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gêner

vt (jê-né)
  • 1Faire souffrir la torture (sens qui a vieilli). Celle que dans les fers elle aimait à gêner. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes]
  • 2 Fig. Faire souffrir, infliger une torture morale. Ah ! que vous me gênez Par cette retenue où vous vous obstinez ! [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes] Puis-je d'un tel chagrin savoir quel est l'objet ? - Cinna : Émilie et César ; l'un et l'autre me gêne, L'un me semble trop bon, l'autre trop inhumaine. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Ne vous obstinez point à gêner une vie, Que de tant de malheurs vous voyez poursuivie. [Corneille, La toison d'or] Lui-même a quelque chose en l'âme qui le gêne. [Corneille, Sertorius] Pourvu qu'à te gêner le remords s'étudie. [Corneille Th. Ariane] Et le puis-je, madame ? Ah ! que vous me gênez ! [Racine, Andromaque] Vous savez, grand Dieu, que le commerce des méchants me déplaît et me gêne. [Massillon, Paraph. Psaume XV, 2]

    Absolument. Agis de ton côté ; je la laisse avec toi, Gêne, flatte, surprends. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient]

  • 3Causer de la gêne, incommoder les mouvements du corps. Sa cuirasse le gêne beaucoup. Nous étions très gênés dans la voiture.

    Empêcher le libre mouvement de quelque chose que ce soit. Ligatures qui gênent la circulation du sang. Gêner la circulation des voitures, la navigation.

    Terme de marine. Gêner une pièce de bois, des bordages, des boucauts, les assujettir parfaitement.

  • 4 Par extension, causer de l'embarras chez quelqu'un. Cette visite imprévue nous gêne beaucoup. Je craindrais de le gêner.
  • 5Être un embarras pour quelqu'un. Ces témoins me gênent. Britannicus le gêne, Albine ; et chaque jour Je sens que je deviens importune à mon tour. [Racine, Britannicus]
  • 6Mettre obstacle, empêcher, contraindre. La rime gêne souvent les poëtes. Gêner le commerce, l'industrie par des prohibitions. Les femmes n'aiment pas qu'on les gêne ; et c'est beaucoup risquer que de leur montrer des soupçons, et de les tenir renfermées. [Molière, Le sicilien, ou L'amour peintre] Est-ce aux rois à garder cette lente justice ?... N'allons point les gêner d'un soin embarrassant. [Racine, Athalie] Un prince sage, quand il propose une affaire dans son conseil, et qu'il désire sincèrement qu'on lui dise la vérité, a une extrême attention à cacher ses propres sentiments pour ne point gêner ceux des autres. [Rollin, Histoire ancienne] Je gêne de vos feux l'ambitieuse ardeur. [Lamotte, Inès, III, 3] Le sérail d'un soudan, sa triste austérité, Ce nom d'esclave enfin, n'ont-ils rien qui vous gêne ? [Voltaire, Zaïre] Ces soins cruels, à mon sort attachés, Gênent trop mes esprits d'un autre soin touchés. [Voltaire, L'orphelin de la Chine] Je ne la gêne point sous la loi paternelle. [Voltaire, Les Scythes] Pourquoi gêner la conscience du meilleur des hommes et du plus brave des princes [Henri IV], qui ne gênait la conscience de personne ? [Voltaire, Histoire du parlement de Paris] La vie la plus pénitente cesse de gêner les hommes, dès qu'elle est glorieuse. [Duclos, Consid. sur les moeurs, ch. 10] Tu n'auras pas l'ennui de traîner à ta suite Un vieillard chancelant qui gênerait ta fuite. [Delavigne, Le paria]
  • 7Causer une pénurie d'argent. Cette dépense me gênera un peu.
  • 8Se gêner, V. réfl. Se causer à soi-même une vive affliction. Cessons de nous gêner d'une crainte inutile. [Corneille, Oedipe] Quoi ! ne vous plaisez-vous qu'à vous gêner sans cesse ? [Racine, Bérénice]
  • 9Se serrer soit les uns contre les autres, soit contre quelque chose. En vous gênant un peu, vous pourrez tous vous asseoir sur cette banquette.
  • 10Se causer de l'embarras réciproquement l'un à l'autre. Adieu, nous ne faisons tous deux que nous gêner. [Racine, La Thébaïde, ou Les frères ennemis]

    S'imposer à soi-même une gêne, une contrainte. Il est vrai que je n'aimais pas à rester longtemps avec elle ; et il n'est guère en moi de savoir me gêner. [Rousseau, Les confessions]

    Ne vous gênez pas, se dit par politesse, par indulgence ou par amitié à quelqu'un qu'on veut mettre à son aise. Mademoiselle, approchez ; ne vous gênez pas ; vous entendrez mieux. [Diderot, Le père de famille] Allez donc vous promener ; Mon cher, ne vous gênez pas, Mon équipage est là-bas. [Béranger, Sénat.]

    Ironiquement. Ne vous gênez pas, se dit à qui prend trop ses aises.

    On dit dans le même sens ironique : il ne se gêne pas.

    Si cela ne vous gêne pas, est aussi une formule de politesse très usitée.

  • 11S'imposer une pénurie d'argent. Vous avez eu trop de bonté de vous arranger si vite avec ma famille ; vous savez que j'étais bien éloigné de demander pour elle un paiement si prompt ; je serais extrêmement affligé que vous vous fussiez gêné. [Voltaire, Correspondance]

REMARQUE

Voltaire, à propos de ce vers d'Héraclius, II, 6 : Comme sa cruauté pour mieux gêner Maurice..., et ailleurs, reprend Corneille d'avoir ainsi parlé, et dit que gêner ne signifie qu'embarrasser, inquiéter. Les exemples prouvent qu'il n'y a rien à reprendre dans Corneille : il ne faisait que suivre l'usage de son temps, qui n'avait pas encore amoindri le sens de gêner. Il est vrai qu'aujourd'hui gêner, comme le mot ennui, a perdu de sa force ; mais on peut l'employer encore dans la poésie au sens de torturer moralement ; et Voltaire a dit lui-même et bien dit en ce sens : D'où vient qu'on m'abandonne au trouble qui me gêne ? Mariane, V, 7.

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