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pitié

nf (pi-tié)
  • 1Sentiment qui saisit à la vue des souffrances et qui porte à les soulager. La pitié d'un malheur où nous voyons tomber nos semblables, nous porte à la crainte d'un pareil pour nous, cette crainte au désir de l'éviter. [Corneille, 2e disc.] Je suis peu sensible à la pitié, et je voudrais ne l'y être point du tout ; cependant il n'est rien que je ne fisse pour le soulagement d'une personne affligée. [La Rochefoucauld, Portrait] Mais un fripon d'enfant, cet âge est sans pitié, Prit sa fronde.... [La Fontaine, Fables] Je veux vous prouver que la pitié est le mouvement le plus agréable de tous ; votre erreur provient de ce que vous confondez ce mouvement avec la douleur. [La Fontaine, Psyché, I, p. 100] Vous me faites une pitié extrême de la goutte de M. le chevalier. [Sévigné, 608] La pitié d'un rival punit mieux que sa haine. [Quin. Astrate, I, 2] Ne jetterez-vous point un regard de pitié sur ceux que l'indigence réduit aux dernières nécessités ? [Bourdaloue, Exhort. char. env. les prison. t. I, p. 78] Si de tant de malheurs quelque pitié te touche. [Racine, Bajazet] Jamais femme ne fut plus digne de pitié. [Racine, Phèdre] Je ne vous dis point ma naissance pour me vanter, mais seulement pour vous inspirer quelque pitié de mes malheurs. [Fénelon, Télémaque] Oui, la pitié est le contre-poison de tous les fléaux de ce monde ; voilà pourquoi Jean Racine prit pour devise, dans l'édition de ses tragédies, crainte et pitié. [Voltaire, Correspondance] La terreur et la pitié, qui font le seul but, la seule constitution de la tragédie. [Voltaire, Olympie, note.] Et la fausse pitié pire que le mépris. [Voltaire, Tancrède] La pitié naturelle est fondée sur les rapports que nous avons avec l'objet qui souffre ; elle est d'autant plus vive que la ressemblance, la conformité de nature est plus grande. [Buffon, Quadrupèdes] La pitié qu'on a du mal d'autrui ne se mesure pas sur la quantité de ce mal, mais sur le sentiment qu'on prête à ceux qui le souffrent. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation] Les femmes sont plus sensibles que nous à la pitié, qui donne une sorte d'amour pour l'être faible et souffrant qu'on peut soulager. [St-lamb. Sais. ch. I, note 1] Et c'est à l'homme heureux que la pitié sied bien. [Delavigne, Le paria] Mon malheur n'a donc point lassé votre pitié ! [P. Lebrun, M. Stuart, v, 3]

    Au pl. Voilà ce que je dis ; puis des pitiés me viennent, Quand je pense à tous ceux qui sont dans le tombeau. [Hugo, Les feuilles d'automne]

    Par pitié, par un sentiment qui porte à plaindre et à soulager. Rends-moi ton coeur, ingrat, par pitié de toi même. [Corneille Th. Ariane] Il se croit quelque enfant rejeté par sa mère à qui j'ai par pitié daigné servir de père. [Racine, Athalie]

    Fig. Par pitié de ma gloire Gardez-vous d'achever une indigne victoire. [Corneille, Oedipe]

    Sans pitié, d'une façon inexorable. Les dieux l'ont traité sans pitié comme vous. [Fénelon, Télémaque] Vous [Sylla] avez exercé sans pitié les fonctions de la plus terrible magistrature qui fut jamais. [Montesquieu, Dialogue de Sylla et d'Eucrate]

    Prendre pitié, être saisi de pitié. Prenez de votre sort tous deux quelque pitié. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Oenone, prends pitié de ma jalouse rage. [Racine, Phèdre]

    Avoir pitié, éprouver le sentiment de la pitié. Mettons fin à des jours que la Parque elle-même A pitié de filer. [Malherbe, V, 1] Ayez pitié de moi, vous au moins qui êtes mes amis, ayez pitié de moi, car la main du Seigneur m'a frappé. [Sacy, Bible, Job, XIX, 21] Pauvres gens, je les plains ; car on a pour les fous Plus de pitié que de courroux. [La Fontaine, Fables] Il faut avoir pitié de soi, et avoir de la générosité pour soi-même, comme on en a pour les autres. [Sévigné, 51] M. Holwell a vu dans son gouvernement, en 1734, la plus belle femme de l'Inde, âgée de dix-huit ans, résister aux prières et aux larmes de milady Russell, femme de l'amiral anglais, qui la conjurait d'avoir pitié d'elle-même. [Voltaire, Correspondance]

    Faire pitié, inspirer le sentiment de la pitié. Ô d'un illustre époux noble et digne moitié. Dont le courage étonne, et le sort fait pitié. [Corneille, La mort de Pompée] Il dit cela si tristement qu'il me fit pitié. [Pascal, Les provinciales] La pitié qu'elle [Mme de Monaco] a faite n'a jamais pu obliger personne de faire son éloge. [Sévigné, 20 juin 1678] Ne vous fais-je point un peu de pitié de passer ma vie sans vous voir ? [Sévigné, 5 nov. 1676] Votre petite d'Aix me fait pitié d'être destinée à demeurer dans ce couvent.... en attendant une vocation, vous n'oseriez la remuer, de peur qu'elle ne se dissipe. [Sévigné, 24 juill. 1680]

    Regarder en pitié, jeter un regard de pitié. La Pologne était nécessaire à son Église [de Dieu], et lui devait un vengeur ; il la regarda en pitié. [Bossuet, Oraisons funèbres] Dieu regarde en pitié son peuple malheureux. [Racine, Esther]

    C'est une pitié, c'est grande pitié, c'est grand'pitié, c'est une chose très digne de pitié. Un bûcheron perdit son gagne-pain... Ce fut pitié là-dessus de l'entendre. [La Fontaine, Fables] Pour vous elle est de flamme. - Elle ! - Et vous aime tant, Que c'est grande pitié. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps] [Chez M. de la Rochefoucauld] une grosse fièvre, une oppression, une goutte remontée ; enfin c'était une pitié. [Sévigné, 13 mars, 1680] Pour moi, je ne dors plus ; aussi je deviens maigre, C'est pitié. [Racine, Les plaideurs] C'est grand'pitié quand le valet chasse le maître [paroles du président de Harlay aux ligueurs]. [Genlis, Mlle de la Fayette, p. 80, dans POUGENS]

    C'est grande pitié, c'est grand'pitié que de nous, c'est-à-dire la condition humaine est sujette à beaucoup de misères.

  • 2Pitié, se dit quelquefois en un sens où il entre quelque mépris. Elle en eut pitié, mais de cette sorte de pitié qui porte au mépris, et qui ramène aussitôt après à la colère. [Retz, Mémoires]

    Regarder, parler, traiter avec une pitié offensante, insultante, avec une apparence de pitié mêlée à des marques de mépris.

    C'est pitié, c'est une pitié, cela excite un certain dédain, fait hausser les épaules. Vous voyez que l'affaire du syndic m'avait mis hors de combat ; enfin, c'est une pitié que d'être si vive. [Sévigné, 192] De telles insinuations tournaient sa petite tête, que c'était une pitié. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] Que faisait-il ? il leur prêchait la paix ; C'était pitié qu'un si bon prince. [Lamotte, Fabl. IV, 1]

    Il se dit au pluriel dans le même sens. Il est vrai que ce sont des pitiés : Toute construction est par elle [Martine] détruite ; Et des lois du langage on l'a cent fois instruite. [Molière, Les femmes savantes]

    Avoir pitié, se dit en un sens de dédain. Combien vous aurez pitié de moi ! que mes éternelles inquiétudes vous paraîtront misérables ! [Chateaubriand, René]

    Regarder en pitié, avoir du dédain pour. Et, les deux bras croisés, du haut de son esprit, Il regarde en pitié tout ce que chacun dit. [Molière, Le misanthrope] Les femmes de la cour regardent en pitié les provinciales. [Bouhours, Nouv. Rem.] Qui regarde en pitié les fables du Tenare, Et s'endort au vain bruit de l'Achéron avare. [Delille, Les Géorgiques, traduction de Virgile]

    Faire pitié, exciter une pitié mêlée de dédain. Mais tu ferais pitié même à ceux qu'elle [ta fortune] irrite, Si je t'abandonnais à ton peu de mérite. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Don Manrique : à tant de beaux exploits rendez cette justice, Et de notre pitié secondez l'artifice. - Carlos : Je suis bien malheureux, si je vous fais pitié. [Corneille, Don Sanche] Vous me faites pitié ; faut-il vous expliquer cela davantage ? [Pascal, Les provinciales] Vous me faites pitié de nous demander des oranges ; c'est une étrange dégradation que de les voir gelées en Provence. [Sévigné, 13 déc. 1679] Leur ignorance [des Syracusains touchant la sépulture d'Archimède] fit pitié à Cicéron, et ne servit qu'à allumer encore davantage le désir qu'il avait de faire cette découverte. [Rollin, Histoire ancienne] Ces Parisiens qui n'ont jamais perdu de vue le dôme des Invalides, font pitié, ma parole d'honneur. [Ch. de Bernard, la Femme de 40 ans, § 7]

    Raisonner, chanter à faire pitié, très mal.

    Quelle pitié ! c'est-à-dire que la chose mérite de dédain ! Quelle pitié de voir que M. Bayle, un si beau génie, se plaise à déterrer les plus méprisables brochures.... [D'olivet, Hist. Acad. t. II, p. 203, dans POUGENS] Ne voilà-t-il pas une invention bien trouvée ? quelle pitié ! [Rousseau, Émile, ou De l'éducation]

    Quelle pitié ! c'est-à-dire quelle chose inexcusable ! Ah ! mon Dieu, madame, vous voilà toute seule ? quelle pitié est-ce là ? toute seule ! [Molière, La comtesse d'Escarbagnas]

    De pitié, avec un sentiment de dédain. Fuis donc, Amour, ma couche solitaire ; Fuis ! car déjà tu souris de pitié. [Béranger, Fuite de l'Amour.]

PROVERBES

Guerre et pitié ne s'accordent pas ensemble, c'est-à-dire à la guerre on n'est pas touché de pitié, et même il n'est pas sûr de l'être.

Il vaut mieux faire envie que pitié.

SYNONYME

PITIÉ, COMPASSION. Ces deux mots se rapportent à un même mode de l'âme. Ce qui les distingue, c'est que pitié exprime plus particulièrement la qualité, la vertu, et compassion le sentiment, Aussi, pour peu qu'on personnifie, c'est de pitié que l'on se sert, et non de compassion ; et, dans la fable, quand le roseau dit au chêne : Votre compassion part d'un bon naturel, c'est compassion qui convient et non pitié.

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