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mortel, elle

adj. (mor-tèl, tè-l' ; d'après Palsgrave, p. 60, au XVIe siècle, mortel se prononçait morté devant une consonne)
  • 1Sujet à la mort. Tous les hommes sont mortels. La mort ne l'a point changé, si ce n'est qu'une immortelle beauté a pris la place d'une beauté changeante et mortelle. [Bossuet, Oraisons funèbres] Tout est vain en l'homme, si nous regardons le cours de sa vie mortelle ; mais tout est précieux si nous contemplons le terme où elle aboutit. [Bossuet, Oraisons funèbres] Tout ce qui est mortel, quoi qu'on ajoute par le dehors pour le faire paraître grand, est, par son fond, incapable d'élévation. [Bossuet, ib.] Outre le rapport que nous avons du côté du corps avec la nature changeante et mortelle, nous avons d'un autre côté un rapport intime et une secrète affinité avec Dieu. [Bossuet, ib.] Encore que notre esprit soit de nature à vivre toujours, il abandonne à la mort tout ce qu'il consacre aux choses mortelles. [Bossuet, ib.] Pourquoi m'es-tu donné, ô corps mortel, fardeau accablant.... [Bossuet, Oraisons funèbres] Les Parques à ma mère, il est vrai, l'ont prédit, Lorsqu'un époux mortel fut reçu dans son lit.... [Racine, Iphigénie en Aulide]

    Dans le style soutenu, la dépouille mortelle, ce qui reste de nous après la mort. Une urne contiendra sa dépouille mortelle. [Voltaire, Olymp. V, 3]

    Quitter sa dépouille mortelle, mourir.

    nm et f Un mortel, une mortelle, un homme, une femme. Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu. [La Fontaine, Fables] On n'entend dans les funérailles que des paroles d'étonnement, de ce que ce mortel est mort ; chacun rappelle en son souvenir depuis quel temps il lui a parlé, et de quoi le défunt l'a entretenu. [Bossuet, Sermons] Sur l'ais qui le soutient, auprès d'un Avicenne, Deux des plus forts mortels l'ébranleraient à peine [un infortiat]. [Boileau, Le lutrin] Mais je ne trouve point de fatigue si rude Que l'ennuyeux loisir d'un mortel sans étude. [Boileau, Epîtres] Je n'ai pas cru que.... Il fût quelque mortel qui pût impunément Se venir à mes yeux déclarer mon amant. [Racine, Bérénice] Hélas ! il me semblait qu'une flamme si belle M'élevait au-dessus du sort d'une mortelle. [Racine, Iphigénie en Aulide] Mortelle, subissez le sort d'une mortelle. [Racine, Phèdre] Tout mortel est donc né pour souffrir. [Voltaire, Oreste, II, 1] Les mortels généreux disposent de leur sort. [Voltaire, L'orphelin de la Chine] Le dernier des mortels est maître de son coeur. [Chénier M. J. Charles IX, III, 2]

    Familièrement. Un heureux mortel, un homme à qui il arrive quelque chose d'heureux, d'agréable. Cadédis, vous êtes un heureux mortel. [Dancourt, la Loterie, sc. 23]

    Absolument. Les mortels, l'espèce humaine. Surtout, mortels, désabusez-vous de la pensée dont vous vous flattez, qu'après une longue vie la mort vous sera plus douce et plus facile. [Bossuet, Oraisons funèbres] Ô vanité, ô néant, ô mortels ignorants de leurs destinées. [Bossuet, Oraisons funèbres] Les mortels sont égaux ; ce n'est point la naissance, C'est la seule vertu qui fait leur différence. [Voltaire, Le fanatisme, ou Mahomet le Prophète]

    nm Ce qui meurt. Et vous vous attachez à ce corps, et vous bâtissez sur ces ruines, et vous contractez avec ce mortel une amitié immortelle ! [Bossuet, Oraisons funèbres]

  • 2Qui appartient aux hommes, aux mortels. Le prélat.... Tout d'un coup tourne à gauche, et d'un bras fortuné Bénit subitement le guerrier consterné ; Le chanoine surpris de la foudre mortelle.... [Boileau, Le lutrin]
  • 3Qui cause la mort, ou semble devoir la causer. Une maladie mortelle. Cette substance est mortelle aux poissons. Ah ! cesse de courir à ce mortel danger ; Te perdre en me vengeant ce n'est pas me venger. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Elle voulut assister ce frère mourant [de la peste], sans craindre ces souffles mortels qui portent le poison dans les coeurs. [Fléchier, Oraisons funèbres] Par une exacte police qui coupait les communications mortelles [en temps de peste].... il sauva ce peuple.... [Fléchier, Oraisons funèbres] D'abord il a tenté les atteintes mortelles Des poisons que lui-même a crus les plus fidèles. [Racine, Mithridate] J'ai su, par une longue et pénible industrie, Des plus mortels venins prévenir la furie. [Racine, ib. IV, 5] C'est peu de vouloir, sous un couteau mortel, Me montrer votre coeur fumant sur un autel. [Racine, Iphigénie en Aulide]

    Fig. La chair et le sang de Jésus-Christ, non-seulement ne nous seraient plus salutaires, mais deviendraient pour nous le poison le plus mortel. [Bourdaloue, Myst. Très St Sacrem. t. I, p. 542]

    Le coup mortel, le coup qui donne ou paraît devoir donner la mort. De mille coups mortels son audace est punie. [Racine, Britannicus]

    Fig. Coup mortel, ruine, perte. La plus puissante de toutes [les monarchies formées de l'empire d'Alexandre], après avoir été ébranlée par la mollesse et le luxe de la nation, reçut enfin le coup mortel par la division de ses princes. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]

    Péché mortel, péché qui fait perdre la grâce de Dieu et qui donne une espèce de mort à l'âme. Chrétien, tu sais trop la distinction des péchés véniels d'avec les mortels. [Bossuet, Oraisons funèbres] Ce n'est pas que je veuille ici confondre les fautes vénielles avec les fautes mortelles. [Massillon, Carême, Fautes légères.]

    Mortel ennemi, ennemi mortel, ennemi jusqu'à vouloir la mort. Être l'ennemi mortel de quelqu'un, Comme il vous traitait en mortel adversaire. [Corneille, La mort de Pompée] Et plus vous la pouvez accabler d'infamie, Et plus elle vous traite en mortelle ennemie. [Corneille, Nicomède]

  • 4 Fig. Fatal, funeste. Rechercher un trépas si mortel à ma gloire. [Corneille, Le Cid] Cette mode [une sorte de coiffure] durera peu ; elle est mortelle pour les dents. [Sévigné, 4 avr. 1671] La gloire, qu'y a-t-il pour les chrétiens de plus pernicieux ou de plus mortel ? [Bossuet, Oraisons funèbres] Jamais jour n'a paru si mortel à la Grèce. [Racine, Iphigénie en Aulide] Cherchons des remèdes contre les maladies de l'âme, non moins funestes et non moins mortelles [que celles du corps]. [Voltaire, Dictionnaire philosophique]
  • 5Excessif dans son genre ; il ne se dit jamais qu'en mal. Crois-tu donc que je sois insensible à l'outrage, Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur ? [Corneille, Horace] Un si mortel affront. [Corneille, Théodore et Héraclius] Haine mortelle. [Rotrou, Bélisaire] Guerre, guerre mortelle à ce larron d'honneur Qui sans miséricorde a souillé notre honneur ! [Molière, Sganarelle, ou Le cocu imaginaire] D'où vient que, leur [aux vices du temps] portant une haine mortelle, Vous pouvez bien souffrir ce qu'en tient cette belle ? [Molière, Le misanthrope] Vous croyez donc que les déplaisirs et les plus mortelles douleurs ne se cachent pas sous la pourpre ? [Bossuet, Oraisons funèbres] En quel trouble mortel son intérêt nous jette ! [Racine, Andromaque] Dans le doute mortel dont je suis agité. [Racine, Phèdre] Je suis dans des peines mortelles. [Massillon, Carême, Impén.]
  • 6Dans le style familier, mortel se dit de ce qui fatigue par sa longueur, de ce qui paraît excessivement long, ennuyeux ; alors il se met devant son substantif. On nous dit qu'il y avait deux mortelles lieues. [Sévigné, 363] En moins de rien, il eut fait cinquante mortelles lieues. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] Quinze mortels jours se passèrent de la sorte. [Genlis, Mlle de Clermont, p. 63, dans POUGENS]

REMARQUE

À propos de ces vers de Racine : Plus qu'à mes ennemis la guerre m'est mortelle, Théb. III, 6 ; L. Racine dit : Mortelle pour funeste, expression qui n'est pas exacte. L. Racine se trompe, la locution est bonne et employée avant son père.

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