ténèbres
nf pl. (té-nè-br')
- 1Obscurité, absence de lumière.
Ô combien d'actions, combien d'exploits célèbres Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres !
[Corneille, Le Cid]Étendez votre main vers le ciel, et qu'il se forme sur la terre de l'Égypte des ténèbres si épaisses qu'elles soient palpables
. [Sacy, Bible, Exode, x, 21]Mille oiseaux effrayants, mille corbeaux funèbres De ces murs désertés habitent les ténèbres
. [Boileau, Le lutrin]Le fils d'Ulysse, l'épée à la main, s'enfonce dans ces ténèbres horribles [de l'enfer]
. [Fénelon, Télémaque]Mon penchant naturel est d'avoir peur des ténèbres
. [Rousseau, Les confessions]Je ne sens rien là de ces ténèbres visibles avec lesquelles la lumière se mêle, et qu'elle rend presque lumineuses
. [Diderot, Salons de peinture] - 2Obscurcissement de la vue, qui se manifeste dans les défaillances.
D'épaisses ténèbres lui couvrent les yeux ; les mains lâchent les rênes ; il tombe de son cheval
. [Rollin, Histoire ancienne]Les ténèbres de la mort, l'obscurité qui s'empare du mourant.
Aussitôt ses beaux yeux noirs s'éteignirent et furent couverts des ténèbres de la mort
. [Fénelon, Télémaque] - 3 En termes de l'Écriture, la sombre malfaisance des démons.
Les temps de trouble arrivaient ; c'était l'heure de la puissance des ténèbres ; les apôtres étaient déjà comme au milieu de ces troubles
. [Bossuet, Méditations sur l'Évangile]Ces esprits lumineux [les anges tombés] devinrent esprits de ténèbres
. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]Qu'a fait le démon, ce prince des ténèbres, ennemi de Dieu et jaloux de sa gloire ?
[Bourdaloue, Myst. Pent. t. I, p. 444]Et l'enfer, couvrant tout de ses vapeurs funèbres, Sur les yeux les plus saints a jeté ses ténèbres
. [Racine, Esther]Fig.
Oeuvre de ténèbres, oeuvre aussi méchante que les oeuvres du diable, Cet ouvrage de ténèbres [Histoire du ministère du cardinal de Richelieu], plus flétri sans doute par le mépris public que par l'arrêt qui le condamne
. [Voltaire, Mensonges impr. test. Richel. IX]Cette production de ténèbres est l'ouvrage ou d'un diable en trois personnes ou d'une personne en trois diables
. [D'alembert, Lett. à Voltaire, 10 oct. 1764]J. J. Rousseau a dit dans un sens analogue : L'immense édifice de ténèbres qu'ils ont élevé autour de lui, ne suffit pas pour les rassurer, 3e dial.
- 4Dans le langage biblique, les ténèbres extérieures, la perdition, la damnation.
Liez-lui les pieds et les mains, dit le roi [dans la parabole de l'Évangile], ôtez-lui la liberté dont il a fait un si mauvais usage, jetez-le dans les ténèbres extérieures
. [Bossuet, Méditations sur l'Évangile]Ah ! si le serviteur inutile est jeté dans les ténèbres extérieures....
[Massillon, Avent, Jugem. univ.] - 5 Fig. Ce qui est comparé aux ténèbres.
Prenez garde que Dieu ne vous laisse dans les ténèbres
. [Pascal, Les provinciales]Jésus-Christ même se voyait contraint de chercher d'autres voiles et d'autres ténèbres que ces voiles et ces ténèbres mystiques dont il se couvre volontairement dans l'eucharistie
. [Bossuet, Oraisons funèbres]Ce fait nous montre de quelles ténèbres la prétendue sagesse des païens était accompagnée
. [Rollin, Histoire ancienne]Comme le monde entier est dans l'erreur et dans les ténèbres sur les devoirs de la foi
. [Massillon, Carême, Inconstance.]L'homme plein de ténèbres et de passions depuis le péché
. [Massillon, Carême, tiéd. 1]Des systèmes établis dans des temps de ténèbres doivent disparaître dans notre siècle
. [Voltaire, Correspondance]Il [Fréret] avait fait dans les langues orientales et dans les ténèbres de l'antiquité autant de progrès qu'on en peut faire
. [Voltaire, Mél. litt. Lett. au prince de ***, 7, Fréret.]Ténèbres de l'entendement humain, quelle main téméraire osa toucher à votre voile ?
[Rousseau, Émile, ou De l'éducation]Souvent aussi cette lumière de l'Église [Bossuet] porte la clarté dans les discussions de la plus haute métaphysique ou de la théologie la plus sublime ; rien ne lui est ténèbres
. [Chateaubriand, Le génie du christianisme, ou Les beautés de la religion chrétienne] - 6Dans la liturgie catholique, matines qui se chantent l'après-dînée du mercredi, du jeudi et du vendredi de la semaine sainte (il s'écrit avec une majuscule).
J'ai trouvé de la douceur dans la tristesse que j'ai eue ici ; une grande solitude, un grand silence, un office triste, des Ténèbres chantées avec dévotion....
[Sévigné, 26 mars 1671]L'autre.... Pense être au jeudi saint, croit que l'on dit Ténèbres
. [Boileau, Le lutrin]Jeudi saint 19 avril 1685 : à Ténèbres la roi entendit pour la première fois Quare fremuerunt de Lulli, qui fut fort loué
. [Dangeau, I, 157]
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