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craindre

vt (krin-dr'), je crains, tu crains, il craint, nous craignons, vous craignez, ils craignent ; je craignais ; je craignis ; je craindrai ; je craindrais ; crains, qu'il craigne, craignons, craignez ; que je craigne, que nous craignions, que vous craigniez ; que je craignisse ; craignant ; craint, crainte
  • 1Éprouver le sentiment qui fait reculer, hésiter devant quelque chose qui menace. Qui ne craint pas la mort ne craint pas les menaces. [Corneille, Le Cid] Qui peut tout doit tout craindre. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Il ne faut craindre rien quand on a tout à craindre. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Les rois craignent surtout le reproche et la plainte. [Racine, Esther] Je le craindrais bientôt s'il ne me craignait plus. [Racine, Britannicus] Comme il les craint sans cesse, ils le craignent toujours. [Racine, Bajazet] Nous [Phéniciens] avions tout à craindre de sa sagesse [de Sésostris]. [Fénelon, Télémaque] C'était une de ses maximes, qu'il fallait craindre les ennemis de loin pour ne les plus craindre de près et se réjouir à leur approche. [Bossuet, Oraisons funèbres] Mentor, qui craignait les maux avant qu'ils arrivassent, ne savait plus ce que c'était que de les craindre dès qu'ils étaient arrivés. [Fénelon, Télémaque] Et dans l'état où j'entre, à te parler sans feinte, Elle a lieu de me craindre, et je crains cette crainte. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes] Prince, je crains le crime et non point le trépas. [La Motte, Inès de Castro, III, 6]

    Absolument. Espérer, c'est se flatter de la jouissance d'un bien ; craindre, c'est se voir menacé d'un mal. [Condillac, Traité sens. part. I, ch. 3, § 8]

    Craindre pour quelqu'un, pour quelque chose, craindre qu'il ne lui arrive quelque mal, quelque dommage. Il [Thalès] avait coutume de dire que la preuve d'un bon gouvernement était d'engager les sujets non à craindre le prince, mais à craindre pour lui. [Rollin, Histoire ancienne]

    Se faire craindre, inspirer la crainte. Ils se sont fait longtemps craindre. Quand on cherche si fort les moyens de se faire craindre, on trouve toujours auparavant ceux de se faire haïr. [Montesquieu, Lettres persanes]

  • 2Révérer, respecter. Craindre son père. Je crains Dieu, cher Abner. [Racine, Athalie] La gloire des méchants en un moment s'éteint ; L'affreux tombeau pour jamais les dévore ; Il n'en est pas ainsi de celui qui te craint : Il renaîtra, mon Dieu, plus brillant que l'aurore. [Racine, Esther] Crains Dieu, et garde ses commandements, car c'est là tout l'homme. [Bossuet, Oraisons funèbres] Souvenez-vous que ceux qui craignent les dieux n'ont rien à craindre des hommes. [Fénelon, Télémaque] Il faut que les sujets espèrent en Dieu et que les souverains le craignent. [D'alembert, Éloges, Bossuet]

    Familièrement. Ne craindre ni Dieu ni diable, se dit d'un homme méchant et capable de tout.

    Par extension. Ce cheval craint l'éperon, il obéit à l'éperon.

  • 3En parlant des choses inanimées, éprouver du dommage ne pas résister. Ces plantes craignent la gelée Arbres qui ne craignent pas l'hiver.
  • 4 vi Craindre avec de et l'infinitif, hésiter, ne pas oser. Ne craignons pas de parler en cette circonstance. On ne voit dans ses jugements [du juge qui veut s'agrandir] qu'une justice imparfaite, semblable, je ne craindrai pas de le dire, à la justice de Pilate.... [Bossuet, Oraisons funèbres] Sans cesse on prend le masque, et quittant la nature, On craint de se montrer sous sa propre figure. [Boileau, Epîtres] Sur les pas d'un banni craignez-vous de marcher ? [Racine, Phèdre] Des soupirs qui craignaient de se voir repoussés. [Racine, Andromaque] Le cardinal de Richelieu était mort peu regretté de son maître, qui craignit de lui devoir trop. [Bossuet, Oraisons funèbres] Viens régner avec nous si tu crains de servir. [Voltaire, Le fanatisme, ou Mahomet le Prophète]

    Avec le subjonctif accompagné de la particule ne. Craignez-vous qu'il ne vienne ? Je crains qu'en l'apprenant son coeur ne s'effarouche. [Corneille, Nicomède] Je n'ai jamais importuné Votre Majesté pour lui demander du bien ; je crains que je ne l'importune en lui disant qu'elle m'en a fait. [Fléchier, Oraisons funèbres] Je crains presque, je crains qu'un songe ne m'abuse. [Racine, Phèdre] Quoi ! Craignez-vous déjà qu'ils ne soient écoutés ? [Racine, ib. IV, 4] Tout m'est suspect : je crains que tout ne soit séduit ; Je crains Néron, je crains le malheur qui me suit. [Racine, Britannicus] Tant qu'il vivra, craignez que je ne lui pardonne. [Racine, Andromaque] Ah ! courez et craignez que je ne vous rappelle. [Racine, ib. IV, 3] On craint qu'il n'essuyât les larmes de sa mère. [Racine, Andromaque]

    Sans la particule ne. Il nous fallait, pour vous, craindre votre clémence, Et que le sentiment d'un coeur trop généreux, Usant mal de vos droits, vous rendît malheureux. [Corneille, La mort de Pompée] Il craint qu'un indiscret la vienne révéler. [Corneille, Théodore et Héraclius] Mais je crains qu'elle [la patience] échappe et que, s'il continue, Je ne m'obstine plus à tant de retenue. [Corneille, Nicomède] Avec juste raison je crains qu'entre nous deux L'égalité rompue en rompe les doux noeuds, Et que ce jour fatal à l'heur de notre vie Jette sur l'un de nous trop de honte ou d'envie. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes] Et le plus grand des maux toutefois que je crains, C'est que mon triste sort me livre entre ses mains. [Corneille, ib. I, 7] Vous craignez que ma foi vous l'ose reprocher. [Corneille, ib. I, 5] Vous l'accusiez pourtant, quand votre âme alarmée Craignait qu'en expirant ce fils vous eût nommée. [Corneille, ib. V, 4] Seigneur, je crains pour vous qu'un Romain vous écoute. [Corneille, Nicomède] Je craindrais que peut-être à quelques yeux suspects tu me fisses connaître. [Molière, Les fâcheux] Mais hélas ! je crains bien que j'y perde mes soins. [Molière, Dom Garcie de Navarre, ou Le prince jaloux] ....Oui, mais qui rit d'autrui Doit craindre qu'à son tour on rie aussi de lui. [Molière, L'école des femmes] Les soins d'un amour extrême Devroient moins vous alarmer ; Vous craignez trop qu'on vous aime ; Ne craignez-vous point d'aimer ? [Quinault, Proserpine, I, 3] Et craignant qu'on me fasse un crime de mes pleurs. [Campistron, Andronic, V, 10] Craignant surtout qu'à rougir on l'expose. [Voltaire, Zaïre]

    Bien que la particule ne soit réellement explétive, cependant l'usage en a consacré l'emploi ; et la supprimer est une licence qui n'est permise qu'à la poésie ; elle l'est aussi quand la construction est interrogative ou implique un sens négatif : Peut-on craindre que des choses si généralement détestées fassent quelque impression dans les esprits ? [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur] On peut prendre du profit, sans craindre qu'il soit usuraire. [Pascal, Les provinciales] Je crains peu qu'un grand roi puisse en être jaloux. [Créb. Électre, II, 4]

    Ne pas craindre, suivi de que, veut le subjonctif, mais sans la particule ne. Je ne crains pas qu'il fasse cette faute. Ne craignez pas que, prêt à vous désobéir, Il apprenne avec moi, seigneur, à vous trahir. [Créb. Xerx. III, 5] Je ne crains pas qu'on soupçonne de partialité sur cet article un homme que l'on n'a pas accusé jusqu'ici d'être fort doucereux. [Créb. Préf. d'Idom.]

    Si ne pas craindre est dit interrogativement, le que suivant est suivi de ne : ne craignez-vous pas qu'il ne vienne ? Cependant on peut dire aussi sans ne : ne craignez-vous pas qu'il vienne ?

    Craindre, suivi d'un verbe qu'accompagne la négation, exprime la crainte que la chose ne se fasse pas, et par conséquent le désir qu'elle se fasse. Je crains de ne pas le voir. Je craignais qu'il ne vînt pas.

  • 5Se craindre, avoir crainte de soi-même, vpron Il se craint soi-même. Il se craignait trop peu, ce qui est le caractère de ceux qui n'ont pas le soin de leur réputation. [Retz, Mémoires]

    PROVERBE

    Un bon vaisseau ne craint que la terre et le feu, c'est-à-dire les seuls dangers qu'il court sont la côte où il peut échouer et le feu qui le peut embraser.

REMARQUE

1. Craindre, suivi d'un verbe à l'infinitif, exige la préposition de : je ne crains pas de me tromper, si je parle ainsi ; et non : je ne crains pas me tromper.

2. La construction de craindre, suivi de que et d'un verbe, est le subjonctif ; il faut donc se garder d'imiter ces phrases de Fénelon : Je crains bien que tous ces petits sophistes grecs achèveront de corrompre les moeurs romaines. [Fénelon, Dialogues des morts] Je craignais que les Grecs nous communiqueraient bien plus leurs arts que leur sagesse. [Fénelon, ib.] Ne craignais-tu pas que Pythias ne reviendrait point et que tu payerais pour lui ? [Fénelon, ib. n° 21] C'est un archaïsme.

SYNONYME

CRAINDRE, APPRÉHENDER, AVOIR PEUR, REDOUTER. Redouter se distingue des trois autres en ce qu'il exprime la crainte de quelque chose de supérieur, de terrible, à quoi on ne peut résister Appréhender se distingue de craindre et avoir peur, en ce que, conformément à son étymologie, il indique une vue de l'esprit, une attention portée sur l'avenir, sur la possibilité ; ce qu'on appréhende apparaît moins comme probable que comme possible. Au contraire, ce qu'on craint apparaît non-seulement comme possible, mais aussi comme probable. Enfin, avoir peur désigne un état de l'âme où devant le péril le courage fait défaut ; on peut craindre le danger et pourtant y faire tête ; mais si on a peur du danger, il est le plus fort et nous emporte. Je redoute l'orage veut dire que je le regarde comme formidable ; j'appréhende l'orage, qu'il me paraît possible ; je crains l'orage, que les effets m'en semblent dangereux pour moi ; j'ai peur de l'orage, qu'il m'ôte tout courage.

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6Conjecturer, juger, en craignant. La voie que vous avez prise et que vous craignez n'être pas la meilleure, ne le sera pas toujours sans doute. [Rousseau, Correspondance]
7Se craindre, être craint, en parlant de choses. Qu'il [Charles - Quint] était instruit de tout ce qui se disait et se craignait, et qu'il ne négligerait rien pour avoir partout des gens qui lui donnassent avis de tout. Hist. du concile de Trente, trad. de le Courayer, t. I, p. 670]

REMARQUE

1. Ajoutez : Cependant Corneille a dit craindre à : Si du sang d'une fille il craint à se rougir, Théod. Mais Corneille a corrigé plus tard craindre à en : craindre de.

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