gémir
- 1Exhaler sa souffrance, sa peine, d'une voix plaintive et inarticulée. Mais et les princes et les peuples gémissaient en vain ; en vain Monsieur, en vain le roi même tenait Madame serrée par de si étroits embrassements.... la mort plus puissante nous l'enlevait entre ces royales mains . [Bossuet, Oraisons funèbres]Vous l'avez vue si souvent gémir devant les autels de son unique protecteur . [Bossuet, Oraisons funèbres]Quel tourment de se taire en voyant ce qu'on aime, De l'entendre gémir, de l'affliger soi-même ! [Racine, Britannicus]Pleurons et gémissons, mes fidèles compagnes . [Racine, Esther]Mon frère, ayez pitié d'une soeur égarée Qui brûle, qui gémit, qui meurt désespérée . [Voltaire, Zaïre]Je pleure mon destin, je gémis sur mon père . [Voltaire, Tancrède]Activement et poétiquement. Voilà ce qui fait honte ou ce qui fait frémir ; Gémissement que Job oublia de gémir . [Lamartine, Rép. aux adieux de W. Scott.]
- 2 Par extension, se plaindre sous un poids qui accable. D'un peuple sans vigueur et presque inanimé Qui gémissait sous l'or dont il était armé . [Racine, Alexandre le grand]Déjà la pythonisse, errante, échevelée, Sous le pouvoir du dieu gémissait accablée . [Chénier M. J. Oedipe-roi, III, 4]Fig. L'Italie gémissait sous les armes des Lombards . [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]Mais je laissais gémir la vertu soupçonnée . [Racine, Phèdre]J'ai fait taire les lois et gémir l'innocence . [Racine, Esther]Le royaume gémissait sous la tyrannie . [Fénelon, Télémaque]Le juste gémit dans l'indigence . [Massillon, Carême, Prospér.]Des pécheurs qui gémissent sous le poids de leurs chaînes . [Massillon, Carême, Mélange.]J'ai fait, jusqu'au moment qui me plonge au cercueil, Gémir l'humanité du poids de mon orgueil . [Voltaire, Alzire, ou Les américains]
- 3Être péniblement ou désagréablement affecté de quelque chose. Evrard a beau gémir du repas déserté . [Boileau, Le lutrin]Alexandre le sait, Taxile en a gémi . [Racine, Alexandre le grand]Il y a vingt ans qu'ils font gémir tous les gens de bien . [Fénelon, Télémaque]Mais ne crois pas non plus que le mien [coeur] s'avilisse à souffrir des rigueurs, à gémir d'un caprice . [Voltaire, Zaïre]Il craint de lui parler, il gémit de se taire . [Voltaire, Brutus]Il gémissait d'être obligé d'acheter sa sûreté par des soumissions . [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]Il faut gémir sur le sort de l'humanité, qui ne permet pas qu'un seul homme ait à la fois tous les talents et toutes les vertus . [D'alembert, Lett. au roi de Pr. 17 août 1771]
- 4Il se dit du cri de certains oiseaux. La colombe gémit. La tourterelle gémit. Je criais vers vous comme le petit de l'hirondelle, je gémissais comme la colombe . [Sacy, Bible, Isaïe, XXXVIII, 14]Activement et poétiquement. L'oreille n'entend rien qu'une vague plaintive, Ou la voix des zéphirs, Ou les sons cadencés que gémit Philomèle . [Lamartine, Méditations poétiques]
- 5 Par analogie, il se dit des choses qui font entendre une sorte de murmure. On se menace, on court, l'air gémit, le fer brille . [Racine, Iphigénie en Aulide]La rive au loin gémit blanchissante d'écume . [Racine, ib. v, 6]Les marteaux faisaient gémir les cavernes de la terre . [Fénelon, Télémaque]Quand l'aquilon fait gémir les troncs des vieux arbres . [Fénelon, ib. XVII]La terre au loin gémit, le jour fuit, le ciel gronde . [Voltaire, La Henriade]Eh ! seigneur, est-ce vous dont la voix lamentable A fait gémir ces murs d'accents si douloureux ? [Lemerc. Frédég. et Br. IV, 5]
- 6S'affaisser, en parlant des choses qui reçoivent un poids, une pression considérable. La frêle nacelle gémit, Quand Aenéas dedans s'y mit . [Scarron, Virgile travesti]Et son corps, ramassé dans sa courte grosseur, Fait gémir les coussins sous sa molle épaisseur . [Boileau, Le lutrin]L'enclume qui gémissait sous les coups redoublés . [Fénelon, Télémaque]La mer gémissait sous le nombre et sous la grandeur énorme de nos navires . [Massillon, Oraisons funèbres et sermons]Fig. et familièrement. Faire gémir la presse, faire beaucoup imprimer ; locution métaphorique tirée de l'ancienne presse à bras qui faisait entendre une espèce de gémissement quand on tirait le barreau. 
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