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gêne

nf (jê-n')
  • 1La question qu'on faisait subir aux accusés pour leur arracher des révélations. Menacés de la gêne, ils ont tout découvert. [Corneille Th. Pers. et Dém. v, 2] On le retira de la gêne pour le réserver au gibet. [Chateaubriand, Les Natchez]

    Par extension, les tortures qu'on inflige à quelqu'un pour lui faire dire quelque chose, pour en tirer de l'argent.

    Mettre à la gêne, donner la question ; et fig. soumettre à une vive peine, mettre dans un grand embarras. C'est en cette manière qu'il nous a appris qu'il fallait mettre à la gêne de tels imposteurs. [Pascal, Les provinciales] Si elle [la conscience] refuse de parler, c'est qu'elle est complice du crime ; il la faut faire parler par force, il la faut mettre à la gêne et à la torture. [Bossuet, Sermons] Sont-ils d'accord tous deux pour me mettre à la gêne ? [Racine, Phèdre]

    Donner la gêne, donner la question ; et fig. imposer un grand effort. Il ne faudrait pas donner la gêne à notre esprit, pour trouver de quoi nous entretenir avec lui. [Massillon, Carême, Prière 1]

    Se donner la gêne, s'inquiéter ; se mettre l'esprit à la gêne, faire de grands efforts. Il se donne la gène pour faire des vers.

  • 2 Par extension, douleurs très vives comparées à celles de la question. Je ne veux point d'un fils dont l'implacable haine Prend ce nom pour affront et mon amour pour gêne. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] La recevoir [Émilie] de lui me serait une gêne. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Pour moi, j'en ai souffert la gêne sur mon corps. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps] Je sens de son courroux des gênes trop cruelles. [Molière, Le dépit amoureux] Non, non, l'enfer n'a point de gêne Qui ne soit pour ton crime une trop douce peine. [Molière, Sganarelle, ou Le cocu imaginaire] La pierre, la colique et les gouttes cruelles.... De travaux douloureux le viennent accabler, Sur le duvet d'un lit, théâtre de ses gênes, Lui font scier des rocs, lui font fendre des chênes. [Boileau, Epîtres]
  • 3Ce qui met trop à l'étroit, mal à l'aise. Être à la gêne dans ses souliers. Il y a un peu de gêne dans la respiration.
  • 4L'embarras que cause le séjour d'une personne chez une autre. Restez chez moi, il y a place pour vous, vous ne me causerez pas de gêne.
  • 5Contrainte fâcheuse, état pénible où l'on se trouve. Que de vivre à la gêne avec un indiscret. [Régnier, Satires] Puis-je vivre et traîner cette gêne éternelle ? [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes] Ces feintes ont pour moi des gênes trop cruelles. [Corneille, Théodore et Héraclius] Je souffre, et c'est pour vous que j'ose m'imposer La gêne de souffrir et de le déguiser. [Corneille, Othon] Je m'impose à vos yeux la plus dure des gênes. [Corneille, Don Sanche] L'hymen où je m'apprête est pour vous une gêne ! [Corneille, Sertorius] Mais je ne puis souffrir qu'un esprit de travers Qui, pour rimer des mots, pense faire des vers, Se donne en te louant une gêne inutile. [Boileau, Disc. au roi.] Le délassement le plus sûr des gênes, des bienséances. [Massillon, Carême, Temples.] Où le sexe, élevé loin d'une triste gêne, Marche avec les héros, et s'en distingue à peine. [Voltaire, Tancrède] Quintilien n'est franc ni dans sa critique ni dans son éloge ; on y sent la gêne. [Diderot, Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur les moeurs et les écrits de Sénèque] Charmante maison, point de gêne ; on y est comme chez soi. [Picard, Les deux Philibert]

    Terme de peinture. Synonyme de contrainte dans le dessin.

    Sans gêne, sans s'imposer aucune contrainte. C'est chez nous [singes] qu'à vivre sans gêne S'instruisit le grand Diogène. [Béranger, Orang-out.] Diogène, sous ton manteau, Libre et content, je ris et bois sans gêne. [Béranger, Nouv. Diog.]

    Être sans gêne, prendre ses aises sans s'inquiéter des autres. Ce monsieur est sans gêne.

    On dit dans un sens analogue : C'est un monsieur sans gêne ; et, avec ellipse de monsieur, c'est un sans gêne, vous êtes un sans gêne.

    Substantivement. Le sans-gêne, voir SANS-GÊNE, à son rang alphabétique.

  • 6État voisin de la pauvreté, pénurie. Être dans la gêne.

    PROVERBE

    Où il y a de la gêne il n'y a pas de plaisir.
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