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gré

nm (gré)
  • 1Ce qui plaît, ce qui convient, ce qui est agréable à la volonté. Se marier contre le gré de ses parents. Il est allé de son gré, contre son gré. Ce n'a pas été de son plein gré. On la considère comme ayant agi contre son gré. [Pascal, Les provinciales] Les affections sont aussi différentes que le sont les caractères, et le gré de l'un est souvent tout opposé à celui de l'autre. [Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 481]

    Avoir quelque chose en gré, le recevoir en gré, le prendre en gré, agréer, trouver bon quelque chose, y prendre plaisir. Si vous prenez pour eux cette fortune en gré, [ils] Vous chériront encore en un plus haut degré. [Mairet, Sophonisbe]

    Dans le langage ascétique. Prendre en gré, recevoir avec résignation. Il faut prendre en gré les afflictions que Dieu nous envoie.

    Prendre en gré quelqu'un, l'avoir pour agréable, se plaire avec lui.

    Prendre en gré de... , vouloir, consentir. L'évêque de Warmie prit en gré de vouloir faire la cérémonie du mariage dans Notre-Dame. [Retz, II, 77] Mais s'il lui prend un jour en gré de revenir. [Dancourt, Céphale et Procris, II, 7]

    À gré, agréable, qui convient. Un lion de haut parentage.... Rencontra bergère à son gré. [La Fontaine, Fables] Si notre compagnie, Lui disent-ils, vous pouvait être à gré. [La Fontaine, Or.]

    Trouver quelqu'un à son gré, le trouver agréable, trouver qu'il plaît ; cela se dit souvent d'un homme à l'égard d'une femme, ou d'une femme à l'égard d'un homme. Ah ! que je suis heureux ! et que j'ai de plaisir De trouver une femme au gré de mon désir ! [Molière, L'école des maris] Je la trouve fort à mon gré. [Sévigné, 38] Mme de Senantes le trouvait à son gré. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    Au gré de, suivant la volonté de, suivant le désir, suivant ce qui plaît à. S'en vont au gré d'Amour tout le monde courir. [Malherbe, VI, 10] Pour moi, quoique le ciel, au gré de mon amour, Dût encore des vents retarder le retour. [Racine, Iphigénie en Aulide] J'ai pris sans étude et sans choix les premières paroles que me présente l'Ecclésiaste [vanité des vanités, et tout est vanité], où, quoique la vanité ait été si souvent nommée, elle ne l'est pas encore assez à mon gré pour le dessein que je me propose. [Bossuet, Oraisons funèbres] Le ciel pouvait me réserver une belle fille qui fût plus au gré du monde, mais non pas qui fût plus au gré de mon coeur. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***]

    Fig. Voguer au gré des flots. Et le tronc [le corps de Pompée] sous les flots coule dorénavant Au gré de la fortune et de l'onde et du vent. [Corneille, La mort de Pompée] Neptune frappait la terre et on en voyait sortir un cheval fougueux ; ses crins flottaient au gré du vent. [Fénelon, Télémaque] Est-il rien de plus doux dans la vie, Que d'aller, de venir au gré de son envie ? [Collin D'harleville, Chât. en Espagne, II, 3]

    Fig. Au gré de.... suivant l'opinion de.... C'est se rendre, à mon gré, coupable mille fois Que d'empêcher d'agir la clémence des rois. [Du Ryer, Scévole, v, 5] Celle du troisième acte [la narration], qui est, à mon gré, la plus magnifique. [Corneille, La mort de Pompée] Les peines qu'on souffre pour le monde sont, à leur gré, plus supportables que celles qu'on souffre pour Dieu. [Fléchier, Sermons de morale] Le sang, à votre gré, coule trop lentement. [Racine, Athalie]

    De gré ou de force, de bonne volonté ou malgré soi. De force ou de gré je veux me satisfaire. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Ou de force ou de gré, nous verrons ce que c'est. [Hauteroche, L'Esprit follet ou La Dame invisible]

    De gré à gré, à l'amiable, en y consentant de part et d'autre. Nous prendrons une autre place [de guerre], et ce sera pièce pour pièce ; il y avait un fou qui disait dans un cas pareil : Changez vos villes de gré à gré, vous épargnerez vos hommes ; il y avait bien de la sagesse à ce discours. [Sévigné, 293]

    Fig. Est-il possible qu'on puisse s'accommoder de gré à gré avec des maux si désagréables et si dangereux ? [Sévigné, 457]

    Scarron a dit : gré à gré. L'argent qu'on leur donne ne s'exige point, mais se donne gré à gré, Oeuv. t. I, p. 218.

  • 2Bon gré, bonne, franche volonté de faire quelque chose. Il [Jésus] n'a point été traîné par force à l'autel ; c'est une victime obéissante qui va de son bon gré à la mort. [Bossuet, Euchar. I, 7] Aucun commissaire espagnol ne trahit son correspondant français ; cette fidélité, si honorable à la nation espagnole, prouve bien que les hommes n'obéissent de bon gré qu'aux lois qu'ils se sont faites pour le bien de la société. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII]

    Bon gré mal gré, volontairement ou de force. Il faut bon gré mal gré que l'âme résolue Suive ce qu'a marqué sa puissance absolue. [Tristan, La Marianne] Qui de nous peut s'empêcher de fermer les yeux ou de détourner la tête, quand on feint seulement de nous y vouloir frapper ? alors, si notre raison avait quelque force, elle nous rassurerait contre un ami qui se joue ; mais, bon gré mal gré, il faut fermer l'oeil, il faut détourner la tête. [Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même] ....Il veut bon gré mal gré Ne se coucher qu'en robe et qu'en bonnet carré. [Racine, Les plaideurs]

    Bon gré mal gré qu'il en ait, c'est-à-dire qu'il le veuille ou non.

  • 3Gratitude, reconnaissance. Peut-être qu'il eut peur De perdre, outre son dû, le gré de sa louange. [La Fontaine, Fables] Que cette suite de travaux Pour récompense avait, de tous tant que nous sommes, Force coups, peu de gré. [La Fontaine, ib. X, 2] Heureux de ne devoir à pas un domestique Le plaisir ou le gré des soins qu'ils se rendaient. [La Fontaine, Phil. et Baucis.] Il y a des volontés de Dieu qui n'exigent de nous autre chose que le gré du coeur. [Bourdaloue, Exhort. sur la prière de J. C. t. I, p. 411] Très peu de gré, mille traits de satire Sont le loyer de quiconque ose écrire. [Voltaire, Poèmes et épîtres]

    Savoir gré, savoir bon gré, beaucoup de gré, un gré infini, être satisfait, très satisfait. Je lui en sais le meilleur gré du monde. Si vous les trouvez fort mauvais [mes vers], vous m'en devez savoir d'autant plus de gré, de ce que, les connaissant comme vous, je n'ai pas laissé de vous les envoyer. [Voiture, Lettres] Satisfaites le ciel par votre amendement, Et sachez-moi bon gré de cet enseignement. [Rotrou, Antigone] Les généreux soins du duc d'Enghien qui ménagea cette grâce [les bonnes grâces du roi rendues au prince de Conti], ni le gré que lui sut le prince [de Condé] d'avoir été si soigneux. [Bossuet, Oraisons funèbres] Elle n'en sut pas bon gré à Mme de Senantes. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] Je sais un gré infini à Collé d'avoir mis Henri IV sur le théâtre ; son nom seul attirera tout Paris pendant six mois. [Voltaire, Correspondance] Le public vous en saurait gré, si le public sait jamais gré de quelque chose. [Voltaire, Correspondance]

    Se savoir gré, bon gré de, s'applaudir de. La belle se sut gré de tous ces sentiments. [La Fontaine, Fables] Je me sais quelque gré de l'avoir fait [d'avoir fait rire]. [Racine, Les plaideurs] Il commença à se savoir bon gré de sa complaisance. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] Vous vous savez donc bon gré d'avoir eu bien des galanteries ? [Fontenelle, Eloge des académiciens]

    Savoir mauvais gré, savoir peu de gré, être mal satisfait. Je ne vous sais point mauvais gré de m'avoir abusée. [Molière, La princesse d'Élide] Je ne puis croire que le public me sache mauvais gré de lui avoir donné une tragédie qui a été honorée de tant de larmes. [Racine, Bérénice]

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4Mauvais gré, sorte de droit qui grève les fermes, dans certains pays, au profit des fermiers. C'est dans le Santerre et le Vermandois que sont principalement situées les fermes qui sont grevées du droit de marché ou mauvais gré, dont l'origine est encore inconnue. [Heuzé, la France agricole, p. 11] Mauvais gré, nom, dans le Hainaut, d'un abus très semblable au droit de marché et par lequel le fermier détient à perpétuité et héréditairement le bien qu'il a pris à ferme. [Journal officiel] (voir MARCHÉ au Supplément).
5 En termes de navigation des rivières, à gré d'eau, autant que l'eau le permet. Sur le bas Rhône, la navigation se fait à la descente, à gré d'eau, à la rame ou à la voile. [E. Grangez, Voies navigables de la France, p. 520]

REMARQUE

Savoir gré est une locution dont on ne se rend pas facilement compte tout d'abord. Elle a besoin de quelque explication. Elle représente exactement le grec. Non que je veuille dire que la locution française vienne de la locution grecque ; pour cela, il faudrait des intermédiaires qui manquent absolument. Mais on est conduit à admettre qu'un même mode de concevoir la gratitude a conduit à un même mode de s'exprimer. Au reste, l'allemand dit aussi : einem Dank wissen. Du grec qui signifie : savoir qu'on a du gré pour quelqu'un, lui être reconnaissant dans le coeur. C'est aussi l'explication de la locution française et de la locution allemande. Le mot de reconnaissance rentre dans le même ordre d'idées.

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