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dépit [1]

nm (dé-pi ; le t se lie d'ordinaire : le dépi-t amoureux ; au pluriel, l's se lie : des dé-piz amoureux)
  • 1Chagrin mêlé d'un peu de colère. M'ayant fait oublier tous les dépits qu'elle m'a faits, je ne me souviens plus que des excellentes qualités qui la rendent aimable et admirable. [Voiture, Lettres] Je crève de dépit. [Molière, Les précieuses ridicules] J'en ai dans le coeur davantage ; Et, pour exprimer tout, ce coeur a du dépit De ne point trouver de langage. [Molière, L'amphytrion] De grand dépit Richard elle interrompt. [La Fontaine, Rich.] Les victoires de Maurice firent mourir de dépit Chosroès. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Tous ces présents, Albine, irritent mon dépit. [Racine, Britannicus] Quoi qu'il en soit, Néron, d'aussi loin qu'il me vit, Laissa sur son visage éclater son dépit. [Racine, ib.] Crois que dans son dépit mon coeur est endurci. [Racine, Andromaque] Que vous importe, ô dieux, sa joie ou son dépit ? [Racine, ib. II, 5] Entre amants tel dépit n'est qu'une bagatelle ; Je veux dès aujourd'hui vous remettre avec elle. [Regnard, Les Ménechmes] Ces paroles le remplissaient de dépit contre Mentor. [Fénelon, Télémaque] Il laissa tomber sa lyre de dépit. [Fénelon, ib. VIII] Les divisions, les dégoûts, les dépits ne peuvent y avoir aucune entrée. [Fénelon, ib. XI] Pour faire dépit au maître des choses. [Voltaire, Taur. 3] Croyez-moi, ces dépits que l'orgueil vous déguise, Sont partout dangereux et surtout à Venise. [Ducis, Othello ou le more de Venise]

    Se couper le nez pour faire dépit à son voisin, se nuire pour une vengeance qu'on n'obtient même pas.

    On dit qu'une chose croît par dépit, quand elle croît sans qu'on en prenne aucun soin.

  • 2En dépit de, loc. prép. Malgré. Adieu ; fais lire au prince, en dépit de l'envie, Pour son instruction, l'histoire de ta vie. [Corneille, Le Cid] Mais lorsqu'en dépit d'eux on en a voulu d'autres.... [Corneille, Horace] Des cheveux assez, pour ne point porter perruque ; j'en ai beaucoup de blancs, en dépit du proverbe. [Scarron, Portrait de Scarron fait par lui-même] Je vous l'avais prédit qu'en dépit de la Grèce De votre sort encor vous seriez la maîtresse. [Racine, Andromaque]

    Fig. et familièrement. Faire une chose en dépit du sens commun, du bon sens, etc. la faire très mal. Tes écrits, il est vrai, sans art et languissants Semblent être formés en dépit du bon sens. [Boileau, Satires] Ils ont l'air d'être faits en dépit de l'art. [Diderot, Salons de peinture]

    En dépit qu'on en ait, c'est-à-dire quoi qu'on fasse. Quelquefois en dépit que j'en aie. [Descartes, Méditations] J'ai caché si longtemps l'ennui qui me dévore Qu'en dépit que j'en aie enfin il s'évapore. [Corneille, Pulchérie] J'ai beau voir ses défauts et j'ai beau l'en blâmer, En dépit qu'on en ait, elle se fait aimer. [Molière, Le misanthrope] Il faut que je lui sois fidèle en dépit que j'en aie. [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre] Je me sens pour vous de la tendresse en dépit que j'en aie. [Molière, L'avare] Ah ! vous y resterez, en dépit qu'on en ait. [Collin D'harleville, Le vieux célibataire]

REMARQUE

1. Voltaire remarque au sujet de ces vers de Corneille : Et je m'ose assurer qu'en dépit de mon crime, Mon sang leur servira d'assez pure victime, Cinna, IV, 7 : " On ne peut pas dire en dépit de mon crime, comme on dit malgré mon crime, parce qu'un crime n'a point de dépit. On dit bien en dépit de ma haine, de mon amour, parce que les passions se personnifient. " Cette remarque n'est pas fondée ; car elle atteindrait aussi malgré, attendu qu'un crime n'a ni gré ni mauvais gré.

2. Il faut appeler l'attention sur la locution : en dépit qu'il en ait. La construction ne peut s'en faire ; seulement on comprend comment elle est née ; la locution correcte serait : dépit qu'il en ait, comme malgré qu'il en ait ; c'est-à-dire : quelque mal gré qu'il en ait ; tandis qu'il est impossible de dire : quelque en dépit qu'il en ait. Mais là il y a eu confusion et fusion avec la locution en dépit ; d'où est résultée la locution en dépit qu'il en ait. Toutefois, venant du XVIe siècle, comme on peut voir par l'historique, elle a été consacrée par les meilleurs écrivains du XVIIe siècle.

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1. DÉPIT. - REM. Ajoutez :

3. On a dit : en dépit que, pour : par dépit de ce que. Sa mère m'a autrefois dit pis que pendre de lui, en dépit qu'il traitait si mal sa jeune femme. [Patin, Lettres choisies]

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