digne
- 1Qui mérite, en parlant des personnes. Il est digne de récompense. Digne d'être admiré. Il est faux que nous soyons dignes que les autres nous aiment ; il est injuste que nous le voulions . [Pascal, Pensées]Approchez, ô vous qui courez avec tant d'ardeur dans la carrière de la gloire, âmes guerrières et intrépides ; quel autre fut plus digne de vous commander ? [Bossuet, Oraisons funèbres]Digne de notre encens et digne de nos vers . [Boileau, Satires]Je mourais ce matin digne d'être pleurée . [Racine, Phèdre]Jamais femme ne fut plus digne de pitié . [Racine, ib. II, 5]Qui mérite, en parlant des choses. Conduite digne d'éloges. Langage digne d'être applaudi. Exemple digne d'imitation. Il t'offre une oraison, il t'offre des louanges, Dignes de se mêler à celles de tes anges . [Corneille, L'imitation de Jésus-Christ]Digne de créance, digne de foi, se dit des personnes et des choses. 
- 2En mauvaise part. Il est digne de punition, de mépris. Cette action est digne d'un châtiment. Car c'en est une [trahison] enfin bien digne de supplice Qu'avoir d'un tel secret donné le moindre indice . [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient]Et toutes les hauteurs de sa folle fierté Sont dignes tout au plus de ma sincérité . [Molière, Les femmes savantes]Voilà le digne fruit de tant de travaux et, dans le comble de leurs voeux, la conviction de leur erreur ; venez, rassasiez-vous, grands de la terre, saisissez-vous, si vous pouvez, de ce fantôme de gloire, à l'exemple de ces grands hommes que vous admirez . [Bossuet, Oraisons funèbres]Qu'elle nous parut au-dessus de ces lâches chrétiens qui s'imaginent avancer leur mort quand ils préparent leur confession ; qui ne reçoivent les saints sacrements que par force ; dignes certes de recevoir pour leur jugement ce mystère de piété qu'ils ne reçoivent qu'avec répugnance ! [Bossuet, Oraisons funèbres]
- 3 Absolument. Honnête, honorable ; en ce sens digne se met toujours avant son substantif. Un digne homme. Un digne magistrat. Et demandons aux dieux, nos dignes souverains.... [Corneille, Nicomède]Rodrigue aime Chimène, et ce digne sujet De ses affections est le plus cher objet . [Corneille, Le Cid]Quand je semais partout la terreur et l'effroi, J'étais un grand héros, j'étais un digne roi . [Corneille, Pertharite, roi des Lombards]Que pouvait penser le prince, si ce n'est que, pour accomplir les plus grandes choses, rien ne manquerait à ce digne fils que les occasions ? [Bossuet, Oraisons funèbres]Paraissez, cher enfant, digne sang de nos rois . [Racine, Athalie]Il se jeta au milieu d'une colonne romaine, où il périt en digne fils d'Amilcar et en digne frère d'Annibal . [Rollin, Histoire ancienne]Dis-leur que j'ai donné la mort la plus affreuse à la plus digne femme, à la plus vertueuse . [Voltaire, Zaïre]Capable. C'est un digne sujet. Et s'il n'avait laissé dans de si dignes mains L'infaillible secret de vaincre les Romains . [Corneille, Nicomède]Cependant, si digne, en ces emplois, est modifié par quelque autre mot, on peut le mettre après son substantif. Quand, à la fin du repas, il [Pierre 1er] vit son portrait qu'on venait de peindre, placé tout d'un coup dans la salle, il sentit que les Français savaient mieux qu'aucun peuple du monde recevoir un hôte si digne . [Voltaire, Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand]On le dit aussi des choses ; et alors digne se met encore après son substantif. Une conduite digne. Rien de plus digne que sa conduite. 
- 4Convenable, mérité ; il se met en ce sens, avant son substantif. On regarde sa mort comme un digne supplice . [Corneille, La toison d'or]Choisissez-lui, Lépide, un digne appartement . [Corneille, La mort de Pompée]Digne emploi d'un ministre.... [Racine, Britannicus]Digne objet de leur crainte . [Racine, Andromaque]Le plus froid mépris De vos caprices vains sera le digne prix . [Voltaire, Zaïre]Vous daignâtes bientôt, soit grandeur, soit pitié, Soit plutôt digne effet d'une pure amitié.... [Voltaire, ib. II, 2]
- 5Qui est en rapport, qui a de la convenance, de la conformité avec. Il montra partout une vertu digne de sa naissance. Si je n'eusse produit un fils digne de moi, Digne de son pays et digne de son roi . [Corneille, Le Cid]Mais si par d'autres soins plus dignes de mon âge . [Racine, Bajazet]Songez-y donc, madame, et pesez en vous-même Ce choix digne des soins d'un prince qui vous aime, Digne de vos beaux yeux trop longtemps captivés, Digne de l'univers à qui vous le devez . [Racine, Britannicus]Il régit que avec le subjonctif. Il est bien digne que vous fassiez quelque chose pour lui. Il n'était pas digne qu'on fît quelque chose pour lui. Êtes-vous digne qu'on fasse quelque chose pour vous ? 
- 6Grave, réservé, fier, en parlant du ton, des manières ; digne se met alors toujours après son substantif. Avoir, prendre un air digne. C'était une personne froide, digne, silencieuse . [Staël, Corinne, ou l'Italie]Il se dit quelquefois, par dénigrement, d'une affectation d'importance. Elle a un petit air digne qui me déplaît. 
REMARQUE
Digne, employé avec une négation, ne se dit que du bien : Il n'est pas digne de récompense, il n'en mérite pas. C'est donc une incorrection de dire : il n'est pas digne de votre courroux, pour : il ne mérite pas que vous soyez en courroux contre lui. Autrement, il n'est pas digne de votre courroux, est très correct, signifiant : il est au dessous de votre courroux, vous lui feriez trop d'honneur.
+
DIGNE. - REM. Ajoutez :2. Au XVIe siècle, digne se prononçait dine (voy. LIVET, la Gramm. franc, p. 168). Voir aussi ces vers de Marot à François 1er : Tant pour le bien de la ronde machine Que pour autant que sur tous en es digne.
- rechercher






