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guère ou guères

(ghê-r'. On n'écrit guères qu'en vers, suivant le besoin de la rime ou de la mesure)
  • 1Adv. signifiant beaucoup, mais qui n'est de nos jours employé qu'avec la négation ; combinaison qui a le sens de peu. Je ne puis m'empêcher de vous dire que cette générosité vous a pensé coûter bien cher, et qu'il ne s'en est guère fallu que ces pierres n'aient été des pierres de scandale pour vous. [Voiture, Lettres] Une douleur si sage et si respectueuse, Ou n'est guère sensible ou guère impétueuse. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes] On ne trouve guère d'ingrats tant qu'on est en état de faire du bien. [La Rochefoucauld, Maximes et Réflexions morales] Je reviendrai dans peu conter de point en point Mes aventures à mon frère ; Je le désennuierai ; quiconque ne voit guère N'a guère à dire aussi.... [La Fontaine, Fables] Guère ne mit a déclarer sa flamme. [La Fontaine, Coc.] Malgré tous ces avantages, l'Italie ne demeura guère aux empereurs. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]

    La négation peut être dans le membre de phrase principal, et guère dans le membre relatif. Ne donnons, s'il se peut, à l'une [la représentation] que les heures que l'autre remplit ; je ne crois pas que Rodogune en demande guère davantage. [Corneille, 3e disc.]

    Guère se construit avec rien, qui alors a son sens propre de quelque chose. On ne sait guère rien de l'ensemble en toutes choses qu'à l'aide des détails. [Staël, De l'Allemagne]

  • 2Ne.... guère...., presque point. C'est un don que le ciel ne nous refuse guère. [Racine, La Thébaïde, ou Les frères ennemis] On remarque toujours qu'il n'y a guère de grand homme qui n'ait aimé les lettres. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII]

    Ne.... guère.... que...., à peu près seulement. Il n'y a guère que vous qui ayez lu ce livre. L'émulation et la jalousie ne se rencontrent guère que dans les personnes du même art, de même talent et de même condition. [La Bruyère, XI]

  • 3Guère précédé de la préposition à. Vous savez que Mademoiselle a chassé Guilloire ; le pauvre Segrais ne tient à guère. [Sévigné, Lett. 20 mars 1671]
  • 4Guère précédé de la préposition de. Vous voyez qu'il ne s'en faut de guère que je ne réclame. [Guez de Balzac, Correspondance] L'un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de guères ; L'autre en toute douceur laisse aller les affaires. [Molière, L'école des femmes]
  • 5Guère suivi de la préposition de. Il n'a guère d'argent. Il [un certain principe] ne servira plus à guère de gens. [Pascal, Les provinciales]
  • 6Dans le langage très familier, on sous-entend dans quelques cas la négation ; ce qui donne à guère le sens de peu. Je vais vous verser du vin. - Guère, je vous prie. C'est-à-dire n'en versez guère. De la sorte le sens de peu dans guère n'est qu'apparent. D'ailleurs, cette locution, très familière et très elliptique, ne pourrait pas être écrite.

    On dit de même elliptiquement et familièrement : La ville avait une demi-lieue de tour, ou guère moins. Dans le style écrit on devrait dire : peu moins.

REMARQUE

1. La règle donnée au mot BEAUCOUP (il s'en faut beaucoup, il s'en faut de beaucoup), Laveaux conseille de l'étendre à guère, et de dire : Il ne s'en faut guère qu'il ne soit aussi avancé que son frère ; mais : Il ne s'en faut de guère que ce vase ne soit plein.

2. Tandis que beaucoup s'emploie avec pas (je n'ai pas beaucoup d'argent), guère ne comporte pas cette particule ; et l'on ne dit pas : Je n'ai pas guère d'argent ; mais : Je n'ai guère d'argent. Cependant guère se construit avec plus : Seigneur, tant de grandeur ne nous touche plus guère. [Racine, Andromaque]

3. Dans les temps composés, guère se met toujours entre l'auxiliaire et le participe : Il n'a guère mangé ; il n'aura guère dormi. Dans les temps simples, il se met après le verbe : Il ne mangea guère ; il ne dormira guère.

4. Les adverbes de comparaison se mettent toujours après guère : guère plus, guère moins. On ne lit guère plus Rampale et Ménardière, Que Magnon, du Souhait, Corbin et la Morlière. [Boileau, L'art poétique]

5. L'Académie, qui explique guère par peu, se trompe ; et, comme on voit, son explication ne convient nulle part, ni dans le langage présent, ni dans le langage passé.

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