battre
- 1Frapper avec divers instruments. Battre le briquet, du plâtre, du fer. On bat le blé avec le fléau. Le forgeron qui bat l'enclume. Battre les flots avec les rames. Battre l'air de ses ailes. Battre la viande pour l'attendrir.
Le malheureux lion se déchire lui-même, Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs, Bat l'air qui n'en peut mais....
[La Fontaine, Fables]La réputation, un son qui bat l'air et qui passe
. [Massillon, Villeroy.]Fig. Se battre les flancs, faire beaucoup d'efforts, et, ordinairement, simuler un grand zèle.
Battre des siéges, des tapisseries, en faire sortir la poussière, en les frappant avec une baguette.
Battre un livre, en presser les feuilles avec le marteau, pour rendre la reliure plus belle.
Battre la laine, l'étendre sur la claie et l'y ouvrir à grands coups de baguette, pour qu'elle puisse être peignée ou cardée.
Battre le tambour, donner un signal au son du tambour. Battre du tambour ou de la caisse, faire entendre le son du tambour. Battre le rappel, faire un appel au son du tambour. Battre la retraite, donner le signal pour rentrer au quartier. Battre la chamade, battre la caisse en signe de capitulation ; et figurément, ne savoir plus que répondre dans une discussion.
Battre le fer, tirer souvent des armes, fréquenter les salles d'armes ; et figurément, il y a longtemps qu'il bat le fer, il y a longtemps qu'il étudie, qu'il exerce sa profession.
Terme de maréchal. Battre les avives (voir AVIVES).
Terme de typographie. Battre la lettre, la frapper avec les doigts.
Terme de marine. Battre les coutures, enfoncer de l'étoupe dans les joints des planches.
Battre monnaie, fabriquer de la monnaie à l'aide du balancier qui la frappe ; et figurément, se procurer de l'argent.
Battre le sol, le fouler, le rendre compacte. Ils battaient le terrain pour l'aplanir.
Battre la semelle, se dit d'une sorte d'escrime en usage parmi les écoliers, pour se réchauffer, et qui consiste à frapper alternativement la terre d'un pied, et de l'autre la semelle du camarade avec qui l'on prend cet exercice.
Terme de maçon. Battre la ligne, faire vibrer un cordeau tendu qui est enduit de blanc ou de noir, et dont la marque se trace de la sorte sur une paroi.
Terme de manége. Un cheval bat la poudre ou la poussière quand, trépignant, il avance peu.
Terme de pêche. Battre le ruisseau, frapper l'eau avec des bâtons, ce qui effraye le poisson et le pousse dans les filets.
Terme de chasse. Le cerf bat l'eau ou les eaux, quand, ayant été chassé longtemps, il se jette dans une rivière ou un étang.
Fig. Battre l'eau, battre l'air, se donner une peine inutile.
Tu vois qu'à chaque instant il te fait déchanter, Et que c'est battre l'eau, de prétendre arrêter Le torrent....
[Molière, L'étourdi, ou Les contretemps]Qu'on ne m'en parle plus, la chose est résolue. - Seigneur, considérez. - C'est en vain battre l'air
. [Tristan, La Mort de Chrispe ou Les Malheurs domestiques du Grand Constantin]Fig. et populairement. Se battre l'oeil de quelqu'un, de quelque chose, ne pas s'en soucier, n'en tenir aucun compte. Je m'en bats l'oeil.
A-t-on vu rimer de cette sorte ? Bourreau ! - Je m'en bats l'oeil
. [La Fontaine, Ragot. IV, 7]Fig. Battre les oreilles, assourdir, fatiguer.
Entendrons - nous des chrétiens nous battre les oreilles par cette belle raison ?
[Bossuet, Honn. 3]Fig. Battre froid à quelqu'un, le traiter avec froideur. Locution prise du forgeron qui bat un fer à froid.
- 2Donner des coups à quelqu'un, maltraiter. On le battit de verges. Battez ce chien qui veut mordre. L'enfant fut battu par le maître d'école.
Battre quelqu'un comme plâtre, le battre avec excès.
Battre un homme à terre, le battre quand il ne peut se défendre ; et figurément, le critiquer, le tourner en ridicule, quand tout le monde est d'accord là-dessus.
- 3 Terme d'artillerie. Diriger le feu du canon contre. Battre une place en ruine, en brèche. L'ennemi battait la route avec quelques pièces de campagne.
Mahomet battit les murs de Rhodes avec seize canons
. [Chateaubriand, Le génie du christianisme, ou Les beautés de la religion chrétienne]Les anciens, assiégeant une ville, battaient les murs à coups de bélier.
Fig. Battre quelqu'un en ruine, en brèche, ne pas lui laisser dans la discussion les moyens de se défendre, et aussi attaquer son crédit, sa réputation.
- 4Assaillir, ébranler ; se briser contre, en parlant de la mer, d'une rivière. La vigne est battue par le vent du midi. Les chênes que l'orage battait. La flotte fut battue des vents, de la tempête, par la mer. Les vagues battent le rocher. Le fleuve grossi vint battre les murailles de la ville. Les voiles battent les mâts, fouettent le long des mâts, parce que le vent ne les enfle pas.
Vous voyez que la mer en vient battre les murs
. [Racine, Andromaque]En doublant le cap Horn, après avoir passé le détroit de Le Maire, des tempêtes extraordinaires battent les vaisseaux d'Anson et les dispersent
. [Voltaire, Précis du siècle de Louis XV] - 5Battre la mesure, donner aux musiciens, en haussant et baissant la main ou un archet ou bien un petit bâton, un signal qui leur indique le temps qui doit être employé à chaque mesure.
- 6 Terme de danse. Battre des entrechats, faire des entrechats en dansant. On dit, dans le même sens, battre des six, battre des huit, c'est-à-dire frapper trois fois, quatre fois les deux jambes l'une contre l'autre, en même temps que l'on s'élève de terre.
- 7Agiter certaines choses liquides, mêler, brouiller. Battre des oeufs.
Terme de jeu. Battre les cartes, les mêler, afin que le hasard seul préside à leur distribution.
- 8 Terme de chasse. Battre les buissons, battre un bois, frapper avec un bâton les buissons, le bois, pour en faire sortir le gibier, et, en général, parcourir un canton pour faire partir le gibier.
Se faire battre, se dit des bêtes qui se font chasser longtemps dans un canton.
Une heure, là dedans, notre cerf se fait battre
. [Molière, Les fâcheux]Par extension, parcourir, explorer. Les cavaliers battant la plaine. Nous battîmes le pays. Les chasseurs ayant battu les bois. Ils battront toute la ville.
Il doit battre plus le pays que moi
. [Sévigné, 196]Fig.
Nous causons, je ne sais quel pays nous ne battons pas
. [Sévigné, 352]Battre l'estrade, qui a vieilli, ou, battre la campagne, qui, comme terme militaire, vieillit aussi, pousser des découvertes du côté de l'ennemi afin d'éclairer ses opérations.
Fig. Battre la campagne, divaguer, déraisonner, donner de vaines excuses, de vaines explications. Ce malade bat la campagne depuis quelques heures. Pressé de répondre avec précision, il battit la campagne.
S'amuser à de vaines rêveries, à des imaginations qui n'ont rien de réel ni de possible.
Quel esprit ne bat la campagne ?
[La Fontaine, Fables]Terme de marine. Battre la mer, courir des bordées nombreuses, dans le même parage.
Fig. et familièrement. Battre le pavé, aller et venir sans but, sans occupation.
Battre le chemin, rendre le chemin praticable ; et figurément, donner l'exemple, être le premier à faire quelque chose.
Je vais par un chemin d'épines et de flammes, Mais qu'auparavant moi Dieu lui-même a battu, Te retenir un lieu digne de ta vertu
. [Rotrou, Véritable Saint Genest] - 9Vaincre. Il a battu l'ennemi. Battre un général, battre l'armée qu'il commande. Ce général se fit battre. Un orateur exercé saura les battre. L'opposition fut battue par le ministère dans la chambre.
Si vous battez monsieur le Prince, vous n'aurez fait que votre devoir
. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]Au jeu, gagner. Il m'a battu aux échecs. Je me suis fait battre au trictrac.
- 10 vi Frapper. La grêle bat contre les toits. Les flots battaient contre la digue.
Battre des mains, applaudir.
Battre des ailes, agiter les deux ailes, en parlant d'un oiseau ; battre d'une aile, ne se servir que d'une aile.
Fig. Ne battre que d'une aile, n'avoir plus la même vigueur, être mal dans ses affaires.
Terme de manége. Battre à la main, expression par laquelle on désigne l'action du cheval qui, étant monté, élève et abaisse alternativement la tête, comme pour se débarrasser de la bride.
Battre à la terre, fouler l'étoffe avec la terre en y lâchant un robinet d'eau.
- 11Atteindre, frapper sur. Le canon battait jusque-là. Le soleil battait d'aplomb en cet endroit.
Battre au jeu de trictrac, c'est, en comptant le point amené par le dé, porter d'une flèche où l'on a une ou deux dames sur une flèche où l'adversaire n'en a qu'une seule, laquelle est alors battue. Battre à faux, c'est battre une dame de l'adversaire non pas du point d'un seul dé, mais de la somme des deux, et de telle façon qu'en les décomposant le premier porte toujours sur une dame couverte de l'adversaire. Battre le coin, c'est amener deux points qui conduiraient deux dames à la fois dans le coin de l'adversaire, quoique en réalité on ne les y mette pas.
- 12Être battu. Le tambour bat, la générale bat, c'est-à-dire on bat le tambour, la générale.
Le tambour bat aux champs ou l'on bat aux champs, quand, par une certaine batterie, on indique à un poste qu'il doit sortir pour rendre quelque honneur.
Vous prenez votre flûte, lorsque vos tambours battent aux champs
. [Voltaire, Roi de Prusse, 272] - 13Battre en retraite, se retirer du combat ou d'un campement ; et au figuré, céder, reculer. Battre est dit pour se battre : se battre en retraite, qui est la locution ancienne, c'est-à-dire combattre dans la retraite.
- 14Être animé d'un certain mouvement. Les artères battent. Le coeur bat. Rien ne bat dans la poitrine de ce jeune homme.
Tant que le coeur me battra, tant que je vivrai, à ce mot en vain le coeur vous bat
. [Corneille, Sertorius]Le coeur bat plus violemment qu'à l'ordinaire
. [Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même]Il vous faisait battre le coeur
. [Sévigné, 232]Le coeur m'en battait
. [Sévigné, 92]L'homme, ranimant une rage assouvie, Cherche encor la douleur où ne bat plus la vie
. [Lamartine, Harmonies poétiques et religieuses]Rien d'humain ne battait sous ton épaisse armure
. [Lamartine, Méditations poétiques]Il faut prendre son parti, sans pusillanimité, dans toutes les occasions de la vie, tant que l'âme bat dans le corps
. [Voltaire, Correspondance]Le fer de ce cheval bat, il commence à se détacher, il loche.
Terme de vétérinaire. Battre du flanc, se dit d'un animal qui expire avec plus de fréquence que dans l'état normal.
On dit que les métiers d'une fabrique battent, pour signifier qu'elle est en activité.
- 15 Terme d'acoustique. Deux tons battent, quand, après avoir été dissonants, ils viennent à s'accorder ; ce qui produit une sorte de battement ou de renflement.
- 16Se battre, vpron Se battre soi-même. Le lion irrité se battait de la queue.
Terme de fauconnerie. Se battre à la perche, se dit lorsque l'oiseau de proie s'agite sur la perche où il est attaché ; et figurément, quand un homme se tourmente inutilement.
- 17Lutter corps à corps. Se battre à coups de poings, à l'épée, en duel.
Eh bien ! ils se battront, puisque vous le voulez
. [Corneille, Le Cid]Fig. Se battre contre des moulins à vent, lutter contre des périls, des obstacles imaginaires. Cette expression est tirée du roman de Don Quichotte, qui avait pris des moulins à vent pour des géants, et les avait attaqués.
- 18Combattre en bataille. On se battit avec courage des deux côtés.
PROVERBES
Il a battu les buissons et un autre a pris les oiseaux, c'est-à-dire sa peine a profité à un autre.
Battre le chien devant le lion, faire une réprimande à quelqu'un devant une personne plus considérable, afin qu'elle se l'applique.
Battre le chien devant le loup, se dit de gens qui, étant d'accord, se disputent pour faire croire qu'ils ne s'entendent pas et attraper leur dupe.
Il fait bon battre un glorieux, il ne s'en vante pas, c'est-à-dire il aime mieux endurer des humiliations secrètes que de s'en plaindre.
Il faut battre le fer pendant qu'il est chaud, il faut presser vivement ce qu'on a commencé heureusement.
REMARQUE
Faire battre a deux sens très différents. On les fit battre par des gens apostés ; on aposta des gens qui les battirent. On les fit battre, on les mit aux prises, on fit qu'ils se battirent. On fit battre un ours contre trois chiens.
SYNONYME
BATTRE, FRAPPER. Frapper un homme, c'est lui donner un coup. Battre un homme, c'est lui donner plusieurs coups. On n'est jamais battu qu'on ne soit frappé, dit M. Guizot ; mais on peut être frappé sans être battu.
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Après avoir quelque temps battu là - dessus....[Saint-simon, t. VIII, p. 259, édit. CHÉRUEL.]
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