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défendre

vt (dé-fan-dr'), je défends, tu défends, il défend, nous défendons, vous défendez, ils défendent ; je défendais ; je défendis ; défends, qu'il défende ; que je défende ; que je défendisse ; défendant ; défendu
  • 1Venir au secours, en aide de ce qui est attaqué, personnes ou choses. Je défendrai ta mémoire Du trépas injurieux. [Malherbe, II, 2] Enfin, chevalier, tu crois défendre ta comédie, en faisant la satire de ceux qui la condamnent. [Molière, Critique de l'école des femmes] Il n'y a qu'à détourner son intention du désir de vengeance qui est criminel, pour la porter au désir de défendre son honneur qui est permis selon nos pères. [Pascal, Les provinciales] Je vous défendrais de l'orage. [La Fontaine, Fables] Défendez-moi des fureurs de Pharnace. [Racine, Mithridate] Et songeons bien plutôt, quelque amour qui nous flatte, à défendre du joug et nous et nos États. [Racine, ib. I, 3] Et subisse des lois Dont il a quarante ans défendu tous les rois. [Racine, ib. III, 1] Prince aimable, dis-nous si quelque ange au berceau, Contre tes assassins prit soin de te défendre. [Racine, Athalie] Pour défendre vos jours de leurs mains meurtrières. [Racine, Iphigénie en Aulide] Je défendrai mes droits fondés sur vos serments. [Racine, ib. IV, 6] Ciel ! qui nous défendra si tu ne nous défends ? [Racine, Esther] La gloire les défend [les grands du monde] de quelques faiblesses ; mais la gloire les défend-elle de la gloire même ? [Bossuet, Oraisons funèbres] À quoi la force doit-elle servir qu'à défendre la raison ? [Bossuet, Oraisons funèbres] Aussi nul chevalier ne cherche à la défendre. [Voltaire, Tancrède] Le fameux Arnauld défendait le jansénisme avec l'impétuosité de son éloquence. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV]

    Il se dit aussi des animaux. La poule défend ses poussins.

    Absolument. Et qu'au lieu d'attaquer il a peine à défendre. [Corneille, Sertorius] La peur régnait partout : plus de coeurs, plus d'ami ; Le Français du Français paraissait l'ennemi, Chacun savait mourir, nul ne savait défendre. [Legouvé, Mérite des f.] Peu usité de cette façon.

    À son corps défendant, loc. adv. En se défendant contre une attaque. Il a tué l'agresseur à son corps défendant.

    Fig. et familièrement, à contre-coeur, avec répugnance. J'ai fait cela à mon corps défendant. Je vous jure, encor est-ce à mon corps défendant. [Régnier, Satires] Et l'on sait qu'elle est prude à son corps défendant. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur]

  • 2En parlant d'un accusé, exposer ses moyens de défense. Qui défend le prévenu ? Cet avocat nous a très bien défendus.

    Défendre son pain, soutenir un procès dans lequel tous les moyens d'existence sont engagés.

    Dans un sens assez analogue, intercéder pour quelqu'un.

  • 3Empêcher que l'ennemi ne puisse entrer dans un lieu ou en approcher. Horatius Coclès défendit un pont contre les Étrusques, pendant qu'on le coupait derrière lui. L'officier qui défendit cette place à toute extrémité. L'ennemi retranché dans son camp comme dans un fort, mille foudres, qui portent la mort partout, en défendent l'approche. [Massillon, Oraisons funèbres et sermons] Que si Barclay l'a prévenu dans cette capitale [Vitepsk], sans doute il voudra la défendre ; là peut-être l'attendait cette victoire tant désirée, qui vient de lui échapper sur la Vilia. [Ségur, Histoire de Napoléon et de la Grande-Armée pendant l'année 1812]
  • 4Protéger, garantir. La montagne défend cette maison des vents du nord.

    Terme de marine. Défendre un canot, éviter de la faire choquer contre un bâtiment ou un quai.

  • 5Interdire, prohiber. Défendre le vin à un malade. Ah ! monsieur, qu'est ceci ? je défends la surprise ! [Molière, Le dépit amoureux] Vos règles vous défendent de rien imprimer sans l'aveu de vos supérieurs qui sont rendus responsables des erreurs de tous les particuliers. [Pascal, Les provinciales] C'est des ministres saints la demeure sacrée ; Les lois à tout profane en défendent l'entrée. [Racine, Athalie] .... Puisqu'un sort jaloux Lui défend de jouir d'un spectacle si doux. [Racine, Alexandre le grand] Le ciel protége Troie ; et par trop de présages Son courroux nous défend d'en chercher les passages. [Racine, Iphigénie en Aulide]

    Défendre avec un régime direct, puis avec de et un verbe à l'infinitif. Je vous défends tout retour et toute inquiétude sur cela, et de vous en confesser de nouveau Li à moi ni à d'autres. [Bossuet, Lett. abb. 50]

    Défendre sa porte à quelqu'un, faire défendre sa porte à quelqu'un, dire au portier, aux domestiques de ne pas le laisser entrer s'il se présente. J'étais si affligée de cette perte, de la mort de mon mari, du départ précipité de mon fils, que j'avais fait défendre ma porte. [Voltaire, La princesse de Babylone]

    Se défendre, défendre à soi-même, s'interdire, s'empêcher de. Ils se sont défendu les excès. [Massillon, P. carême, Malh. des grands.]

    Enjoindre de ne pas faire. Mais il me semble, Agnès, si ma mémoire est bonne, Que j'avais défendu que vous vissiez personne. [Molière, L'école des femmes] Le désolé vieillard, qui hait la raillerie, Lui défend de parler, sort du lit en furie. [Boileau, Le lutrin] Mais mon père défend que le roi se hasarde. [Racine, Athalie] Pour plus de sûreté, il fit mettre des gardes aux portes de tous les prélats, et défendit qu'aucun étranger entrât dans la ville. [Voltaire, Histoire de Charles XII]

  • 6 vi Terme de procédure. Fournir des défenses aux demandes de la partie adverse. Condamné faute de défendre.

    Avoir le rôle de défendeur dans un procès. Défendre à une action en payement.

  • 7Se défendre, vpron Repousser la force par la force. J'eus beau crier et me défendre : la couverture fut apportée [où l'on me berna]. [Voiture, Lettres] .... Gardez-vous de prétendre Que de tant d'ennemis vous puissiez vous défendre. [Racine, Mithridate] Les nations s'appellent les unes les autres, se liguent ensemble pour se défendre et pour l'arrêter. [La Bruyère, X.] .... Avec ce fer tu m'as fait chevalier, Tiens, prends, prends, défends-toi ; meurs du moins en guerrier. [Delavigne, Les vêpres siciliennes] On s'y défendit comme des vainqueurs se défendent, en attaquant. [Ségur, Histoire de Napoléon et de la Grande-Armée pendant l'année 1812]

    Terme de manége. Un cheval se défend quand il refuse d'obéir, soit en sautant, soit en reculant ; il se défend des lèvres, quand il résiste au mors. On dit encore qu'il se défend, quand il se sert de ses pieds et de ses dents contre les personnes qui l'entourent et veulent le contenir.

    Cette place se défend d'elle-même, elle est facile à défendre ; elle n'est pas en état de se défendre, elle ne peut résister à une attaque sérieuse.

    Terme de marine. Se défendre bien à la mer, recevoir peu d'eau à bord par un gros temps.

  • 8Se justifier, repousser les accusations, les reproches, les critiques. J'ai voulu me défendre avec civilité. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Qu'on rappelle mon fils, qu'il vienne se défendre. [Racine, Phèdre] Défendez-vous, madame, et ne l'accusez pas. [Racine, Britannicus] Ils ne se défendent pas contre cette accusation. [Massillon, Av. Circ.] Si mes livres ne savent pas se défendre, je ne les défendrais pas mieux. [Bonnet, Lett. div. Oeuvres, t. XII, p. 128]
  • 9Se garantir, se préserver. Leur nombre était assez grand pour se défendre d'une surprise. [Patru, Plaidoy. 1. dans RICHELET] Je cherche à te rejoindre et non à m'en défendre [de la mort]. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes] De cette opinion j'aime mieux me défendre, Pour mettre en votre choix celle que je dois prendre, La régler par votre ordre, et croire avec respect Tout ce qu'il vous plaira d'un entretien suspect. [Corneille, Pertharite, roi des Lombards] Défendez-vous [de la mort] par la grandeur, Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse. [La Fontaine, Fables] Vous n'aurez plus qu'à vous défendre de la vanité. [Sévigné, Lettres, 6 janv. 1672] Contre tant de soupirs peut-on bien se défendre ? [Racine, Alexandre le grand] Contre tous les poisons soigneux de me défendre. [Racine, Mithridate] Quel philosophe pourrait se défendre de la flatterie ? [Fénelon, Télémaque] On a besoin de force pour se défendre des exemples qu'on a devant les yeux. [Massillon, Car. Mélange] Vous dites que, rompre tout d'un coup, ce serait un éclat.... qui donnerait lieu à des soupçons dont jusqu'ici vous avez su vous défendre. [Massillon, ib. Pâques.] La vertu même des saints ne suffit pas pour se défendre des occasions qui nous cherchent. [Massillon, ib. Dang. des prospér.] Les Scythes ne connaissent point l'usage de la laine et des étoffes, et, pour se défendre des froids violents et continuels de leur climat, ils n'emploient que des peaux de bêtes. [Rollin, Histoire ancienne] D'un noir pressentiment je ne puis me défendre. [Voltaire, Le fanatisme, ou Mahomet le Prophète] On meurt ainsi par degrés, jusqu'à ce que, n'aimant enfin que soi-même, on ait cessé de sentir et de vivre avant de cesser d'exister ; mais un coeur sensible se défend de toute sa force contre cette mort anticipée. [Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse]

    Cette étoffe est bonne, il n'y a qu'à se défendre du prix, c'est-à-dire on peut l'acheter, il ne s'agit plus que de ne pas la payer trop cher.

  • 10Repousser, refuser, se dispenser de. S'il n'en eût aimé l'offre, il eût su s'en défendre. [Corneille, La mort de Pompée] Il s'est de mes bontés jusqu'au bout défendu. [Corneille, ib. V, 5] Elle se défend du nom, mais non pas de la chose. [Molière, Critique de l'école des femmes] Jusques ici je me suis défendu de m'expliquer. [Molière, Les amants magnifiques] Il se défend fort de se mêler de l'affaire. [Bossuet, Lett. quiét. 171] Il s'en défendit comme d'un crime. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Prince, de ce devoir je ne puis me défendre. [Racine, Bérénice] Il s'en défendit [d'être élu roi] sans s'émouvoir. [Fénelon, Télémaque] Et nous, mes frères, nous nous défendons de la réputation d'homme juste et craignant Dieu, comme d'un titre de honte et d'infamie. [Massillon, Car. Injust. du monde.] Les deux consuls.... se défendirent d'abord de prendre connaissance d'une affaire qui s'était passée longtemps avant leur consulat. [Vertot, Histoire des révolutions arrivées dans le gouvernement de la République romaine] Elle est femme samaritaine, et par là elle se défend d'accorder au Sauveur ce que sa bonté demande d'elle. [Massillon, Car. Samaritaine]
  • 11Se cacher d'une chose, la nier. Vous ne vous rendez pas encore, et vous vous défendez d'être médecin. [Molière, Le médecin malgré lui] Elle se défend fort d'apprendre la philosophie. [Sévigné, 438] Quelques-uns se défendent de faire des vers. [La Bruyère, IV] Je ne m'en défends point : mes pleurs, belle Ériphile, Ne tiendraient pas longtemps contre les soins d'Achille. [Racine, Iphigénie en Aulide] Un homme, se trouvant là sans fonctions apparentes, m'aborda familièrement, me demanda confidemment si je n'étais point auteur de certaines brochures, je m'en défendis fort. [Courier, Pamphlets]
  • 12S'excuser. Je m'en suis défendu le moins brutalement qu'il m'a été possible. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]
  • 13S'empêcher de. J'ai cru honteux d'aimer quand on n'est plus aimable ; J'ai voulu m'en défendre, à voir mes cheveux gris. [Corneille, Sertorius] Il ne peut se défendre d'aimer cette vertu douce. [Fénelon, Télémaque]

REMARQUE

1. Défendre, au sens de prohiber, veut de devant un infinitif ou que et le subjonctif : Il défend d'aller, il défend qu'on aille.

2. Défendre, dans le sens de prohiber, suivi d'un verbe, ne veut pas que ce verbe prenne la particule ne : Je défends que vous fassiez cela, et non je défends que vous ne fassiez cela ; cette dernière tournure, c'est-à-dire l'emploi de ne explétif avec défendre, était très usuelle au XVIe siècle et auparavant.

3. Si le verbe est à l'infinitif, la particule ne ne se met jamais : Je vous défends d'y aller (au contraire, le XVIe siècle mettait volontiers la négation : Je vous défends de n'y pas aller). Pourtant, si le verbe est à l'infinitif et construit avec plus, jamais, quelques écrivains ont employé le ne : Il leur déclara qu'il leur défendait de ne plus songer à ce mariage. [Sévigné, Lett. 19 déc. 1670 (l'édition de M. Régnier, qui doit faire autorité, n'a pas ce ne)] Il lui défendit avec dureté de ne jamais se présenter devant lui. [Vertot.] On sait combien, avec les verbes exprimant doute, crainte, empêchement, etc. le ne explétif est fréquent. On ne peut donc dire que ici ce soit une vraie faute ; seulement on doit savoir que l'usage s'est prononcé contre cet emploi, et l'on dira : Il leur défendait de songer davantage à ce mariage ; il lui défendit de se présenter jamais devant lui.

SYNONYME

DÉFENDRE, SOUTENIR, PROTÉGER. Mettre quelqu'un ou quelque chose à couvert du mal qui lui arrive ou qui peut lui arriver. On défend ce qui est attaqué ; on soutient ce qui ne se tient pas debout par soi-même ; on protége ce qui a besoin d'être couvert et garanti. On défend une cause ; on soutient une entreprise ; on protége les sciences. Défendre les sciences, ce serait prendre en main leur cause, si on leur attribuait, comme Rousseau par exemple, des influences funestes ; protéger les sciences, c'est en favoriser la culture et le progrès. On défend un homme contre ses ennemis, on le soutient dans les démarches qu'il fait, et, si on occupe une position supérieure à la sienne, on le protége, c'est-à-dire on le sert auprès des personnes de qui son succès dépend : la principale différence entre protéger et les deux autres verbes étant que protéger entraîne en général l'idée de la supériorité de celui qui protége, ce que ne font pas défendre et soutenir.

+

DÉFENDRE. - REM. Ajoutez :

4. On a dû. dire d'abord : en son corps défendant. Cette forme se trouve dans le Portrait de Mme Cornuel par Mme de Vineuil, ancienne édit. des Oeuv. de Mlle de Montpensier, t. VIII, p. 257.

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