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se

(se), pronom réfléchi de la troisième personne des deux nombres et des deux genres, qui se dit des personnes et des choses, et qui se place toujours avant le verbe qui le gouverne, à la différence de soi qui se place après.
  • 1Il s'emploie comme complément direct. Se rétracter. Se perdre. S'égarer.
  • 2Il s'emploie comme complément indirect. Se donner du mouvement. Se prescrire un devoir. Se nuire.
  • 3Il s'emploie pour donner au verbe une signification passive. Faut-il que vous trouviez étrange Que les chats-huants d'un pays Où le quintal de fer par un seul rat se mange, Enlèvent un garçon pesant un demi-cent ? [La Fontaine, Fables] Du temps qu'il [le second Temple] se bâtissait. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Tels se laissent gouverner jusqu'à un certain point, qui au delà sont intraitables, et ne se gouvernent plus [ne peuvent plus être gouvernés]. [La Bruyère, IV] Les yeux de l'amitié se trompent rarement. [Voltaire, Oreste, IV, 1]

    Seignelay ayant écrit : Les voitures de ces bois se sont faites jusqu'à présent par les paysans voisins des forests dans lesquelles ils estoient coupés, Lett. de Colbert, t. III, 2, p. 378, Colbert met en note, p. 384 : mauvaise construction ; il falloit ont esté faites.

  • 4Avec laisser, faire, etc. le pronom personnel se supprime quelquefois. Laissons, laissons réjouir le monde, et ne lui envions pas sa prospérité. [Bossuet, Sermons]

REMARQUE

1. L'e s'élide devant une voyelle et une h muette : il s'aime, il s'honore. Il s'élide aussi devant en et y : il s'en vante ; il s'y rend.

2. Se se place devant en et y.

3. Dans les temps composés, quand se est régime direct, le participe s'accorde en genre et en nombre avec se : il s'est coupé ; elle s'est fardée ; ils se sont loués ; elles se sont accueillies. Le participe reste invariable quand se est régime indirect : elle s'est coupé le doigt ; elles se sont fardé le visage ; ils se sont nui On reconnaît la différence en tournant par ayant : il est ayant soi coupé ; ils sont ayant soi loués ; elle est ayant coupé le doigt à soi : ils sont ayant nui à soi. Cette règle s'applique aux autres pronoms personnels pris d'une façon réfléchie, me, te, nous, vous.

4. Les verbes neutres réfléchis, c'est-à-dire les verbes neutres qui se conjuguent toujours avec se, suivent la règle de se régime direct : il s'est écrié ; elle s'est écriée ; ils se sont endormis ; elles se sont endormies. Cette règle s'applique aux autres pronoms personnels.

5. Il vient se justifier, il se vient justifier ; dans le XVIIe siècle on prenait plus ordinairement la seconde tournure ; maintenant on suit la première, sans que l'autre soit cependant hors d'usage. Il se faut entr'aider ; c'est la loi de nature. [La Fontaine, Fables] Viens, suis-moi ; la sultane en ce lieu se doit rendre. [Racine, Bajazet]Dans cette construction, s'il y a deux infinitifs, il faut qu'ils puissent recevoir tous deux se : Elle ne se peut consoler ni réjouir. Mais on ne pourrait pas dire : Il se vint justifier et répondre aux accusations.

Quand se précède ainsi le verbe qui tient l'infinitif sous sa dépendance, il impose à ce verbe, dans les temps composés, la construction par l'auxiliaire être, au lieu de l'auxiliaire avoir. Il ne s'est osé prendre qu'aux premiers rudiments de cet art et aux choses qui se présentent d'elles-mêmes. [Descartes, Remarques sur les 7es object. 58] Cet homme qui s'est pensé perdre dans une intrigue dangereuse. [Bossuet, Sermons] Cela s'applique aux autres pronoms personnels pris d'une manière réfléchie.

6. On trouve quelquefois après se, employé comme régime direct, un second régime direct. Aveugles qui ne voient pas que c'est par la même lumière que le soleil se montre lui-même, et tous les autres objets ! [Bossuet, Sermons] Ceux qui s'aiment eux-mêmes et leurs plaisirs. [Bossuet, Sermons]

7. C'est une singularité du français et des autres langues romanes que, avec un pronom réfléchi, on substitue l'auxiliaire être à l'auxiliaire avoir : Il s'est battu. Cette tournure est aussi ancienne que la langue, puisqu'on la trouve dans un texte du Xe siècle : se erent convers, s'étaient convertis. On peut essayer de l'expliquer ainsi : au Xe siècle, se erent convers représente un latin barbare se erant conversi, dans lequel on démêle erant conversi pour exprimer l'idée passive qui est dans tout verbe réfléchi, et se pour joindre à l'idée passive l'idée de réflexion.

8. Se (et aussi me, te, nous, vous) se construit avec différents verbes neutres, s'en aller, s'enfuir, s'écrier. Un pareil emploi était plus étendu dans l'ancienne langue ; on disait se dormir, se gesir, se issir, se demeurer, etc. L'explication ci-dessus convient ici aussi. Le verbe est neutre sans doute ; mais cela n'a point empêché les langues romanes d'y adjoindre un pronom, qui exprime un régime indéterminé, et qui dès lors se prête à un pareil emploi. De la sorte à ces verbes neutres est attribué un sens réfléchi qui ne fait aucune contradiction avec les verbes, et qui y ajoute une certaine grâce.

9. On dit s'entendre à une chose, se connaître à une chose, s'apercevoir d'une chose. Il n'est personne à qui cette façon de parler offre un sens douteux, mais, pour le grammairien, elle est bien difficile à expliquer. Si on la prend telle qu'elle se présente, on trouve connaître soi, entendre soi, apercevoir soi ; ce qui, manifestement, ne signifie pas ce que l'on veut dire. On voit tout de suite l'explication qui peut être proposée. Entendre, connaître, apercevoir sont, en ces locutions, des verbes pris neutralement : entendre à une chose, connaître à une chose, apercevoir d'une chose. Puis, comme, avec entendre, connaître et apercevoir ainsi employés, une signification réfléchie arrive naturellement à l'esprit, naturellement aussi la langue usa de la faculté que le pronom se lui procurait. Le fait est que est anciens textes donnent entendre, neutre, pour se entendre à ; on trouve aussi connaître en ; on trouve enfin neutre, sinon apercevoir, du moins percevoir.

10. Il ne reste plus qu'un cas à examiner ; c'est une phrase comme celle-ci : Je me suis coupé le doigt. Là il ne peut y avoir aucun doute ; l'auxiliaire être y est certainement pour l'auxiliaire avoir ; il faudrait dire : Je m'ai coupé le doigt, et la phrase est grammaticalement inexplicable. L'explication que la grammaire refuse est donnée par l'intervention de l'oreille. Quand l'usage se fut bien établi de conjuguer le verbe réfléchi avec être, l'assimilation exerça son influence ; les constructions parurent semblables, bien qu'elles ne le fussent pas, et on leur appliqua la même règle. Dire : je m'ai coupé le doigt parut dur et choquant, à cause que je me suis coupé se disait couramment. De là vint qu'un même niveau passa sur tout cela ; ce qui était incorrect grammaticalement devint correct euphoniquement ; le solécisme fut imposé.

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