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enfanter

vt (an-fan-té)
  • 1Donner le jour à un enfant. Heureuse la mère qui l'a enfanté.

    Par extension. Ce peuple que la terre enfantait tout armé. [Corneille, Médée] Le monde, de qui l'âge avance les ruines, Ne peut plus enfanter de ces âmes divines. [Boileau, Le lutrin] Cieux, répandez votre rosée, Et que la terre enfante son sauveur. [Racine, Athalie] Sitôt que le devoir l'ordonne, La France enfante des soldats. [Lamotte, Odes, t. I, p. 64, dans POUGENS]

    Absolument. Le chaos se féconde, et la nature enfante. [Delille, Paradis perdu]

  • 2 Fig. Créer, concevoir, produire. Tout ce qu'elles pourront enfanter de tempêtes, Sans venir jusqu'à nous, crèvera sur leurs têtes. [Corneille, Théodore et Héraclius] On y voit tour à tour la paix et les combats ; On y voit l'amertume enfanter les appas. [Corneille, L'imitation de Jésus-Christ] Le poëte par bonheur n'ayant point enfanté de nouvelles stances. [Scarron, Le Roman comique] Bienheureux Scudéri, dont la fertile plume Peut tous les mois sans peine enfanter un volume. [Boileau, Satires] Que Racine, enfantant des miracles nouveaux, De ses héros sur lui [le roi] forme tous les tableaux. [Boileau, L'art poétique] Accourez, troupe savante ; Des sons que ma lyre enfante, Ces arbres sont réjouis. [Boileau, Ode sur Namur.] Et quel affreux projet avez-vous enfanté, Dont votre coeur encor doive être épouvanté ? [Racine, Phèdre] C'est au génie seul à enfanter toutes les hardiesses qui contribuent si fort au merveilleux de la poésie et au sublime de l'éloquence. [D'olivet, Hist. de l'Acad. t. II, p. 59, dans POUGENS] Je l'ai vu, ce n'est point une erreur passagère Qu'enfante du sommeil la vapeur mensongère. [Voltaire, Sémiramis] Son nom et son malheur enfantent des soldats. [Voltaire, Octave et le jeune Pompée, ou Le triumvirat] De la ligue en cent lieux les villes alarmées Contre moi dans la France enfantaient des armées. [Voltaire, La Henriade] Ses succès, sa valeur, Bientôt à Spartacus enfantent une armée. [Saurin, Spart. I, 1]

    Absolument. Cet auteur enfante difficilement, il ne produit des ouvrages qu'avec peine.

  • 3Dans le langage mystique, enfanter une âme en ou à Jésus-Christ, la rendre digne de Jésus-Christ et de la vie éternelle. Si Dieu a béni le travail par lequel je tâche de vous enfanter en Jésus-Christ, et que, trop indigne ministre de ses conseils, je n'y aie pas été moi-même un obstacle. [Bossuet, Oraisons funèbres] Dieu ébranlera tout l'État pour l'affranchir [Henriette] de ces lois ; il met les âmes à ce prix ; il remue le ciel et la terre pour enfanter ses élus. [Bossuet, Oraisons funèbres] Tant de saints pasteurs qui offrent leurs âmes et leurs travaux pour vous enfanter à Jésus-Christ. [Massillon, Car. Mot. de conv.]
  • 4S'enfanter, vpron Être enfanté, être produit. Une tragédie ne s'enfante pas si facilement.

    PROVERBE

    C'est la montagne qui enfante une souris, ou la montagne a enfanté une souris, se dit de grands projets qui viennent à rien. Que produira l'auteur après tous ces grands cris ? La montagne en travail enfante une souris. [Boileau, L'art poétique]

SYNONYME

ENFANTER, ENGENDRER. Engendrer est relatif à la génération ; enfanter, à l'enfant qui est mis au monde. De là la différence de sens entre ces deux mots : d'abord engendrer se dit également du mâle et de la femelle, de l'homme et de la femme ; enfanter ne se dit que de la femme seule. Au figuré, engendrer s'applique à ce qui peut être comparé à une génération ; et enfanter à ce qui peut être comparé à la mise au monde. Tant que l'idée de mise au monde n'est pas nécessaire, on se sert indifféremment d'engendrer ou d'enfanter : ce discours engendra ou enfanta des discordes. Mais, quand cette idée est nécessaire, c'est enfanter qu'il faut : on enfante un projet, un ouvrage.

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