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point [2]

adv. (poin ; le t se lie : il n'est poin-t habile)
  • 1Il renforce, comme pas, la négation ne. Aime assez ton mari pour n'en triompher point. [Corneille, Horace] Quand je dis point, je veux dire très peu. [La Fontaine, Calendr.] Et dans toute la Grèce il n'est point de familles Qui ne demandent compte à ce malheureux fils D'un père ou d'un époux qu'Hector leur a ravis. [Racine, Andromaque] Je suis près de ma salle à manger où je ne mange point ; je vois mon jardin où je ne me promène point ; j'ai autour de moi des sociétés dont je ne jouis point. [Voltaire, Correspondance]

    Abusivement, point nie quelquefois, même sans ne, dans les phrases interrogatives. S'ils osent quelquefois prendre un air de grandeur, Seront-ils point traités par vous de téméraires ? [La Fontaine, Fables] Vous ennuyez-vous point De coucher toujours seul ? [La Fontaine, ib. VIII, 11]

    Cette suppression de ne est une licence qui se prend surtout en vers.

  • 2Point surabondant avec jamais, aucun, etc. (voir PAS 2, n° 2). On ne doit point songer à garder aucunes mesures. [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre]
  • 3Point se met négativement devant les substantifs, les noms de nombre, etc. par un abus né de la rapidité du langage qui sous-entend la négation et le verbe. Point de courroux, messieurs ; mon lopin me suffit. [La Fontaine, Fables] Point de vos lettres, ma fille ; je suis toute triste quand ce plaisir me manque. [Sévigné, 9 oct. 1689] Point de peuple qui n'ait immolé des hommes à Dieu, et point de peuple qui n'ait été séduit par l'illusion affreuse de la magie. [Voltaire, Philos. théistes, sacrifices.]

    Point de nouvelles, voir NOUVELLE, n° 1, vers la fin.

    Point d'affaire, voir AFFAIRE, n° 8.

  • 4Point se dit seul en réponse négative à une interrogation ou à une demande. Angélique : Montrez-vous généreux. - G. Dandin : Non. - Angélique : De grâce. - G. Dandin : Point. [Molière, George Dandin]

    Point se met négativement devant quelques adverbes, dans une réponse négative. Vous êtes facile à contenter ? - Point tant que vous le pourriez penser.

    On peut dire point trop ; mais non point beaucoup.

    Il s'emploie de même hors de toute réponse (voir PAS 2, n° 3). Me voilà donc chez mon parrain bien vêtu, bien nourri, fort caressé, et point battu. [Scarron, Le Roman comique] Invitée ou point invitée, je ne m'en souviens pas, je fus la voir [une dame]. [Staal, Mém. t. I, p. 299] Un honnête pigeon, point fourbe et point guerrier. [Voltaire, Correspondance] Il était équitable, point jaloux et point suborneur. [Rousseau, Les confessions]

    On dit de même : Les gens peu ou point instruits. Cet emploi de point est reçu dans le style familier ; il fait mauvais effet dans le style sérieux : Les troupes que le maréchal Ney avaient repoussées, mais point détruites. [Thiers, Hist. de l'Empire, XX] Dites plutôt : mais non détruites.

  • 5Point.... que, point.... sinon. Point d'aîné, point de roi, qu'en m'apportant sa tête. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes] Point d'argent qu'à la pointe de l'épée. [Sévigné, 2 août 1689]
  • 6Point aussi, pour non plus. Comme il n'y aura plus de malheurs pour ceux qui avaient une entière assurance de l'éternité, il n'y a point aussi de bonheur pour ceux qui n'en ont aucune lumière. [Pascal, Pensées]
  • 7Il s'emploie dans des cas où une proposition est sous-entendue. Il en vit s'arrêter à des combats d'enfants, et point à ses paroles. [La Fontaine, Fables] Pour défendre le bien public, plusieurs le font ; mais pour la religion, point. [Pascal, Pensées]
  • 8Point du tout, négation renforcée qui se dit comme point. Les courtisans étaient, au retour, horriblement fatigués, lui [le roi] point du tout. [Pellisson, Lettres historiques] L'abbé Dubos prouve-t-il que les Romains qui étaient encore soumis à l'empire aient appelé Clovis ? point du tout ; prouve-t-il que la république des Armoriques ait appelé Clovis et fait même quelque traité avec lui ? point du tout encore. [Montesquieu, L'esprit des lois]
  • 9Du tout point, tournure archaïque signifiant nullement, en aucune façon. Celui qui ne s'émeut a l'âme d'un barbare, Ou n'en a du tout point. [Malherbe, VI, 18]

    PROVERBE

    Point d'argent, point de Suisse, sans salaire, sans récompense, point de travail, point de service. Point d'argent, point de suisse ; et ma porte était close. [Racine, Les plaideurs] (c'est ici un calembour entre Suisse de nation et suisse de porte).

REMARQUE

1. Il y a cette différence entre point et pas que, lorsqu'on répond à une interrogation, point peut être employé tout seul, au lieu que pas ne s'emploie jamais de cette manière : êtes-vous fâché ? point.

2. L'Académie note encore cette différence-ci : lorsqu'on dit : N'avez-vous point vu un tel ? l'interrogation n'est qu'une question simple ; mais, lorsqu'on dit : N'avez-vous pas vu un tel ? on veut marquer par là qu'on croit que la personne qu'on interroge a vu celui dont on parle. Cette nuance est bien fugitive pour être réelle ; elle ne se rattache pas à la différence que point et pas ont dans leur signification primitive (voy. ci-dessous la synonymie).

3. Voir PAS 2, aux remarques, qui s'appliquent aussi à l'emploi de point.

SYNONYME

PAS, POINT. Le point étant plus près de la nullité absolue que le pas, point est plus exclusif que pas. Aussi, bien que ces deux particules se prennent facilement l'une pour l'autre, il est des cas où pas convient mieux que point : c'est quand point serait trop absolu. Ainsi il vaut mieux dire : Le facteur n'est pas encore venu, que n'est point encore venu.

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