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gâter

vt (gâ-té)
  • 1Ravager, dévaster (sens vieilli). L'armée ennemie gâta le pays en se retirant. Son discours dura tant que la maudite engeance Eut le temps de gâter en cent lieux le jardin. [La Fontaine, Fables]
  • 2Mettre en mauvais état, détériorer. Le tailleur a gâté votre habit. Il a gâté sa maison en la voulant embellir. Si je gâte ces fleurs, tu les peux corriger. [Rotrou, Hercules mourant] Les Russes se retirèrent vers le Borysthène, gâtant tous les chemins. [Voltaire, Histoire de Charles XII] Nous gâtions les outils de mon bon vieux grand-père pour faire des montres. [Rousseau, Les confessions]

    Fig. L'âge a gâté la main à ce peintre, à ce chirurgien, à cet écrivain, il leur a rendu la main moins légère.

    Fig. Se gâter la main, s'habituer à négliger les règles de l'art en faisant des travaux peu soignés.

  • 3 Par extension, il se dit des choses qui ôtent la forme, la régularité. On ne s'en tint pas à l'utile, on voulut des embellissements ; des maisons de pierre gâtaient la place du palais [à Vitepsk], l'empereur ordonna à sa garde de les abattre et d'en enlever les débris. [Ségur, Histoire de Napoléon et de la Grande-Armée pendant l'année 1812]
  • 4 Fig. Altérer les choses morales, intellectuelles, les affaires. L'affectation gâte les dons naturels. Ces fâcheux souvenirs vinrent gâter notre plaisir. Pour moi je ne tiens pas, quelque effet qu'on suppose, Que la science soit pour gâter quelque chose. [Molière, Les femmes savantes] Vous savez que votre présence ne gâte jamais rien. [Molière, Les amants magnifiques] Redoutons l'anglomanie, elle a déjà gâté tout. [Voltaire, Bon Français.] Tout cela serait délicieux, mais vous me gâtez tout [par votre absence]. [Voltaire, Correspondance]

    Familièrement. Gâter les affaires, empêcher, par imprudence ou par malice, qu'une affaire ne se conclue, qu'un raccommodement ne s'accomplisse, etc. C'est le moyen de gâter les affaires. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur]

    On dit dans le même sens : Cet événement pourrait bien gâter les affaires. ....Et monsieur là-dessus Est venu brusquement gâter tout le mystère. [Regnard, Le distrait] Les gens indifférents gâtent tout. [Marivaux, Le jeu de l'amour et du hasard]

    Gâter ses affaires, perdre la faveur qu'on avait auprès d'une personne. Tenez-vous et n'allez point gâter vos affaires. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    En un sens contraire. Cela ne gâtera rien, il n'en résultera aucun dommage pour l'affaire dont il s'agit. La présence de monsieur ne gâtera rien, et peut-être pourra-t-il nous être utile. [Regnard, Sérénade] Un Diogène insupportable, Moitié sophiste et moitié chien, Croit placer le souverain bien à donner tous les rois au diable.... Mais être roi ne gâte rien, Lorsque d'ailleurs on est aimable. [Voltaire, Correspondance]

    Ce qui ne gâte rien, s'ajoute à une phrase pour relever quelque qualité ou circonstance. Il est bel homme, et de plus riche, ce qui ne gâte rien. Mais quand elle [l'abeille] a le don de plaire, Ce superflu ne gâte rien. [Voltaire, Correspondance]

    Gâter le métier, faire trop bon marché de sa peine ou de sa marchandise, en sorte que cela fait tort aux autres.

    Fig. Gâter le métier, faire que ce que font les autres paraît peu de chose. C'est un mari trop complaisant pour sa femme, il gâte le métier. Écrivez à votre frère, il a fort bien fait ; j'ai sa procuration ; on l'admirerait si vous ne gâtiez point le métier ; mais vos sentiments sont d'une perfection qui efface tout. [Sévigné, 471]

  • 5Salir, tacher. Ces éclaboussures ont gâté mon habit. Il disait bien, car on n'avait jeté Cette immondice et la dame gâté, Qu'afin qu'elle eût quelque valable excuse Pour éloigner son dragon quelque temps. [La Fontaine, On ne s'avise jamais de tout..]

    Fig. Gâter du papier, écrire beaucoup et mal, ou écrire des choses inutiles.

  • 6Gâter quelqu'un, nuire à sa réputation, le desservir. Cette action l'a bien gâté dans le monde, dans l'esprit des honnêtes gens. Puisque je ne trouvais pas ce service [les sacs] au-dessous de moi, les gendarmes et les chevau-légers ne seraient ni déshonorés ni gâtés de m'imiter. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]
  • 7Altérer par la putréfaction. La chaleur ne tarde pas à gâter la viande.
  • 8Communiquer une maladie honteuse. Ah ! voulez-vous, Jean-Jean, nous gâter tous ? [Boileau, Épigr. 3]
  • 9Fausser le jugement. Notre concitoyen, disaient-ils en pleurant, Perd l'esprit, la lecture a gâté Démocrite. [La Fontaine, Fables] La gangrène ne suppose pas la gangrène dans un corps qu'elle corrompt ; ni par conséquent les hérésiarques ne trouvent pas leur erreur déjà établie dans les esprits qu'elle gâte. [Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes] Cette dame, célèbre par ses connaissances singulières en mathématiques, ne pouvait souffrir les fables que le temps a consacrées, qu'il est aisé de répéter, qui gâtent l'esprit et qui l'énervent. [Voltaire, Fragm. sur l'hist. art. 1]
  • 10 Fig. Corrompre, dépraver. Cette mauvaise connaissance a achevé de le gâter. Si le monde ne vous gâtait pas, il vous ennuierait. [Maintenon, Lettres] C'est un fils obéissant, celui-là, qui n'a jamais été gâté par Frontin. [Brueys, Muet, I, 6] D'accord, son coeur novice à l'infidélité, Par le commerce humain n'est pas encor gâté. [Regnard, Démocrite] Là les censeurs seraient gâtés par ceux mêmes qu'ils devraient corriger. [Montesquieu, L'esprit des lois] Je ne nierai point que Paris ne puisse gâter un jeune homme. [Genlis, Théât. d'éduc. le Vrai sage, I, 3]
  • 11Entretenir les faiblesses, les défauts, les vices de quelqu'un par trop de complaisance, de douceur. Je veux être pendu, si nous ne les verrions [les femmes] Sauter à notre cou plus que nous ne voudrions, Sans tous ces vils devoirs dont la plupart des hommes Les gâtent tous les jours, dans le siècle où nous sommes. [Molière, Le dépit amoureux] Vous me gâtez si fort par l'amitié que vous avez pour moi que.... [Sévigné, 345] Sa mère regardait déjà Floride comme une reine, et la gâtait par ses complaisances. [Fénelon, t. XIX, p. 13] Souvent le plaisir qu'on veut tirer des jolis enfants les gâte. [Fénelon, Traité de l'éducation des filles] Le duc le gâtait par les louanges qu'il donnait à sa voix. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] Ne nous gâtez point Soliman. [Favart, Soliman, II, II, 14] J'y fus d'autant plus sensible que je n'étais pas accoutumé d'être gâté par les ministres. [Rousseau, Les confessions] Vous verrez dans mon discours un petit mot de correction fraternelle pour ce gentilhomme qui était présent, et qui, à ce que je crois, l'aura sentie, car je ne gâte pas ces messieurs. [D'alembert, Lett. à Voltaire, 2 janv. 1769] Mélanide : Nous avons tort, nous la gâtons. - Dorine : Oh ! madame, ce n'est pas un caractère comme le sien qu'on peut gâter. [Genlis, Théât. d'éduc. l'Enfant gâté, I, 1]

    On dit familièrement qu'un homme a été gâté, quand, ayant vu trop de belles choses, il devient difficile et dédaigneux. L'Amérique m'a un peu gâté sur le compte des fleurs. [Chateaubriand, Itinéraires de Paris à Jérusalem]

  • 12Se gâter, vpron Devenir détérioré. Comme il est naturel à l'homme de corrompre les meilleures choses, cette science qui a mérité de si grands éloges, se gâte le plus souvent en nos mains par l'usage que nous en faisons. [Bossuet, Panégyrique]

    Il se dit des affaires qui vont mal. Les affaires de mon père commençaient à se gâter dans le temps qu'il vint à connaître ma mère, et elles ne firent qu'empirer par cet amour et cet attachement qu'il eut pour elle, où tout allait de grand seigneur à grande dame. [Lesage, Guzman d'Alfarache]

    Absolument. Cela se gâte, les choses prennent une mauvaise tournure. S'il ne cesse de le taquiner, cela se gâtera, la personne taquinée se fâchera.

    Le temps, le ciel se gâte, il se couvre de nuages, nous aurons de l'eau.

  • 13Être attaqué par la corruption. Ces fruits commencent à se gâter. Ce vin s'est gâté.
  • 14 Fig. Se salir. Les affaires publiques sont souvent sales et pleines d'ordure ; on se gâte pour peu qu'on les touche. [Guez de Balzac, Ariste, ou De la cour]

    Il s'est bien gâté, il s'est bien décrié, sa réputation a bien déchu.

    Fig. Être changé de bien en mal. Chez ce peuple, le goût et les moeurs se gâtèrent rapidement. Mais ne vous gâtez pas sur l'exemple d'autrui. [Molière, L'école des femmes] Les autres se gâtaient par le mélange. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]

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