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tenir

vt (te-nir), je tiens, tu tiens, il tient, nous tenons, vous tenez, ils tiennent ; je tenais ; je tins, nous tînmes ; je tiendrai ; je tiendrais ; tiens, qu'il tienne, tenons ; que je tienne, que nous tenions, que vous teniez, qu'ils tiennent ; que je tinsse ; tenant ; tenu

Résumé

  • 1° Avoir à la main, ou entre les mains.
  • 2° Tenir quelqu'un, le retenir, contenir, soutenir.
  • 3° Tenir, en termes de manége.
  • 4° Posséder, occuper.
  • 5° Occuper, remplir, en parlant de l'espace.
  • 6° Tenir une maison, un appartement, les occuper, y loger.
  • 7° Occuper militairement.
  • 8° Tenir, en termes de marine.
  • 9° Avoir dans sa composition.
  • 10° Contenir, renfermer, ou être susceptible de contenir, de renfermer.
  • 11° Occuper certains lieux, exercer certains métiers, certaines professions pour l'utilité ou la commodité du public.
  • 12° Tenir maison.
  • 13° Mettre, garder en quelque lieu.
  • 14° Avoir autorité sur certaines choses.
  • 15° Faire qu'une personne ou une chose demeure dans un certain état, dans une certaine situation.
  • 16° Il se dit de l'ordre où sont placés les hommes et les choses, soit effectivement, soit dans l'opinion.
  • 17° Tenir, en termes de musique.
  • 18° Remplir une fonction.
  • 19° Réunir en séance une assemblée, une compagnie.
  • 20° Arrêter, fixer.
  • 21° Réprimer, empêcher de
  • 22° Tenir quelqu'un, être maître de son esprit, de son coeur.
  • 23° Donner une occupation durant quelque temps.
  • 24° Suivre, aller dans, en parlant d'une route, d'une voie.
  • 25° Observer comme règle.
  • 26° Exécuter, effectuer, en parlant de ce qui est promis.
  • 27° Persister dans.
  • 28° Il se dit des affections, des passions, des maladies du corps et de l'esprit qui s'emparent de quelqu'un.
  • 29° Tenir de, être redevable à.
  • 30° Tenir de, avoir appris de quelqu'un, en parlant d'une nouvelle, d'un récit, d'un fait
  • 31° Réputer, croire.
  • 32° Professer, être partisan de.
  • 33° Tenir des discours, un langage, parler d'une certaine manière.
  • 34° Être chargé de gérer la caisse, de faire les écritures des livres, chez un banquier, chez un négociant.
  • 35° Soutenir, en parlant d'un pari.
  • 36° Tenir tête, tenir pied, tenir la main, tenir l'oeil.
  • 37° Saisir intellectuellement.
  • 38° Faire tenir, faire en sorte que certaines choses soient remises, transmettre.
  • 39° vi Être attaché à.
  • 40° Être difficile à ôter, à arracher, à déplacer.
  • 41° Ne tenir à rien, ne tenir à guères.
  • 42° Fig. Tenir au coeur.
  • 43° Être attaché par des liens moraux.
  • 44° Être pris par une opinion, une affection, une passion.
  • 45° Avoir des rapports, des relations de famille ou autres.
  • 46° Avoir pour but, désirer.
  • 47° Être contigu.
  • 48° Résulter, provenir de. Dépendre.
  • 49° Avoir de la ressemblance, participer.
  • 50° Être assemblé, en parlant d'un corps délibérant, d'une assemblée.
  • 51° Persister, se maintenir dans le même état.
  • 52° Subsister sans altération, en parlant d'un traité, d'une convention, d'un marché.
  • 53° Se maintenir dans une situation.
  • 54° Tenir pour, se ranger du côté de, donner son assentiment à.
  • 55° Résister, tant au propre qu'au figuré.
  • 56° Tenir, en termes de chasse.
  • 57° Tenir, en termes de marine.
  • 58° Ne pas tenir à, ne pas tenir contre, être irrité, impatienté. Ne pouvoir plus y tenir.
  • 59° En tenir, avoir reçu des coups, du plomb ou autre chose, et fig. éprouver quelque chose de fâcheux, être dupé ; être séduit, épris.
  • 60° Être contenu.
  • 61° vpron Se tenir, se prendre, s'attacher à quelque chose.
  • 62° Se tenir l'un l'autre.
  • 63° Se tenir ou s'en tenir à une chose, ne vouloir, ne faire rien de plus, se borner à.
  • 64° Être, demeurer dans un certain lieu.
  • 65° Être, demeurer dans une certaine situation.
  • 66° Il se dit de certaines dispositions morales ou intellectuelles.
  • 67° Avoir lieu, en parlant d'assemblées, de réunions.
  • 68° Se contenir, retenir quelque mouvement de passion. Se tenir de, s'empêcher de.
  • 69° Se tenir, en termes de marine.
  • 70° Se réputer, se croire.
  • 71° Être dit, prononcé.
  • 72° Être accompli, en parlant d'une promesse.
  • 1Avoir à la main ou entre les mains. L'autre [enfant] sortit aussitôt [du sein de sa mère], et il tenait de sa main le pied de son frère ; c'est pourquoi il fut nommé Jacob. [Sacy, Bible, Genèse, XXV, 25] Ne tiens-je pas une lanterne en main ? [Molière, L'amphytrion] En vain Monsieur, en vain le roi même tenait Madame serrée par de si étroits embrassements. [Bossuet, Oraisons funèbres] Où me cacher ? fuyons dans la nuit infernale ; Mais que dis-je ? mon père y tient l'urne fatale. [Racine, Phèdre] Ce qu'on ne s'imaginerait pas, il [La Fontaine] faisait ses délices de Platon et de Plutarque ; j'ai tenu les exemplaires qu'il en avait. [D'olivet, Hist. Acad. t. II, p. 340, dans POUGENS] Il [Charles XII] tenait lui-même sa jambe avec les deux mains, regardant les incisions qu'on lui faisait, comme si l'opération eût été faite sur un autre. [Voltaire, Histoire de Charles XII] Que diable aussi, l'on tient ce qu'on tient. [Beaumarchais, Le barbier de Séville, ou La précaution inutile]

    Fig. Rendre les papes assez puissants pour tenir en maîtres la balance de l'Italie. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII]

    Fig. Tenir en ses mains, avoir en sa puissance. Dieu tient le coeur des rois entre ses mains puissantes. [Racine, Esther] Vous tenez dans vos mains plus d'une destinée. [Voltaire, L'orphelin de la Chine]

    On dit de même : tenir en sa puissance. Je tiens le fils des rois, le vôtre, en ma puissance. [Voltaire, L'orphelin de la Chine]

    Se tenir, tenir à soi. Il se tenait la tête dans ses mains.

    Familièrement. Se tenir les côtes, et, plus rarement, les côtés de rire, rire démesurément. On rit beaucoup à Versailles de la conversation du roi avec le marquis Simon le Franc ; on en aurait ri sous Louis XI ; comment voulez-vous qu'on ne se tienne pas les côtes sous Louis XV, le plus indulgent et le plus aimable des souverains ? [Voltaire, Correspondance] Je quitte la plume pour me tenir les côtés ; il faut que je satisfasse mon envie de rire. [Letourneur, Cl. Harlowe, Lett. 99]

    Terme de jeux. Tenir les cartes, les mêler et les donner ensuite.

    Fig. Cet homme tient le bon bout, il est nanti, il a ses sûretés.

    Fig. Tenir le fil d'une intrigue, en avoir saisi le noeud, le secret.

    Au jeu de dés, tenir les dés, avoir le cornet en main, avoir la main pour jeter les dés.

    Fig. Tenir le dé dans la conversation, être, dans une conversation, celui qui la dirige et qui a la parole.

    Fig. Tenir la plume, faire les fonctions de secrétaire.

    Cet homme tient bien ce qu'il tient, il n'est pas facile de lui faire lâcher prise, et aussi il est avare.

    Fig. Il ne tient rien, se dit d'un homme qui manque à réussir en quelque chose. Et, quand il a goûté d'un si doux entretien, Je puis dire dès lors que je ne tiens plus rien. [Corneille, la Suiv. II, 7] Tu me dis des injures exprès pour voir si je me mettrai en colère ; mais tu ne tiens rien. [Boursault, Lett. nouv. t. III, p. 169, dans POUGENS] Prenez-la dans l'emportement, ou vous ne tiendrez rien. [Baron, Homme à bon. fort. III, 1] Si vous jouez toujours votre personnage aussi mal, nous ne tenons rien. [Marivaux, L'heureux stratagème]

    En un sens analogue. Comment peut-on savoir ce qu'on tient avec lui ? Jamais ce qu'il vous dit n'est ce qu'il veut vous dire. [Gresset, Le méchant]

    Absolument. Tiens, tenez, prends, prenez. Tiens, voilà de quoi vaincre et taureaux et gens d'armes. [Corneille, La toison d'or] Tiens, tiens, sans y chercher plus de façon, voilà Ton beau galant de neige avec ta nonpareille. [Molière, Le dépit amoureux] Tiens, perfide, regarde et démens cet écrit. [Racine, Bajazet] Il [Rosimond] retourna chercher la fée dans les bois : Tenez, lui dit-il, votre anneau. [Fénelon, t. XIX, p. 29, Rosimond et Braminte.]

    Se dit aussi à une personne que l'on frappe, qui subit quelque mauvais traitement. Tiens, tiens, voilà le coup que je t'ai réservé. [Racine, Andromaque]

    Il s'emploie uniquement pour attirer l'attention. Tenez, je vais tout vous dire. Tenez, tous vos discours ne me touchent point l'âme, Horace avec deux mots en ferait plus que vous. [Molière, L'école des femmes] Tenez, cet animal, qui débute par me dire une injure. [Marivaux, Les serments indiscrets]

    Familièrement. Tiens ! je ne m'y attendais pas.

    Il se dit quelquefois avec le sens de : voyez. Tenez, le voilà qui passe dans la rue.

  • 2Tenir quelqu'un, le retenir, contenir, soutenir. Tenir quelqu'un par le bras, par le corps. Tenir un enfant par la lisière. Ah ! c'est à ce coup que nous te tenons, pendard. [Hauteroche, Le Cocher supposé] Je te tiens écumant sous mon talon de fer ! [Hugo, Ruy Blas]

    Fig. Tenir quelqu'un par les lisières, le gouverner comme un enfant.

    Tenir par la main, prendre avec sa main la main, le bras de quelqu'un. Elle tenait son enfant par la main.

    Tenir quelqu'un à la gorge, voir GORGE.

    Fig. Tenir quelqu'un au cul et aux chausses, voir CHAUSSES.

    Fig. Tenir quelqu'un le bec dans l'eau, voir BEC.

    Fig. Tenir quelqu'un, quelque chose dans sa manche, voir MANCHE 2, n° 1.

    Fig. Tenir quelqu'un de court, ne pas laisser de liberté L'évêque de Chartres n'aimait pas les jésuites, les tenait de court et bas. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]

    Fig. Tenir de près, surveiller avec soin. J'ai élevé votre soeur, je suis sans inquiétude, je l'ai tenue de si près. [Genlis, Théât. d'éduc. la Cloison, sc. 8]

    Il faut le tenir à quatre, se dit d'un fou, d'un furieux qui ne peut être contenu que par les efforts de plusieurs hommes réunis.

    Fig. Il faut le tenir à quatre, se dit d'un homme emporté dont il est difficile d'empêcher les violences.

    Fig. Se faire tenir à quatre, faire le difficile dans une affaire, dans un accommodement. Et pour Junon qui fait la folle, Et se fait à quatre tenir, Vous la verrez bien revenir. [Scarron, Virgile travesti] Fig. Ne pas se faire tenir, être tout disposé à. Bartholomé, ayant ses hontes bues, Ne se fit pas tenir pour demeurer. [La Fontaine, Calend.]

    Fig. Je tiens mon homme, je le tiens, je l'ai amené dans le piége, il ne peut plus m'échapper.

    Tenir un enfant sur les fonts, ou, simplement, tenir un enfant, le présenter au baptême, en être le parrain ou la marraine. Le Dauphin [Charles VIII] fut tenu sur les fonts par Charles de Bourbon, archevêque de Lyon, et par Jeanne de France, duchesse de Bourbon. [Duclos, Oeuv. t. II, p. 416] Le directeur de la douane s'avisa de me prier de lui tenir un enfant. [Rousseau, Les confessions]

    Fig. Tenir quelqu'un sur les fonts, voir FONTS.

    Fig. Tenir quelqu'un sur le tapis, voir TAPIS.

  • 3 Terme de manége. Tenir un cheval, le maintenir dans les différents exercices auxquels on le soumet. Tenir un cheval en bride, en talons.

    Fig. Tenir quelqu'un en bride, l'assujettir, l'arrêter, le conduire malgré lui.

    Tenir un cheval dans la main, en être toujours le maître.

    Tenir la main, tirer la bride.

    Tenir les hanches, faire marcher par des pas de côté, en sorte que la jambe de dehors chevauche sur celle de dedans.

    Tenir les chevaux au filet, les attacher avec un filet dans la bouche pour les empêcher de manger.

    Fig. Tenir quelqu'un au filet, voir FILET, n° 2.

    Tenir la bride haute, tenir la bride de manière à empêcher le cheval de se livrer à son ardeur.

    Fig. Il [un galant homme] doit tenir la bride aux grands empressements Qu'on a de faire éclat de tels amusements [faire des vers]. [Molière, Le misanthrope]

    Terme de courses. Tenir la corde, faire courir son cheval le plus près possible de la corde qui détermine l'hippodrome, ce qui est un avantage, et fig. avoir l'avantage, être supérieur. Pour me servir d'une comparaison de jockey, mon rival avait l'avance et tenait la corde. [Ch. de Bernard, Un acte de vertu, § VI]

  • 4Posséder, occuper. Tenir un pays en souveraineté. Tenir une terre en fief. Ces autres peuples des Indes qui tiennent un pays vaste et inhabité. [Vaugelas, Q. C. 539] Elle marche comme un général à la tète d'une armée royale, pour traverser des provinces que des rebelles tenaient presque toutes. [Bossuet, Oraisons funèbres] Nos seigneurs les castors tenant le Canada Se piquent d'être un peuple libre. [La Motte, Fabl. III, 6] Sextus Pompée tenait la Sicile et la Sardaigne. [Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence] L'Église y trouvait cet avantage, que ceux qui avaient reçu de ces biens [pris sur elle] ne les tenaient plus que d'une manière précaire. [Montesquieu, L'esprit des lois] Ce fut alors que saint Pierre vint établir son siége à Rome, après l'avoir tenu sept ans à Antioche. [Condillac, Hist. anc. XV, 5]

    Cet officier, ce commandant tient telle ville, telle place de guerre pour le service de tel prince, il y commande, il la garde pour les intérêts de ce prince.

    Cela se dit surtout en temps de troubles, de droits contestés. Il se jeta dans la place, et la tint pour le roi.

    Tenir une terre par ses mains, la faire valoir soi-même, au lieu de l'affermer.

    Tenir une terre à foi et hommage de quelqu'un, posséder une terre qui relève de quelqu'un.

    Absolument. Tenir de quelqu'un à cause de quelque terre. Il tenait de tel seigneur.

  • 5Occuper, remplir, en parlant de l'espace. Il tient en voiture la place de deux personnes. L'armée tenait deux lieues de pays. Ces tableaux tiennent trop de place. Les épisodes tiennent la moitié de ce poëme. Il tient le milieu en se promenant avec ses égaux. [La Bruyère, VI]

    Il se dit aussi du temps. J'ai lu la Vie de M. d'Épernon, qui tient presque un siècle. [Sévigné, 27 avril 1689]

    Fig. Tenir lieu d'une personne, d'une chose, la remplacer. Vous qui me tenez lieu d'Agrippe et de Mécène. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Tous les hommes, de quelque condition qu'ils soient, nous tiennent lieu de prochain. [Bourdaloue, Exhort. sur l'observ. des règles, t I, p. 225] Une servile peur tint lieu de charité, Le besoin d'aimer Dieu passa pour nouveauté. [Boileau, Le lutrin] Vous à qui cependant je consacre mes jours, Muses, tenez-moi lieu de fortune et d'amours. [Piron, La métromanie, ou Le poète]

  • 6Tenir une maison, un appartement, occuper une maison, un appartement, y loger.

    Tenir le lit, tenir la chambre, demeurer dans son lit, dans sa chambre.

    Terme de pratique. Tenir prison, demeurer en prison.

  • 7Occuper militairement. Il destina les gros navires à tenir le fleuve, et à tomber avec impétuosité sur les ennemis. [Fléchier, Histoire de Théodose le Grand]

    Tenir la campagne, voir CAMPAGNE n° 1.

  • 8 Terme de marine. Tenir la mer, rester à la mer, en naviguant sans relâche. Nous passâmes deux mois à tenir la mer. Mém. Villette-Mursai, dans JAL] Mylord Herbert a attaqué M. de Gabaret, qui tenait la haute mer avec une partie de notre flotte. [Sévigné, 25 mai 1689]

    Tenir la mer, être maître de la mer. Les Romains tenant la mer, il n'était plus possible d'envoyer ni vivres, ni secours aux armées de Sicile. [Rollin, Histoire ancienne] Il restait aux Suédois une armée navale avec laquelle ils tenaient la mer. [Voltaire, Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand]

    Tenir la côte, la ranger de près.

    Tenir le large, naviguer à une certaine distance de la côte.

    Tenir le plus près, naviguer au plus près du vent.

    On disait autrefois : tenir au plus près. Ils [les ennemis] tenaient au plus près du vent, pour tâcher de nous le regagner. Mém. de Villette, dans JAL]

    Tenir le vent, synonyme de tenir le plus près. Les Français ont presque tout fait [à une bataille navale contre les Hollandais], y ayant eu cinquante vaisseaux anglais qui n'ont fait que tenir le vent. [Pellisson, Lettres historiques] En partant de l'Ascension, je tins le vent pour ranger les côtes du cap Vert d'aussi près qu'il me serait possible. [Bougainville, Voir t. II, p. 407]

    Tenir la cape, c'est rester à la cape pendant un certain temps.

    Tenir un objet, un autre bâtiment par son travers, le laisser sur le côté.

    Tenir deux objets l'un par l'autre, apercevoir deux objets sur une même ligne.

    Tenir un bâtiment, n'être point gagné de vitesse par lui.

    Tenir sous son pavillon, tenir ralliés autour du vaisseau que l'on commande et sur lequel est arbore le signe distinctif de son commandement, les navires que l'on escorte, le convol que l'on est chargé de protéger.

    Tiens bon ! tiens bon, là ! commandement à des hommes qui agissent sur un cordage, sur un cabestan, etc. de suspendre leurs efforts, ou, selon les cas, d'amarrer le cordage dont il s'agit sans en rien lâcher.

  • 9Avoir dans sa composition. En général, les mines de plomb tiennent presque toutes une petite quantité d'argent. [Buffon, Minéralogie] Les mines de cuivre tenant argent sont bien plus communes que celles qui contiennent de l'or. [Buffon, ib. p. 72]
  • 10Contenir, renfermer, ou être susceptible de contenir, de renfermer. Cette salle tient mille personnes. Cette bibliothèque tient mille volumes. Tenir pour pouvoir soutenir est fort nouveau en notre langue ; on ne le voit point dans les anciens auteurs ; et en effet on ne trouve point tenir en cette manière dans le Dictionnaire de Nicod. [Vaugelas, Nouv. Rem Observ. de M.***, p. 95, dans POUGENS]

    Ce baril, ce seau tient bien le vin, l'eau, le vin, l'eau qu'on y met ne s'enfuit point. Un mastic avec lequel j'ai fait enduire, il y a trente-six ans, un assez grand bassin au jardin du roi, qui depuis a toujours tenu l'eau. [Buffon, Minéralogie]

    Fig. et familièrement. Tenir beaucoup de vin, boire beaucoup sans devenir ivre. Vous mettez votre gloire à tenir bien du vin. [Regnard, Le distrait] Il [Vaillac] tenait beaucoup de vin, enivrait la compagnie et s'enivrait après. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]

  • 11Occuper certains lieux, exercer certains métiers, certaines professions pour l'utilité ou la commodité du public. Tenir boutique. Tenir pension. Tenir une auberge. Tenir une académie d'équitation. On eût dit presque qu'il imitait les anciens gymnosophistes qui menaient leurs disciples dans les déserts où ils tenaient leur école. [Fontenelle, Tournefort.]

    Tenir école, être à la tête d'une école, enseigner.

    Fig. Rousseau [Jean-Baptiste].... écrivit que j'étais venu en Hollande prêcher contre la religion, que j'avais tenu école de déïsme chez M. 'SGravesende. [Voltaire, Correspondance]

    Tenir des marchandises, avoir un assortiment de certaines marchandises, en vendre. Tenez-vous de la mercerie ? Madame sera contente, je l'espère : vous aussi, mesdames ; je tiens de tout et à bon compte. [Picard, La manie de briller]

  • 12Tenir maison, voir MAISON, n° 15.

    Tenir table, voir TABLE, n° 7.

  • 13Mettre, garder en quelque lieu. Il tient son argent en son cabinet. Il faut tenir cela à la cave, dans le garde-manger. On le tient en prison. Qu'on la tienne en lieu sûr, en attendant sa mère. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Il faut tenir la couveuse [faisane] dans un endroit éloigné du bruit et un peu enterré, afin qu'elle y soit plus à l'abri des inégalités de la température et des impressions du tonnerre. [Buffon, Oiseaux]

    Cet homme tient sa femme à la campagne, dans un couvent, il l'oblige de demeurer à la campagne, dans un couvent. Depuis deux ans mon oncle me tient éloigné du monde, dans ce triste château. [Pont de Vesle, Somnamb. SC. I]

    Il tient son fils dans un collége, au collége, il l'a mis au collége, afin qu'il étudie.

    Tenir des écoliers en pension, les avoir en pension chez soi.

    Tenir quelqu'un chez soi, le loger chez soi, lui donner sa table.

    Tenir quelqu'un, l'avoir près de soi, sous sa main. Et, puisque je vous tiens, vous souperez ici. [Régnier, Satires] Ah ! si nous le tenions ici, que je prendrais de joie à venger, sur son dos, tous les pas inutiles que sa jalousie nous fait faire ! [Molière, Le sicilien, ou L'amour peintre]

    Ce prince tient un ambassadeur, un résident auprès de tel prince, dans telle cour, il entretient un ambassadeur, un résident, etc.

    Tenir une garnison dans une ville, y entretenir une garnison.Tenir garnison dans une ville, y être en garnison.

    On dit en un sens analogue : tenir des troupes en un lieu. tous les lieux où il [Louis XIV] est obligé de tenir des troupes. [Pellisson, Lettres historiques]

  • 14Avoir autorité sur certaines choses. Pouvions-nous le surprendre, ou forcer les cohortes Qui de jour et de nuit tiennent toutes ses portes ? [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Songez-vous que je tiens les portes du palais ? [Racine, Bajazet]

    Fig. C'est le Dieu des chrétiens, c'est le maître des rois, C'est lui qui tient ma foi, c'est lui dont j'ai fait choix. [Corneille, Théodore et Héraclius]

  • 15Faire qu'une personne ou une chose demeure dans un certain état, dans une certaine situation. Il nous a tenus debout pendant deux heures. Tenir les esprits en suspens. Tenir quelqu'un en échec. Qui.... Tinrent fidèlement mon enseigne debout. [Régnier, Épîtres] Mais une juste peur tient son âme effrayée. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Tenez toujours divisés les méchants. [La Fontaine, Fables] Henriette me tient sous son aimable empire. [Molière, Les femmes savantes] Je vous ai mandé tout ce que je savais pour vos jambes ; si vous ne les tenez chaudement, vous ne serez jamais soulagée. [Sévigné, 382] C'était le dessein d'avancer dans cette étude de sagesse, qui la tenait si attachée à la lecture de l'histoire, qu'on appelle avec raison la sage conseillère des princes. [Bossuet, Oraisons funèbres] Pendant que la nature nous tient si bas, que peut faire la fortune pour nous élever ? [Bossuet, ib.] Dieu promet de tenir son peuple dans une durable et parfaite tranquillité. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Philisbourg qui tint si longtemps le Rhin captif sous nos lois. [Bossuet, Oraisons funèbres] Ces lieux sombres et retirés où la honte tient tant de langueurs et de nécessités cachées. [Fléchier, Oraisons funèbres] Mais de nos saints autels qu'elle tienne éloignée D'un ramas d'étrangers l'indiscrète fureur. [Racine, Athalie] Ne point boire trop frais, ni de vin que fort trempé ; du reste vous tenir l'esprit toujours gai. [Racine, Lett. à Boileau, 24 mai 1687] L'art que j'avais de tenir toujours les hommes dans quelque nouvelle espérance. [Fénelon, Dialogues des morts] Je viens vous tenir un cheval tout prêt, en cas de semblable malheur, afin qu'on ne vous coupe pas la tête. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] Afin que l'idée de la présence de Dieu aux pensées les plus secrètes de l'âme obligeât les hommes à tenir leur coeur, non moins que leurs mains, dans une grande pureté. [Rollin, Histoire ancienne] Quelqu'un de ces génies supérieurs qui sont faits pour gouverner les esprits médiocres, et les tenir toujours dans la situation dont on a besoin. [Lesage, Turcaret] Pour tenir les grands princes toujours faibles, ils [les Romains] ne voulaient pas qu'ils reçussent dans leur alliance ceux à qui ils avaient accordé la leur. [Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence] Les églises se partageaient entre les héritiers ; et, quand elles étaient tenues d'une manière indécente, les évêques n'avaient d'autre ressource que d'en retirer les reliques. [Montesquieu, L'esprit des lois] J'ai tenu, pendant quarante-huit heures, sept milliers de fonte en fusion dans mon fourneau. [Buffon, Minéralogie] Vous avez tenu vos amis en peine. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation] Il ne faut ni tenir la main fermée ni l'ouvrir tout à la fois ; il faut ouvrir les doigts l'un après l'autre ; la vérité s'en échappe peu à peu, sans faire courir aucun risque à ceux qui la tiennent et qui la laissent échapper. [D'alembert, Oeuv. t. IV, p. 88] Adieu, mon cher maître : le ciel vous tienne en joie ! [D'alembert, Lett. à Voltaire, 9 janvier 1773]

    Bien tenir, mal tenir sa maison, la bien, la mal administrer.

    Il tient bien sa classe, il y maintient la discipline ; il ne sait pas tenir une classe, il ne sait pas y maintenir la discipline.

    Cette place de guerre tient le pays en respect, tient le pays en crainte, tout le pays est sous la domination de cette place.

    Ce corps de troupes a tenu les ennemis en respect, il était tellement posté que les ennemis n'ont pu faire aucune entreprise.

    Cet emploi tient en sujétion, il ne laisse pas de temps libre.

    Tenez cela secret, gardez le silence là-dessus. On convint de tenir l'affaire secrète. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***] Les Chaldéens tenaient leur science secrète pour se faire plus respecter des peuples. [Voltaire, Dictionnaire philosophique]

    Familièrement. Il nous a tenu le cas secret, il a affecté de n'en point parler, il en a fait mystère.

    Tenir en exercice, en haleine, exercer souvent.

    Tenir une chose en état, en bon état, la maintenir, l'entretenir.

  • 16Il se dit de l'ordre où sont placés les hommes et les choses, soit effectivement, soit dans l'opinion. Les livres reliés tiennent le premier rang de ces tablettes. Des bois tiennent le haut du coteau. Je t'ai préféré même à ceux dont les parents Ont jadis dans mon camp tenu les premiers rangs. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Je me trouve assez de bien pour tenir dans le monde un rang assez passable. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Après avoir tenu dans le monde des rangs honorables. [Bourdaloue, Myst. Ascens. de J. C. t. I, p. 403] Le voilà donc mort, ce grand ministre [Louvois], cet homme si considérable, qui tenait une si grande place. [Sévigné, Lett à de Coulanges, 26 juillet 1691] La reine, qui dans Sparte avait connu ta foi, T'a placé dans le rang que tu tiens près de moi. [Racine, Iphigénie en Aulide]

    Tenir le haut bout, le haut du pavé, occuper le plus haut rang.

    Tenir sa place, figurer avec honneur. Soyez persuadé que, par mon goût, vous seriez tout le beau premier à la fête [le mariage de Mlle de Sévigné] ; bon Dieu, que vous y tiendriez bien votre place ! [Sévigné, Lett. à Bussy, 7 janv. 1669] Par son savoir et ses lumières tenant bien sa place au milieu d'eux. [Rousseau, Les confessions]

    On dit de même familièrement : tenir bien son coin.

    Tenir bien son rang, sa place, son poste, occuper dignement l'emploi où l'on est.

  • 17 Terme de musique. Tenir sa partie, la chanter ou la jouer.

    Fig. et familièrement. Tenir bien sa partie, bien remplir les fonctions dont on est chargé.

    Tenir l'orgue. M. Chauvot, l'habile organiste, tenait le grand orgue. [Journal officiel]

  • 18Remplir une fonction. Quand le chancelier tenait le sceau. Au nom de l'empereur dont vous tenez la place. [Corneille, Polyeucte] Je suis né de parents, sans doute, qui ont tenu des charges honorables. [Molière, Le bourgeois gentilhomme]

    Au théâtre, tenir un rôle, le remplir. Les autres rôles sont honnêtement tenus, mais pas davantage. [Fr. Sarcey, Opin. nat. du 20 mai 1867]

  • 19Réunir en séance une assemblée, une compagnie. Tenir audience. C'est dans cette salle que l'Académie tient ses séances. Tenir les plaids. C'est tel président qui tient cette année la chambre des vacations. Le lion tint conseil, et dit : mes chers amis.... [La Fontaine, Fables] L'écrit portait Qu'un mois durant le roi tiendrait Cour plénière.... [La Fontaine, ib. VII, 7] Il [l'empereur Rodolphe] aimait beaucoup mieux s'instruire avec le fameux Ticho-Brahé que tenir les états de Hongrie et de Bohême. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII] Irène.... parla elle-même dans le concile [2e de Nicée] ; c'est le seul qui ait été tenu par une femme. [Voltaire, Dictionnaire philosophique] Le roi tient actuellement son lit de justice pour cette belle affaire du parlement et du clergé. [D'alembert, Lett. à Voltaire, 13 déc. 1756]

    Tenir chapelle, voir CHAPELLE.

    Les gens tenant le parlement, se disait, sous l'ancienne monarchie, des membres du parlement.

    Par plaisanterie. Si j'avais un conseil à donner aux gens tenant la comédie... [Voltaire, Correspondance]

  • 20Arrêter, fixer. On ne peut le tenir. Il est fort léger ; on ne sait comment le tenir.
  • 21Réprimer, empêcher de. Madame la Dauphine ne put tenir plus longtemps les éclats de rire. [Sévigné, 502] J'ai peine, en le voyant, à tenir ma colère. [Regnard, Le distrait] Si vous me promettiez de tenir votre langue, je vous conterais.... mais non ; car vous iriez tout dire. [Courier, 2e lett. particulière.]

    Je ne sais qui me tient, je ne sais qui m'empêche de sévir. Je ne sais qui me tient, infâme, Que je ne t'arrache les yeux. [Courier, Amph. II, 3] Pour vous conduire au but où pas un ne parvient, Et quand enfin ?... allez ! je ne sais qui me tient. [Piron, La métromanie, ou Le poète]

  • 22Tenir quelqu'un, être maître de son esprit, de son coeur. Je suis si attachée à vous, et vous me tenez par tant d'endroits, que je sens plus que les autres la peine de la séparation. [Sévigné, 279] Je donnais des plaisirs aux gens débauchés et de la dévotion aux dévots pour les tenir tous. [Fénelon, Dialogues des morts]
  • 23Donner une occupation durant quelque temps. Cette lecture m'a tenu longtemps. J'ai eu une visite qui m'a tenu une heure. Cet avocat a tenu toute l'audience. Je ne vous tiendrai guère. Il nous a tenus deux heures à ne rien faire.
  • 24Suivre, aller dans, en parlant d'une route, d'une voie. Je l'ai rencontré, il tenait le chemin de Lyon. Ces marchands faisaient leur route, tenant à peu près le quarantième degré de latitude nord. [Montesquieu, L'esprit des lois]

    Fig. Il faudra tenir la voie qu'ont tenue tous vos pères [il faudra mourir]. [Massillon, Avent, Mort du péch.]

    Fig. Tenir un chemin, une route, agir dans une certaine direction. Le chemin que je tiens pour les expliquer [les questions de Dieu et de l'âme]. [Descartes, Méditations] Je vais de toutes parts où me guide ma veine, Sans tenir en marchant une route certaine. [Boileau, Disc. au roi.] Tout doit tendre au bon sens ; mais, pour y parvenir, Le chemin est glissant et pénible à tenir. [Boileau, L'art poétique] Comme on croit d'ordinaire que la route qu'on a tenue était la seule qu'on devait prendre. [Voltaire, Œdipe] La meilleure manière d'instruire les autres, c'est de les conduire par la route qu'on a dû tenir pour s'instruire soi-même. [Condillac, Conn. hum. II, 2]

    Fig. La conduite à tenir en tel cas, la façon dont il faut s'y comporter.

    Tenir une bonne ou une mauvaise conduite, se conduire bien ou mal.Tenir le milieu dans une affaire, prendre un tempérament, un expédient entre deux choses opposées, entre deux extrémités. Le milieu entre l'ampoulé et le familier est difficile à tenir. [Voltaire, Comm. Corn. rem. Héracl. I, 1]

    Fig. Tenir le parti de quelqu'un, être de son parti.

    Terme de vénerie. Tenir la voie, suivre bien la voie. Tenir les abois, se dit lorsque l'animal s'arrête au milieu des chiens qui crient dessus.

  • 25Observer comme règle. L'ordre que j'ai tenu en ceci a été tel : premièrement.... [Descartes, Discours de la méthode] Quel temps devons-nous prendre, et quel ordre tenir ? [Corneille, La mort de Pompée] Cet empire que tient la raison sur les sens Ne fait pas renoncer aux douceurs des encens. [Molière, Les femmes savantes]
  • 26Exécuter, effectuer, en parlant de ce qui est promis. Vous commencez à tenir ce que vous m'avez dit, que vous ne seriez bonne qu'aussi longtemps que la fortune me serait mauvaise. [Voltaire, Correspondance] Et reconnaissez-vous au front de vos amis Qu'ils soient prêts à tenir ce qu'ils vous ont promis ? [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Un étranger, Fatime, un captif inconnu, Promet beaucoup, tient peu.... [Voltaire, Zaïre]

    Fig. et familièrement. Sa mine promet peu et tient beaucoup. Une vogue qui promettait tant et tenait si peu. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    Tenir sa parole, sa promesse, y rester fidèle. Tant s'en faut que les vents aient emporté ma promesse, ils m'ont donné lieu de la tenir ; il y a déjà huit jours qu'ils m'arrêtent ici. [Voiture, Lettres] Ces hommes du commun tiennent mal leurs promesses. [Corneille, Nicomède] Valère a votre foi ; la tiendrez-vous, ou non ? [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur] J'ai fait voeu d'être veuve, et je le veux tenir. [Regnard, Le bal]

    Tenir un traité, un marché, une convention, exécuter un traité, un marché, une convention.

  • 27Persister dans. Nous nous jurâmes amitié, je la tiendrai toute ma vie à sa famille avec tendresse et reconnaissance. [Retz, Mémoires] Elle m'a répondu, tenant son quant-à-moi : Va, va, je fais état de lui comme de toi. [Molière, Le dépit amoureux] Vous tenez votre gravité.... démontez votre sérieux. [Sévigné, à Bussy, 9 juin 1669] Le roi, tout accoutumé qu'il était à représenter, eut peine à tenir son sérieux. [Comte de Caylus, Féeries, Oeuv. t. VIII, p. 238, dans POUGENS]

    Tenir sa colère, persister dans sa colère (locution qui a vieilli). Les femmes aiment la vengeance ; mais elles ne tiennent pas toujours leur colère. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    Tenir sa morgue, affecter d'avoir une mine fière et dédaigneuse.

    Tenir rigueur à quelqu'un, repousser les avances qu'il fait pour se réconcilier, ou continuer de lui refuser quelque chose.

    En musique, cet instrument tient l'accord, ne tient pas l'accord, il ne reste pas longtemps accordé. On dit aussi neutralement : il tient, il ne tient pas d'accord.

  • 28Il se dit des affections, des passions, des maladies du corps et de l'esprit, qui s'emparent de quelqu'un. La fièvre et la goutte m'ont tenu longtemps, chacune à leur tour, et je n'en suis pas encore tout à fait dehors. [Voiture, Lettres] Quelle mauvaise humeur te tient ? [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Voilà sa folie qui le tient. [Molière, Le médecin malgré lui] Dieu vous envoie des secours.... qui devraient bien vous empêcher de vous pendre, si cette envie vous tenait encore. [Sévigné, 490] Pour les douleurs, elles tiennent l'âme et le corps ; la vue de Dieu les fait souffrir avec patience.... mais elle ne les adoucit pas. [Sévigné, 4 mai 1672]

    Qu'a-t-il ? qu'est-ce qui le tient ? quel sujet, quelle raison a-t-il d'agir ainsi ?

    On dit de même : je ne sais ce qui le tient.

  • 29Tenir de, être redevable à. Zéthès, et Calaïs, et Pollux, et Castor, Et le charmant Orphée, et le sage Nestor, Tous vos héros enfin tiennent de moi la vie. [Corneille, Médée] Rome a reçu des rois ses murs et sa naissance ; Elle tient des consuls sa gloire et sa puissance. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Oui, je tiens tout de vous ; et j'avais lieu de croire.... [Racine, Bajazet] On fait gloire d'être ingrat envers les dieux, de qui on tient la vie et tous les biens qu'elle renferme. [Fénelon, Télémaque] Nous tenons des Arabes, les Arabes des Indiens, et peut-être les Indiens de quelque autre peuple, ces dix caractères 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 0. [Condillac, Lang. calc. I, 15]

    Ceux dont ou de qui je tiens la vie, mon père et ma mère.

    Ne tenir rien de quelqu'un, ne lui avoir aucune obligation, ne pas dépendre de lui.

    Tenir une femme de la main de quelqu'un, la recevoir conduite, présentée par lui. Il épouse, dit-il, Hermione demain ; Il veut, pour m'honorer, la tenir de ma main. [Racine, Andromaque]

    Tenir un domestique de la main de quelqu'un, avoir un domestique par l'entremise de quelqu'un. Et puis c'est de ma main que l'on tient la soubrette. [Imbert, Jaloux sans amour, v, 1]

    Tenir une chose de race, de naissance, apporter en naissant une chose qui s'est transmise par le sang des ancêtres. Ils sont tous braves, lans cette maison, ils tiennent cela de race. Je crois tenir un peu de Rome où je suis née. [Corneille, Othon]

    Absolument. Tenir de race, avoir les habitudes, les moeurs communes à une famille. J'ai tous les sentiments que mon devoir m'ordonne, Je tiens de votre sang et de votre couronne. [Rotrou, Antigone]

    Tenir quelque chose de son père et de sa mère, leur ressembler en cette chose. Il voit une jeune personne qui lui veut du bien (car il tient cela de vous, d'être aimé de toutes les femmes). [Molière, Les fourberies de Scapin] Je vous avertis, ma très chère, que vous n'aimez point à lire, et que votre fils tient cela de vous. [Sévigné, 608] Elle [la chienne mulet d'un chien et d'une louve] tenait du chien par sa queue qui était courte et émoussée, au lieu que le mâle tenait sa queue de la louve. [Buffon, Quadrupèdes]

    Absolument. Tenir de son père, de sa mère, leur ressembler soit de figure, soit de caractère. Je vous dis qu'elle tient de son père. [Racine, Les plaideurs] Vénus l'imita bien [Jupiter] : chacun tient de son père. [Voltaire, Dimanche.] Madame et mademoiselle avaient voulu lui faire un mystère.... mais il a deviné ; il tient de vous. [Picard, L'alcade de Molorido]

    Il a de qui tenir, se dit d'un enfant qui ressemble en quelque chose à son père ou à sa mère. Il a de qui tenir, répondit un autre bourgeois qu'il appelait son compère. [Caillères, Bon et mauv. us. Convers. I]

    Fig. Tenir quelque chose de, participer en quelque chose à la nature de. Comme une étincelle a quelque chose de semblable au soleil, et une goutte d'eau tient quelque chose du vaste océan. [Voltaire, Dialogue de Pégase et du vieillard]

  • 30Tenir de, avoir appris de quelqu'un, en parlant d'une nouvelle, d'un récit, d'un fait. Mais de qui tenez-vous la mort de D. Garcie ? [Corneille, Don Sanche] Il vous a dit qu'il tenait cela de ma bouche ? [Molière, La princesse d'Élide] Et c'est de Lycarsis qu'elle tient la nouvelle ? [Molière, La princesse d'Élide] Je tiens du célèbre Cheselden, le plus grand chirurgien de Londres, que ce fut lui qui commença de faire fabriquer à Londres, en 1715, les instruments de son art. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV]
  • 31Réputer, croire. Et je tiendrai toujours mon bonheur infini, Si les miens sont vengés, et le tyran puni. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Néarque : Je tiens leur culte impie [des païens]. - Polyeucte : Et je le tiens funeste. [Corneille, Polyeucte] Et moi, moins populaire, Je tiens indifférent d'être craint ou de plaire. [Rotrou, Antigone] Leur espérance est aux troupes de Brandebourg.... on les tient fortes de quatorze ou quinze mille hommes. [Pellisson, Lettres historiques] En cela j'ai pour guides Tous les maîtres de l'art, et tiens qu'il faut laisser Dans les plus beaux sujets quelque chose à penser. [La Fontaine, Fables] Parmi ces louis.... J'en ai, sans y penser, mêlé que je tiens faux. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps] Je tiens cette comédie une des plus plaisantes que l'auteur ait produites. [Molière, Critique de l'école des femmes] Je tiens que, hors de Paris, il n'y a point de salut pour les honnêtes gens. [Molière, Les précieuses ridicules] Je tiens impossible de connaître les parties, sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître les parties. [Pascal, Pensées] Thalès tenait que la vie et la mort ne différaient en rien. [Fénelon, Thal.] Je tiens que les gens qui sont auprès de nous nous communiquent, malgré que nous en ayons, leur joie ou leur tristesse. [Brueys, Grondeur, II, 16] Je tiens nos philosophes très gens de bien. [Voltaire, Correspondance] Je tiens les hommes de tous les siècles pour ce qu'ils sont, faibles, fourbes et méchants, trompeurs et dupes les uns des autres. [D'alembert, Oeuv. t. IV, p. 185]

    Tenir à, regarder comme. Estimant que ton coeur, par douceur diverti, Tiendrait les lâchetés à quelque conscience. [Régnier, Élégies] Je tiens à grand honneur de lui avoir des obligations que j'aurais honte d'avoir à tout autre. [Voiture, Lettres] Ils [les Germains] tiennent à grandeur d'être bornés par des déserts et des terres inhabitées. [D'ablanc. Guerre des Gaules, VI, 2] Mais si tu ne les perds [tes pas et tes discours], je le tiens à miracle. [Corneille, La veuve] Il n'est pas naturel de craindre et fuir l'honneur, De tenir les mépris à souverain bonheur. [Corneille, L'imitation de Jésus-Christ] Il [le cardinal de Richelieu] tiendrait à injure le mépris qu'on ferait de sa protection. [Pellisson, Histoire de l'Académie française] Le magistrat, tenant à mépris et irrévérence cette réponse, le fit mener en prison. [La Fontaine, Vie d'Ésope.] Il n'y a personne sans doute qui ne tînt à beaucoup de gloire de toucher à un tel ouvrage. [Molière, Le sicilien, ou L'amour peintre] Ils doivent tenir à grande grâce qu'il ait tellement.... [Bossuet, Lib. arb. 4]

    Tenir pour, même sens. Les jugements de ceux que j'ai tenus pour mes amis. [Descartes, Discours de la méthode] On les [chrétiens] tient pour sorciers dont l'enfer est le maître. [Corneille, Polyeucte] Saint Basile tenait ces écrits pour ariens. [Pascal, Les provinciales] Il tenait pour maxime qu'un habile capitaine peut bien être vaincu, mais qu'il ne lui est pas permis d'être surpris. [Bossuet, Oraisons funèbres] Si je n'ai mis douze brodeurs après [un habit], qui n'ont fait que travailler jour et nuit, tenez-moi pour un infâme. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] L'antiquité tenait pour axiome que rien n'est rien, que de rien ne vient rien. [Voltaire, Le pauvre diable] Je tiens pour impossible que les grandes monarchies de l'Europe aient encore longtemps à durer. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation]Je me le tiens pour dit, il n'est pas besoin que vous m'en avertissiez davantage. Son cousin ne se le tint pas pour dit. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    Tenez-vous pour dit, soyez assuré que, ou souvenez-vous que.

    Tenir comme, réputer pour, traiter comme. Je le loge et le tiens comme mon propre frère. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur]

    Tenir en estime, estimer. L'estime où je vous tiens ne doit pas vous surprendre. [Molière, Le misanthrope]

  • 32Professer, être partisan de. Mais je suis généreux, et tiens cette maxime Que... [Malherbe, IV, 6] C'est une opinion orthodoxe ; tous les thomistes la tiennent. [Pascal, Les provinciales] Vous et ceux qui tiennent cette doctrine. [Pascal, ib. XII] Jean, évêque de Jérusalem, accusé de tenir les huit propositions d'Origène. [Pascal, ib. XVIII] Leur but principal est de savoir au vrai les opinions qu'ils ont tenues, sans se mettre beaucoup en peine de ce qu'il en faut tenir. [Malebranche, De la Recherche de la vérité]
  • 33Tenir des discours, un langage, parler d'une certaine manière. Ce sont les discours que vous teniez, avant que nous eussions parlé à votre femme. [Hauteroche, Crispin médecin] Ah ! monsieur, sur mon compte on tient bien des propos. [Destouches, Hom. sing. I, 4] Deux amis, par exemple, qui ne se sont pas vus depuis longtemps, se rencontrent : l'attention qu'ils donnent à la surprise et à la joie qu'ils ressentent, leur fait naître aussitôt le langage qu'ils doivent se tenir. [Condillac, Art de pens. I, 5] On m'a prêté des discours que je n'ai jamais tenus, et que je n'aurais rien gagné à tenir. [D'alembert, Lett. à Voltaire, 8 déc. 1763]

    Molière a dit : tenir des paroles. Je vous trouve fort bon de tenir ces paroles, Fâcheux, I, 8. Qui ose tenir ces paroles ? je crois connaître cette voix, Don Juan, v, 5.

  • 34Être chargé de gérer la caisse, de faire les écritures des livres, chez un banquier, chez un négociant. Tenir la caisse chez un banquier, chez un receveur. Tenir les livres chez un banquier.

    On dit de même : tenir un registre, des registres.

    Tenir registre de quelque chose, inscrire quelque chose dans le livre, dans le registre.

    Tenir note de quelque chose, en prendre note pour s'en souvenir. Je vous dois déjà quelques ports de lettres ; ayez la bonté de tenir une note de tout cela jusqu'au printemps. [Rousseau, Correspondance]

    Fig. Cet homme tient registre de tout, il remarque tout exactement, et il s'en souvient.

    Tenir compte d'une somme à quelqu'un, lui passer cette somme en compte.

    Fig. Je vous tiendrai compte de cela, je chercherai les occasions de reconnaître les obligations que je vous ai.

    Fig. Tenir compte, ne pas tenir compte de quelqu'un, de quelque chose, voir COMPTE, n° 6.

  • 35Soutenir, en parlant d'un pari. Tenir une gageure.

    Tenir vingt francs, parier vingt francs.

    Je n'en voudrais pas tenir vingt écus, je ne donnerais pas la chose dont il s'agit pour vingt écus. En quelle impatience Suis-je de voir mon frère, et lui conter sa chance !... Je n'en voudrais pas tenir vingt bons écus. [Molière, L'école des maris]

    Absolument. Vous pariez cent francs, je tiens.

    Terme de jeux. Tenir jeu à quelqu'un, continuer à jouer contre lui tant qu'il veut.

    Dans les jeux de renvi, comme dans ceux où la mise n'est pas réglée, accepter un renvi, y aller de tout l'argent dont un autre y va. Vous y allez de cinq francs, je les tiens, je tiens tout.

    Absolument. Vous y allez de tant, je tiens.

    Absolument. Au trictrac, tenir, n'être pas forcé par le dé de rompre son plein, ou continuer à jouer sans lever les dames.

    Tenir le jeu, à la paume, être du côté de la grille, pour recevoir et jouer le service.

  • 36 Fig. Tenir tête à, voir TÉTE.

    Tenir pied à boule, voir BOULE.

    Tenir la main à quelque chose, voir MAIN, n° 41.

    Tenir l'oeil à, voir OEIL, n° 6.

  • 37Saisir intellectuellement. Je tiens le mot de l'énigme, le sens de ce passage, la solution du problème.
  • 38Faire tenir, faire en sorte que certaines choses soient remises, transmettre. Je vous envoie un livre de Mlle de Gournay, qu'elle m'a donné pour vous le faire tenir. [Voiture, Lettres] Ce pauvre garçon était attaché à M. Fouquet, il a été convaincu d'avoir servi à faire tenir une de ses lettres à sa femme. [Sévigné, 1] Je vous conseille de faire tenir un petit compliment par d'Hacqueville à Mme de la Fayette sur cette abbaye. [Sévigné, 238] Je ne doute point des difficultés de trouver de l'argent et de le faire tenir. [Maintenon, Lettres] Bon ! il y a dix ans qu'il est séparé de sa femme, à qui il fait tenir une pension à Valognes, afin de l'empêcher de venir à Paris. [Lesage, Turcaret] Ils n'avaient point de fusils à baïonnette ; même quand on leur en fit tenir de Londres, la plupart des Corses ne purent s'en servir. [Voltaire, Précis du siècle de Louis XV] On ne recevait plus de nouvelles de la Suède, et on ne pouvait y en faire tenir. [Voltaire, Histoire de Charles XII]
  • 39 vi Être attaché à. Damoclès nageait dans la joie [à la table de Denis].... il aperçoit malheureusement, en levant les yeux, la pointe d'une épée suspendue sur sa tête, et qui ne tenait au plancher qu'avec un crin de cheval. [Rollin, Histoire ancienne]

    Fig. Ne tenir qu'à un fil, à un filet, être près de se détacher. Sa vie ne tient qu'à un fil. Pour moi, je reçois d'étranges secousses, et mon coeur ne tient plus qu'à un filet. [Molière, Les précieuses ridicules]

    Fig. Ses pieds ne tiennent pas à terre, il ne tient pas à terre, se dit d'un enfant, d'un jeune homme vif et toujours en mouvement, ou d'une personne qui marche, qui danse fort légèrement.

    Tenir ensemble, être joints l'un à l'autre. Vous me dites des merveilles de votre santé, c'est-à-dire que vous êtes belle, car votre beauté et votre santé tiennent ensemble. [Sévigné, à Mme de Grignan, 14 juillet 1680] Il paraît qu'autrefois l'île de la Grande-Bretagne faisait partie du continent, et que l'Angleterre tenait à la France. [Buffon, Histoire naturelle générale et particulière] Le 26 octobre 1701, il est né à Tzoni, en Hongrie, deux filles qui tenaient ensemble par les reins ; elles ont vécu vingt et un ans. [Buffon, Histoire naturelle générale et particulière]

  • 40Être difficile à ôter, à arracher, à déplacer. On ne saurait arracher ce clou, il tient trop. L'emplâtre tenait fortement à la peau. Ces pierres tiennent fortement. Mais il n'a pas prévu Que je saurais souffler de sorte Qu'il n'est bouton qui tienne.... [La Fontaine, Fables]

    Cela tient comme poix, cela tient très fortement.

    On dit aussi : cela tient comme teigne.

    Cette porte tient, on a peine à l'ouvrir.

    Fig. Il n'est..., il n'y a qui tienne, quelque résistance que la chose oppose. Il n'est ordre qui tienne ; Je prie, et ce doit être assez... [Corneille Th. l'Inconnu, v, divert. sc. 1] Il n'est pas à la mode. - Il n'est mode qui tienne. [Montfleury, Femme juge et part. III, 2] Si, par un long abus du pouvoir, le despotisme s'établissait à un certain point [en Europe], il n'y aurait pas de moeurs ni de climat qui tinssent, et dans cette belle partie du monde la nature humaine souffrirait, au moins pour un temps, les insultes qu'on lui fait dans les trois autres. [Montesquieu, L'esprit des lois]

  • 41Ne tenir à rien, ne tenir à guères, se dit d'une situation fort précaire. Je crois que vous savez que Mademoiselle a chassé Guilloire ; le pauvre Segrais ne tient à guères. [Sévigné, 31] Il est certain que soit cela, soit autre chose aurait enfin renversé cette fortune qui ne tenait plus à rien. [Sévigné, 392] Ma condition présente ne tenait à rien. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***] La conduite du général [des jésuites] était d'autant plus maladroite, qu'il savait que le crédit de son ordre ne tenait presque plus à rien. [Voltaire, Histoire du parlement de Paris]

    Ne tenir à guères, avoir peu de force, en parlant de sentiments. Ma colère ne tient à guère, et ma tendresse pour vous deux [M. et Mme de Grignan] tient à beaucoup. [Sévigné, 11 mars 1671]

    Ne tenir à rien, être sur le point de se faire. Cet aveu ne tient plus à rien, nous le ferons peut-être demain, peut-être ce soir. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***]

    Me voilà prêt à partir, je ne tiens à rien, rien ne m'arrête, rien ne m'en empêche.

    On dit à peu près dans le même sens : Je vous payerai quand vous voudrez, votre argent ne tient à rien.

  • 42 Fig. Tenir au coeur, se dit des personnes que l'on affectionne, auxquelles on porte un vif intérêt. J'embrasse les Grignan ; l'aîné me tient bien tendrement au coeur. [Sévigné, 170] M. l'abbé de Langeron et M. du Puis ne lui tiennent guère moins au coeur que M. de Cambrai. [Maintenon, Lettres]

    Il se dit des choses auxquelles on s'intéresse vivement. Cela te tient donc bien au coeur ? [Molière, La princesse d'Élide] Toutes ces choses me tiennent fort au coeur. [Sévigné, 546] Diantre ! l'amour vous tient au coeur de bon matin. [Racine, Les plaideurs] Cette acquisition vous tient-elle bien au coeur ? [Lamotte, Magnifique, I, 4]

    Se dit aussi, dans un sens défavorable, de ce qui inquiète. Argante : Ah ! maudite galère ! - Scapin, à part : Cette galère lui tient au coeur. [Molière, Le bourgeois gentilhomme]

    Cette injure lui tient au coeur, il en a du ressentiment.

  • 43 Fig. Être attaché par des liens moraux. Il tient à ce parti-là par des raisons de famille. Pour moi, je ne tiens plus à vous par aucun attachement du monde. [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre] Un homme de bien ne sera pas étonné dans les approches de la mort ; son âme ne tient presque plus à rien, elle est déjà comme détachée de ce corps mortel. [Bossuet, Sermons] Il n'y a rien à quoi l'on ne tienne, quoiqu'on ne le sente pas toujours ; de même qu'on ne sent pas toujours que son âme est unie, je ne dis pas à son bras et à sa main, mais à son coeur et à son cerveau. [Malebranche, De la Recherche de la vérité] Les rois aiment que l'on tienne à leur personne, et ils se défient avec raison de leur dignité. [Fontenelle, Dangeau.] Il ne tenait à rien par son goût, et se livrait à tout par celui des autres. [Duclos, Oeuv. t. VIII, p. 108] Tout est occasion de chute à qui ne tient plus à rien. [Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse] M. Damilaville a de l'amitié pour moi, et il sait l'intérêt que je prends à M. de Saint-Géni et à tout ce qui vous tient par le fil le plus léger. [Diderot, Lettres à Sophie Voland] Angélique : Vous croyez que je suis nièce de la baronne ? - Sainville : Comment ? - Angélique : Il n'en est rien, je ne tiens à personne. [La Chaussée, Gouvern. II, 8] Le plus grand des malheurs est celui de ne tenir à rien et d'être isolé. [Genlis, Voeux témér. t. III, p. 135, dans POUGENS] En termes de dévotion, il ne tient plus à la terre, il est détaché des choses du monde. Un chrétien qui achève son sacrifice, qui fait le dernier effort, afin de rompre tous les liens de la chair et du sang, et ne tient plus à la terre. [Bossuet, Oraisons funèbres]
  • 44 Fig. Être pris par une opinion, une affection, une passion. Tenir à son opinion. Il tient à l'argent. Mais, hélas ! qu'on tient à la vie, Quand on tient si fort à l'amour ! [Racine, La Thébaïde, ou Les frères ennemis] Lié par l'amitié, jamais par les choses, et tenant plus à mes sentiments qu'à mes intérêts. [Rousseau, Correspondance] On tient à ses propres résolutions par ce sentiment de liberté qui résiste à celles des autres. [Marmontel, Contes moraux]
  • 45 Fig. Avoir des rapports, des relations de famille ou autres. Et puisqu'il tient encore à nous, comme il l'avoue, par ma belle-fille.... [Sévigné, 570] Que ceux qui achètent soient comme ne possédant pas, et qu'ils cessent de s'imaginer que ce qui tient si peu à eux soit véritablement en leur puissance. [Bossuet, Méditations sur l'Évangile] Par la loi du corps, je tiens à ce monde qui passe ; par l'espérance et par la foi, je tiens à Dieu qui ne passe point. [Fléchier, Oraisons funèbres] Je tiens, par le bonheur de ma naissance, à un grand nom [Corneille] qui, dans la plus noble espèce des productions de l'esprit, efface tous les autres noms, à un nom que vous respectez vous-mêmes. [Fontenelle, Disc. récept.] Il [l'athée] ne regarde les hommes que comme les tristes fruits d'un assemblage bizarre et fortuit, auquel il ne tient que par des liens passagers. [Massillon, Carême, Vérité de la relig.] Nous tenons tous à un certain monde qui nous environne. [Massillon, Carême, Resp. hum.] Le parlement, dont les familles, tenant à toutes les familles de Paris, formaient aisément la voix publique. [Voltaire, Histoire du parlement de Paris] Pourvu que je ne parle en mes écrits.... de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. [Beaumarchais, Le mariage de Figaro, ou La folle journée]
  • 46 Fig. Avoir pour but, désirer. Je tiens à vous convaincre. Ne tient-il qu'à marquer de cette ignominie Le sang de mes aïeux qui brille dans Junie ? [Racine, Britannicus]
  • 47Être contigu. Son parc tient à la forêt. Sa maison tient au presbytère. Le czar.... voulait savoir quelle était sa situation à l'égard de l'Amérique, si elle tient à la Tartarie, ou si la mer de Septentrion donnait un passage dans ce grand continent, ce qui lui aurait encore ouvert le nouveau monde. [Fontenelle, Pierre Ier.]
  • 48 Fig. Résulter, provenir de. Ces événements tiennent à des causes inconnues. Avez-vous de la peine à concevoir que les bonnes qualités d'un homme tiennent à d'autres qui sont mauvaises, et qu'il serait dangereux de le guérir de ses défauts ? [Fontenelle, Eloge des académiciens] Cette corruption était d'autant plus dangereuse, qu'elle était plus ancienne, et tenait plus, en quelque sorte, à l'abus des moeurs qu'à l'abus des lois. [Montesquieu, L'esprit des lois] Je dirai que la chaleur de J. J. Rousseau me paraît tenir plus aux sens qu'à l'âme. [D'alembert, Oeuv. t v, p. 377]

    Dépendre de. Enfin Dieu soit loué et remercié mille et mille fois, puisque ma chère comtesse se porte bien ! ma vie tient à cette santé. [Sévigné, 23 févr. 1676] À quoi tiennent, mon Dieu ! les vertus politiques ? Combien doivent leur faute à leur sort rigoureux, Et combien semblent purs, qui ne furent qu'heureux ! [Hugo, Cromwell, I, 1]

    Impersonnellement. Il se dit des obstacles, des considérations qui empêchent une chose de se faire. à quoi tient-il ? de quoi dépend-il ? Il ne tient pas à moi, il ne dépend pas de moi S'il n'exige qu'une visite de ma part, qu'à cela ne tienne. Je désire avec tant de passion que vous ayez tout ce que vous méritez, que, s'il ne tenait qu'à cela que vous eussiez un royaume, sans mentir je crois que j'y consentirais. [Voiture, Lettres] À moi ne tiendra pas que la beauté que j'aime Ne me quitte bientôt pour un autre moi-même. [Corneille, Place roy. I, 4] Il ne tiendra qu'à vous, beau sire, D'être aussi gras que moi, lui repartit le chien. [La Fontaine, Fables] Vous auriez pu sans peine y puiser [à une somme d'argent] à toute heure. - à toute heure ! bons dieux ! ne tient-il qu'à cela ? L'argent vient-il comme il s'en va ? [La Fontaine, ib. IV, 20] Enfin, si dans ces vers je ne plais et n'instruis, Il ne tient pas à moi ; c'est toujours quelque chose. [La Fontaine, ib. v, 1] Nous vous trouvons errants, dispersés et plus faibles que nous ; il ne tiendrait qu'à nous de vous égorger. [Fénelon, Télémaque] À quoi tient-il donc.... que la vérité ne triomphe dans votre coeur ? [Massillon, Carême, Évidence de la loi.] C'est une justice à rendre au jeune prince ; il a tenu à peu de chose qu'il ne fût maître de l'Angleterre. [A. Duval, Édouard en Écosse, III, 6]

    Il ne tient pas à une personne que telle chose ne se fasse, signifie quelquefois, non-seulement qu'elle n'y apporte aucun obstacle, mais même qu'elle y contribuera de tout son pouvoir. Il ne tint pas aux empereurs que Jésus-Christ même, dont ils persécutaient les disciples, n'eût des autels parmi les Romains. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Je sais seulement, et toute l'Europe le sait comme moi, qu'il ne tient pas à Votre Majesté que l'humanité ne respire enfin après tant de malheurs. [D'alembert, Lett. au roi de Pr. 22 déc. 1762]

  • 49Avoir de la ressemblance, participer. Pour être bon poëte, il faut tenir des fous. [Régnier, Satires] Le voyage de Blois qui tient plus du roman que de l'histoire. [Guez de Balzac, 2e hist.] Mais votre fermeté tient un peu du barbare. [Corneille, Horace] Quelle soeur ! cette soeur ne tient guère de vous. [Hauteroche, Les Bourgeoises de qualité] Je tiens de feu ma femme ; et je me sens, comme elle, Pour les désirs d'autrui beaucoup d'humanité. [Molière, La princesse d'Élide] Sa fermeté [de Corbinelli] tient un peu du barbare. [Sévigné, 10 sept. 1681] Un coup imprévu qui tenait du miracle délivra la princesse des mains des rebelles. [Bossuet, Oraisons funèbres] Laissons ces circonstances, qui tiennent encore un peu du monde, et passons de ces vertus civiles aux vertus chrétiennes qu'elle a pratiquées. [Fléchier, Oraisons funèbres] L'esprit, la galanterie, la magnificence, quand il [M. le Prince, fils du grand Condé] était amoureux, réparaient en lui une figure qui tenait plus du gnome que de l'homme. [Mme de Caylus, Souvenirs, p. 102, dans POUGENS] Il y aura toujours, dans notre nation, de ces âmes qui tiendront du Goth et du Vandale ; je ne connais pour vrais Français que ceux qui aiment les arts et les encouragent. [Voltaire, Mél. litt. A un premier commis.] L'art le plus innocent tient de la perfidie. [Voltaire, Zaïre]
  • 50En parlant d'un corps délibérant, d'une compagnie, être assemblé. L'Assemblée nationale tient tous les jours. L'Académie française tient les jeudis.

    En parlant des foires, des marchés, des spectacles, avoir lieu. Les théâtres tiennent. Le marché tient tous les mercredis et samedis.

  • 51Persister, se maintenir dans le même état. La neige tient. La frisure ne tient pas. Les nouvelles de cette année ne tiennent pas d'un ordinaire à l'autre. [Sévigné, 18 févr. 1671]

    Cet instrument ne tient pas d'accord, voy. au n° 27.

    Cette couleur ne tient pas, elle n'est pas solide.

    Le temps ne tiendra pas, ne restera pas longtemps comme il est.

  • 52Subsister sans aucun changement ni altération, en parlant d'un traité, d'une convention, d'un marché. Mais si le pacte tient.... [Rotrou, Antigone] Je t'ai promis ma fortune et ma nièce ; c'est notre traité, et il tient. [Diderot, Le père de famille]
  • 53Se maintenir dans une situation. Je n'ai rien appris des démarches de l'empereur ; apparemment elles seront lentes, et nous pourrons tenir ici longtemps, si nous attendons la fin. [Pellisson, Lettres historiques] Voltaire, de retour de Berlin, d'où il avait fait chasser le malheureux d'Arnaud, et où il n'avait pu tenir lui-même. [Marmontel, Mémoires d'un père pour servir à l'instruction de ses enfants]

    Continuer les affaires. On est persuadé que cette maison ne tiendra pas.

  • 54Tenir pour, se ranger du côté de, donner son assentiment à. Aristie.... à qui.... Je rapporte avec joie et ma main et ma foi ; Je ne dis rien du coeur, il tint toujours pour elle. [Corneille, Sertorius] Mais, madame, mon sens ne s'est point démenti, Et je ne puis tenir pour un mauvais parti. [Rotrou, Antigone] Il tient pour l'injustice, et moi pour la raison. [Rotrou, ib. II, 2] M. l'évêque de Chartres tient pour les voeux absolus ; il est le seul de son sentiment. [Maintenon, Lettres] Ce qu'il [le prince d'Orange devenu roi d'Angleterre] devait appréhender, c'était le ressentiment de plusieurs rois qu'il outrage en la personne d'un seul roi ; mais ils tiennent pour lui. [La Bruyère, XII] Ceux qui tenaient encore pour le plein de Descartes, pour les prétendus effets de la matière subtile. [Voltaire, Eléments de la philosophie de Newton mis à la portée de tout le monde] Les médecins qui tenaient pour les anciens intentèrent un procès à ceux qui démontraient la circulation du sang. [Voltaire, Singul. nat. 19] Devant ma tonne on ne viendra point dire : Pour qui tiens-tu, toi qui ne tiens à rien ? [Béranger, Chansons]
  • 55Résister, tant au propre qu'au figuré. Ni grilles, ni verrous ne tiennent contre moi. [Corneille, Médée] Sa confiance n'a jamais tenu un quart d'heure contre sa peur. [Retz, Mémoires] Ce qu'il y a de constant, c'est qu'en se retirant au château, le comte de Nassau pouvait encore tenir six jours au moins. [Pellisson, Lettres historiques] Déjà l'armée est assez forte Pour faire corps et battre aux champs ; La voilà tantôt qui menace Gouverneurs de petite place, Et leur dit qu'ils seront pendus, Si de tenir ils ont l'audace. [La Fontaine, Coupe.] Quelque ressentiment qu'un outrage nous cause, Tient-il contre un remords d'un coeur bien enflammé ? [Molière, L'amphytrion] Enfin je ne comprends pas la noirceur de ces vapeurs, de tenir contre tant de bonnes choses. [Sévigné, 565] La mort du roi d'Angleterre n'a pu tenir contre la jeunesse avide des plaisirs du carnaval. [Sévigné, 28 févr. 1685] Ceux-ci [les Brutiens et les Samnites].... furent forcés à subir le joug des Romains ; Tarente les suivit de près ; les peuples voisins ne tinrent pas ; ainsi tous les anciens peuples d'Italie furent subjugués. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Les ouvrages des Égyptiens étaient faits pour tenir contre le temps. [Bossuet, ib. III, 3] Les moeurs corrompues de la nation les entraînaient bientôt dans les plaisirs, contre lesquels nulle éducation ne peut tenir. [Bossuet, ib. III, 5] L'idolâtrie même sentait dans notre religion une force victorieuse contre laquelle les faux dieux ne pouvaient tenir. [Bossuet, ib. II, 12] Je ne m'en défends point : mes pleurs, belle Ériphile, Ne tiendraient pas longtemps contre les soins d'Achille. [Racine, Iphigénie en Aulide] La place [Jérusalem] tint trois mois entiers, et aurait encore tenu autant, et peut-être obligé les Romains à abandonner leur entreprise, sans la rigueur superstitieuse avec laquelle les assiégés observaient le sabbat. [Rollin, Histoire ancienne] Tienne qui voudra contre de si grandes extrémités [les misères du peuple], je ne veux être, si je le puis, ni malheureux ni heureux : je me jette et me réfugie dans la médiocrité. [La Bruyère, VI] Il faut avouer ma faiblesse ; je n'ai pu tenir contre le pâté de perdrix dont vous m'annoncez l'agréable arrivée par votre lettre. [Chaul. Autre réponse à M. l'abbé C.] Si elle s'avise de laisser tomber quelques feintes larmes, en conscience, croyez-vous tenir un seul moment devant elle ? [Brueys, Muet, I, 4] La statue de sel [la femme de Lot changée en sel] ne pouvait pas tenir à la pluie. [Voltaire, Quest. de Zapata, 18] Peu de coeurs comme vous tiennent contre l'absence. [Voltaire, Tancrède] Les seuls champions qui pussent tenir devant les chevaliers de France, étaient les chevaliers d'Angleterre. [Chateaubriand, Le génie du christianisme, ou Les beautés de la religion chrétienne]

    Terme de guerre. Les ennemis ne tiennent pas, ils n'attendent pas qu'on aille à eux, et ils se retirent.

    Tenir bon, tenir ferme, résister, se défendre. Si je n'eusse point fui pour la mort de Pélie, Si j'eusse tenu bon dedans la Thessalie. [Corneille, Médée] L'arbre tient bon ; le roseau plie. [La Fontaine, Fables] Il ne reste plus désormais sinon que vous teniez ferme parmi ses ruines [de l'État]. [Bossuet, Oraisons funèbres] Tantôt, sur les rives de Loire, suivi d'un petit nombre d'officiers et de domestiques, il court à la défense d'un pont, et tient ferme contre une armée.... [Fléchier, Oraisons funèbres] Sa suite [de Charles XII] commençait à désespérer ; lui seul tint ferme, et ne parut pas abattu un moment. [Voltaire, Histoire de Charles XII]

    Tenir bon, tenir ferme, ne pas céder aux instances, aux offres, etc. Tenez bon, et vous aurez cette terre pour le prix que vous offrez. Gros-René à Éraste : N'ayez pas le dernier. - Marinette à Lucile : Tenez bon jusqu'au bout. [Molière, Le dépit amoureux]

    Cet homme ne tient point contre la raillerie, contre la plaisanterie, dès qu'on le raille, qu'on le plaisante, il s'embarrasse, il se décontenance.

  • 56 Terme de chasse. Les perdrix ne tiennent pas, elles partent sans qu'on puisse en approcher. La marouette, comme tous les râles, tient si fort devant les chiens, que souvent le chasseur peut la saisir avec la main, ou l'abattre avec un bâton. [Buffon, Oiseaux]

    Une bête tient aux chiens, quand elle est sur ses fins et qu'elle se défend contre eux.

  • 57 Terme de marine. Tenir à la mer, tenir contre les vagues, se dit d'un bâtiment qui supporte une grosse mer. En hiver, le port de Cochin est inabordable, et il ne peut en sortir aucun vaisseau, parce que les vents y soufflent avec une telle impétuosité, que les bâtiments ne peuvent pas tenir à la mer. [Buffon, Histoire naturelle générale et particulière]

    Tenir au vent, naviguer avec le vent presque contraire.

    Tenir sous voiles, avoir toutes les voiles appareillées et être prêt à faire route.

    Tenir en travers, naviguer en présentant le côté à la lame.

    Tenir sur ses ancres, c'est n'être pas arraché de la place qu'on occupe ni par les efforts du vent, ni par les chocs violents des lames.

    Tenir, en parlant d'une ancre, rester immobile à la place où elle s'est attachée.

    Tenir bon, c'est à la fois tenir ferme, et cesser de haler sur un cordage qu'on tire.

  • 58Ne pas tenir à, contre, être irrité, impatienté de. Quelle sécheresse de conversation ! on n'y dure point, on n'y tient pas. [Mor. Préc. 5] Aratus, qui était plein de probité et d'honneur, ne put tenir contre une injustice si criante, et s'en plaignit hautement. [Rollin, Histoire ancienne] Je hais si fort les pédants, j'ai tant d'horreur pour les hypocrites, je me mets si fort en colère contre les fanatiques, que je ne pourrais jamais tenir à Paris plus de deux mois. [Voltaire, Correspondance] On se lasse à la longue d'être brûlé ; il n'y a patience de saint qui puisse y tenir. [Voltaire, Facéties, Pot pourri.] Le moyen de tenir à ces répliques-là ? [Boissy, Deh. tromp. II, 4] Cet ami si modéré et si philosophe pour supporter les maux d'autrui, se vit peu de temps après, pour quelque sottise qu'il fit, le sujet d'une mauvaise épigramme ; sa philosophie n'y tint pas. [D'alembert, Éloges, Mariv.]

    Ne pouvoir plus y tenir, être hors de soi. Je n'y puis plus tenir, j'enrage ; et mon dessein Est de rompre en visière à tout le genre humain. [Molière, Le misanthrope] Julie : Mais la décence. - Le Marquis : Encore ! on n'y peut plus tenir, Et ce terme est ignoble à faire évanouir. [La Noue, Coquette corr. III, 5]

    On dit de même : C'est à n'y pas tenir. La compagnie est trop mauvaise, c'est à n'y pas tenir.

  • 59En tenir, avoir reçu des coups, du plomb ou autre chose. Avez-vous atteint cette perdrix ? je crois qu'elle en tient.

    À la campagne, quand on mène la vache au taureau, on dit qu'elle en tient, quand l'opération réussit.

    Fig. En tenir, éprouver quelque chose de fâcheux, de désagréable ; être trompé, dupé. Vous en tenez, monsieur. [Corneille, Le menteur] Voyant qu'il nous prenait pour d'autres, Et que nous étions Phrygiens, Il s'écria : j'en tiens ! j'en tiens. [Scarron, Virgile travesti] Tant pis pour vous : c'est justement le cas, Vous en tenez, ma commère, ma mie. [La Fontaine, Serv.] En quelle impatience Suis-je de voir mon frère et lui conter sa chance ! Il en tient le bon homme avec tout son phébus. [Molière, L'école des maris]

    Croire quelque bourde. Que dis-tu de l'histoire, et de mon artifice ? Le bonhomme en tient-il ? m'en suis-je bien tiré ? [Corneille, Le menteur]

    Être fou. Il en tient un peu là ; sa présence d'esprit à chaque instant du jour me charme et me ravit. [Regnard, Le distrait]

    Être ivre. Il a bu plus que de raison, il en tient.

    Aimer d'amour. Tircis : Tu crois donc que j'en tiens ? - Cloris : Fort avant. [Corneille, Mélite] C'est-à-dire, son coeur en tient déjà pour moi ? [Corneille Th. Comt. d'Org. I, 2] Mon cher maître, dis-je à don Christoval, vous êtes bien épris de dona Anna ; la dame, de son côté, en tient aussi apparemment. [Lesage, Histoire d'Estevanille Gonzalez, surnommé le garçon de bonne humeur] Laquais, me regarde-t-elle ? - Oui da, monsieur. - Elle en tient. la Comédie des chansons, I, 3]

  • 60Être contenu. Tous vos meubles ne pourront tenir dans cet appartement. Dieu merci, nous avons l'hôtel de Carnavalet ; c'est une affaire admirable ; nous y tiendrons tous. [Sévigné, 365] Il [Huet] prétendait que tout ce qui fut jamais écrit depuis que le monde est monde, pourrait tenir dans neuf ou dix in-folio, si chaque chose n'avait été dite qu'une fois ; il en exceptait les détails de l'histoire. [D'olivet, Hist. de l'Acad. t. II, p. 278, dans POUGENS] Ses démonstrations anatomiques [de M. Hunauld] lui attirèrent un si grand concours d'étudiants, qu'ils ne pouvaient tenir dans l'amphithéâtre où elles se faisaient, tout spacieux qu'il est. [Mairan, Éloges, Hunauld.] Environ cent hommes tenaient dans ces bâtiments [les barques e Louis le Débonnaire]. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII]

    Populairement. Je n'en ai non plus qu'il en pourrait tenir dans l'oeil, dans mon oeil, je n'en ai point du tout.

    Impersonnellement. Il tient tant de veltes dans le baril.

    Fig. Jamais dessus le trône on ne vit plus d'un maître ; Il n'en peut tenir deux. [Racine, La Thébaïde, ou Les frères ennemis] Votre mère, c'est bien cette France féconde Qui fait, quand il lui plaît, pour l'exemple du monde, Tenir un siècle dans un jour. [Hugo, Les chants du crépuscule]

  • 61Se tenir, vpron Se prendre, s'attacher à quelque chose. Se tenir à une branche. Si elle [l'âme] n'avait pas oublié Dieu, si elle avait toujours songé qu'elle est son image, elle se serait tenue à lui comme au seul appui de son être. [Bossuet, Oraisons funèbres]

    Se tenir à cheval, être à cheval. Le duc d'Anjou et le duc de Guise lui aidèrent à monter à cheval, où elle se tenait avec une grâce admirable. [La Fay. Princesse Montpensier, Oeuv. t. II, p. 300, dans POUGENS.] Montons vite à cheval, quoique je ne puisse me tenir que sur une fesse. [Voltaire, Candide, ou L'optimiste]

    Se tenir bien à cheval, y être ferme et de bonne grâce.

    Dans le sens opposé, s'y tenir mal.

  • 62Se tenir l'un l'autre. Se tenir par la main ; se tenir bras dessus, bras dessous. Vous êtes, ô vallon, la retraite suprême, Où nous avons pleuré, nous tenant par la main. [Hugo, Les rayons et les ombres]

    Fig. Se tenir par la main, être d'intelligence, se secourir l'un l'autre. Le parti des sages ne laisse pas d'être considérable.... je vous le répète, mes frères, si vous vous tenez tous par la main, vous donnerez la loi. [Voltaire, Correspondance]

    Fig. La dis grâce et la faveur se tiennent par la main. [Mainte, NON, Lett. à M. d'Aubigné, 10 août, t. I, p. 123, dans POUGENS.] Les beaux-arts, qui se tiennent comme par la main et qui d'ordinaire périssent et renaissent ensemble. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII] Toutes les sciences sont soeurs, a dit un ancien ; elles se tiennent toutes comme par la main. [Cambacérès, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. III, p. 9]

    Fig. Être dans une dépendance réciproque, en parlant de choses. Toutes les choses de la nature se tiennent et se prouvent les unes les autres. [Malebranche, De la Recherche de la vérité] Le vrai, le bon et le beau se tiennent de bien près. [Diderot, Pensées sur la peinture] Tout se tient dans la nature et dans la politique. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]

  • 63 Fig. Se tenir ou s'en tenir à une chose, ne vouloir, ne faire rien de plus, se borner à. Chacun le dit, et chacun s'en tint là. [La Fontaine, Fauc.] Je puis fermer les yeux sur vos flammes secrètes, Tant que vous vous tiendrez aux muets interprètes. [Molière, Les femmes savantes] Philinte : Et pour votre procès, dont vous pouvez vous plaindre, Il vous est en justice aisé d'y revenir, Et contre cet arrêt.... - Alceste : Non, je veux m'y tenir. [Molière, Le misanthrope] Nous ne nous tenons jamais au temps présent. [Pascal, Pensées] Tenez-vous-en là, mon père, si vous m'en croyez. [Molière, Prov. IV] C'est ainsi qu'on raisonne [voir en tout la main de Dieu] quand on lève les yeux ; mais ordinairement on s'en tient aux pauvres petites causes secondes. [Sévigné, 25 mai 1680] La reine d'Espagne se tient au traité des Pyrénées, qui est de ne point accabler ses alliés. [Sévigné, 26 févr. 1672] Tenons-nous-en à croire fermement que personne n'est heureux. [Sévigné, 15 juin 1680] Je m'en tiens à ma première maxime : quand on a affaire à un homme aussi violent et aussi brouillon que vous l'étiez, assassiner est le plus sûr. [Fénelon, Dialogues des morts] Qui change une fois, peut bien ne pas s'en tenir là. [Lamotte, Minutolo, sc. 2] La philosophie, sire, respecte qui elle doit, estime qui elle peut, et s'en tient là. [D'alembert, Lett. au roi de Pr. 29 avril 1763]

    Savoir à quoi s'en tenir, n'être nullement incertain. L'Angleterre a tant changé qu'elle ne sait plus elle-même à quoi s'en tenir. [Bossuet, Oraisons funèbres] Moyennant l'embarras où je vais jeter le marquis, il faudra bien qu'il parle ; et je veux savoir à quoi m en tenir. [Marivaux, Le legs]

    À certains jeux de cartes. Je m'y tiens, je suis content des cartes que j'ai ; je n'en demande pas d'autres. Vous y tenez-vous, ou voulez-vous d'autres cartes ?

    S'en tenir à son mot, s'arrêter, se fixer à ce qu'on a annoncé d'abord.

    S'en tenir à son mot, en parlant d'un marchand, ne vouloir rien rabattre du prix fixé tout d'abord.

    Se tenir à peu de chose, se tenir à peu, ne pas conclure une affaire, bien qu'il s'agisse de peu de chose pour qu'on soit d'accord. Ils se tiennent tous deux à peu de chose. Il se tient à vingt francs sur un marché de mille francs.

    On dit dans le même sens : Se tenir à rien, se tenir à très peu de chose.

  • 64Être, demeurer dans un certain lieu. Le chamois se tient sur les montagnes. La mère de Jésus et la soeur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, Marie Madeleine, se tenaient auprès de sa croix. [Sacy, Bible, Év. St Jean, XIX, 25] Je ne prends aucune part dans ses affaires ; qu'elle se tienne de son côté et moi du mien. [Bourdaloue, 12e dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 287] Je suis né, disait-il, dans une ville fort petite ; et, pour l'empêcher de devenir encore plus petite, j'aime à m'y tenir. [Rollin, Histoire ancienne] Elle ne se tenait chez elle que pour passer sa vie dans une oisiveté contemplative. [Marivaux, Le paysan parvenu] Les hommes ne sont pas bons à grand'chose ; fripons ou sots, voilà pour les trois quarts ; et, pour l'autre quart, il se tient chez soi. [Voltaire, Écoss. II, 5] Il est une race de rossignols beaucoup plus gros que les autres, laquelle se tient et niche dans les charmilles. [Buffon, Oiseaux] Et vous aussi, monsieur de Montmorency, tenez-vous quelques moments dans cette pièce-ci. [Collé, Part. de chasse de Henri IV, I, 6] Il avait reconnu le roi, qui, en traversant la cour, lui ordonna de lui faire éviter les antichambres où se tenaient les domestiques. [Genlis, Mlle de la Fayette, p. 225, dans POUGENS]

    Fig. Se tenir à sa place, rester, comme il convient, dans la situation qu'on occupe. Il ignore quelle est la place des autres ; mais il sent la sienne et s'y tient. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation]

    Un tel se tient six mois à la campagne, et six mois à la ville, il passe six mois à la campagne et six mois à la ville.

    S'il est bien, qu'il s'y tienne, se dit, par dépit, d'un homme dont on entend vanter le bonheur.

    Quand on est bien, il faut s'y tenir, il ne faut pas changer légèrement, pour peu qu'on se trouve passablement dans son état.

    On dit de même : êtes-vous bien, tenez-vous-y. Te voilà bien, cadet, tiens-y-toi. [Corneille Th. Comte d'Org. v, 9]

    On dit aussi et mieux : tiens-t'y. Un seul serment suffit à la vie d'un homme ; tu en as déjà prêté un ; tiens-t'y. [Ch. de Bernard, Gentilh. campag. II, 28]

  • 65Être, demeurer dans une certaine situation. Se tenir à ne rien faire. Se tenir debout, à genoux. Il se tient toujours propre. Se tenir à l'écart. Se tenant assise en votre maison, elle pleurera son père et sa mère un mois durant. [Sacy, Bible, Deutéron. XXI, 13] Nous n'avons point voulu, de peur du personnage, Risquer à nous tenir ensemble davantage. [Molière, L'école des femmes] À chaque attaque [de la mort] il se tient prêt, et il attend le moment de sa délivrance. [Bossuet, Oraisons funèbres] Allons, mademoiselle, tenez-vous droite. [Picard, Cousin de tout le monde, sc. 4]

    Se tenir bien, se tenir mal, avoir un bon, un mauvais maintien. Voilà qui va le mieux du monde, et vous vous tenez à merveille [un peintre, à la personne dont il fait le portrait]. [Molière, Le sicilien, ou L'amour peintre] Je ressemblais assez à une aimable petite fille, toute fraîche sortie d'une éducation de village, et qui se tient mal, mais dont les grâces encore captives ne demandent qu'à se montrer. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***] Sa taille eût été grande et belle, si elle se fût mieux tenue. [Rousseau, Les confessions]

    Il ne sait comment se tenir, il ne sait quelle attitude prendre.

    Tenez-vous en repos, se dit à une personne qui importune par des gestes incommodes ou trop libres.

    Fig. Tenez-vous en repos, soyez sans inquiétude. Pour nous, qui n'approfondissons pas tant les choses, tenons-nous en repos sur le tout : voulons-nous être plus savants que nos maîtres ? [Pascal, Les provinciales] Eh ! ma soeur, lui dit l'autre, tenez-vous en repos ; et vous, monsieur, ajouta-t-elle en m'adressant la parole, allez-vous-en, je vous prie. [Marivaux, Le paysan parvenu]

    Fig. Se tenir les bras croisés, rester à ne rien faire quand il faudrait travailler

    Absolument. Se tenir, rester debout. Je voudrais bien me pouvoir dire à moi-même que je suis quelque chose, un grand homme. .. mais qui m'a dit que je me tiendrais, si j'étais plus haut ? [Bossuet, Disc. vie cachée.]

    Se tenir, signifie aussi demeurer tranquille. Le petit doigt de tatan lui dira que tu n'as jamais voulu te tenir pendant qu'on te frisait, et que tu as fait enrager la coiffeuse. [Genlis, Théâtre d'éduc. Lingère, I, 6]

    Familièrement. Vous n'avez qu'à vous bien tenir, se dit par forme d'avertissement ou de menace à une personne qui a quelque mauvaise affaire. Vous l'avez offensé, il est vindicatif, vous n'avez qu'à vous bien tenir. Tu me parais une bonne pièce de ménage ; et le drôle qui t'aura n'aura qu'à se bien tenir. [Legrand, Philanthrope, sc. 14]

    On dit de même : Tenez-vous bien, prenez garde, prenez les moyens de vous défendre.

  • 66Il se dit de certaines dispositions morales ou intellectuelles. Tenez-vous gaillard ; pour moi je me trouve depuis quinze jours plus mal que je n'ai jamais fait. [Scarron, Lett. Oeuv. t. I, p. 194] Quand nous avons quelque différend, ma soeur et moi, si je fais la froide et l'indifférente, elle me recherche ; si elle se tient sur son quant-à-moi, je vas au-devant. [La Fontaine, Pysché, II, p. 140] Mais, puisque sur le fier vous vous tenez si bien, Je garde ma nouvelle, et ne veux dire rien. [Molière, La princesse d'Élide] Mais je les vois, monsieur, qui passent par ici ; Tenez-vous ferme au moins. [Molière, Le dépit amoureux] Dans les fortunes médiocres l'ambition encore tremblante se tient si cachée qu'à peine se connait-elle elle-même. [Bossuet, Oraisons funèbres] On sent qu'il se tient presque à regret dans les détails où son sujet l'entraîne, et que son esprit prend son vol dès qu'il le peut, et s'élève aux vues générales. [Fontenelle, Leibnitz.] Le seul remède à ses caprices [de la fortune], C'est de s'y tenir préparé. [Rousseau J.-b. Odes et poésies diverses] Mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance. [Montesquieu, Lettres persanes]
  • 67Avoir lieu, en parlant d'assemblées, de réunions. La foire se tient tous les ans ici. Le marché se tiendra demain. L'histoire courut si bien que, dès le lendemain, chacun sut dans le voisinage que le sabbat se tenait chez M. Noiret. [Rousseau, Les confessions] L'assemblée commence de très grand matin, elle se tient au théâtre de Bacchus, ou dans le marché public, ou dans une grande enceinte voisine de la citadelle, et nommée Pnyx. [Barthélemy, L'atlas du Voyage du jeune Anacharsis] Il s'est tenu ici une assemblée générale. [Barthélemy, ib. ch. 82]
  • 68Se tenir, se contenir, retenir quelque mouvement de passion. J'ai peine à me tenir, et la main me démange. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur]Se tenir de, s'empêcher de. à peine se purent-ils tenir de pleurer. VAUGEL. Q. C. 298. Je veux bien que vous sachiez, car je ne me saurais tenir de vous apprendre toujours quelque chose.... [Voiture, Lettres] Elle [Mme de Sévigné] est brusque et ne se peut tenir de dire ce qu'elle croit joli, quoique assez souvent ce soient des choses un peu gaillardes. [Tallemant, Historiettes, Sévigny et sa femme] Acante ne se peut tenir de réciter certains couplets de poésie. [La Fontaine, Psyché, I, p. 13] Monsieur, je vous demande pardon ; mais vous êtes si plaisant, que je ne saurais me tenir de rire. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Je ris incognito d'abord que je le vois ; Je ne puis m'en tenir, quelque effort que je fasse. [Boursault, Fables d'Es. I, 1]

    Il se dit avec que et le subjonctif. Votre mari ne se tiendra jamais Qu'à sa maison des champs, je vous l'assure, Tantôt il n'aille éprouver sa monture. [La Fontaine, Magnif.]

    Fig. et familièrement. Se tenir à quatre, faire un grand effort sur soi-même pour ne pas éclater, pour ne pas se mettre en colère.

  • 69 Terme de marine. Se tenir au vent d'un navire ou d'un point quelconque, gouverner et manoeuvrer de manière à se maintenir dans la position du vent, relativement à ce navire ou à ce point.

    Se tenir en travers, présenter le côté à la lame ou au vent, ou prendre la panne.

    Se tenir à la cape, se mettre et rester à la cape.

  • 70Se réputer, se croire. Ils sont morts, mais pour Albe, et s'en tiennent heureux. [Corneille, Horace] L'arbre tombant, ils seront dévorés ; Qu'ils s'en tiennent pour assurés. [La Fontaine, Fables] Cet attachement dont la délicatesse de mon coeur se tenait offensée. [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre] Et malgré nos malheurs je me tiens trop heureux D'avoir paré le coup qui vous perdait tous deux. [Racine, Mithridate] J'ai fait mon profit de cette ode [du roi, sur la patience, à M. de Keiserling].... le remède opère sur moi tout aussi bien que sur votre goutteux ; car je me tiens tout aussi philosophe que lui. [Voltaire, Correspondance] Je vous avoue que je me tiendrais bien malheureux, si je mourais avant d'avoir vu.... [Voltaire, Correspondance] Puisque la fière et redoutable maison d'Autriche a la modestie de se tenir pour battue. [D'alembert, Lett. au roi de Pr. 22 déc. 1762]
  • 71Être dit, prononcé. Les discours qui se sont tenus en cette occasion. Il s'est tenu beaucoup de propos sur son compte.
  • 72Être accompli, en parlant d'une promesse, d'un voeu. Mon voeu doit se tenir.

PROVERBES

Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, la possession d'un bien présent est préférable à la promesse d'un bien plus considérable. Sans te piquer d'honneur, crois qu'il n'est que de prendre, Et que tenir vaut mieux mille fois que d'attendre. [Corneille, Le menteur] Un tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l'auras : L'un est sûr ; l'autre ne l'est pas. [La Fontaine, Fables]

Quand on est bien, on ne s'y peut tenir, le désir du changement fait qu'on s'ennuie de tout.

Il vaut mieux tenir que querir, proverbe altéré souvent en : il vaut mieux tenir que courir, c'est-à-dire la possession actuelle vaut mieux que la peine d'aller chercher.

Serrez la main, et dites que vous ne tenez rien, se dit à quelqu'un de qui on se moque, en faisant semblant de lui vouloir donner une chose qu'on ne lui donne pas.

Promettre et tenir sont deux, souvent on manque à ce qu'on a promis.

Il fait bon aller à pied quand on tient son cheval par la bride.

Autant pèche celui qui tient le sac que celui qui met dedans, ou autant vaut celui qui tient le veau que celui qui l'écorche, les complices d'un crime sont aussi punissables que l'auteur.

REMARQUE

1. Quand il tient impersonnel est suivi de que, il veut le subjonctif : Il tient à moi que cela se fasse, que cela ne se fasse pas. Il ne tiendra qu'à lui que le différend se juge par une bataille.

2. Il tient, dans une phrase négative ou interrogative, veut ne après le que : Il ne tint pas à eux que la ville ne fût démolie. Il ne tiendra qu'au roi qu'aux effets je ne passe. [Corneille, Nicomède] Voltaire, dans son Commentaire, dit, à tort, que le second ne est fautif ; mais ce ne peut être supprimé ; on trouve un exemple de cette suppression dans Voiture (voy. le n° 48).

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73 En termes de théâtre, tenir l'affiche, se dit d'un auteur qui a du succès et dont les pièces reparaissent souvent sur l'affiche. M. Victorien Sardou est un de ces élus ; voici maintenant dix-sept ans bien comptés qu'il tient l'affiche, comme on dit dans le familier langage des coulisses. [É. Montaigut, Rev. des Deux-Mondes, 1er mars 1877, p. 200]
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