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empêcher

vt (an-pê-ché)
  • 1Mettre entrave à quelqu'un. La nuit de sa vue Ne l'empêche pas tant que la nuit de son coeur. [Malherbe, I, 4] Je sais l'art d'empêcher les grands coeurs de faillir. [Corneille, Sertorius] Oui, j'ai juré sa mort, rien ne peut m'empêcher. [Molière, Sganarelle, ou Le cocu imaginaire] Que votre communication ne vous empêche en aucun de vos desirs. [Bossuet, Lett. Corn. 31]

    Il se dit aussi quelquefois dans un sens favorable. Ni vous-même, ni le peuple n'avez prétendu, en créant ces nouveaux magistrats, que de donner à cette loi des protecteurs et aux pauvres des avocats qui les empêchassent d'être opprimés par les grands. [Vertot, Histoire des révolutions arrivées dans le gouvernement de la République romaine]

  • 2Être cause que quelque chose ne se fasse pas. Quoi ! madame, faut-il que mon peu de puissance Empêche les devoirs de ma reconnaissance ? [Corneille, Médée] Dis-lui que l'amitié, l'alliance et l'amour Ne pourront empêcher que les trois Curiaces Ne servent leur pays contre les trois Horaces. [Corneille, Horace] Quand j'empêche sa mort, il m'arrache la vie. [Corneille Th. Ariane] ....il y fit des fagots dont la vente Empêcha qu'un long jeûne à la fin ne fît tant Qu'ils allassent là-bas exercer leur talent. [La Fontaine, Fables] Le premier président a apporté un ordre pour empêcher que certains greffiers ne prissent de l'argent pour cette préférence. [Pascal, Les provinciales] Ce grand Dieu, pour empêcher le progrès d'un si grand mal [l'idolâtrie], au milieu de la corruption commença à se séparer un peuple élu. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Il est bon d'empêcher ces emplois fastueux D'être donnés peut-être à des âmes mondaines. [Boileau, Satires] La pluie presque continuelle empêche qu'on ne se promène dans les cours et dans les jardins. [Racine, 45e lett. à Boil.] Je couvrais ces matières-là d'un galimatias philosophique qui empêchait que les yeux de tout le monde ne les reconnussent pour ce qu'elles étaient. [Fontenelle, Dial. de Plat. et de Marg.] Les fautes considérables d'Homère n'ont jamais empêché qu'il ne fût sublime. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV]
  • 3Gêner l'exercice de. Trop de distance et trop de proximité empêche la vue. [Pascal, dans COUSIN] Trop de jeunesse et trop de vieillesse empêche l'esprit. [Pascal, ib.]
  • 4S'empêcher, v. réfléchi. Se défendre, s'abstenir de. Il ne put s'empêcher de parler. Mais tu ne pouvais pas t'empêcher de le faire. [Mairet, La mort d'Asdrubal] Je ne puis m'empêcher, si bien que je résiste, De croire à ces derniers [songes] qui n'ont rien que de triste. [Mairet, Sophonisbe] Je m'empêcherais bien de servir de matière à la sévérité de ton humeur altière. [Mairet, ib. V, 2]

    S'embarrasser. La raison en est belle, et c'est par là qu'il s'empêcherait des choses ! [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre]

REMARQUE

1.D'après Voltaire (Remarq. sur Corn.) et d'après certains grammairiens, empêcher demande toujours un régime direct de la personne, et c'est une faute de dire : on nous empêche l'accès de cette maison. Cependant cette locution a été employée par bien des écrivains très autorisés : par Malherbe : La seule raison qui m'empêche la mort. [Malherbe, V. 13] ; par Corneille : Cet orgueilleux esprit, enflé de ses succès, Pense bien de ton coeur nous empêcher l'accès. [Corneille, Nicomède] ; par Racan : L'excès de la douleur m'empêche la parole. [Racine, Berger. IV, 5] ; par Bossuet : Pour lui en empêcher les approches. [Bossuet, II, Fr. de P. 1] ; La jeunesse à qui la violence de ses passions empêche de connaître ce qu'elle fait. [Bossuet, Sermons] ; par Saint-Simon : Tallard compta pouvoir empêcher aux ennemis le passage de la rivière. [St-simon, 134, 233] ; par Chateaubriand : Philippe aperçut l'échauffourée, et, toujours poursuivi de l'idée de trahison, il s'écrie : tuez, tuez cette ribaudaille qui nous empêche le chemin. [Chateaubriand, Hist. de France, dans GODEFROY, Lex. de Corneille]

2. Empêcher veut de avant l'infinitif.

3. Avec que, la proposition subordonnée prend ne. J'empêche qu'il ne vienne. Cette règle peut être négligée dans les vers : Si son coeur m'est volé par ce blondin funeste, J'empêcherai du moins qu'on s'empare du reste. [Molière, L'école des femmes] Mais en prose, elle ne doit pas l'être, ou du moins elle ne l'est pas d'ordinaire ; cependant on trouve des phrases comme les suivantes, qui, à le bien prendre, n'ont rien de fautif en soi, le ne étant purement explétif : Vingt-cinq grenadiers posés à sa porte [de Gyllembourg] eurent ordre d'empêcher que personne pût lui parler. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon] Vous savez tempérer le feu qui vous anime, et empêcher qu'il vous dévore. [Voltaire, Roi de Prusse, 225]

4. Si empêcher est accompagné de la négation ou est dans une phrase interrogative, la proposition subordonnée peut prendre ou ne pas prendre ne : Je n'empêche pas qu'il ne sorte ou qu'il sorte. Si l'on ne veut pas faire le bien, il ne faut pas empêcher que les autres le fassent. Empêchez-vous qu'on vienne ou qu'on ne vienne ? Cela n'empêchera pas que je ne conserve pour vous les sentiments d'estime et de vénération où votre personne m'oblige. [Molière, Monsieur de Pourceaugnac] Vous n'empêcherez pas que ma gloire offensée N'en punisse aussitôt la coupable pensée. [Racine, Mithridate]

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EMPÊCHER.
4S'empêcher, vpron Ajoutez : C'est cela qui a été cause que vous n'avez pas eu plus souvent de ses lettres ; et elle s'en est empêchée pour ne vous pas mentir plus d'une fois. [Voiture, Lettres]
5Neutralement, empêcher à quelqu'un, le gêner, lui créer des obstacles (emploi vieilli). Il croyait que l'archiduc était de ses amis, et qu'il ne lui empêcherait pas. [Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.]

REMARQUE

Ajoutez :

5. Vaugelas dans ses Remarques note ceci : " Un de nos meilleurs auteurs a dit que quelqu'un avait fait rompre un pont, pour s'empêcher d'être suivi. À la prendre au pied de la lettre, cette expression s'empêcher d'être suivi, ne peut guère se concevoir ; cependant beaucoup l'approuvent. " Rien dans la grammaire ne fait obstacle à cette tournure, peu usitée sans doute. On dit : s'empêcher de faire ; et il faudra la prendre, si l'on veut après s'empêcher mettre un infinitif passif. Il s'empêcha d'être aimé, vaut certainement mieux que il empêcha qu'on l'aimât. Au Dictionnaire, voyez l'exemple de Mairet : Je m'empêcherais bien de servir de matière à la sévérité.... Servir de matière est l'équivalent d'un verbe passif, et on pourrait le remplacer par être traité sévèrement. S'empêcher de signifiant se défendre peut être suivi d'un infinitif passif.

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