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digne

adj. (di-gn' ; au XVIe s. Palsgrave, p. 23, dit qu'on prononçait dine)
  • 1Qui mérite, en parlant des personnes. Il est digne de récompense. Digne d'être admiré. Il est faux que nous soyons dignes que les autres nous aiment ; il est injuste que nous le voulions. [Pascal, Pensées] Approchez, ô vous qui courez avec tant d'ardeur dans la carrière de la gloire, âmes guerrières et intrépides ; quel autre fut plus digne de vous commander ? [Bossuet, Oraisons funèbres] Digne de notre encens et digne de nos vers. [Boileau, Satires] Je mourais ce matin digne d'être pleurée. [Racine, Phèdre] Jamais femme ne fut plus digne de pitié. [Racine, ib. II, 5]

    Qui mérite, en parlant des choses. Conduite digne d'éloges. Langage digne d'être applaudi. Exemple digne d'imitation. Il t'offre une oraison, il t'offre des louanges, Dignes de se mêler à celles de tes anges. [Corneille, L'imitation de Jésus-Christ]

    Digne de créance, digne de foi, se dit des personnes et des choses.

  • 2En mauvaise part. Il est digne de punition, de mépris. Cette action est digne d'un châtiment. Car c'en est une [trahison] enfin bien digne de supplice Qu'avoir d'un tel secret donné le moindre indice. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Et toutes les hauteurs de sa folle fierté Sont dignes tout au plus de ma sincérité. [Molière, Les femmes savantes] Voilà le digne fruit de tant de travaux et, dans le comble de leurs voeux, la conviction de leur erreur ; venez, rassasiez-vous, grands de la terre, saisissez-vous, si vous pouvez, de ce fantôme de gloire, à l'exemple de ces grands hommes que vous admirez. [Bossuet, Oraisons funèbres] Qu'elle nous parut au-dessus de ces lâches chrétiens qui s'imaginent avancer leur mort quand ils préparent leur confession ; qui ne reçoivent les saints sacrements que par force ; dignes certes de recevoir pour leur jugement ce mystère de piété qu'ils ne reçoivent qu'avec répugnance ! [Bossuet, Oraisons funèbres]
  • 3 Absolument. Honnête, honorable ; en ce sens digne se met toujours avant son substantif. Un digne homme. Un digne magistrat. Et demandons aux dieux, nos dignes souverains.... [Corneille, Nicomède] Rodrigue aime Chimène, et ce digne sujet De ses affections est le plus cher objet. [Corneille, Le Cid] Quand je semais partout la terreur et l'effroi, J'étais un grand héros, j'étais un digne roi. [Corneille, Pertharite, roi des Lombards] Que pouvait penser le prince, si ce n'est que, pour accomplir les plus grandes choses, rien ne manquerait à ce digne fils que les occasions ? [Bossuet, Oraisons funèbres] Paraissez, cher enfant, digne sang de nos rois. [Racine, Athalie] Il se jeta au milieu d'une colonne romaine, où il périt en digne fils d'Amilcar et en digne frère d'Annibal. [Rollin, Histoire ancienne] Dis-leur que j'ai donné la mort la plus affreuse à la plus digne femme, à la plus vertueuse. [Voltaire, Zaïre]

    Capable. C'est un digne sujet. Et s'il n'avait laissé dans de si dignes mains L'infaillible secret de vaincre les Romains. [Corneille, Nicomède]

    Cependant, si digne, en ces emplois, est modifié par quelque autre mot, on peut le mettre après son substantif. Quand, à la fin du repas, il [Pierre 1er] vit son portrait qu'on venait de peindre, placé tout d'un coup dans la salle, il sentit que les Français savaient mieux qu'aucun peuple du monde recevoir un hôte si digne. [Voltaire, Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand]

    On le dit aussi des choses ; et alors digne se met encore après son substantif. Une conduite digne. Rien de plus digne que sa conduite.

  • 4Convenable, mérité ; il se met en ce sens, avant son substantif. On regarde sa mort comme un digne supplice. [Corneille, La toison d'or] Choisissez-lui, Lépide, un digne appartement. [Corneille, La mort de Pompée] Digne emploi d'un ministre.... [Racine, Britannicus] Digne objet de leur crainte. [Racine, Andromaque] Le plus froid mépris De vos caprices vains sera le digne prix. [Voltaire, Zaïre] Vous daignâtes bientôt, soit grandeur, soit pitié, Soit plutôt digne effet d'une pure amitié.... [Voltaire, ib. II, 2]
  • 5Qui est en rapport, qui a de la convenance, de la conformité avec. Il montra partout une vertu digne de sa naissance. Si je n'eusse produit un fils digne de moi, Digne de son pays et digne de son roi. [Corneille, Le Cid] Mais si par d'autres soins plus dignes de mon âge. [Racine, Bajazet] Songez-y donc, madame, et pesez en vous-même Ce choix digne des soins d'un prince qui vous aime, Digne de vos beaux yeux trop longtemps captivés, Digne de l'univers à qui vous le devez. [Racine, Britannicus]

    Il régit que avec le subjonctif. Il est bien digne que vous fassiez quelque chose pour lui. Il n'était pas digne qu'on fît quelque chose pour lui. Êtes-vous digne qu'on fasse quelque chose pour vous ?

  • 6Grave, réservé, fier, en parlant du ton, des manières ; digne se met alors toujours après son substantif. Avoir, prendre un air digne. C'était une personne froide, digne, silencieuse. [Staël, Corinne, ou l'Italie]

    Il se dit quelquefois, par dénigrement, d'une affectation d'importance. Elle a un petit air digne qui me déplaît.

REMARQUE

Digne, employé avec une négation, ne se dit que du bien : Il n'est pas digne de récompense, il n'en mérite pas. C'est donc une incorrection de dire : il n'est pas digne de votre courroux, pour : il ne mérite pas que vous soyez en courroux contre lui. Autrement, il n'est pas digne de votre courroux, est très correct, signifiant : il est au dessous de votre courroux, vous lui feriez trop d'honneur.

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DIGNE. - REM. Ajoutez :

2. Au XVIe siècle, digne se prononçait dine (voy. LIVET, la Gramm. franc, p. 168). Voir aussi ces vers de Marot à François 1er : Tant pour le bien de la ronde machine Que pour autant que sur tous en es digne.

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