jambe
- 1Partie du corps humain, ou, dans le langage anatomique, partie du membre abdominal qui s'étend depuis le genou jusqu'au pied. La jambe est formée de deux os : l'un, plus gros, le tibia ; l'autre, plus grêle, le péroné, placé au côté externe du précédent. Avoir les jambes grosses, menues, courtes, tortues, cagneuses. Avoir la jambe bien faite, la jambe fine. Se tenir sur une jambe.
Que voyons-nous que des Titans, De bras et de jambes luttants Contre les pouvoirs légitimes ?
[Malherbe, VI, 16]Je te suivrai partout pour savoir ce mystère. - Oui ? sus donc, préparez vos jambes à bien faire
. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps]Je suis si faible, que j'ai toutes les peines du monde à me tenir sur mes jambes
. [Dancourt, Eaux de Bourbon, sc. 2]Entre-t-il quelque part, il se précipite dans un fauteuil une jambe sur l'autre
. [Boissy, Français à Londres, sc. 15]De là chez le glacier pour demander son compte ; Enfin chez le brodeur, courez vite.... ah ! de là.... Mes jambes me font mal quand j'entends ce mot-là
. [Delavigne, Éc. des vieill. I, 3]Être haut des jambes ou sur jambes, avoir les jambes fort longues.
Jambe de-ci, jambe delà, à califourchon.
A mi-jambe, jusqu'à la moitié de la jambe. L'eau lui venait à mi-jambe.
[Moi] qui ai vaincu deux rois si grands que, du temps du déluge, l'eau ne leur venait qu'à mi-jambe
. [Voltaire, Philos. Déf. de Bolingbr. XX]Populairement. Tout d'une venue comme la jambe d'un chien, se dit d'une jambe où le mollet n'est pas marqué. Ce jeune homme a la jambe tout d'une venue, comme la jambe d'un chien, ou, simplement, il a la jambe tout d'une venue.
En termes de manége, l'accord de la main et des jambes. L'habileté du cavalier consiste dans l'accord de la main et des jambes. Ce cheval sent très bien les jambes.
Par menace et par exagération. Je lui romprai bras et jambes, je le maltraiterai, je le rouerai de coups.
Albert parle aussi de faire pour sa fille Rouer jambes et bras à votre Mascarille
. [Molière, Le dépit amoureux]J'y consens, rompez-moi les jambes et les bras, Si....
[Molière, Le bourgeois gentilhomme]Aller, courir à toutes jambes, aller, courir vite, soit à pied, soit à cheval.
Un certain Pythagore qui, après avoir gagné le prix de la course aux jeux olympiques, vint à toutes jambes trouver Numa, pour lui enseigner la philosophie
. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]Il [son cheval] partit à toutes jambes
. [Hamilton, ib. 10]Je double le pas, j'entends battre la caisse, je cours à toutes jambes
. [Rousseau, Les confessions]Faire la belle jambe, marcher de manière à faire remarquer qu'on a une belle jambe, et aussi faire le beau.
Un homme qui marche et qui fait la belle jambe, est faux et maniéré
. [Diderot, Salons de peinture]Passer la jambe à quelqu'un, lui donner un croc-en-jambe ; et fig. obtenir sur lui un avantage, le desservir, etc.
Friser la jambe, battre des entrechats.
J'ai vu trotter d'un air ingambe De grands démons à cheveux bruns ; J'ai vu des morts friser la jambe, Comme s'ils n'étaient pas défunts
. [Panard, Description de l'Opéra.]Jouer des jambes, s'enfuir.
Jouer de l'épée à deux jambes, s'enfuir au lieu de se défendre.
Fig. et familièrement. Couper bras et jambes à quelqu'un, lui retrancher beaucoup de ses prétentions, de ce qu'il regarde comme ses droits. Cet arrêt nous a coupé bras et jambes.
Plus ordinairement, Ôter à quelqu'un le moyen d'agir, d'arriver à ses fins. Cet événement nous a coupé bras et jambes.
Couper bras et jambes, signifie encore frapper d'étonnement, de stupeur, de découragement. Cette nouvelle me coupa bras et jambes.
Fig. et populairement. Prendre ses jambes à son cou, partir sur l'heure, s'enfuir.
Alors, se voyant dans la basse-cour, il a pris ses jambes à son cou, et ne savait où donner de la tête
. [Genlis, Théât. d'éduc. la Cloison, sc. 14]Et, prenant sans tarder mes jambes à mon cou, J'arrive tout en nage et plus d'à moitié fou
. [Desforges, Tom John à Londres, III, 3]Fig. Jeter un chat aux jambes à quelqu'un ou de quelqu'un, rejeter la faute sur lui, ou lui susciter malignement des embarras.
Fig. Jouer quelqu'un par-dessous jambe ou par-dessous la jambe, obtenir sans peine l'avantage sur quelqu'un.
Je voudrais bien que l'on m'eût donné autrefois nos vieillards à duper ; je les aurais joués tous deux par-dessous la jambe
. [Molière, Le bourgeois gentilhomme]Maisons comptait le jouer [Canillac] sous jambe, et gouverner le duc de Noailles
. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]Traiter quelqu'un par-dessous la jambe, le traiter comme une personne de peu de conséquence.
Mais par elle il [l'amour] est souvent Traité par-dessous la jambe
. [Béranger, Margot.]Fig. et populairement. Faire jambes de vin, boire un coup pour se donner des forces.
De même : Vous ne pouvez vous en aller avec une seule jambe, se dit à quelqu'un à qui on a fait boire un coup, et que l'on presse d'en boire un second avant de s'en aller.
N'aller que d'une jambe, se dit d'une affaire qui fait peu de progrès, qui va mal, par comparaison à un homme qui n'a plus qu'une jambe, et qui marche mal. Cette affaire ne va que d'une jambe.
- 2 Fig. Les jambes, la faculté de marcher.
Conservons nos jambes tant que nous pourrons ; elles sont difficiles à apaiser quand une fois elles sont fâchées
. [Sévigné, 7 fév. 1685]Avoir de bonnes jambes, les jambes bonnes, être en état de bien marcher, de marcher longtemps.
Ils deviendraient comme un homme qui a de bonnes jambes, et qui, perdant l'habitude de marcher, s'accoutume enfin au besoin d'être toujours porté comme un malade
. [Fénelon, Télémaque]Pour courir les enfants sont toujours prêts, et celui-ci a de bonnes jambes
. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation]N'avoir plus de jambes, n'avoir plus la force de marcher.
Il est vrai pourtant que je n'ai plus de jambes que par bienséance
. [Guez de Balzac, Correspondance]Mais devenir coureur quand on n'a plus de jambes !
[Delavigne, Éc. des vieill. I, 2]Familièrement. Avoir ses jambes de quinze ans, se dit d'une personne âgée qui est encore ferme sur ses jambes.
Renouveler de jambes, recommencer à marcher avec de nouvelles forces ; et fig. reprendre une nouvelle ardeur dans l'affaire, dans l'entreprise dont on s'occupe.
Terme d'escrime. Avoir des jambes, être toujours prêt à partir, être stable et ferme sur le pied gauche qui ne doit pas bouger.
- 3Membres de certains animaux qui, comme les jambes de l'homme, soutiennent le corps. Les jambes d'un chien, d'un boeuf, d'un cheval.
Un cerf se mirant autrefois Louait la beauté de son bois, Et ne pouvait qu'avecque peine Souffrir ses jambes de fuseaux
. [La Fontaine, Fables]Fig. Il a des jambes de cerf, c'est un excellent marcheur.
Il [Maximilien] était chasseur avant tout, et secondairement empereur, il eut la jambe du cerf, et la cervelle aussi ; toute sa vie fut une course, un hallali perpétuel
. [Michelet, Renaissance, p. 145] - 4Chez le cheval, la région comprise entre le jarret et le sabot. Ce cheval a les jambes arquées, foulées, usées.
Terme de manége. La jambe de dedans ou la jambe du montoir, la jambe gauche de devant ou de derrière ; la jambe de dehors ou la jambe du hors montoir, la jambe droite de devant ou de derrière Retenir la jambe de dedans du cheval ou celle de dehors, changer la direction de telle ou telle jambe de l'animal par l'action oblique et croisée de l'une ou de l'autre rêne. Saisir avec précision le temps des jambes du cheval.
Ce cheval n'a point de jambes, il a les jambes de devant ruinées.
Chercher sa cinquième jambe, se dit de l'action d'un cheval fatigué qui s'appuie sur sa bride.
- 5On appelle jambe chez le cerf, et en général chez toutes les bêtes fauves ou noires, les deux os qui sont en bas de la partie postérieure et qui font trace sur la terre avec le pied. Quand il y a beaucoup de distance d'un os à l'autre, on dit que c'est une jambe large ; et quand il n'y en a pas, on dit que c'est une jambe serrée ou rétrécie. Jambe ravalée, se dit quand les os sont fort rabaissés vers le talon.
- 6Dans les crustacés, la jambe est la quatrième pièce des pattes simples, et dans les insectes, le troisième article principal.
- 7Jambe de bois, morceau de bois taillé pour tenir lieu de jambe.
Familièrement. Une jambe de bois, un invalide qui a une jambe de bois.
Jambe artificielle, appareil destiné à remplacer une jambe amputée.
- 8 Par analogie. Nom donné aux deux branches d'un compas, aux deux règles mobiles d'un compas de proportion, etc.
On dit de même les jambes d'un siphon pour les branches.
Un siphon dont chaque jambe trempe dans un vaisseau plein d'eau
. [Pascal, Pesant. de l'air, II] - 9Jambe de force, pièce de bois verticale ou peu inclinée, posant sur une poutre pour soutenir le tirant d'une ferme, ou sur ce tirant pour le lier à l'arbalétrier.
Apprends à poser un faîte, à l'affermir de jambes de force
. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation] - 10 Terme de construction. Jambe sous poutre, la chaîne de pierres de taille mise dans un mur pour porter la poutre.
Jambe boutisse, pilier en pierres de taille dont les queues font boutisses ou s'engagent dans un mur de refend.
Jambe étrière, jambe boutisse dont les faces latérales font tableau.
Jambe d'encoignure, pilier à l'angle d'un mur.
- 11 Terme de métallurgie. Jambe d'ordon, charpente qui supporte les tourillons des hurasses.
- 12 Terme de marine. Jambe de hune, dit aussi gambe de hune, cordage accroché par sa tête à la queue de fer d'un cap de mouton placé sur le bord d'une hune et fixé par son extrémité inférieure à un des haubans du bas mât, JAL., Il avait donné chasse à trois autres auxquels il aurait parlé, sans que son mât de hune d'avant rompit en pièces, le fer des jambes de hune ne valant rien et ayant aussi rompu, DUQUESNE, à Seignelay, 5 juill. 1681, dans JAL.
Sorte de noeud qu'on fait sur un cordage pour le raccourcir.
Jambe de chien, nom que l'on donnait autrefois à des montants verticaux placés sous la poulaine des bâtiments.
Terme de pêche. Jambe d'une maille, le fil qui forme un des côtés de la maille.
Jambe de filet, aile qu'on ajoute sur le côté des filets à manche.
PROVERBES
Cela ne lui rend pas la jambe bien faite, mieux faite, ou, par ironie, cela lui fait une belle jambe, cela ne lui apporte aucun avantage, est sans utilité pour lui. Oui, ma foi, cela vous rendrait la jambe bien mieux faite
. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] En auriez-vous eu la jambe mieux faite ?
[Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]
Au sens contraire : Cela rend-il la jambe moins belle, c'est-à-dire quel tort cela fait-il ? Quel mal cela fait-il ? la jambe en devient-elle Plus tortue après tout, et la taille moins belle ?
[Molière, Sganarelle, ou Le cocu imaginaire]
Le lit est l'écharpe de la jambe, c'est-à-dire le lit est pour la jambe malade ou blessée ce que l'écharpe est pour le bras cassé ; il ne faut point marcher tant qu'on a mal à la jambe.
REMARQUE
Prendre ses jambes à son cou, locution singulière. On a dit au XVe siècle : ployer ses jambes et s'en aller. Ne serait-ce pas là l'origine de la locution ? l'homme qui s'en va, qui s'enfuit, ploie ses jambes, comme le porte-balle qui s'en va ploie ses marchandises, et les met à son cou (le porte-balle se nommait souvent un porte à cou).
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JAMBE. - REM. Ajoutez : La locution singulière, il est vrai, prendre ses jambes à son cou, a été souvent discutée. Le plus probable est qu'il faut y voir une expression excessive du mouvement qui fait lever les pieds dans une course rapide. À l'appui de cette manière de voir, M. Petilleaux m'envoie un exemple de l'expression, non moins excessive, mettre les talons aux épaules : La bande [des enfants] se disperse, les talons aux épaules
. [Erckmann-chatrian, Mme Thérèse, ch. VI]
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