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tâter

vt (tâ-té)
  • 1Employer le toucher afin de connaître. Tâter une étoffe. Tâtant son ennemi au défaut des armes, il lui plongea son poignard dans le flanc. [Vaugelas, Q. C. IX, 5] L'un l'autre ils s'accusaient de cette violence, Et sans lumière aucune, en querellant le sort, Sont venus doucement tâter si j'étais mort. [Molière, L'école des femmes] Je tâte votre habit ; l'étoffe en est moelleuse. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur]

    Tâter le pouls à quelqu'un, appuyer ses doigts sur l'artère du bras, ou toute autre artère accessible, pour connaître le mouvement du sang. Clitandre tâtant le pouls à Sganarelle : Votre fille est bien malade. [Molière, L'amour médecin]

    Fig. Tâter le pouls, questionner quelqu'un pour connaître ses dispositions au sujet d'une affaire.

    Fig. Se tâter le pouls, examiner ce que l'on peut. Je sonde ma portée et me tâte le pouls. [Régnier, Satires]

    Tâter le chemin, reconnaître si un chemin est praticable. Tous les pavés sont devenus impraticables.... voyant que nous ne voyions plus rien, et qu'il fallait tâter le chemin.... [Sévigné, 430]

    Familièrement. Il tâte le pavé, il ne peut pas s'appuyer fortement en marchant.

    Terme de manége. Ce cheval tâte le terrain, il ne marche pas franchement, il n'a pas les pieds sûrs.

    Fig. Tâter le pavé, le terrain, agir avec précaution, avec circonspection. Enfin, elles ont tant tortillé autour de moi, qu'ayant tâté et trouvé le terrain favorable, elles m'ont avoué qu'elles avaient fait écrire cette lettre par Démonville. [Sévigné, 435] Ils savent tâter le terrain et s'y accommoder. [Gherardi, Théât. ital. t. II, p. 100]

  • 2 Fig. Essayer de connaître la capacité, les opinions d'une personne, mettre une personne à l'épreuve. Adieu ; je vais tâter mon gendre là-dessus. [Scarron, Le Jodelet, ou Le maître valet] Tâtez-la par divers endroits pour découvrir par où les grandes vérités peuvent mieux entrer dans sa tête. [Fénelon, Traité de l'éducation des filles] Il est question de les voir en particulier [les hommes].... de les tâter de tous côtés, de les sonder pour découvrir leurs maximes. [Fénelon, Télémaque] Il cessa de me tâter, et, changeant de discours de peur de m'inspirer quelque défiance.... [Lesage, Guzman d'Alfarache] Je jugeai bien qu'il avait dessein de tâter mon esprit ; je me tins sur mes gardes et me préparai à mesurer tous mes mots. [Lesage, Histoire de Gil Blas de Santillane] J'espère bien que tous les Choiseul me permettront de mettre leurs noms en gros caractères parmi les souscripteurs de Corneille ; je vais d'abord tâter le roi. [Voltaire, Correspondance]

    Fig. Je tâcherais.... mes chers enfants, de me mettre en état de venir un peu tâter la Providence, prendre part au bonheur de mes cadets, et vivre avec les vivants. [Sévigné, 13 mars 1680]

    Tâter l'ennemi, faire des démonstrations hostiles, de petites attaques, pour connaître ses dispositions.

    Tâter le courage de quelqu'un, ou, simplement, tâter quelqu'un, commencer à l'attaquer, à l'offenser, pour voir s'il se défendra. Tout est plein de ces poltrons adroits qui cherchent, comme on dit, à tâter leur homme, c'est-à-dire à découvrir quelqu'un qui soit encore plus poltron qu'eux, et aux dépens duquel ils puissent se faire valoir. [Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse]

    Terme de manége. Tâter son cheval, essayer la finesse et les moyens du cheval que l'on monte.

    Terme de marine. Tâter le vent, essayer de loffer quand on est au plus près, pour voir si les voiles continueront à porter et si l'on peut loffer davantage.

  • 3Tâter une chose, l'essayer pour voir ce qu'on en peut tirer. Un problème proposé par M. le marquis de l'Hôpital dès 1692 aux géomètres, comme méritant leur recherche, et qui certainement n'avait pas été dix ou onze ans sans être tâté et même bien tourné de tous les sens par les plus habiles. [Fontenelle, Saurin.] Tâte tous les sujets et guette tous les mots. [Delille, La conversation]
  • 4 Terme de peinture. Travailler d'une main servile et peu hardie.
  • 5 vi Explorer par le toucher. Léandre : Avez-vous des témoins ? - L'intimé : Monsieur, tâtez plutôt : Le soufflet sur ma joue est encore tout chaud. [Racine, Les plaideurs] Mais, dit le nain, j'ai bien tâté ; mais, répondit l'autre, vous avez mal senti. [Voltaire, Microm. 4] Voyez, tâtez, mesurez, pesez, nombrez, assemblez, séparez, et soyez sûr que vous ne ferez jamais rien de plus. [Voltaire, Correspondance]
  • 6Tâter à, faire un léger essai d'une chose pour en connaître la qualité. Tâter aux sauces. Tâter au vin.
  • 7Tâter de..., manger ou boire d'une chose, non pour en connaître les qualités, mais pour en jouir. Jupiter, s'il était malade, Reprendrait l'appétit en tâtant d'un tel mets. [La Fontaine, Fables] Au moins je tâterai de l'oie. - Nous l'avons mangée à dîner. [Brueys, Avoc. Pat. III, 13] Je vais tâter du vin dont nous boirons ce soir Une ample effusion. [Regnard, Le distrait]

    Activement, dans le même sens ; tournure qui a vieilli. De ces manches qu'à table on voit tâter les sauces. [Molière, L'école des maris]

  • 8 Par extension. Jouir en général, avoir sa part de. Maints présages à tous connus Faisaient bien juger que Turnus, Comme époux en toute sa vie Ne tâterait de Lavinie. [Scarron, Virgile travesti] Que je serais heureuse de tâter un peu de cette sorte de vie avec une telle compagnie ! [Sévigné, 25 juill. 1689] Je crois qu'il y a une dose de tendresse dans mon coeur, qui tient à votre personne, et dont les autres mères ne tâtent pas. [Sévigné, à Mme de Grignan, 12 févr. 1690] Mme de Kerman est une fort aimable personne, j'en ai tâté. [Sévigné, 19 avr. 1689] Il achetait mille choses qu'il donnait imprudemment à la Senantes.... la petite Saint-Germain n'en tâtait plus que bien rarement. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] La noblesse n'est pas une chimère, mais quelque chose de très réel, très solide, très bon, dont on sait tout le prix, chacun en veut tâter. [Courier, Lettres de France et d'Italie]

    Vous en tâterez, c'est-à-dire vous en passerez par là, vous aurez ce bonheur ou ce malheur. Point, Tartufe est votre homme, et vous en tâterez. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur]

    Vous n'en tâterez plus, vous n'aurez plus la chose dont il s'agit. Voilà ce que c'est d'avoir causé ; vous n'en tâterez plus, et je vous laisse sur la bonne bouche. [Molière, George Dandin]

    Il n'en tâtera que d'une dent, il n'en aura que peu, il n'obtiendra pas ce qu'il désire.

    En tâter, se battre. Et comme on nous fit lors une paix telle quelle, Nous sûmes l'un à l'autre en secret protester Qu'à la première vue il en faudrait tâter. [Corneille, Le menteur]

  • 9Essayer, faire l'expérience de quelque chose. L'un est soûl de la guerre civile, l'autre n'en a jamais voulu tâter. [Guez de Balzac, Le Prince] Vous avez voulu tâter de la noblesse ; et il vous ennuyait d'être maître chez vous. [Molière, George Dandin] J'eusse opiné à tâter du climat de Provence, cette année. [Sévigné, 30 oct. 1689] A-t-elle [Pauline, la fille de Mme de Grignan] tâté de Lucien ? est-elle à portée des Petites Lettres [les Provinciales] ? [Sévigné, 15 janv. 1690] Je n'avais point encore tâté du dégoût et du chagrin de n'avoir point de vos lettres. [Sévigné, 10 juill. 1680] Il faut qu'un honnête homme ait tâté de la cour. [La Bruyère, VIII] Allez, vous êtes fou de vouloir, à votre âge, Pour la seconde fois tâter du mariage. [Regnard, Les folies amoureuses] Je suis un vieux gladiateur accoutumé à être condamné aux bêtes dans l'arène ; mais je tremble de voir une femme [Mme Denis, auteur d'une pièce de théâtre] qui veut tâter de ce combat. [Voltaire, Correspondance] Pardon, mon cher ange ; ce n'est pas ma faute, si j'ai tâté un peu de l'agonie aux approches de l'équinoxe, selon ma louable coutume. [Voltaire, ib. 8 mars 1775] Il avait tâté de plusieurs métiers avant de se fixer. [Grimm, Corresp. t. I, p. 389] Depuis qu'elle avait voulu tâter de la littérature. [Rousseau, Les confessions] Je n'attends que la paix pour voyager ; je tâterai de différents pays. [D'alembert, Lett. à Voltaire, 22 déc. 1759]
  • 10Ne pas tâter de, ne pas mordre à, ne pas être pris à. Il a beau dire, je ne tâte pas de son amour pour la Provence. [Sévigné, 32] Chavigny fit le malade, mais M. le Prince ne tâta pas de cette duperie. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]
  • 11Se tâter, vpron Appliquer sur soi-même le toucher. Pourtant, quand je me tâte et que je me rappelle, Il me semble que je suis moi. [Molière, L'amphytrion]
  • 12 Fig. Examiner ses sentiments, se sonder sur quelque chose. Il se juge en autrui, se tâte, s'étudie. [Corneille, La mort de Pompée] Il faut se tâter, se manier, se sonder, pour savoir qu'on est vain. [Malebranche, De la Recherche de la vérité] Ce n'est que dans un commerce libre et ingénu qu'on peut bien connaître les hommes, qu'on se tâte, qu'on se démêle et qu'on se mesure avec eux. [Vauvenargues. Oeuv. compl. t. I, p. 122, dans POUGENS]
  • 13Être trop attentif à sa santé. Il se tâte continuellement.

    Fig. Un peuple qui se tâte sans cesse, et trouve tous les endroits douloureux.... [Montesquieu, L'esprit des lois]

  • 14Essayer de connaître réciproquement la force l'un de l'autre. [Dans une discussion] on se tâte, pour ainsi dire, l'un l'autre dans les premiers coups qu'on se porte ; quand on s'est un peu expliqué, quand on croit avoir découvert où chacun met la difficulté, et avoir senti le faible, tout ce qui suit est plus vif, plus pressant. [Bossuet, Conf. avec Claude, Avertissement.] Après s'être tant tâtés et regardés en Europe, la guerre enfin se déclara de fait par les impériaux en Italie. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon] On se tâta, on s'étudia, on chercha à se lasser, à se surprendre réciproquement. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]
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