlant des différentes professions, métiers, emplois.
  • 31° Passer par, avoir pour maîtres, en parlant de domestiques.
  • 32° Faire une maladie, passer par une maladie, la subir.
  • 33° Il se dit de différentes occupations de la vie courante.
  • 34° Constituer quelqu'un en une certaine dignité ou titre.
  • 35° Donner à quelqu'un certaine qualité, condition.
  • 36° En termes de bourse, faire tant. En termes de finance et de jeu, faire bon.
  • 37° Il se dit des personnes qu'on se concilie, qu'on s'attache.
  • 38° Représenter un personnage.
  • 39° Prendre le caractère de jouer le rôle de.
  • 40° Causer, déterminer, procurer.
  • 41° Être ; constituer.
  • 42° Former un ensemble, un tout.
  • 43° Faire tout, avoir la suprême influence, être décisif.
  • 44° Représenter comme, en parlant de personnes ou de choses.
  • 45° Évaluer à un certain prix.
  • 46° Allouer, en parlant d'une somme
  • 47° En termes de grammaire, avoir une certaine désinence ou flexion.
  • 48° Rendre des excréments
  • 49° Chemin faisant.
  • 50° Faire suivi d'un adjectif pris adverbialement.
  • 51° Faire construit avec la particule en.
  • 52° Faire construit avec un infinitif
  • 53° Faire à savoir, faire connaître.
  • 54° Faire, verbe neutre. Opérer, travailler, se comporter
  • 55° Faire, avec un adverbe ou une locution adverbiale, se comporter comme l'indiquent l'adverbe ou la locution.
  • 56° Faire à quelqu'un, lui causer une certaine impression.
  • 57° Faire des armes, s'exercer à l'escrime.
  • 58° Faire, avoir une part dans le jeu, dans une affaire.
  • 59° Faire que, agir de manière que.
  • 60° Finir.
  • 61° Faire de, se comporter à l'égard de.
  • 62° Faire pour quelqu'un, le suppléer, tenir sa place, être son agent.
  • 63° Faire en, être négociant en.
  • 64° Faire pour, travailler pour ; faire pour, faire contre, être favorable à, contraire à.
  • 65° Avoir une influence, un effet quelconque.
  • 66° Dire, répliquer (fait-il, fit-il).
  • 67° Avoir fort à faire, avoir à faire, avoir beaucoup d'efforts à faire pour.
  • 68° C'est à faire à....
  • 69° Ne faire que, suivi d'un infinitif.
  • 70° Ne faire que de.
  • 71° Faire servant à remplacer un verbe qu'il faudrait répéter, et prenant alors la signification de ce verbe.
  • 72° Impersonnellement, faire sert à marquer l'état de l'atmosphère.
  • 73° Se faire, verbe réfléchi. Se constituer en un certain état.
  • 74° Se produire réciproquement.
  • 75° Être son propre instituteur.
  • 76° Se développer, en parlant des personnes.
  • 77° S'accoutumer, s'habituer.
  • 78° Se faire suivi d'un adjectif, devenir.
  • 79° Se faire suivi d'un infinitif, rend le verbe causatif en même temps que réfléchi.
  • 80° Se laisser faire, ne pas se défendre, ne pas opposer de résistance.
  • 81° Se faire, être fait.
  • 82° Impersonnellement, être, arriver.
  • 1Donner l'être ou la forme. Dieu a fait l'homme à son image. Dieu a fait le monde en six jours. Vos mains m'ont fait et m'ont formé ; donnez-moi l'intelligence, afin que j'apprenne vos commandements. [Sacy, Bible, Psaume CXVIII, 73] Ils pensent que pour eux le ciel fit l'Amérique. [Voltaire, Alzire, ou Les américains] Sur un modèle égal ayant fait les humains. [Voltaire, Les Scythes] Élevés ensemble, nés le même jour dans ce château, vous conviendrez qu'il semble que la destinée les ait faits l'un pour l'autre. [Genlis, Théât. d'éduc. la Cloison, sc. 1]

    Tous les jours que Dieu fait, c'est-à-dire chaque jour.

    Par extension. Tithon n'a plus les ans qui le firent cigale. [Malherbe, VI, 18]

    Fig. Homère a fait Virgile, dit-on ; si cela est, c'est sans doute son plus bel ouvrage. [Voltaire, Ess. poés. épiq. III]

  • 2Engendrer. Faire un enfant, en parlant d'une femme, le mettre au monde. Et aussi en parlant de l'homme : Vous ferez un enfant, et vous voilà bien avancé !

    Faire un enfant à une femme, la rendre enceinte. Il [Frédéric] a fait plus de livres qu'aucun des princes contemporains n'a fait de bâtards, et il a remporté plus de victoires qu'il n'a fait de livres. [Voltaire, Correspondance]

    Faire des petits, en parlant des femelles des animaux, mettre bas. C'est une épagneule très petite, ajouta Zadig ; elle a fait depuis peu des chiens. [Voltaire, Zadig, ou La destinée] Lorsque la marte est prête à mettre bas, elle grimpe au nid de l'écureuil, l'en chasse, en élargit l'ouverture, s'en empare et y fait ses petits. [Buffon, Quadrupèdes] Les feuilles du haricot à bouquets incarnats, plongées dans l'eau par leur pédicule, y ont fait des racines, mais seulement à l'extrémité inférieure de ce dernier. [Bonnet, Usage des feuilles, 4e mém.]

    Cet enfant fait ses dents, les dents lui viennent.

    On dit d'un malade chez qui se produisent pathologiquement de l'albumine, du sucre, du tubercule : il fait de l'albumine, du sucre, du tubercule.

  • 3Façonner, fabriquer, construire, en parlant des oeuvres matérielles de l'art ou de l'industrie. Faire du pain, un habit, un tissu, une machine, une maison. ....Saluez ces pénates d'argile ; Jamais le ciel ne fut aux humains si facile Que quand Jupiter même était de simple bois ; Depuis qu'on l'a fait d'or, il est sourd à nos voix. [La Fontaine, Phil. et Bauc.]

    Faire le vin, se dit de toutes les opérations qui forment la fabrication du vin.

    Faire le dîner, le déjeuner, préparer le dîner, le déjeuner.

    Faire à dîner, donner de quoi dîner. Faites-moi à dîner.

    Ne faire oeuvre de ses doigts, et, plus souvent de ses dix doigts, ne faire rien du tout, ne point travailler.

    Il se dit aussi des travaux des animaux. Les abeilles font le miel. L'oiseau fait son nid.

    Fig. Faire des brioches, voir BRIOCHE. Les symphonistes de l'opéra, après Lulli, étaient si inhabiles et excitaient si bien les cris du parterre, qu'ils étaient taxés à six sols par faute qu'ils faisaient devant le public ; avec le total de ces amendes ils faisaient faire une immense brioche qu'ils mangeaient ensemble ; les condamnés à l'amende paraissaient à ce festin avec une petite brioche en carton à la boutonnière ; on les nomma croque-brioche, faiseurs de brioches ; et, par abréviation, brioche devint synonyme de faute, d'ânerie. [Castil-blaze, Hist. de l'acad. de musique, t. II, ch. 2, p. 68]

  • 4Se dit dans le même sens, en parlant des oeuvres de l'intelligence, de l'imagination Faire un projet, un plan. Faire un poëme, un conte, des vers. Il y a un vieux évêque d'Évreux, qui a plus de quatre-vingts ans ; c'était autrefois l'évêque du Puy ; il a fait la vie de ma grand'mère. [Sévigné, 406] Et toujours mécontent de ce qu'il vient de faire, Il plaît à tout le monde et ne saurait se plaire. [Boileau, Satires] Faisant le même calcul sur le quatrième satellite de Jupiter, que nous avons supposé grand comme la terre, nous verrons qu'il aurait dû se consolider jusqu'au centre en 2905 ans. [Buffon, Théorie de la terre]

    Terme de peinture. Peindre. Faire l'histoire. Faire les animaux. Ce peintre ne fait que le paysage. Faire sec et dur, peindre sèchement et durement. Pigal, qu'on appelait à Rome le mulet de la sculpture, à force de faire, a su faire la nature, la faire vraie, chaude et vigoureuse. [Diderot, Salons de peinture]

  • 5Il s'emploie dans un sens beaucoup plus étendu, en parlant de tout ce qu'un sujet opère, effectue, exécute dans l'ordre physique ou dans l'ordre moral. Ne fais point d'autre crime, et j'atteste les dieux Qu'au lieu de t'en haïr, je t'en aimerai mieux. [Corneille, Horace] Il veut publiquement Du prince Héraclius faire le châtiment. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Tu feras après ta harangue. [La Fontaine, Fables] Tu vois, Toinette, les desseins violents que l'on fait sur lui [sur mon coeur]. [Molière, Le malade imaginaire] Nous avions bu de je ne sais quel vin Qui m'a fait oublier tout ce que j'ai pu faire. [Molière, L'amphytrion] Ne voulez-vous point, un de ces jours, venir voir avec elle le ballet et la comédie que l'on fait chez le roi ? [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Tu crains pour moi les maux que j'ai voulu me faire, Et tu ne trembles point de ceux que tu me fais. [Corneille Th. Ariane] Lamech, sorti de Caïn, avait fait le second meurtre, et on peut croire qu'il s'en fit d'autres après ces damnables exemples. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] La mémoire de Joseph et des merveilles que Dieu avait faites par ce grand ministre des rois d'Égypte était encore récente. [Bossuet, ib. II, 3] J'ignore de quel crime on a pu me noircir, De tous ceux que j'ai faits je vais vous éclaircir. [Racine, Britannicus] Ce que j'ai fait, Abner, j'ai cru le devoir faire. [Racine, Athalie] On accumule ces richesses qui sont le fruit des péchés qu'on a déjà faits, et les moyens de ceux qu'on veut faire. [Fléchier, I, 140] Vous semblez approuver mes feux ; Mais vous ne faites rien de tout ce qu'il faut faire Pour rendre mon amour heureux. [Chaul. à la marquise D. L.] Elle leur fait [à ses fils] une destinée au gré de ses souhaits, sans consulter si les conseils éternels s'ajustent avec la témérité de ses espérances. [Massillon, Carême, Vocation.] Sous ces fleurs trompeuses je trouvais à chaque pas le serpent qui faisait sur moi des morsures cruelles. [Massillon, Paraphr. Ps. XXII] Je ne me souviens plus quel était l'honnête homme qui priait Dieu tous les matins que ses ennemis fissent des sottises. [Voltaire, Correspondance] En général, les animaux peuvent apprendre à faire mille fois tout ce qu'ils ont fait une fois, à faire de suite ce qu'ils ne faisaient que par intervalles, à faire pendant longtemps ce qu'ils ne faisaient que pendant un instant, à faire volontiers ce qu'ils ne faisaient d'abord que par force, à faire par habitude ce qu'ils ont fait une fois par hasard, à faire d'eux-mêmes ce qu'ils voient faire aux autres. [Buffon, Disc. nat. anim. Oeuvres, t. v, p. 360, dans POUGENS.]

    Faire que sage, c'est-à-dire faire la chose que ferait une personne sage, voir QUE.

  • 6Faire quelque chose pour quelqu'un, lui accorder ou lui faire obtenir quelque chose. Il n'a rien voulu faire pour sa famille. C'est là [à la cour] que l'on sait parfaitement ne faire rien ou faire très peu de chose pour ceux que l'on estime beaucoup. [La Bruyère, VIII]

    On dit de même : la nature a tout fait pour lui, c'est-à-dire il est doué de très heureuses dispositions.

  • 7Il se dit des choses qui sont agents de quelque chose. La mine fit explosion. La grêle a fait du dégât. Ce qui fit vos grandeurs fera votre ruine. [Chénier M. J. Oedipe roi, II, 2]

    Opérer. Les planètes font leur révolution autour du soleil en un temps déterminé.

  • 8Se faire, faire à soi, se créer, se procurer. C'en est peut-être assez [de fermeté] pour une âme commune Qui du moindre péril se fait une infortune. [Corneille, Horace] Je me fais des vertus dignes d'une Romaine. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Et de cette union de tendresse suivie Se faire les douceurs d'une innocente vie. [Molière, Les femmes savantes] Une fille.... Qui, dans l'obscurité nourrissant sa douleur, S'est fait une vertu conforme à son malheur. [Racine, Britannicus] Aux champs Apuliens se faire une patrie. [Voltaire, Tancrède] On se fait des idées vagues et des préjugés sur tout. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV] Je me suis fait enfin dans ces grossiers climats Un esprit et des moeurs que je n'espérais pas. [Voltaire, Les Scythes] Il proscrit le sénat, et s'y fait des amis. [Voltaire, Catilina, ou Rome sauvée]

    Se faire fête d'une chose, s'en réjouir.

    Se faire honneur ou gloire de quelque chose, s'en tenir honoré, glorieux.

  • 9Faire d'une personne, d'une chose.... la changer en, en user comme de... Que de tous tes sujets il fasse des rebelles. [Corneille, Pertharite, roi des Lombards] Et d'Indou qu'il était on vous le fait Lapon. [La Fontaine, Fables] Il [le loup] s'habille en berger, endosse un hoqueton, Fait sa houlette d'un bâton. [La Fontaine, ib. III, 3] Aussi les missionnaires eurent-ils la sagesse de civiliser, jusqu'à un certain point, les sauvages, avant de penser à les convertir ; ils n'essayèrent d'en faire des chrétiens, qu'après en avoir fait des hommes. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]

    Fig. Faire d'une mouche un éléphant, exagérer excessivement une petite chose.

    Faire de quelque chose une obligation, un devoir, etc. l'imposer comme une obligation, un devoir. Et avec le pronom personnel, se faire un devoir, une obligation d'une chose, la considérer comme de devoir, comme d'obligation.

    Faire un mérite à quelqu'un de quelque chose, lui tenir cette chose à mérite. Et, avec le pronom personnel, se faire un mérite d'une chose, la considérer comme un mérite pour soi.

    Faire gloire, faire vanité de quelque chose, en tirer gloire, vanité.

    Faire ses délices de quelque chose, y prendre un plaisir extrême.

  • 10Faire suivi de la préposition de, signifie disposer de quelqu'un ou de quelque chose, en tirer parti d'une façon quelconque. Que voulez-vous que je fasse de cet homme-là ? Nous avons besoin d'argent, il n'en sait que faire. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] Que ferez-vous de cette chose, de cette personne, c'est-à-dire à quoi vous servira-t-elle ? Que ferait-il de moi ? que ferais-je de lui ? [Boursault, Ésope à la cour, IV, 1] Qu'avez-vous fait de cette personne, de cette chose ? c'est-à-dire comment en avez-vous disposé ? qu'est-elle devenue ? Français, qu'avez-vous fait du héros que j'adore ? [Voltaire, Adélaïde du Guesclin]

    Faire ce qu'on veut de quelqu'un, se dit d'une personne facile ou faible qui s'accommode à ce qu'on veut d'elle. À nul fâcheux débat jamais vous ne viendrez, Et vous ferez de lui tout ce que vous voudrez. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur]

    Faites-en des choux, des raves, c'est-à-dire faites-en ce que vous voudrez.

    N'avoir que faire de, n'avoir pas besoin de (grammaticalement, la locution équivaut à : n'avoir chose que l'on puisse faire de....). Qu'a-t-on que faire de l'agriculture ? où l'on donne le bien pour rien, à quoi bon travailler pour l'acquérir ? [Guez de Balzac, Des gens savants.] Veux-tu le réserver [le bien] Pour un âge et des temps qui n'en ont plus que faire ? [La Fontaine, Fables] Ma foi, je crois que je n'ai que faire d'aller au magicien, et voici qui me montre tout ce que je puis demander. [Molière, Le mariage forcé] Je sais bien que Votre Majesté n'a que faire de toutes nos dédicaces. [Molière, Les précieuses ridicules] Il dit fort posément ce dont on n'a que faire. [Racine, Les plaideurs]

    N'avoir que faire à quelqu'un, n'avoir rien à faire auprès de lui. Je n'ai point été le voir parce que je n'ai que faire à lui. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    On n'a que faire, il est inutile. On n'a que faire d'avoir peur de trop charger la complaisance. [Molière, L'avare] Vous n'avez que faire de vous reprocher vos vérités. [Bernardin de Saint-pierre, Mort de Socr.]

    N'avoir que faire, être inutile. Vous êtes un sot de venir vous fourrer où vous n'avez que faire. [Molière, Le médecin malgré lui] Un gouverneur n'a que faire ici. [Sévigné, 489]

    N'avoir que faire de quelqu'un ou de quelque chose, n'en faire nul cas. Je n'ai que faire de lui et de ses visites.

    N'avoir que faire, signifie aussi qu'on désapprouve, qu'on trouve mauvais. Je n'ai que faire de vos discours. Je n'ai que faire ni d'air ni de chanson. [Molière, Les précieuses ridicules] Tu n'as que faire de railler. [Molière, L'impromptu de Versailles] Nous n'avons que faire de leurs démêlés. [Pascal, Les provinciales]

  • 11Employer ses forces, son activité à quelque chose, s'en occuper, y passer son temps. Faire un travail. Faire sa besogne. Il n'a rien fait de toute la journée. Que fait-il tout le long du jour ? Le ciel me sera témoin que j'ai fait pour toi tout ce que j'ai pu. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Hé ! bonjour, ma chère Lisette ; comment te portes-tu, mon enfant ? que fait ta belle maîtresse ? [Regnard, Le retour imprévu]

    Ne rien faire, ne faire rien, vivre dans l'oisiveté. Vous n'êtes pas homme à vous embarrasser de ce que disent les dames de salon avec un nombre de fainéants, lâches envieux qui ne veulent rien faire et qui sont fâchés que les autres fassent. [Maintenon, Lettres] Parce que la noblesse ne faisait rien, on a cru qu'il n'y avait rien de si noble que de ne rien faire. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]

    Ne faire rien, se dit d'un écolier qui ne travaille pas, ne s'applique pas. Un jeune homme qui ne fait rien.

    N'avoir rien à faire, plus rien à faire, n'avoir pas ou plus d'occupation.

    C'est une personne à tout faire, qu'on peut employer ou qu'on emploie à tout dans une maison ; en mauvaise part, c'est une personne dangereuse, capable d'actions mauvaises ou violentes.

    Je ne puis, je ne sais que faire à cela, c'est une chose où je ne puis rien.

    Que voulez-vous que j'y fasse ? c'est-à-dire, je n'y puis rien, cela ne dépend pas de moi.

    C'est un faire le faut, voyez FAIRE LE FAUT, à son rang.

    Je n'en ferai rien, je me garderai bien de faire ce dont il est question. Vous voulez que je parte ; je n'en ferai rien. Non, je n'en veux rien faire ; et, dans cette occurrence, Tout ce que vous croirez m'est de peu d'importance. [Molière, Le misanthrope]

    On dit dans le même sens et dans le langage familier : non ferai. Je proteste de ne prétendre rien à tous vos biens, pourvu que vous me laissiez celui que j'ai. - Non ferai, de par tous les diables. [Molière, L'avare]Faire du mal à quelqu'un, lui causer une souffrance physique ou morale. Oiseleur, laisse-moi, dit-il [l'autour] en son langage ; Je ne t'ai jamais fait de mal. L'oiseleur repartit : Ce petit animal T'en avait-il fait davantage ? [La Fontaine, Fables] Je lui fais plus de mal que tous les autres. [Sévigné, 230]

    Faire quelque chose à quelqu'un, l'offenser, lui faire du mal. Ils ne seront pas plus ravis que de voir pendre un Limosin. - Qu'est-ce que les Limosins leur ont donc fait ? [Molière, Monsieur de Pourceaugnac] Cela est bien horrible d'être accusée par un mari, lorsqu'on ne lui fait rien qui ne soit à faire. [Molière, George Dandin] Moi qui jamais n'ai rien fait à personne, Il semble qu'aujourd'hui tout le monde m'en veut. [Imbert, Jaloux sans amour, IV, 11] Faire du bien à quelqu'un, se dit d'une personne qui donne des secours à quelqu'un dans la gêne ; se dit aussi d'une chose qui procure du bien-être. Cette potion lui fit du bien.

    Elliptiquement, grand bien vous fasse, se dit quand, refusant de faire une chose qui est proposée, on souhaite poliment que la chose fasse bien à celui qui la propose. Serviteur, et grand bien te fasse, Dit le hibou, pour moi, je veux guérir. [Lamotte, Fables, V, 1]

  • 13 Terme d'agriculture. Récolter. Les cultivateurs ont fait beaucoup de légumes cette année. On fera beaucoup de vin en Bourgogne.

    Faire les foins.

    Fig. Faire ses orges, voir ORGE.

    Il signifie aussi semer, cultiver, sans impliquer l'idée de récolte. J'avais fait du blé d'hiver, il n'a pas réussi.

  • 14Dans le commerce, faire signifie le genre d'opérations auxquels on se livre. Ce jardinier fait les primeurs. Ce négociant fait les eaux-de-vie.
  • 15Produire le même effet, le même résultat que.... Le fusil était chargé avec du petit plomb ; mais, tiré de près, le coup fit balle. Les doigts, qui ont deux lignes de largeur, sont à peu près égaux en grosseur, mais le premier doigt, qui fait pouce, et qui a de longueur douze lignes, a un ongle de trois pouces six lignes qui est large et plat comme ceux des makis. [Buffon, Quadrupèdes]

    Terme de vétérinaire. Faire les forces, faire ciseaux, se dit d'un cheval qui remue sans cesse sa mâchoire. Faire grenier ou magasin, se dit lorsque des pelotes d'aliments restent entre les joues et les molaires du cheval. Faire la révérence, broncher.

  • 16Arranger, mettre dans un état convenable. Faire une chambre. Faire un lit. Faire un appartement. Faire les habits. Un grand benêt de vingt-cinq ou vingt-six ans, qu'elle avait pris pour faire le jardin. [Sévigné, 143] Au noble hôtel de la Vermine, On est logé très proprement ; Rivarol y fait la cuisine, Et Champcenets l'appartement. [Beaumarchais, Épigr.]

    Faire la barbe, raser.

    Terme de boucherie. Faire une bête, la tuer et la préparer comme il faut.

    Fig. Faire le bec à quelqu'un, voir BEC.

    Familièrement. Faire maison nette, congédier tous ses domestiques.

    Faire table rase, voir TABLE.

  • 17Mettre en pratique, observer, en parlant de choses d'obligation, de précepte. Faire ce que Dieu ordonne. Faites votre devoir, et laissez faire aux dieux. [Corneille, Horace] Si les sages mortels à qui je dois la vie N'avaient fait à mon coeur un contraire devoir. [Voltaire, L'orphelin de la Chine]

    Terme de jurisprudence. Obligation de faire, obligation d'accomplir une action. Obligation de ne pas faire, obligation de s'abstenir d'une action.

    Se conformer à une prescription, à une obligation temporaire. Faire diète. Faire gras. Faire la quarantaine, ou faire quarantaine. Ce sont les riches qui n'ont pas la force de faire carême ; les pauvres jeûnent toute l'année. [Voltaire, Dictionnaire philosophique]

    Fig. Faire son devoir, se dit de choses employées avec une grande force à faire quelque chose. Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir. [La Fontaine, Fables]

    Faire une fête, la célébrer. Faire les Rois. Faire la Cène. Je m'en vais après dîner à Brévanes faire la Saint-Martin. [Sévigné, 479]

    Populairement. Faire le lundi, passer la journée du lundi à s'amuser au lieu de travailler.

    Faire le sabbat, voir SABBAT.

  • 18Former par un exercice convenable. Ce général a fait de bons officiers. Tandis que, pour faire des soldats, il obligeait les hommes à une vie si laborieuse et si tempérante. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]

    Faire la main, donner de l'habileté à la main. Cela fait la main.

    Se faire la main, devenir habile de la main.

    Terme de fauconnerie. Faire l'oiseau, le dresser.

    Accoutumer, habituer. Les voyages l'ont fait à la fatigue. Voiture qui, si galamment, Avait fait je ne sais comment Les muses à son badinage. [Sarrasin, Pompe funèbre de Voiture.]

  • 19Se dit des choses qui marquent espace, étendue. Faire des pas. Faire une promenade. Faire un tour de jardin. Un homme qui fait deux lieues par heure. Faire du chemin. Voyage qui ne peut pas être moins de trois cents lieues ; et autant tout au moins pour les autres détours en différents endroits ; il se trouvera qu'Alexandre, dans l'espace de moins de huit ans, aura fait avec son armée dix-sept cents lieues, sans parler de son retour à Babylone. [Rollin, Histoire ancienne] M. Fabry, qui avait erré pendant quinze mois dans les terres de l'Ouest, au delà du fleuve Mississipi, m'a assuré qu'il avait fait souvent trois et quatre cents lieues sans rencontrer un seul homme. [Buffon, Quadrupèdes]

    Fig. Faire son chemin, obtenir de l'avancement, s'enrichir.

    On dit dans le même sens, il a bien fait du chemin en peu de temps.

    Faire des progrès, voir PROGRÈS.

  • 20Il exprime un grand nombre de modes d'action et de manières d'être, au moyen des autres mots de la phrase auxquels il est lié et qui lui donnent sa signification spéciale. En voici quelques exemples.

    Faire l'admiration, être admiré. Quoique jeune encore, il faisait l'admiration de tous ceux qui le connaissaient. [Rollin, Histoire ancienne]

    Faire des affaires, de mauvaises affaires à quelqu'un, lui susciter des embarras, des querelles, des périls. Les mauvaises affaires que M. d'Aubigné s'était faites l'obligèrent à la fin de prendre un établissement à l'Amérique. [Mme de Caylus, Souvenirs, p. 11, dans POUGENS]

    Faire de mauvaises affaires, se ruiner, faire faillite.

    Faire besoin, être nécessaire. Quand nous faisons besoin, nous autres misérables, Nous sommes les chéris et les incomparables. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps]

    Faire un faux bond, commettre une faute. Mais s'il faut qu'à l'honneur elle fasse un faux bond. [Molière, L'école des femmes]

    Faire comparaison, comparer. Voyez ces animaux, faites comparaison De leurs beautés avec les vôtres. [La Fontaine, Fables]

    Cette muraille fait le coude, elle forme un coude, un angle.

    Faire le coup de fusil, échanger des coups de fusil avec une troupe armée.

    Faire des discours, tenir des propos, un langage. Tous ces signes sont vains ; quels discours as-tu faits ? [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps]

    Sa maison fait face à la mienne, elle est en face de la mienne.

    Ce tableau fait pendant à tel autre, il sert ou peut servir de pendant à tel autre.

    Faire bonne mine, bon visage à quelqu'un, voir MINE et VISAGE.

    Faire règle, loi, jurisprudence, c'est-à-dire être tenu pour règle, loi, jurisprudence. Ce texte fait règle. Cet exemple fait loi. Cet arrêt fait jurisprudence.

    Faire des siennes, faire des fredaines.

    On dit faire des leurs, quand il s'agit de plusieurs personnes. Causant, riant, faisant des leurs, Les amours suivent sur deux lignes. [Béranger, Mon enterr.]

    Faire les yeux doux, voir OEIL.

    Ne faire ni une ni deux, voir DEUX.

  • 21Il se dit de certaines fonctions de guerre. Faire sentinelle, faire faction, faire la garde, faire le guet, faire la ronde, faire la revue d'une armée.
  • 22 Terme de marine. Faire de l'eau, faire sa provision d'eau.

    Faire eau, se dit en parlant d'un vaisseau qui a une fente par où l'eau s'introduit.

    Faire les vivres, réunir les vivres nécessaires. Faire du bois, faire la provision de bois pour le bâtiment.

    Faire le quart, faire bon quart, veiller pendant le quart.

    Faire abordage, donner contre un vaisseau par accident.

    Faire la contre-marche, faire passer le vaisseau derrière la flotte pour revirer ou changer de bord.

    Faire pavillon, déployer le pavillon.

    Faire des feux, indiquer par des fanaux le danger où l'on se trouve.

    Faire honneur à une roche, s'en éloigner.

    Faire porter, arriver pour avoir plus de vent dans les voiles.

    Faire servir, déployer les voiles, mettre le navire en route.

    Faire tête, présenter le cap au vent ou au courant.

    Faire vent arrière, prendre le vent en poupe.

    Faire le nord, faire le sud, naviguer vers le nord, vers le sud.

    Faire des bordées ou une bordée, synonyme de courir des bordées. Flacourt toucha en faisant sa bordée trop près du Diamant. Mém. de VILLETTE, 1686, dans JAL]

    Faire sa cale, arranger dans la cale de son navire tout ce qui doit y trouver place.

    Dans les galères, faire armes en couverte, c'était faire ce qu'on nomme aujourd'hui le branle-bas de combat.

    Anciennement. Faire cap à la flotte, prendre la tête de la flotte, marcher le premier dans une réunion de navires, pour indiquer la route à tous les bâtiments. Faire cap à la mer, tourner l'avant du navire du côté du large.

  • 23 Terme de natation. Faire la planche, se soutenir sur le dos dans l'eau.
  • 24 Terme de vénerie. Faire sa tête, se dit du cerf dont le bois pousse depuis le mois de mars jusqu'au mois d'août.

    Faire sa nuit, se dit du cerf qui sort des demeures à la fin du jour, et va aux gagnages, où il reste jusqu'au lendemain matin.

    Faire tête aux chiens, les attendre, se défendre, surtout en parlant du sanglier et du loup.

  • 25 Terme de jeux. Faire les cartes, les battre avant de les distribuer.

    Absolument. À qui est-ce à faire ?

    Faire une levée, prendre les cartes qui sont jouées pour un coup.Faire la main, faire sa main, c'est-à-dire faire le plus grand nombre de levées.

    Faire le jeu, mettre au jeu. Le jeu est-il fait ?

    Faire tant de points, gagner tant de points.

    Faire la partie de quelqu'un, jouer avec lui.

    Faire le whist, le boston de quelqu'un, jouer habituellement avec lui le whist, le boston. Après avoir fait le whist de la marquise. [Picard, Les trois quartiers]

    Absolument, faire le whist, le piquet, faire la partie de whist, de piquet.

    Au billard, faire signifie faire entrer une bille dans la blouse. Faire quelqu'un, faire sa bille. Faire une bille au doublé. Faire un carambolage, caramboler.

    Au trictrac, faire une case, un jan. Faire école, oublier de marquer les points que le coup de dé donne. Faire école de partie, oublier de marquer un trou.

    À la quintaine, faire une tête, enlever la tête avec la lance. Ils disputèrent le prix en une seule course, dans laquelle ils firent chacun quatre têtes. [Dangeau, I, 131, 4 mars 1685]

  • 26Amasser, mettre ensemble, en parlant d'argent ou de choses dont on a besoin. Voilà tout l'argent qu'il a pu faire. Faire des provisions, faire ses provisions. Faire une somme.

    Faire de l'argent, s'en procurer. Il avait des tableaux et des curiosités ; il en a fait quelque argent.

  • 27Faire des recrues, appeler des hommes sous les drapeaux.

    On a dit dans le même sens, mais on ne le dit plus guère, faire des hommes, faire des troupes, faire des régiments. Alexandre voulut faire ces nouvelles troupes pour contre-carrer les vieilles et réprimer leur licence. [Vaugelas, Q. C. 554] Lavardin et Amilly faisaient des troupes pour le roi dans le pays du Maine. [Retz, II, 316]

    On dit aussi faire la maison d'un prince, d'un grand seigneur.

  • 28Acquérir, gagner. Il a fait de très beaux bénéfices. Cet entrepreneur fait à peine ses frais. Je suis bien aise que saint Candide fasse des miracles ; mais je ne me soucie pas que ses miracles fassent de l'argent. [Maintenon, Lettres]

    On dit dans un sens analogue, faire une bonne maison.

    Faire fortune, gagner beaucoup d'argent. Il fit une assez grande fortune qu'il n'eût pas faite s'il n'eût été qu'homme de lettres. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV]

    Faire sa fortune, gagner puissance, dignité, gloire, crédit, renom. Il y avait entre Henri et Louis cette différence qui se trouve si souvent entre un gentilhomme qui a sa fortune à faire, et un autre qui est né avec une fortune faite. [Voltaire, Fragm. sur l'hist. art. 18]

    Faire sa fortune, signifie aussi devenir riche.

  • 29Consacrer un temps à l'étude d'une chose. Faire ses humanités, son apprentissage.

    Faire son temps, accomplir les années de son service. Ce soldat a fait son temps, il est libéré.

    Faire son temps, se dit aussi d'un forçat condamné pour un temps.

    Par extension. Ce vieillard a fait son temps, il a vécu longtemps.

    Cela a fait son temps, cela n'est plus de mise, n'a plus d'influence. Ces idées ont fait leur temps.

  • 30Il se dit en parlant des différentes professions, métiers, emplois qu'on exerce. Faire les fonctions de maître des cérémonies. Faire la médecine, le commerce, la banque. Il ne sait pas faire son métier.

    Fig. Faire métier et marchandise, trafiquer malhonnêtement. Ces gens qui, par une âme à l'intérêt soumise, Font de dévotion métier et marchandise. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur]

    Dans l'Église catholique, faire le diacre, le sous-diacre, faire les fonctions de diacre, de sous-diacre.

  • 31Passer par, avoir pour maîtres, en parlant de domestiques. Ce domestique a fait plusieurs maîtres. Cette femme de chambre n'est pas habile ; elle fera plusieurs maisons.
  • 32Faire une maladie, passer par une maladie, la subir. Elle a fait une maladie de langueur, et s'est vue réduite à la dernière misère. [Genlis, Théât. d'éduc. la March. de mod. sc. 5]
  • 33Il se dit de différentes occupations de la vie courante. Faire de l'exercice. Faire des visites. Faire une promenade.

    Faire un bon dîner, un mauvais dîner, avoir à son dîner des mets bons, mauvais. J'espère que, cet hiver, vous voudrez bien faire chez moi de ces petits dîners dont je prétends tirer tant d'avantages. [Racine, Lett. à Boileau, 6 oct. 1692]

  • 34Constituer quelqu'un en une certaine dignité ou titre. Il a perdu d'honneur Celui que de mon fils j'ai fait le gouverneur. [Corneille, Le Cid] Ne vous hasardez point à faire un empereur. [Corneille, Othon] Je puis faire les rois, je puis les déposer. [Racine, Bérénice] Les évêques du temps des Carlovingiens faisaient et défaisaient les rois. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII] J'ai fait des souverains et n'ai pas voulu l'être. [Voltaire, Œdipe]

    Faire de l'Académie, de l'Institut, élire membre de l'Académie, de l'Institut. Il faudra le faire de l'Académie ; après avoir eu tant de prix, il est bien juste qu'il en donne. [Voltaire, Correspondance]

    Faire se dit aussi pour donner une profession. Il a fait son fils avocat, prêtre. Sa mère l'a faite couturière.

  • 35Donner à quelqu'un certaine qualité, condition, avec un nom de personne pour sujet. Disposez de mon sang, les dieux vous en font maître. [Corneille, Horace] Vous m'aurez faite heureuse, et c'est assez pour vous. [Corneille, Pertharite, roi des Lombards] Un autre peintre lui faisait voir le tableau d'une Hélène qu'il avait peinte avec soin et qu'il avait ornée de beaucoup de pierreries, il lui dit : Oh mon ami, n'ayant pu la faire belle, vous avez voulu du moins la faire riche. [Rollin, Histoire ancienne] On a trahi le fils, on fait la mère esclave. [Voltaire, La méroppe française] Madame d'Ostalis et moi, nous sommes ce qu'on nous a faites. [Genlis, Ad. et Théod. t. II, lett. 29, p. 259, dans POUGENS.]

    Faire quelqu'un dupe, le tromper. Il m'a fait sa dupe.

    Donner un certain caractère. Enfin je veux vous faire ennemis légitimes. [Corneille, Horace] J'ai fait des malheureux sans doute, et la Phrygie Cent fois dans votre sang a vu ma main rougie. [Racine, Andromaque] Prennent-ils donc plaisir à faire des coupables, Afin d'en faire après d'illustres misérables ? [Racine, La Thébaïde, ou Les frères ennemis] Et je vous ferai juge entre Athalie et lui. [Racine, Athalie] De deux fils que j'aimai les dieux m'avaient fait père. [Voltaire, Brutus] Sophonisbe en ces lieux peut faire des perfides. [Voltaire, Soph. IV, 1] La raison fait des philosophes, et la gloire fait des héros ; la seule vertu fait des sages. [Vauvenargues. Max. 531]

    Avec un nom de chose pour sujet. Et nous verrons ainsi que fait mieux un brave homme Des leçons d'Annibal, ou de celles de Rome. [Corneille, Nicomède] Les exploits Qui vous ont fait l'envie et la terreur des rois. [Rotrou, Bélisaire] Inspirez-nous cette bonne volonté qui fait les justes. [Massillon, Carême, Tiédeur, 1]

  • 36 Terme de bourse. La rente, la bourse a fait tant, c'est-à-dire le taux de la rente, de la bourse a été de tant.

    Terme de finances. Faire les deniers bons, se rendre garant du payement d'une somme. Locution vieillie.

    Terme de jeu. Faire bon, répondre qu'on payera tout ce qu'on perdra au delà de ce qui est au jeu. Faire bon partout. Faire bon de tout.

  • 37Il se dit des personnes qu'on se concilie, qu'on s'attache, etc. Faisons des protecteurs sans faire d'ennemis. [Corneille, Théodore et Héraclius] Tout ami dit : j'ai fait un ami, et ce lui est une grande joie. [Bossuet, Politique tirée des propres paroles de l'Écriture sainte] En un soir, ce n'est pas être heureux à demi, Je trouve un doux asile et je fais un ami. [Collin D'harleville, Chât. en Esp. II, 11]

    Faire une maîtresse, gagner l'amour d'une femme. Tous sauraient comme lui, pour faire une maîtresse, Perdre le souvenir des beautés de leur Grèce. [Corneille, La toison d'or] Cléon fait chaque jour de nouvelles maîtresses. [Destouches, Dissip. I, 2]

    Très familièrement. Faire une femme, se dit pour faire une maîtresse.

    Faire un amant, en parlant d'une femme. Il est vrai, jusqu'ici je n'ai point fait d'amants ; Mais je n'ai point encor passé le temps d'en faire. [Hauteroche, Les Bourgeoises de qualité] Aussi, m'a-t-on dit, n'avait-elle guère fait d'amants, mais beaucoup d'amis et même d'amies. [Marivaux, La vie de Marianne]

  • 38Représenter un personnage. Faire les amoureux, les valets. Et qui fait les rois parmi vous ? [Molière, L'impromptu de Versailles] Mme de Caylus fait Esther. [Sévigné, 572]

    Faire tel ou tel personnage, se donner pour avoir telle ou telle qualité. L'un devait faire le maître, et l'autre le valet.

    Fig. Faire un sot personnage, un plat personnage, figurer d'une manière peu honorable, désagréable, ou nulle, parmi d'autres personnes, dans une affaire.

  • 39Prendre le caractère de, jouer le rôle de. D'une vaine parure inutile à sa peine, Elle peut acquérir de quoi faire la reine. [Corneille, Médée] Ce serait à vos yeux faire la souveraine. [Corneille, Nicomède] Il me souvient que votre oncle a déjà commencé par un soufflet, à faire le Jupiter sur mon visage. [Hauteroche, Le Cocher supposé] Tandis que ce nigaud, comme un évêque assis, Fait le veau sur son âne et pense être bien sage. [La Fontaine, Fables] Il n'est pas jusqu'au savant Usser qui n'ait voulu, à ce qu'on prétend, faire le prophète. [Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes] Leur Confutzée, que nous appelons Confucius, n'imagina ni nouvelles opinions, ni nouveaux rites ; il ne fit ni l'inspiré, ni le prophète ; c'était un sage magistrat, qui enseignait les anciennes lois. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII] C'est alors que Pierre dit : Mon frère Charles veut faire l'Alexandre, mais il ne trouvera pas en moi un Darius. [Voltaire, Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand] Viens, Camille, Soupe avec nous, Que nous fassions les fous. [Béranger, Bonne fille.]

    Feindre d'être ce qu'on n'est pas. Ainsi la cruauté fait la douce, et paraît officieuse et bienfaisante. [Guez de Balzac, Ariste, ou De la cour] Dorante avec chaleur fait le passionné. [Corneille, Le menteur] Rien ne vous sert ici de faire le surpris. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes] Tu fais adroitement le doux et le sévère. [Corneille, Pertharite, roi des Lombards] En vain par politique il fait ailleurs l'amant. [Corneille, Tite et Bérénice] Je ferai le vengeur des intérêts du ciel. [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre] Je connus que j'avais trop fait le janséniste. [Pascal, Les provinciales]Mettre de l'affectation à se montrer avec telle ou telle qualité. Tu me braves, Cinna, tu fais le magnanime. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Ce trône refusé dont vous faites le vain. [Corneille, La toison d'or] Vous faites hors de temps le brave et le rebelle. [Mairet, Soliman] Elle [l'idolâtrie] faisait quelquefois la respectueuse envers la divinité. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] On fait le philosophe et l'esprit fort, et l'on est en secret le pécheur le plus rampant. [Massillon, Carême, Doutes sur la religion] Me voilà forcé par vous-même à m'exposer à toute la méchanceté de mes ennemis, à tout le ridicule d'un vieillard qui veut faire le jeune homme, et à tous les chagrins qui peuvent suivre un tel désagrément. [Voltaire, Correspondance]

    Se donner certains airs, prendre certaines manières. Il fait l'impertinent. Faire le dégoûté. Elle [mouche] s'en attribue uniquement la gloire, Va, vient, fait l'empressée. [La Fontaine, Fables] Cette D*** fait la personne de qualité. [Sévigné, 216] La vanité de faire l'éclairée quand je ne le suis pas. [Sévigné, 434]

    Faire le mort, faire semblant d'être mort. L'autre plus froid que n'est un marbre Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent. [La Fontaine, Fables]

    Fig. et familièrement. Faire le mort, dissimuler.

    Faire du, trancher de, simuler. Et faisant des mourants et de l'âme saisie. [Régnier, Satires] Il fait de l'insensible, afin de mieux surprendre. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes] J'ai fait du souverain et j'ai tranché du brave. [Rotrou, Venceslas] Un tel aveu vous surprend et vous touche ; Mais faire ici de la petite bouche Ne sert de rien.... [La Fontaine, Calendrier.] Apparemment Lanoue n'eût point fait du prophète s'il n'eût eu de ces présages politiques devant les yeux qui sont bien plus certains que les présages de la superstition. [Bayle, Lettre sur les comètes, p. 529]

    Faire de son drôle, faire le brave, et aussi avoir des succès. J'ai bravé ses armes assez longtemps [de l'amour] et fait de mon drôle comme un autre. [Molière, La princesse d'Élide] J'ai ouï dire, moi, que vous avez été autrefois un bon compagnon parmi les femmes ; que vous faisiez de votre drôle avec les plus galantes de ce temps-là. [Molière, Les fourberies de Scapin]

  • 40Causer, déterminer, procurer, avec un nom de personne pour sujet. Quand je lui veux partout faire des ennemis. [Corneille, Sertorius] ... Ou mille empêchements que vous ferez vous-même. [Corneille, Nicomède] Et j'aurais cette honte en ce funeste sort D'avoir prêté mon crime à faire votre mort. [Corneille, Oedipe] Que m'importe qu'il [le ciel] montre un visage plus doux Quand il fait des malheurs qui ne sont que pour nous. [Corneille, ib. v, 11] C'est à l'heur du retour que leur courage aspire Et non pas à l'honneur de me faire un empire. [Corneille, La toison d'or] Notre gloire, il est vrai, deviendra sans seconde, Si nous faisons sans eux la liberté du monde. [Corneille, Sertorius] Et je vous consolais au milieu de vos plaintes, Comme si notre Rome eût fait toutes nos craintes. [Corneille, Horace] [Ma mort].... Ferait une triste et prompte occasion De rejeter l'État dans la division. [Corneille, Pulchérie] Si dans les différends que le ciel vous peut faire. [Corneille, Suréna] Malgré toute la puissance romaine on voyait les chrétiens, sans révolte, sans faire aucun trouble, changer la face du monde et s'étendre par tout l'univers. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Si on le vit faire des réconciliations sincères dans ces lieux où l'on dissimule les haines et où l'on ne les quitte pas. [Fléchier, Panég. II, p. 353] Un roi victorieux nous a fait ce loisir. [Racine, Esther] .... Par quel charme.... Bajazet a pu faire un si grand changement. [Racine, Bajazet] Vous ferez d'un seul mot le sort de cet empire. [Voltaire, L'orphelin de la Chine] Occupez le sénat, faites-lui des coupables. [Chénier M. J. Tib. III, 2]

    Fig. Faire la pluie et le beau temps, régler tout à son gré. Je fais comme il me plaît le calme et la tempête. [Racine, Esther]

    Avec un nom de chose pour sujet. Cet Achille de qui la pique Faisait aux braves d'Ilion La terreur que fait en Afrique Aux troupeaux l'assaut d'un lion. [Malherbe, III, 1] Car Chimène aisément montra par sa conduite Que la haine aujourd'hui ne fait pas sa poursuite. [Corneille, Le Cid] La sienne [estime] dans la cour lui fait mille jaloux. [Corneille, Nicomède] La paix calme l'effroi que me fait la bataille. [Corneille, Horace] Ce qui fait nos frayeurs ne peut le mettre en peine. [Corneille, Polyeucte] Votre amour fait ma faute, il fera mon excuse. [Corneille, La mort de Pompée] Seigneur, l'occasion fait un coeur différent. [Corneille, Nicomède] Oui, je veux bien qu'on sache, et j'en dois être crue, Que le sort offre ici deux objets à ma vue, Qui, m'inspirant pour eux différents sentiments, De mon coeur agité font tous les mouvements. [Molière, L'école des maris] Ce nom [de gentilhomme] ne fait aucun scrupule à prendre. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Vous voyez ce que la douceur a fait sur son esprit. [Sévigné, 578] Leur attente frustrée fait leur supplice. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] La joie importune De tant d'amis nouveaux que m'a faits la fortune. [Racine, Bérénice] Une fontaine qui coulait dans un coin y faisait un doux murmure qui appelait le sommeil. [Fénelon, Télémaque] Vous devez sentir le vide de tout ce qui fait l'agitation et l'empressement des autres hommes. [Massillon, Carême, Prosp. temp.] C'est, sire, mon extrême et respectueuse tendresse pour votre personne.... qui, plus que tout, me fait du désir [m'inspire le désir] de me rapprocher de votre majesté. [Saint-simon, t. VIII, p. 242, édit. CHÉRUEL.] De grands États, tels que la Bourgogne, l'Artois, la Flandre, la Bretagne, la Guyenne, relevants de la couronne, faisaient toujours l'inquiétude du prince beaucoup plus que sa grandeur. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII] Cet habile naturaliste a remarqué, dans une lave grise, pesante et très dure, des cristaux assez gros, mais confus, lesquels réduits en poudre ne faisaient aucune effervescence avec l'acide nitreux. [Buffon, Minéralogie]

    Cela ne lui fait ni chaud ni froid, cela lui est tout à fait indifférent.

    Cela ne fait ni chaud ni froid, cela est indifférent, ne nuit ni ne sert.

  • 41Être, constituer. C'est gloire de passer pour un coeur abattu Quand la brutalité fait la haute vertu. [Corneille, Horace] Il fait toute ma gloire, il fait tous mes désirs ; Ne devrait-il pas faire aussi tous mes plaisirs ? [Corneille, Tite et Bérénice] L'habit fait la doctrine. [Pascal, Les provinciales] Quoiqu'ils ne refusent en effet que de reconnaître que Jansénius ait tenu ces propositions qu'ils condamnent, ce qui ne peut faire d'hérésie. [Pascal, ib. 17] La pensée qui fait l'être de l'homme. [Pascal, dans COUSIN] L'humilité d'un seul fait l'orgueil de tous. [Pascal, dans COUSIN] Les nouvelles d'Allemagne font toute notre attention. [Sévigné, 202] Les petites vertus qui font l'agrément de la société. [Sévigné, 266] Huit ou neuf ans au plus, dont on pourrait disputer sur un compte de 490 ans, ne feront jamais une importante question. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Toutefois cette vérité faisait si peu un dogme universel de l'ancien peuple, que les Saducéens, sans la reconnaître, non-seulement étaient admis dans la synagogue, mais encore élevés au sacerdoce. [Bossuet, ib. 6] Le sang des Ottomans dont vous faites le reste. [Racine, Bajazet] Que Dieu fera toujours le premier de vos soins. [Racine, Athalie] Ils vont jusqu'à un certain point qui fait les bornes de leur capacité. [La Bruyère, I] La crainte fait presque toute notre religion. [Massillon, Car. Confess.] Consolez mes vieux ans dont vous faites l'espoir. [Voltaire, Tancrède] L'amour du genre humain qui fait mon caractère. [Voltaire, Correspondance] Le nom de phénicoptère, oiseau à l'aile de flamme, est un exemple de ces rapports sentis qui font la grâce, l'énergie du langage de ces Grecs ingénieux. [Buffon, Oiseaux]

    On dit dans un sens analogue, faire un bon avocat, un bon soldat, etc. avoir les qualités qui font le bon avocat, le bon soldat, etc. Pour faire un bon mari vous aimez trop les femmes. [De Bièvre, Séducteur, II, 2]

  • 42Il se dit aussi de choses qui, par leur réunion, forment un tout, un ensemble. Deux et deux font quatre. Les qualités qui font le grand homme. Les plébéiens qui faisaient toujours le plus grand nombre dans ces assemblées. [Vertot, Histoire des révolutions arrivées dans le gouvernement de la République romaine] On trouva que le nombre des citoyens pubères faisait à Rome le quart de ses habitants. [Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence]
  • 43Faire tout, avoir la suprême influence, être décisif. L'argent faisait tout à Rome. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Les dates font tout en cette matière. [Bossuet, ib. II, 13] Les caractères de Guillaume et de Jacques firent tout. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV] D'un bout du monde à l'autre bout L'habit fait tout. [Béranger, Vieux hab.] Qu'est-ce que cela fait ? c'est-à-dire quelle influence cela a-t-il ? Qu'est-ce que cela fait à notre sujet ? [Bossuet, Nouv. myst. 10] Qu'est-ce que le nom fait à la chose ? [Voltaire, Phil. ignor. 13]

    Familièrement. Qu'est-ce que cela fait là ? c'est-à-dire à quoi cela sert-il en ce lieu-là ?

    Qu'est-ce que cela me fait ? que m'importe ?

    Ne rien faire à.... Être sans importance dans.... Rien n'y font les soupçons. [La Fontaine, F. avare] Hérès chez Platon ne ressuscita à la vérité que pour quinze jours ; mais c'était toujours une résurrection, et le temps ne fait rien à l'affaire. [Voltaire, Dictionnaire philosophique] Quoique les noms ne fassent rien à la nature, c'est cependant rendre service à ceux qui l'étudient que de les leur interpréter. [Buffon, Quadrupèdes]

  • 44Représenter comme, en parlant de personnes ou de choses. Ils reçoivent à bras ouverts un banni qui leur fait aisée la conquête de son pays. [Guez de Balzac, 2e discours.] Mais je vous vois, Maxime, et l'on vous faisait mort. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] L'indignité.... Dont je connais qu'à tort je te faisais l'auteur. [Rotrou, Bélisaire] Mais, las ! il le fait, lui, si rempli de plaisirs [le mariage], Que de se marier il donne des désirs. [Molière, L'école des femmes] Je viens d'apprendre que celui que tout le monde faisait auteur de vos apologies les désavoue. [Pascal, Les provinciales] Il n'est pas si terrible qu'on le fait. [Massillon, Carême, Fausse conf.]
  • 45Évaluer à un certain prix. Combien faites-vous le mètre de velours ? dix francs. Le marchand fit son chantre mille écus, et son grammairien trois mille. [La Fontaine, Vie d'Ésope.]
  • 46Allouer, en parlant d'une somme. C'était bien peu de ne faire que 100 livres à une fille qui avait apporté 8000 livres. [Bossuet, Lett. relig. 76]

    Faire les fonds, fournir l'argent nécessaire. C'est lui qui a fait les fonds de cette entreprise.

  • 47 Terme de grammaire. Avoir une certaine désinence ou flexion. Cheval fait au pluriel chevaux.
  • 48Rendre des excréments. Ce malade fait tout sous lui. Faire du sang, de la bile, des glaires, rendre du sang, de la bile, des glaires avec les selles. Ai-je bien fait de la bile ? [Molière, Le malade imaginaire]

    Absolument. Rendre ses excréments. Le duc de Gesvres voulut faire le gaillard au souper de la noce ; il en fut puni ; il fit partout dans le lit. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon] Quand vous aurez fait, vous couvrirez de terre vos excréments. [Voltaire, Phil. IV, 209]

    Faire dans ses chausses, laisser aller ses excréments dans sa culotte ; et fig. avoir une peur extrême. La postérité ne se doutera jamais combien, dans ce siècle de lumières et de batailles, il y eut de savants qui ne savaient pas lire et de braves qui faisaient dans leurs chausses. [Courier, Lettres de France et d'Italie]

    Faire de l'eau, uriner.

    Faire du sable, faire une pierre, rendre du sable, une pierre avec l'urine.

  • 49Chemin faisant, tout en cheminant ; locution qui est par inversion pour : en faisant chemin. Chemin faisant, il vit le cou du chien pelé. [La Fontaine, Fables]
  • 50Faire, suivi d'un adjectif pris adverbialement.

    Faire court, abréger. Mais bientôt il le prit en homme de courage, En galant homme et, pour le faire court, En véritable homme de cour. [La Fontaine, Joc.]

    Faire ferme, s'arrêter pour tenir tête à l'ennemi. Les Tyriens, voyant les ennemis maîtres de leur rempart, se retirèrent vers la place d'Agénor, où ils firent ferme. [Rollin, Histoire ancienne]

    Faire, avec un adverbe de quantité, autant, plus, assez. Je crois faire pour elle autant que vous pour Rome. [Corneille, Horace] Quand on a assez fait auprès de certaines personnes pour avoir dû se les acquérir, si cela ne réussit point, il y a encore une ressource qui est de ne plus rien faire. [La Bruyère, IV] J'ai fait plus que maint duc et pair Pour mon pays que j'aime. [Béranger, Vivand.]

    Faire tant, en venir à. L'aigle et le chat-huant leurs querelles cessèrent, Et firent tant qu'ils s'embrassèrent. [La Fontaine, Fables]

    À tant faire que de choisir, encore faut-il avoir ce qu'il y a de mieux.

  • 51Faire, construit avec la particule en. En faire de même, agir, se comporter semblablement. C'est que je l'aime et qu'on estime Qu'elle en fait de même de moi. [Malherbe, V, 20]

    En faire trop, assez. Quelle illusion ! de peur d'en faire trop pour Dieu, on ne fait rien du tout. [Massillon, Carême, Mort.] On se reproche de n'en pas faire assez pour une fortune de boue. [Massillon, ib.]

    En faire autant, faire la même chose. Une autre la suivit, une autre en fit autant. [La Fontaine, Fables]

    En faire à sa tête, ne faire que sa volonté. Qui voulant en faire à sa tête. [La Fontaine, Fables]

    En faire à deux fois, se reprendre plus d'une fois à quelque chose, avoir de l'hésitation. Sans en faire à deux fois, je vous conjure d'embrasser.... [Sévigné, 80]

    En faire à quelqu'un pour un bras, lui casser un bras en le battant. J'en suis pour mon honneur ; mais à toi qui me l'ôtes, Je t'en ferai du moins pour un bras ou deux côtes. [Molière, Sganarelle, ou Le cocu imaginaire]

    Populairement. Je croyais m'en tirer avec cent sous, je m'en suis fait pour quinze francs, c'est-à-dire la dépense s'est élevée à quinze francs.

  • 52Faire, construit avec un infinitif. Dans cette construction, faire donne à la phrase un sens causatif ; c'est par cet artifice que le français a remplacé les verbes causatifs qui se trouvent dans certaines langues ; aussi, en cet emploi, le participe fait est toujours invariable : les soupçons qu'il a fait naître, et non qu'il a faits naître, parce que faire naître est considéré comme un seul mot. En cet emploi faire a trois sens : être cause que ; charger de ; attribuer à.

    Être cause que. Cela fait dire à Cicéron que.... Que le sort favorable Lui fasse rencontrer un ami secourable. [Malherbe, I, 4] Qui le fait se charger du soin de ma famille ? Qui le fait, malgré moi, vouloir venger ma fille ? [Corneille, Horace] Mais, seigneur, je m'emporte, et l'excès d'un tel heur Me fait vous en parler avec trop de chaleur. [Corneille, Sertorius] Il a fait entendre les sourds et parler les muets. [Sacy, Bible, Év. St Marc, VII, 37] J'ai pâli du dessein qui vous a fait sortir. [Racine, Phèdre] [Calchas] Fera taire nos pleurs, fera parler les dieux. [Racine, Iphigénie en Aulide] Je le fis nommer chef de vingt rois ses rivaux. [Racine, ib. III, 6] L'amour d'une vaine gloire vous a fait parler sans prudence. [Fénelon, Télémaque] La nature n'a-t-elle pas imposé une grande peine au peuple et aux malheureux de les avoir fait naître dans la dépendance ? [Massillon, Petit carême]

    Faire faire, être cause qu'on fait. Vous savez les honneurs qu'on fit faire à son ombre. [Corneille, Polyeucte] Télémaque prend ces armes, don précieux de la sage Minerve, qui les avait fait faire par Vulcain. [Fénelon, Télémaque]

    Avec faire, on supprime d'ordinaire le pronom personnel d'un verbe réfléchi. Je l'en ferai repentir. Je ne feindrai pas de vous dire que le hasard nous a fait connaître il y a six jours. [Molière, Le malade imaginaire] Les mauvais traitements qu'il me faut endurer Pour jamais de la cour me feraient retirer. [Molière, Les fâcheux]

    Familièrement. Je ne lui fais pas dire, ou, ce qui est plus usité aujourd'hui, je ne le lui fais pas dire, il le dit de lui-même, c'est sa propre pensée, et non une pensée que je lui suggère. Vous l'entendez, monsieur, je ne lui fais pas dire. [Dancourt, Les bourgeoises à la mode]

    Charger de. Je ferai bâtir ma maison à ou par cet architecte. Il fit faire ses habits à ou par un mauvais tailleur. J'ai fait dire par un messager au médecin de venir.

    Attribuer, prétendre. Vous faites dire à Cicéron une chose qu'il n'a jamais dite. Et faisant faussement parler les immortels. [Rotrou, Antigone] À qui Strabon fait traverser l'Europe. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Le sang de ces héros dont tu me fais descendre. [Racine, Iphigénie en Aulide] Cessez de démentir Le sang des demi-dieux dont on me fait sortir. [Voltaire, La méroppe française]

  • 53Faire à savoir, faire connaître. Si j'avais du crédit en France, je ferais publier à son de trompe : On fait à savoir que, quand les Jacobins disent que la grâce suffisante est donnée à tous, ils entendent que tous n'ont pas la grâce qui suffit effectivement. [Pascal, Les provinciales] On fait à savoir à tous qu'un tel n'est pas heureux. [Courier, Lettres de France et d'Italie]

    Génin a établi par de bonnes raisons, ce semble, qu'il faut lire assavoir, ancien verbe (voir ASSAVOIR) qui fut jadis très employé. Il est de fait que dans ces sortes de constructions faire ne prend pas la préposition à. On trouve, il est vrai, dans la vieille langue des tournures telles que il fait à louer ; mais cela signifie non pas : il fait louer, mais : il agit de manière à être loué, il fait chose à louer.

    La Fontaine a dit simplement, dans le même sens, faire savoir. De par le roi des animaux Fut fait savoir à ses vassaux. [La Fontaine, Fables]

  • 54 vi Opérer, travailler, se comporter. Il apprendrait à vaincre en me regardant faire. [Corneille, Le Cid] Allons donc les voir faire et montons à la tour. [Corneille, La mort de Pompée] Le cerf ne pleura point, comment eût-il pu faire ? Cette mort le vengeait ; la reine avait jadis Étranglé sa femme et son fils. [La Fontaine, Fables] (l'édition originale est ainsi ; les éditions modernes ont, à tort : comment l'eût-il pu faire). Faites, prenez parti ; que rien ne vous arrête, Et ne me rompez pas davantage la tête. [Molière, Le misanthrope] Il faut faire et non pas dire ; et les effets décident mieux que les paroles. [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre] Que ne laissiez-vous un peu faire à la Providence ? [Sévigné, 430] L'attaque se fit avec une vigueur extraordinaire, et dura trois bons quarts d'heure ; car les ennemis se défendirent en fort braves gens ; mais comment auraient-ils pu faire ? pendant qu'ils étaient aux mains, tout notre canon tirait, sans discontinuer, sur les deux demi-lunes. [Racine, Lett. à Boileau, 3 avril 1691] En vérité, dit-il, voilà un grand embarras ! laissez-moi faire. [Fénelon, Télémaque] Voyant d'autres gens entrer, je fis comme eux, on me laissa faire. [Rousseau, Les confessions] Juger est une chose, et faire est une autre. [Diderot, Salons de peinture] L'intérêt personnel et l'habitude générale en dérobent le crime et la bassesse ; je fais, dit-on, comme font les autres, et l'on se plie à des actions contre lesquelles la conscience cesse bientôt de réclamer. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]

    Faire, être employé, avoir part aux affaires, à l'administration, au gouvernement. Le maréchal de Lorge, qui voulait faire, qui en sentait les moyens, ne cessait de proposer le siége de Mayence. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon] [Le duc de Duras] c'était un fort honnête homme et fort aimé, brave, doux, voulant faire, mais sans aucun esprit. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]

    Façon de faire, manière de faire, façon, manière dont on agit, dont on se comporte. J'ai hésité si je ne rapporterais pas cette espèce aux hirondelles de rivage, dont elle paraît avoir quelques façons de faire. [Buffon, Oiseaux]

    Avoir du savoir-faire, voir SAVOIR-FAIRE.

    Ainsi fit-il, aussi fit-il, se dit par inversion, il fit ainsi. Je lutte comme Jacob, mais il adora l'ange après avoir lutté, aussi fais-je. [Voltaire, Correspondance]Faire, avec un adverbe ou une locution adverbiale, se comporter comme l'indiquent l'adverbe ou la locution. Ayez soin que tous deux fassent en gens de coeur. [Corneille, Le Cid] N'empêchez point de bien faire celui qui le peut ; faites bien vous-même, si vous pouvez. [Sacy, Bible, Prov. de Salom. III, 7] Çà, voyons un peu comme vous ferez. [Molière, Monsieur de Pourceaugnac] J'avais mangé de l'ail et fis en homme sage De détourner un peu mon haleine de toi. [Molière, L'amphytrion] C'est faire en honnêtes gens que de débuter par là. [Molière, Les précieuses ridicules] Et l'on a trouvé que S. M. ne pouvait mieux faire que de jeter les yeux sur un si bon sujet. [Sévigné, 407] J'y ferai de mon mieux. [Sévigné, 556] Quand le Seigneur vous l'aura mise entre les mains [une ville], vous passerez au fil de l'épée tout ce qu'elle aura de combattants, en épargnant les femmes, les enfants et les animaux ; vous ferez ainsi à toutes les villes éloignées. [Bossuet, Politique tirée des propres paroles de l'Écriture sainte] Ceux qui font bien mériteraient d'être enviés, s'il n'y avait encore un meilleur parti à prendre, qui est de faire mieux. [La Bruyère, IV]

    Bien faire, signifie quelquefois agir à propos. Pour bien faire, il faudrait que vous le prévinssiez. [Racine, Andromaque]

    Bien faire, faire du bien. Le plaisir de bien faire est un plaisir céleste. [Tristan, La Mort de Chrispe ou Les Malheurs domestiques du Grand Constantin] La miséricorde divine ne cesse jamais de bien faire aux hommes. [Bossuet, Pénit. 1]

    Dans plusieurs provinces on dit qu'une femme est en train de bien faire, pour exprimer qu'elle est enceinte.

    Faire bien, se bien conduire. La comtesse de Guiche [qui venait de perdre son mari] fait fort bien ; elle pleure quand on lui conte les honnêtetés et les excuses que son mari lui a faites en mourant. [Sévigné, 173]

    Bien faire, mal faire, se comporter bien, mal dans un combat. Voilà notre avant-garde à bien faire animée. [Molière, L'amphytrion] Voyant que son régiment faisait mal. [Sévigné, 207] M. le duc était lieutenant général de jour, et fit à la Condé c'est tout dire. [Racine, Lett. à Boileau, 15 juin 1692]

    Être prêt à bien faire, être tout disposé aux plaisirs de la table, de l'amour. .... Étant donc la donzelle Prête à bien faire. [La Fontaine, Orais.] Nous étions à table, plusieurs, joyeux, en devoir de bien faire. [Courier, Pamphlets]

    Faire bien, avoir du succès, réussir. Quand il veut prendre la peine de parler, il fait très bien. [Sévigné, 183] Le voilà dans le monde, il y fait fort bien. [Sévigné, 498]

    Faire bien, faire mal, s'assortir, ne pas s'assortir, produire un bon, un mauvais effet. Le bleu et le jaune font bien l'un avec l'autre. Ce tableau ferait mieux ailleurs. Ces deux adverbes joints font admirablement. [Molière, Les femmes savantes] Il a laissé un petit bois sombre qui fait fort bien. [Sévigné, 202]

    Faire bien ou mal à, en parlant des personnes, faire bon accueil. Le roi fit fort bien à M. de Pomponne. [Sévigné, 408] Il [le duc de Bourgogne] salua Mme de Maintenon qui lui fit fort bien. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]

    Faire bien à, en parlant des choses, être agréable, utile. Le déjeuner m'a bien fait, je me trouve bien d'avoir déjeuné. Faire bien ou mal, ou tout autre adverbe ou locution adverbiale avec de, avoir raison, tort de.... Ne ferions-nous pas mieux d'accepter le parti ? [Corneille, Sertorius] Et fit très sagement de changer de logis. [La Fontaine, Fables]

  • 56Faire à quelqu'un, lui causer une certaine impression. Il est gai, il est content, il est favori de M. de Turenne ; comment vous fait ce nom ? [Sévigné, 607] Le roi était accoutumé au visage de Mme de Saint-Simon par les Marly et par la voir souvent à la suite de Mme la duchesse de Bourgogne, choses d'habitude qui lui faisaient infiniment. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]

    Rien ne lui fait, il est insensible aux avis, aux reproches, etc.

  • 57Faire des armes, s'exercer à l'escrime.
  • 58Faire, avoir une part dans le jeu, dans une affaire. Il partagea le prix avec le prince de la Roche-sur-Yon, parce qu'ils avaient fait de moitié ; mais ce marché fut un peu désapprouvé. [Dangeau, I, 131, 4 mars 1685]
  • 59Faire que, agir de manière que, avec l'indicatif quand la phrase est affirmative et à l'indicatif : Cela fait qu'on vient, cela fera qu'on viendra ; avec le subjonctif, quand on veut exprimer un souhait, un désir, un but qu'on se propose : Faites qu'on vienne. Fais que jamais rien ne l'ennuie. [Malherbe, II, 3] Fais que je porte envie à ta vertu parfaite. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Est-on d'une figure à faire qu'on se raille ? [Molière, Psyché] Et faisons qu'à ses fils il ne puisse dicter Que des conditions qu'ils voudront accepter. [Racine, Mithridate] Ses dernières comédies font qu'on s'étonne qu'il ait pu tomber de si haut. [La Bruyère, I] Tout cela fait qu'on vit et meurt plus tôt. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]

    Fasse que ou fassent que, se dit par forme de souhait. Fasse le juste ciel.... Que ces longs cris de joie étouffent vos soupirs. [Corneille, La mort de Pompée]

  • 60Finir. Nous n'aurions jamais fait, si nous voulions prendre à coeur les affaires du monde. [Guez de Balzac, Correspondance] Leurs coiffures toujours sont pour moi des supplies ; Jamais elles [les femmes] n'ont fait, j'en suis au désespoir. [Corneille Th. l'Inconnu, v, 4] Je n'aurais jamais fait si je voulais vous en faire le détail. [Sévigné, 180] Monsieur, peut-on entrer ? - Non, monsieur, ou je meure. - Hé ! pourquoi ? j'aurai fait en une petite heure. [Racine, Les plaideurs]

    On n'a jamais fait avec lui, c'est-à-dire il ne finit rien, il demande toujours.

    Il a fait à moi, il a fait avec moi, nous avons rompu, nous ne sommes plus amis ; cette phrase a vieilli. Et dès ce moment elle eût fait avec lui. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

  • 61Faire de, avec ainsi, comme, etc. se comporter à l'égard de. Tout homme bien sage Doit faire des habits ainsi que du langage. [Molière, L'école des maris] Je voudrais bien qu'on fît de la coquetterie Comme de la guipure et de la broderie. [Molière, Le bourgeois gentilhomme]
  • 62Faire pour quelqu'un, le suppléer, tenir sa place, et aussi être son agent, son commissionnaire, sa caution.
  • 63Faire dans les draps, être négociant en draps.

    Faire en meubles, se dit de toutes les fournitures nécessaires pour garnir les meubles : laines, crins, étoffes, etc. Marchand de literie et de faire en meubles.

  • 64Faire pour, travailler pour. Tu ne fais que pour toi, s'il t'en faut récompense. [Corneille, Pertharite, roi des Lombards] Et comme ils font pour eux, faisons aussi pour nous. [Corneille, Nicomède]

    Faire pour, faire contre, être favorable à, contraire à, avec un nom de personne pour sujet. Il faut avec vigueur ranger les jeunes gens, Et nous faisons contre eux à leur être indulgents. [Molière, L'école des femmes] Est-ce donc faire pour le progrès d'une langue que de.... [La Bruyère, XIV] Il y a une ville dans la Judée qui a toujours fait contre vous, elle s'appelle Nazareth. [Voltaire, Phil. v, 278]

    Avec un nom de chose pour sujet. C'est ce qui fait pour vous, et sur ces conséquences Votre amour doit fonder de grandes espérances. [Molière, L'école des maris]

  • 65Avoir une influence, un effet quelconque. L'argent fait plus auprès de lui qu'aucune recommandation

    Faire à. importer à, contribuer à. J'ai tâché d'expliquer celles [les expériences] qui faisaient le plus à mon sujet. [Descartes, Diopt. 2] Même si cela fait à votre allégement, J'avouerai qu'à lui seul en est toute la faute. [Molière, Le dépit amoureux]

  • 66Dire, répliquer ; Il n'est d'usage que dans ces locutions familières d'ailleurs : Fait-il, fait-elle, fis-je, fit-il, fit-elle. Monsieur, au nom de Dieu, lui fais-je assez souvent. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps] Moi, j'ai blessé quelqu'un, fis-je tout étonnée. [Molière, L'école des femmes]
  • 67Avoir fort à faire, avoir beaucoup d'efforts à faire pour venir à bout de quelque chose. Elle [la cour] aurait fort à faire et ses soins seraient grands D'avoir à déterrer le mérite des gens. [Molière, Le misanthrope]
  • 68C'est à faire à.... de.... se dit de quelqu'un qu'on reconnaît pour très capable de faire une chose. C'est à faire à lui d'ordonner une fête.

    Absolument. Saint Paul, saint Augustin ont prêché, c'était à eux à faire. [Sévigné, 594]

    Ironiquement. C'est à faire à.... il ne convient pas. C'est à faire à vous à parler ainsi.

    C'est à faire à.... de.... il n'appartient qu'à. Devant une telle beauté C'est à faire à des insensibles De conserver leur liberté. [Corneille, Ode sur un prompt retour] C'est à faire aux insensés de compter sur une vie qui doit finir et qui peut finir à toute heure. [St-évrem. Lett. à M. de Créquy] C'est à faire aux castors, dira l'Indien, de s'enfuir dans des tanières ; l'homme doit dormir à l'air dans un hamac suspendu à des arbres. [Rousseau, Correspondance]

    Absolument. Raisonner sur les affaires, délibérer longtemps, chercher la raison, la vérité, la justice avec application, selon eux c'est à faire au vulgaire. [Saint-réal, Usage de l'hist. Disc. 1]

    Fig. C'est à faire à du temps, le temps viendra à bout de. Philiste assurément tient son esprit charmé ; Je n'aurais jamais cru qu'elle l'eût tant aimé. - Alcidon, c'est à faire à du temps. [Corneille, La veuve] On dit aussi c'est à faire à.... à.... C'est à faire au vulgaire à sentir les fleurs, j'ai trouvé le moyen de les manger et de les boire. [Guez de Balzac, Correspondance]

    C'est à faire à, avec un infinitif, signifie aussi quitte pour (sens qui vieillit). Et s'il ose venir à quelque violence, C'est à faire à céder deux jours à l'insolence. [Corneille, Polyeucte] Vous coucherez aussi avec moi, si vous voulez. - J'ai ordre de coucher chez ma tante ; mais n'importe, c'est à faire à être un peu grondée. [Baron, Coquette et fausse prude, IV, 10] Qu'est-ce que de ne pas se produire par son beau côté ? c'est à faire à ne recevoir pas les louanges que l'on aurait remportées peut-être. [Bayle, Projet d'un dict. critique, 1]

    C'est à faire à, il ne reste plus qu'à, tout ce qui est à faire c'est de.... (sens qui vieillit). Aujourd'hui l'on s'assemble, aujourd'hui l'on conspire, L'heure, le lieu, le bras se choisit aujourd'hui ; Et c'est à faire enfin à mourir après lui. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] C'est à faire à périr pour le meilleur parti, Il ne m'en peut coûter qu'une mourante vie, Que l'âge et les chagrins m'auront bientôt ravie. [Corneille, Pulchérie]

  • 69Ne faire que, suivi d'un infinitif, signifie incessamment. Il ne fait qu'étudier. Pendant son séjour à Bade, il ne fit que jouer.

    Ne faire que croître et embellir, se dit d'une jeune fille qui chaque jour devient plus grande et plus belle.

    Par extension, s'augmenter, devenir pire. Sa passion pour le vin ne fait que croître et embellir.

    En un autre sens, ne faire que, équivaut à seulement. Je n'ai fait que le voir, c'est-à-dire je l'ai vu seulement. Ces beaux lieux ne faisaient que lui rappeler le triste souvenir d'Ulysse. [Fénelon, Télémaque] Les uns voient croître en paix, jusqu'à l'âge le plus reculé, le nombre de leurs années ; il en est qui ne font que se montrer à la terre. [Massillon, Pensées de la mort.] J'ai été bien malade cet hiver ; j'ai cru mourir ; mais je n'ai fait que vieillir. [Voltaire, Correspondance]

  • 70Ne faire que de, équivaut à tout à l'heure. Un prince qui pour lors ne faisait que de naître. [Corneille, Oedipe] Il ne fait que de sortir de ma chambre. [Sévigné, 70] Noé ne faisait que de mourir. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]
  • 71Faire sert à remplacer un verbe qu'il faudrait répéter, et prend alors la signification de ce verbe. Et comme ils font du vrai, du faux ils m'épouvantent [ils m'épouvantent par le faux, comme ils m'épouvantent par le vrai]. [Régnier, Élégies] Elle [Albe] m'estime autant que Rome vous a fait. [Corneille, Horace] L'exemple touche plus que ne fait la menace. [Corneille, Polyeucte] [Les oisillons] Se mirent à jaser aussi confusément Que faisaient les Troyens quand la pauvre Cassandre Ouvrait la bouche seulement. [La Fontaine, Fables] Ce baudet-ci m'occupe autant Que cent monarques pourraient faire. [La Fontaine, ib. VI, 11] Je veux savoir vos pensées à fond et vous connaître un peu mieux que je ne fais. [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre] Ah ! que j'ai de dépit que la loi n'autorise à changer de mari comme on fait de chemise. [Molière, Sganarelle, ou Le cocu imaginaire] Puisque me voilà éveillé, il faut que j'éveille les autres, et que je les tourmente comme on m'a fait. [Molière, La princesse d'Élide] Il l'appelle son frère, et l'aime dans son âme, Cent fois plus qu'il ne fait mère, fils, fille et femme. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur] Il fallait cacher la pénitence avec le même soin qu'on eût fait les crimes. [Bossuet, R. d'Anglet.] Vous m'enverrez la traduction, ainsi que vous avez fait la latine. [Bossuet, Lett. quiét. 317] Quand ils eurent résolu la mort de saint Paul, ils le livrèrent entre les mains des Romains comme ils avaient fait Jésus-Christ. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Les étrangers le connaissaient mieux que ne faisait une partie d'entre nous. [Fontenelle, Littre.] Charles voulait braver les saisons comme il faisait ses ennemis. [Voltaire, Histoire de Charles XII] Au milieu de ces troubles on parla de paix comme on fait toujours. [Voltaire, Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand]

    Il ne faut pas confondre cet emploi du verbe faire avec les cas où faire, gardant sa signification propre, gouverne le pronom le qui représente un verbe précédent. Je voulais partir ; mais je n'ai pu le faire. Je lui prête mon bras, et veux dès maintenant, S'il daigne s'en servir, être son lieutenant ; L'exemple des Romains m'autorise à le faire. [Corneille, Nicomède]

  • 72 Impersonnellement, faire sert à marquer l'état de l'atmosphère. Il fait jour. Il fait froid. Quelle chaleur il a fait tout le jour ! Les chaleurs qu'il a fait l'année dernière. Il a fait du vent. Il a fait un grand coup de vent. Il va faire de l'orage. Il a fait hier de la pluie. Il faisait doux quand nous sommes sortis. Il fait sec aujourd'hui. Selon le temps qu'il fait l'homme doit naviguer. [Régnier, Satires] M. le prince n'avait pas eu lieu de s'imaginer qu'il pût trouver le roi au retour du bain, par un temps aussi froid qu'il faisait. [Retz, III, 347] Allez doucement, il fait glacé, vous vous rompriez les jambes. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII]

    La locution il fait chaud s'explique par il, sujet indéterminé, annonçant le vrai sujet qui est placé plus loin par inversion ; il, c'est-à-dire le chaud, fait, c'est-à-dire règne. C'est pour cela que l'on dit : quelle chaleur il a fait, et non faite.

    Par extension, se dit des diverses conditions des choses. Il fait cher vivre à Paris. Qu'il fera dangereux rencontrer sa colère ! [Corneille, Le menteur] Il doit faire mal sûr recevoir vos serments. [Corneille Th. Le galant doublé] Il ne fait pas bien sûr, à vous le trancher net, D'épouser une fille en dépit qu'elle en ait. [Molière, Les femmes savantes] Il fait meilleur chez nous. [La Fontaine, Fables] La peste ! il y ferait bon, méfiant comme vous êtes. [Beaumarchais, Le barbier de Séville, ou La précaution inutile]

    Ironiquement. Il fait beau, il ferait beau, c'est-à-dire c'est, ce serait une chose ridicule. Il nous ferait beau voir attachés face à face à pousser de beaux sentiments. [Molière, L'amphytrion]

  • 73Se faire, vpron Se constituer en un certain état. Se faire avocat. Elle s'est faite religieuse. Mais je me fis toujours maître de ma fortune. [Corneille, Oedipe] De nos jours, un imposteur s'est dit le Christ en Orient ; tous les Juifs commençaient à s'attrouper autour de lui ; ils s'imaginaient déjà qu'ils allaient devenir les maîtres du monde, quand ils apprirent que leur Christ s'était fait Turc. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Jésus-Christ, tout saint qu'il était, n'a pas voulu entreprendre de se faire grand. [Bourdaloue, 10e dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 208] Qui sait que son Dieu l'a sauvé en se faisant petit, et qui prétend se sauver en se faisant grand. [Bourdaloue, ib. p. 209] Puisque Votre Majesté, qui s'est faite homme, continue toujours à m'honorer de ses lettres, j'ose la supplier de me dire comment elle partage sa journée. [Voltaire, Correspondance]

    Se faire belle, se dit d'une femme qui se pare.

    Se faire de fête, s'inviter soi-même. Il s'offre, il se fait de fête, il faut l'admettre. [La Bruyère, IX.]

  • 74Se produire réciproquement. Quand on a commencé à prendre ce train [une éducation vigoureuse et toute dévouée à la patrie], les grands hommes se font les uns les autres. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]
  • 75Se faire, être son propre instituteur, son propre maître. Son talent n'est pas ordinaire pour une femme, et pour une femme qui s'est faite toute seule. [Diderot, Salons de peinture]
  • 76Se développer, en parlant des personnes. C'est un jeune homme qui se fera. La fille crût, se fit ; on pouvait déjà voir Hausser et baisser son mouchoir. [La Fontaine, Coupe] Mlle de Marcay se fait et danse des mieux. [Maintenon, Lettres]

    Se bonifier, en parlant des choses. Ce vin, ce fromage s'est fait.

  • 77Se faire à, s'accoutumer, s'habituer. Et doutant s'ils voudront se faire à l'esclavage. [Corneille, Sertorius] Qui sait faire sa cour se fait aux moeurs des princes. [Corneille, Othon] Eh bien tant pis ! je fronde Ce mariage avec cet homme-là ; Mais, s'il est fait, le public s'y fera. [Voltaire, Prude, III, 6] Il [le cheval] voit le péril et l'affronte ; il se fait au bruit des armes, il le cherche et s'anime de la même ardeur. [Buffon, Quadrupèdes]

    Il se dit aussi des yeux, de l'imagination, etc. Rien ne nous surprendra de voir la même chose Où nos yeux se sont faits quinze ans sous Théodose. [Corneille, Pulchérie] L'imagination se fait à cette grande peine [un supplice]. [Montesquieu, L'esprit des lois]

    S'abaisser, condescendre. Passe encor de le voir [Jupiter], de ce sublime étage Dans celui des hommes venir, Prendre tous les transports que leur coeur peut fournir, Et se faire à leur badinage. [Molière, L'amphytrion]

  • 78Se faire, suivi d'un adjectif, devenir. Ces arbres commencent à se faire beaux. Nous nous faisons vieux sans nous en apercevoir.
  • 79Se faire, suivi d'un infinitif, rend le verbe causatif en même temps que réfléchi (bien entendu, dans ces constructions le participe fait est toujours invariable : Elle s'est fait connaître, ils se sont fait connaître). Faites-vous contenter par ce couple céleste. [La Fontaine, Fables] Si le mari ne se fût fait connaître, Elle en allait enfiler beaucoup plus. [La Fontaine, Mari conf.] La douceur de sa voix a voulu se faire paraître dans un air tout charmant qu'elle a daigné chanter. [Molière, La princesse d'Élide] L'histoire, de quelque manière qu'elle soit écrite, a le privilége de se faire lire. [D'olivet, Hist. Acad. t. II, p. 2] La marte ne s'approche jamais des maisons, et elle diffère encore de la fouine par la manière dont elle se fait chasser. [Buffon, Quadrupèdes] Une effrayante voix s'est fait alors entendre. [Voltaire, Œdipe]
  • 80 Familièrement. Se laisser faire, ne pas se défendre, ne pas opposer de résistance. Cette jeune fille s'est laissé marier à un homme qui ne lui convenait pas. Nous laisserons-nous faire ainsi ?
  • 81Se faire, être fait. La mauvaise subtilité est moins dangereuse quand on raconte des choses faites que quand on délibère des choses à faire ; ici, pour ne rien dire de pis, elle est cause que les choses ne se font point. [Guez de Balzac, Ariste, ou De la cour] Notre connaissance s'est faite à l'armée. [Molière, Les précieuses ridicules] Et vos noces se feront dès ce soir ? [Molière, Le mariage forcé] On veut que tout se fasse par moi ; et cela n'est point. [Maintenon, Lettres] Leurs habits, leurs tentes, leurs cordages, leurs tapis, tout se fait avec la laine de leurs brebis, le poil de leurs chameaux et de leurs chèvres. [Buffon, Histoire naturelle générale et particulière]

    La nuit se fait, la nuit commence. Arriver à l'heure où la nuit se fait.

    Terme de marine. Le jusant se fait, il prend de la force. La brise se fait, elle devient plus vive. Le vent s'est fait depuis le lever du soleil, il s'est levé ou il a pris de la consistance depuis le lever du soleil.

  • 82 Impersonnellement. Être, arriver. Comment se fait-il que vous ne soyez pas venu ? Il s'est fait des fentes dans cette muraille. Il se fit un grand silence. Il s'est fait des choses qu'on ne sait pas. Quoi ! se pourrait-il faire Qu'à l'oeuvre de ses mains Rome devînt contraire ? [Corneille, Nicomède] Il est visible qu'en tuant le monde de cette sorte il se ferait un trop grand nombre de meurtres. [Pascal, Les provinciales] Ce qui paraît le plus certain c'est qu'il se faisait des assemblées secrètes dans sa maison du Capitole. [Vertot, Histoire des révolutions arrivées dans le gouvernement de la République romaine]On dit de même il se fait tard, il se fait nuit, le jour commence à manquer, la nuit commence à venir.

PROVERBES

Ce qui est fait n'est pas à faire, c'est-à-dire quand on peut faire une chose, il ne faut pas la différer.

Il a fait comme Robin fit à la danse, du mieux qu'il put.

Il est comme le bonnetier, il n'en fait qu'à sa tête, c'est-à-dire il suit toujours sa volonté, sa fantaisie (on joue ici sur ce que le bonnetier fait des bonnets à sa tête).

L'occasion fait le larron, c'est-à-dire l'occasion fait qu'on cède à des tentations auxquelles autrement on n'aurait pas cédé.

On ne saurait faire d'une buse un épervier, on ne peut transformer un sot en habile homme.

Les riches font leur paradis en ce monde.

Comme il te fera, fais-lui, c'est-à-dire rends-lui la pareille.

C'est à moi à faire, et à vous à vous taire.

Laissons-les dire pourvu qu'ils nous laissent faire.

Faire et dire sont deux, c'est-à-dire il y a loin entre la parole et l'effet.

Qui bien fera bien trouvera.

On ne peut faire qu'en faisant, c'est-à-dire ce n'est qu'en pratiquant les choses qu'on y devient habile.

Qui a fait l'une a fait l'autre, se dit de deux personnes, de deux choses qui se ressemblent extrêmement.

Qui fait un pot fait bien un poêle, c'est-à-dire qui peut le plus peut le moins.

Faire de cent sols quatre livres et de quatre livres rien, se dit d'un prodigue qui mange son avoir.

Maison faite et femme à faire, c'est-à-dire il faut acheter une maison toute construite et épouser une femme jeune dont on puisse former le caractère.

Quand les mots sont dits, l'eau bénite est faite, c'est-à-dire il faut convenir de toutes les clauses d'un marché avant que de le conclure.

Paris ne s'est pas fait en un jour, ou tout en un jour, c'est-à-dire il faut donner du temps pour faire les grandes affaires.

Qui se fait brebis, le loup le mange, c'est-à-dire il ne faut pas être trop débonnaire.

Le bon oiseau se fait de lui-même, c'est-à-dire un esprit intelligent s'instruit, se développe par lui-même.

Fais ce que dois, advienne que pourra.

Tout se fait avec le temps, c'est-à-dire avec de la patience on vient à bout des choses.

REMARQUE

1. Quand faire est suivi d'un infinitif, ce verbe doit être précédé des pronoms lui, leur, et non des pronoms le, la, les, lorsque l'infinitif a un régime direct : On lui fit obtenir un emploi ; on lui fit faire cette démarche ; et il veut avant lui les pronoms le, la, les, toutes les fois que le verbe qui est à l'infinitif n'a point après lui de régime direct : On le fit renoncer à ses prétentions ; on le fit consentir à cette demande.

2. C'est la règle. Pourtant Corneille a dit : Sors de mon coeur, nature, ou fais qu'ils [mes fils] m'obéissent ; Fais-les servir ma haine ou consens qu'ils périssent. [Vertot, Rodog. IV, 7] La règle voudrait : fais-leur servir.... Cette construction est un archaïsme, et pourrait s'employer en vers ou dans le style élevé. Il ne faut pas confondre ces cas avec ceux où le pronom est régime direct du verbe à l'infinitif : Je l'ai fait nommer, c'est-à-dire j'ai fait nommer cet homme.

3. Quand, au lieu d'un pronom placé avant, il y a un substantif placé après, là où l'on met lui, leur, on met à ; et là où l'on met le, la, les, on ne met point à : Je ferai faire la démarche à cet homme ; je ferai renoncer cet homme à ses prétentions. Dans le premier cas, homme est régime indirect de faire faire ; dans le second, régime direct de faire renoncer.

4. Je le fais parler, c'est-à-dire je fais qu'il parle, ou je lui attribue des paroles. Je lui fais parler, c'est-à-dire je fais qu'on lui parle. Je le fais répondre, c'est-à-dire je fais qu'il réponde, ou je lui attribue une réponse. Je lui fais répondre, je fais qu'on lui réponde. Je fais faire un habit à mon fils, je commande qu'on lui fasse un habit. Je fais faire un habit par mon tailleur, je charge mon tailleur de faire un habit.

5. Dans cet emploi, quand c'est un nom, non un pronom, on met toujours à : Homère fait dire à Ulysse.... il met dans la bouche d'Ulysse.... mais le sens doit être déterminé d'ailleurs ; car cela peut signifier : il recommande qu'on dise à Ulysse....

6. Il faut bien prendre garde à la clarté ; car des amphibologies naissent facilement. Fais-lui tenir parole, peut signifier également fais qu'il tienne parole, ou fais qu'on lui tienne parole. Faites-lui faire un lit, peut signifier également ayez soin qu'on lui fasse un lit, et chargez-le de faire un lit. Dans ce vers de Racine : Veille auprès de Pyrrhus, fais-lui garder sa foi, Andr. IV, 5 ; sa foi détermine le sens, c'est-à-dire fais qu'il garde sa foi ; mais, s'il y avait la foi, le sens serait douteux.

7. Avec le pronom relatif, l'amphibologie est la même. L'homme à qui j'ai fait garder la terre, peut signifier l'homme par qui j'ai fait garder la terre, et l'homme pour qui j'ai fait garder. Il faut donc veiller attentivement au sens.

8. Il faut distinguer lui faire apprendre et le faire apprendre. On dit : lui faire apprendre, lorsque apprendre a un régime direct : Je lui fais apprendre le latin. On dit le faire apprendre, lorsque apprendre n'a pas de régime direct, comme dans ces vers de la Fontaine : Mes parents, reprit-il, ne m'ont point fait instruire ; Ils sont pauvres et n'ont qu'un trou pour tout avoir ; Ceux du loup, gros messieurs, l'ont fait apprendre à lire, Fabl. XII, 17.

9. À l'impératif, les pronoms se placent entre faire et le verbe. Faites-le bien garder. Faites-vous aimer.

10. On trouve dans la Rose (voy. l'historique) : L'avaient moult fete jaunir. Ici le participe est accordé ; mais ce n'est point un archaïsme, c'est une faute.

11. Employé de la sorte, faire n'a point de passif. On ne dit pas : il fut fait peindre. Il y a déjà longtemps que l'Académie a condamné il fut fait mourir : La plupart n'ont pas été contents de il fut fait mourir ; ils veulent qu'on dise : on le fit mourir, ou on le fit exécuter, Observ. sur Vaugelas, p. 275, dans POUGENS.

12. Il y a divergence sur la manière d'interpréter le rôle syntactique des pronoms lui, leur et le, la, les avec faire suivi d'un infinitif. Faut-il analyser : Je lui fais faire une démarche, par : je fais à lui ceci, faire une démarche, ou par : je fais faire une démarche par lui ? Faut-il analyser : Je le fais rire, par : je fais le, lui rire, ou par : je fais rire le, lui ? L'ancien usage (Xe s. La faire diavle servir), et l'anglais, qui sans doute provient de cet ancien usage français (he made him laugh, il le fit rire), montrent que c'est la première analyse qui est la bonne. L'emploi du régime indirect des pronoms au cas particulier cité dans la remarque première est une exception à la règle ancienne.

13. Les écrivains ont hésité entre avoir affaire à, et avoir à faire à. Les Suédois crurent avoir à faire à 40 000 combattants. [Voltaire, Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand] Aujourd'hui, dans ce sens, on ne se sert que de avoir affaire.

14. L'ellipse du verbe faire veut qu'un participe qui suit reste invariable. Il m'a fait toutes les avanies qu'il a voulu. Il m'a fait tous les maux qu'il a pu.

+

1.
65Faire à la chose, contribuer à ce qu'une chose soit mieux. Il m'a semblé que ces morceaux faisaient à la chose, ne marquaient point d'humeur.... [Rousseau, Correspondance]
83 En termes d'argot, se livrer à un genre particulier de vol. M. le président : Cette femme faisait les mariages, c'est-à-dire qu'elle suivait les mariages pour faire les porte-monnaie. [Gazette des tribunaux]

REMARQUE

Ajoutez :

15. Régnier a dit : Selon le vent qui fait l'homme doit naviguer, Sat. VI. Cet emploi est archaïque et maintenant inusité ; nous dirions qu'il fait ; mais il n'est point incorrect. Dans cet emploi, faire est un verbe neutre ; il, un sujet indéterminé, qui peut très bien être remplacé par le sujet déterminé ; il le pouvait du temps de Régnier ; il ne le peut plus aujourd'hui, de par l'usage. Pourtant une difficulté reste, celle d'expliquer le rôle grammatical du que, dans qu'il fait. Il semble être un régime direct, et cependant il ne l'est pas, puisqu'on dit : la chaleur qu'il a fait, et non qu'il a faite. La locution régulière serait le vent qui il fait, la chaleur qui il a fait, puisque dans il fait beau temps, l'explication grammaticale est : il, c'est-à-dire beau temps, fait, et ici : il, c'est-à-dire, le vent qui, fait ; il, c'est-à-dire, la chaleur qui, a fait. Mais la prononciation n'a pas admis qui il, et, au risque d'un solécisme, a dit qu'il. Ou, si l'on veut, le que est devenu régime direct par fausse analogie, à mesure que le sens clair de faire pour exister devenait obscur et se perdait.

16. Bossuet a dit ne faire que de, dans le sens de, ne faire que : Ne vous étonnez pas, chrétiens, si je ne fais plus, faible orateur, que de répéter les paroles de la pieuse Palatine, Anne de Gonz. Il faudrait que répéter. Sans doute ces deux locutions ne faire que et ne faire que de sont très voisines, et à l'origine elles ont pu être équivalentes. Mais, depuis que l'usage leur a assigné un sens spécial, leur voisinage même commande qu'on fasse bien attention à ne pas les confondre.

17. Faire beauté : Le Sage, dans Gil Blas, VII, 13, se moque de cette expression en la mettant dans la bouche de Fabrice, célébrant le gongorisme : " Je veux, par un seul trait, te faire sentir la différence qu'il y a de la gentillesse de notre diction à la platitude de la leur. Ils diraient par exemple, tout uniment : Les intermèdes embellissent une comédie ; et nous, nous disons plus joliment : Les intermèdes font beauté dans une comédie. Remarque bien ce font beauté. En sens-tu tout le brillant, toute la délicatesse, tout le mignon ? "

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