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défier

vt (dé-fi-é), je défiais, nous défiiens, vous défiiez ; que je défie, que nous défiions, que vous défiiez
  • 1Provoquer à un combat, à une lutte. Défiant leurs nombreuses cohortes. [Racine, Mithridate] Toi, superbe Orbassan, c'est toi que je défie. [Voltaire, Tancrède]

    Par extension. Défier quelqu'un à la course, à la paume, aux échecs. Défier quelqu'un à boire. Défier aux chansons les oiseaux dans les bois. [Boileau, Satires]

    Fig. Son teint peut défier la rose.

  • 2Déclarer à quelqu'un qu'on ne le croit pas en état de faire une chose. Vous me menacez de me battre, je vous en défie. Je vous défie de deviner cette énigme. J'ose le défier de me pouvoir surprendre. [Molière, L'école des maris] Je défie la calomnie, et je la mets à pis faire. [D'alembert, Lett. à Voltaire, 26 oct. 1762]

    Familièrement. Je le défie d'être plus votre serviteur que moi. Je n'aime point, ma fille, que vous disiez que vos lettres sont insipides et sottes ; voilà deux mots qui n'ont jamais été faits pour vous ; vous n'avez qu'à penser et à dire ; je vous défie de ne pas bien faire. [Sévigné, 442]

    Poétiquement. Je défiais ses yeux de me troubler jamais. [Racine, Andromaque]

    PROVERBE

    Il ne faut jamais défier un fou, se dit quand un homme se propose de faire quelque folie ou quelque extravagance, et qu'il demande si on l'en défie.
  • 3Affronter, braver. Je m'en vais défier les vents au milieu de l'Océan. [Voiture, Lettres] Sa bonne conduite défie la fortune. [Sévigné, 299] Ce qui devait tenir contre les vents et défier la durée même des siècles. [Massillon, Car. Inconst.] Instruite à défier le péril et la mort. [Voltaire, Les Scythes] Le brave la défie [la mort] et marche au-devant d'elle. [Voltaire, L'orphelin de la Chine] Vous croyez à l'abri de votre caractère Pouvoir impunément défier ma colère. [Voltaire, Catilina, ou Rome sauvée]
  • 4 Terme de marine. On défie une embarcation d'un choc, en en modérant la vitesse, ou en l'éloignant au moyen d'une gaffe ; on défie le navire de la lame, en manoeuvrant de façon à empêcher le choc violent que la lame peut lui donner ; on le défie du vent en gouvernant de manière à empêcher qu'il ne vienne trop au vent, JAL.

    Défie de l'arrière ! commandement adressé au timonier, lorsqu'un bâtiment navigue au plus près.

    Défie du vent ! commandement de mettre la barre au vent.

    Défie tout ! ordre de faire agir vivement le gouvernail sous le plus grand angle possible, pour éviter que le vent ne masque les voiles.

    Dans ces termes de marine, défier a le sens de se défier (ne pas se fier), en changeant le pronom réfléchi en un nom ou pronom direct. Défier un navire de la lame, c'est se défier de la lame (le navire au lieu de se), ne pas le fier à la lame.

  • 5Se défier, vpron Se provoquer. Ces deux ennemis se défiaient l'un l'autre.
  • 6Avoir de la défiance, être en garde contre. Il est plus honteux de se défier de ses amis que d'en être trompé. Si c'est te faire tort que de m'en défier.... [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] De tous ses mouvements mon esprit se défie. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Et je me défierais d'un trop prompt changement. [Corneille, Théodore et Héraclius] Quand on tue celui qui ne s'en défie en aucune manière. [Pascal, Les provinciales] Je me défie des allures des gens. [Sévigné, 302] Roxane, qui depuis, loin de s'en défier, à ses desseins secrets voulut m'associer. [Racine, Bajazet] Et quand de toi peut-être un père se défie.... [Racine, Mithridate] Ils commençaient à se défier de tous les Grecs. [Fénelon, Télémaque] Tous les animaux se défient de l'homme et n'ont pas tort ; mais sont-ils sûrs une fois qu'il ne leur veut pas nuire, leur confiance devient si grande qu'il faudrait être plus que barbare pour en abuser. [Rousseau, Les confessions]

    Absolument. Non, mais il fut surpris et Créon se défie. [Corneille, Médée]

    Défiez-vous, soyez sur vos gardes, se dit souvent entre ouvriers qui soulèvent un lourd fardeau ou font toute autre manoeuvre qui peut avoir du danger si on se néglige.

  • 7Avoir peu de confiance dans. De mes faibles efforts ma vertu se défie. [Racine, Mithridate] Vous, favori ! vous, grand ! défiez-vous des rois ; Leur faveur est glissante, on s'y trompe, et le pire C'est qu'il en coûte cher.... [La Fontaine, Fables] Celui qui sollicite son juge ne lui fait pas honneur ; car il se défie de ses lumières et même de sa probité. [La Bruyère, XIV]

    Se défier de soi-même, de ses forces, etc. avoir peu de confiance en soi, en ses forces. Le silence est le parti le plus sûr pour celui qui se défie de soi-même. Si, avant que d'agir et de décider sur des choses essentielles, vous vous étiez défié de vous-mêmes, BOURDAL., Sur la fausse consc. 1er Avent.

    En ce sens il se construit aussi avec que. Quelque ardeur qu'un chrétien fasse paraître pour la cause de son Dieu, je me défierai toujours, ou plutôt je désespérerai toujours, que de la délicatesse des repas, des habits, de l'équipage et du train, il accepte de passer à la rigueur des prisons, des roues et des chevalets. [Bourdaloue, Car. t. I, p. 232]

    Se douter, soupçonner, prévoir. Une chose vous manque, à vous et à vos semblables, vous ne vous en défiez pas : et je vais vous jeter dans l'étonnement ; une chose vous manque, c'est l'esprit. [La Bruyère, V] Ils commencent à se défier du contraire. [Pascal, Les provinciales]

    En ce sens il se construit aussi avec que. Et, ma foi, je m'étais toujours bien défié Que ce jeune galant cajolait Isabelle. [Scarron, Le Jodelet, ou Le maître valet] Qu'il est difficile, quand on peut tout, de se défier qu'on peut aussi trop entreprendre ! [Massillon, Louis le Grand.] Il ne s'était même jamais avisé de se défier que la voie où il marchait.... pût le conduire à la perdition. [Massillon, Car. Mauv. riche.] Qui se serait jamais défié que Manassès, qui avait introduit l'abomination dans le lieu saint.... dût devenir un jour le restaurateur du temple et des sacrifices ? [Massillon, Carême, Mélange.] Il [l'impie] se défie seulement qu'il n'y a rien après cette vie, et là-dessus il le croit. [Massillon, Carême, Vér. d'un avenir.] Vous n'en avez pas usé de même, et c'est sur quoi je commençai à me défier que vous agissiez avec passion. [Pascal, Les provinciales]

REMARQUE

Défier, dans le sens de provoquer, faire un un défi, veut à : défier quelqu'un à boire. Dans le sens de mettre à pis faire, de déclarer impossible, il veut de : je le défie d'y aller.

+

DÉFIER. - REM. Ajoutez :

2. Corneille a supprimé le pronom personnel dans cette phrase : Annibal, qu'elle vient de lui sacrifier, L'engage en sa querelle et m'en fait défier, Nicom. I, 1. J. J. Rousseau aussi : Malgré ma prévention pour le talent des autres, qui m'a toujours fait défier des miens, Confess. VII. Cette tournure est correcte, mais peu usitée ; on dit plutôt : m'a fait me défier.

3. Le même a dit : Tous les plaisirs ont beau être pour les méchants, en voilà pourtant un que je leur défie de goûter, Lettre à Milord Maréchal, 31 mars 1764. C'est une faute ; il faut : je les défie.

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