arracher

• 1Enlever de terre avec les racines, et, par extension, ôter ou enlever quelque chose qui adhère. Arracher les plantes, les mauvaises herbes. Arracher la vigne, un arbre. Il se fit arracher une dent. Arracher les yeux, les oreilles, la langue, la queue. On arrachait les affiches.

  Fig. et familièrement. Je lui ai arraché une dent, en parlant d'un avare à qui on a soutiré de l'argent.

• 2Employer effort, violence pour ôter, pour faire lâcher, faire quitter, faire sortir, au propre et au figuré. On lui arracha le poignard des mains. Arracher quelqu'un des mains des ennemis. Arracher la victoire à l'ennemi. Il ne put jamais arracher de sa mémoire les injures qu'il avait reçues. Arrachez de votre coeur la passion de l'argent. On lui arrachera le pouvoir. Arracher un prêtre de l'autel. On arracha ce citoyen de chez lui. Je l'ai arraché d'avec elle. Je viens voir si l'on peut arracher de ses bras Cet enfant dont la vie alarme tant d'États. [Racine, Andromaque] Le cruel ne la prend que pour me l'arracher. [Racine, ib. III, 1] Le ciel, dit-il, m'arrache une innocente vie. [Racine, Phèdre] Tu n'auras pas regret de m'arracher la vie. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps] Vous seul vous lui pouvez arracher cette envie. [Racine, Bérénice] Je te voudrais moi-même en arracher l'envie. [Corneille, Le Cid] Arrache-lui du coeur ce dessein de mourir. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Belle Charlotte, je vous aime de tout mon coeur ; et il ne tiendra qu'à vous que je vous arrache de ce misérable lieu. [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre] Ils m'arrachent d'un trône où votre choix m'élève. [Corneille, Agésilas] Je ne vois plus en lui les restes de mon sang, S'il m'arrache du trône et la met en mon rang. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes] La reine Bérénice Vous arrache, seigneur, du sein de vos États. [Racine, Bérénice] Un désordre éternel règne dans son esprit, Un chagrin inquiet l'arrache de son lit. [Racine, Phèdre] Une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil. [Racine, Britannicus]

  Arracher le coeur, causer une vive affliction. Voilà ce qui me fit écrire cinq à six lignes qui m'arrachaient le coeur. [Sévigné, 329]

• 3Tirer quelque chose de quelqu'un, obtenir avec peine. Arracher de l'argent à quelqu'un. Elle arrachait des pleurs même aux indifférents. Arracher les réponses une à une. On ne peut lui arracher un mot. La plèbe arracha cette loi aux patriciens. Les mauvais succès sont les seuls maîtres qui peuvent nous reprendre utilement et nous arracher cet aveu d'avoir failli qui coûte tant à notre orgueil. [Bossuet, Oraisons funèbres] Ces soupirs que la tristesse m'arrache. [Massillon, Affl.] Les larmes que ce souvenir lui arrache. [Massillon, Mort.] Ainsi vous retombez dans les mêmes alarmes Qui vous ont dans la Grèce arraché tant de larmes. [Racine, Mithridate] Ne te fais pas arracher les mots de la bouche. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Quelques années s'écoulèrent, sans que les deux vieillards [Chactas et le prêtre] lui pussent arracher son secret. [Chateaubriand, René] Je t'ai même puni de l'avoir arraché [mon secret]. [Racine, Mithridate] Vous m'avez arraché cet affreux sacrifice. [Voltaire, Alzire, ou Les américains] Mes bienfaits, mon respect, mes soins, ma confiance Ont arraché de vous quelque reconnaissance. [Voltaire, Zaïre] Ce secret m'importune, il faut que je l'arrache. [Voltaire, La méroppe française] Tandis que des soldats, de moments en moments, Vont arracher pour lui des applaudissements. [Racine, Britannicus] Je ne puis arracher du creux de ma cervelle Que des vers plus forcés que ceux de la Pucelle. [Boileau, Satires]
• 4Détourner de ; faire échapper à. La vieillesse m'arrache aux affaires. L'espoir du butin les arrachait aux travaux de la terre. Arracher quelqu'un à ses travaux. On l'arracha à une mort imminente. .... Vous seul vous m'avez arrachée à cette obéissance où j'étais attachée. [Racine, Mithridate]
• 5S'ar racher, arracher à soi. Il s'arrachait les cheveux.

  Familièrement. S'arracher les yeux, se disputer avec violence. Ils s'arrachaient les yeux.

  Fig. S'arracher une épine du pied, se délivrer d'un embarras.

  Familièrement. On se l'arrache, se dit d'une chose ou d'une personne très recherchée. On s'arrache ce livre nouveau. Je le retrouvai brillant, les dames se l'arrachaient. [Rousseau, Les confessions]

• 6 En termes de gravure, enlever de dessus le cuivre des parties déjà gravées qu'on veut corriger.

  En termes de chapellerie, enlever, éplucher le jarre ou poil luisant qu'on remarque sur les peaux de castor.

• 7S'arracher, vpron S'éloigner, se détacher difficilement, avec peine. Je ne puis m'arracher à mes livres. Arrachez-vous d'un lieu funeste et profané, Où la vertu respire un air empoisonné. [Racine, Phèdre] Je l'ai vu quelquefois s'arracher de ces lieux. [Id. Brit. II, 2] Vous ne pouvez vous arracher à la nymphe que vous aimez. [Fénelon, Télémaque] J'ai résolu de m'arracher de Paris. [Voiture, Lettres]
• 8 Fig. Se soustraire. S'arracher aux affronts. S'arracher au sommeil.

  PROVERBE

  Il vaut mieux laisser son enfant morveux que de lui arracher le nez ; c'est-à-dire il faut tolérer un petit mal, pour en éviter ou de peur d'en faire un plus grand.