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juge

nm (ju-j')
  • 1Celui qui juge, qui a le droit et l'autorité de juger. Les jurés ne sont juges que du fait. Dieu le souverain juge. L'Église est juge des choses de la foi. La Syrie à vos lois est-elle assujettie Pour souffrir qu'une femme y soit juge et partie ? [Corneille, Théodore et Héraclius] Que je vous fasse vous-même le juge de votre propre cause. [Bourdaloue, Jugem. dern. 1er avent, p. 84] Les rois, en des siècles plus innocents, furent autrefois eux-mêmes les juges du peuple. [Fléchier, Oraisons funèbres] Mais vous avez pour juge un père qui vous aime. [Racine, Mithridate] Tu me parles toujours comme un juge implacable Qui sur son tribunal intimide un coupable. [Voltaire, Le fanatisme, ou Mahomet le Prophète]

    Fig. L'esprit de ce souverain juge du monde [l'homme] n'est pas si indépendant qu'il ne soit sujet à être troublé par le premier tintamarre qui se fait autour de lui. [Pascal, Pensées]

  • 2Homme préposé par autorité publique pour rendre la justice aux particuliers. Pendant que chacun tâche de vaincre [dans une discussion], on s'exerce bien plus à faire valoir la vraisemblance qu'à peser les raisons de part et d'autre ; et ceux qui ont été longtemps bons avocats ne sont pas pour cela par après les meilleurs juges. [Descartes, Discours de la méthode] Le juge prétendait qu'à tort et à travers On ne saurait manquer, condamnant un pervers. [La Fontaine, Fables] Ô Seigneur, vous avez fait, comme dit le Sage, l'oeil qui regarde et l'oreille qui entend ; vous donc qui donnez aux juges ces regards benins, ces oreilles attentives, et ce coeur toujours ouvert à la vérité, écoutez-nous pour celui qui écoutait tout le monde. [Bossuet, Oraisons funèbres] On y [dans le Tellier] vit tout l'esprit et les maximes d'un juge, qui, attaché à la règle, ne porte pas dans le tribunal ses propres pensées ni des adoucissements ou des rigueurs arbitraires, et qui veut que les lois gouvernent et non pas les hommes. [Bossuet, ib.] L'ambition a fait trouver ces dangereux expédients où, semblable à un sépulcre blanchi, un juge artificieux ne garde que les apparences de la justice. [Bossuet, ib.] Trente juges étaient tirés des principales villes pour composer la compagnie qui jugeait tout le royaume [d'Égypte]. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Aussi disait-il ordinairement qu'il y avait peu de différence entre un juge méchant et un juge ignorant. [Fléchier, Oraisons funèbres] Dieu, dont la providence destine les juges pour gouverner son peuple, comme elle destine les prêtres pour le sanctifier. [Fléchier, ib.] Ceux qui, renversant l'ordre des choses, se font une occupation de leurs amusements, et ne donnent à leurs charges que les restes d'une oisiveté languissante, comme s'ils n'étaient juges que pour être de temps en temps assis sur les fleurs de lis où ils vont peut-être rêver à leurs divertissements. [Fléchier, ib.] M. le Tellier savait qu'un juge doit rendre compte non-seulement de son travail, mais encore de son loisir. [Fléchier, Oraisons funèbres] Crois-tu qu'un juge n'ait qu'à faire bonne chère, Qu'à battre le pavé comme un tas de galants ? [Racine, Les plaideurs] Ne raillons point ici de la magistrature ; Vois-tu ? je ne veux point être un juge en peinture. [Racine, ib. II, 13] Celui qui sollicite son juge ne lui fait pas honneur. [La Bruyère, XIV] La maison de M. de Villars ressemblait-elle à ces maisons d'orgueil où ceux que les affaires y attirent pensent plus aux moyens d'aborder leur juge qu'à lui exposer leur droit et leur justice ? [Massillon, Oraisons funèbres et sermons] Il craignait avec grande raison que la justice ne fût d'une part et les juges de l'autre. [Lesage, Le diable boiteux]

    Autrefois les juges, n'étant pas salariés par l'État, avaient des bénéfices dans les procès. Le devoir des juges est de rendre la justice ; leur métier est de la différer ; quelques-uns savent leur devoir et font leur métier. [La Bruyère, XIV]

  • 3Collectivement et absolument, tribunal. Renvoyer devant le juge, par-devant le juge.
  • 4Juges de rigueur, les juges qui doivent prononcer suivant la rigueur de la loi ; à la différence des arbitres, qui peuvent se décider d'après l'équité naturelle.

    Juges de rigueur, s'est dit aussi des juges subalternes ; à la différence des juges qui prononçaient en dernier ressort, et qui se permettaient quelquefois d'adoucir la rigueur de la loi.

    Juges naturels, ceux que la loi assigne aux accusés, aux parties, suivant leur qualité et l'espèce de la cause.

    Juges inférieurs, juges qui prononcent en premier ressort.

  • 5Juge d'instruction, magistrat établi pour rechercher les crimes et les délits, en recueillir les preuves ou indices, et faire arrêter et interroger les prévenus.

    Juge-commissaire, juge désigné par le tribunal dont il fait partie pour procéder à certaines opérations, et en faire son rapport s'il y a lieu.

    Juge de paix, magistrat principalement chargé de juger sommairement, sans frais et sans ministère d'avoués, les contestations de peu d'importance, et de concilier, s'il se peut, les différends dont le jugement est réservé aux tribunaux civils ordinaires.

    Juges extraordinaires, juges qui ne connaissent que de certaines matières distraites par la loi de la juridiction ordinaire.

  • 6Autrefois, juges ordinaires, juges à qui appartenait naturellement la connaissance des affaires civiles ou criminelles ; à la différence des juges de privilége, et de ceux qui étaient établis par commission.

    On appelait aussi juges ordinaires ceux qui servaient toute l'année, à la différence de ceux qui ne servaient que par semestre.

    Juges royaux, ceux qui rendaient la justice au nom du roi. Juges des seigneurs, ceux qui la rendaient au nom des seigneurs.

    Juge d'attribution, juge qui était établi pour connaître de certaines affaires.

    Juge délégué, celui qui était commis pour connaître d'une affaire particulière, par opposition à juge permanent.

    Juge botté, juge qui n'était pas gradué.

    Juge botté ne se dit plus que fig. d'un juge sans lumière et sans capacité.

    Juge a quo [duquel, sous-entendu on pouvait appeler], juge subalterne, juge dont on appelait.

    Autrefois juges et consuls, juges-consuls, aujourd'hui juges consulaires, juges pour les affaires commerciales, juges au tribunal de commerce. Comme les négociants habiles et instruits dans leur art ont acquis par l'habitude et l'usage du commerce une connaissance suffisante pour juger les différends qui concernent le négoce et la marchandise, l'ordonnance [de 1673] a cru devoir ôter la connaissance de ces différends aux juges ordinaires, et en confie la décision aux négociants mêmes, ou du moins aux plus habiles et plus capables d'entre eux, choisis à cet effet dans chaque ville par le corps des négociants, et elle leur a donné la qualité de juges-consuls. [Pothier, Commentaire sur l'ordonnance du commerce, Paris, 1761, in-12, p. 216]

  • 7Grand juge, titre donné, sous le premier empire, au ministre de la justice.
  • 8Juge mage ou maje, titre qu'on donnait, dans quelques provinces méridionales de la France, au lieutenant du sénéchal.
  • 9Nom donné à ceux qui sont chargés de prononcer dans un concours. Les juges du concours.
  • 10Toute personne ou ensemble de personnes choisies pour prononcer sur un différend, ou dont le jugement, l'opinion a pouvoir de décider. Puisqu'il veut te choisir pour juge, je n'y recule point. [Molière, L'avare] Il est donc hérétique, me dit-il, demandez-le à ces bons pères. Je ne les pris pas pour juges. [Pascal, Les provinciales] Je fais M. de Grignan juge de ce que je dis. [Sévigné, 590] Combien voudriez-vous donc, monsieur de la Brie ? - Vous-même je vous en fais juge. [Dancourt, la Femme d'intrigues, I, 6] Je ne prends point pour juge un peuple téméraire. [Racine, Athalie] Les nations les ont pris pour juges de leurs différends. [Fénelon, Télémaque] La confiance avec laquelle il a fait l'univers juge de sa conduite prouve assez qu'il ne se reprochait rien. [Fontenelle, Czar Pierre.] Chacun s'érigera en juge de cette nouvelle démarche. [Massillon, Carême, Resp. hum.]

    Il se dit, dans le même sens, de toute chose personnifiée. Mon juge est mon amour, mon juge est ma Chimène. [Corneille, Le Cid] Dieu conduit l'Église dans la détermination des points de la foi, par l'assistance de son esprit qui ne peut errer ; au lieu que, dans les choses de fait, il a laissé agir par les sens et par la raison, qui en sont naturellement les juges. [Pascal, Les provinciales] Je puis.... Lui disputer les coeurs du peuple et de l'armée, Et pour juge entre nous prendre la renommée. [Racine, Bajazet] Loin du triumvirat va chercher un refuge ; Je prends entre nous deux la victoire pour juge. [Voltaire, Octave et le jeune Pompée, ou Le triumvirat]

  • 11Celui qui est capable de juger d'une chose, de l'apprécier. Vous vous êtes, en ma faveur, trompé en une chose de laquelle vous êtes si bon juge. [Voiture, Lettres] Toutes les vaines excuses dont vous couvrez votre impénitence vous vont être ôtées.... mon discours, dont vous vous croyez peut-être les juges, vous jugera au dernier jour. [Bossuet, Oraisons funèbres] Un auteur à genoux, dans une humble préface, Au lecteur qu'il ennuie a beau demander grâce ; Il ne gagnera rien sur ce juge irrité, Qui lui fait son procès de pleine autorité. [Boileau, Satires] Pourquoi les amants, qui sont bons juges de ce qui touche, ne s'adressent-ils jamais qu'à la nuit ? [Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des Mondes]

    Se faire, s'établir, se constituer juge de quelqu'un, de quelque chose, se croire capable de juger quelqu'un, quelque chose.

  • 12Juges du camp, ceux qui, dans les combats judiciaires, dans les joutes et combats de chevaliers, étaient chargés de veiller à ce que tout se passât suivant l'usage et la loyauté.
  • 13Francs juges, voir VEHME.
  • 14Titre des magistrats suprêmes des Juifs avant l'établissement de la royauté. Depuis le temps des juges qui jugèrent Israël. [Sacy, Bible, Rois, IV, XXIII, 22]

    Le livre des Juges ou, simplement, les Juges, le septième livre de l'Ancien Testament, qui contient l'histoire des Juifs pendant la domination des juges.

  • 15Juge et garde de la prévôté, juge subalterne du bailli.

    Juge d'armes, officier qui était chargé de vérifier et de certifier les armoiries et les titres de noblesse.

    Juge-garde, fonctionnaire qui veillait à la fabrication des monnaies.

PROVERBES

De fou juge briève sentence, c'est-à-dire les ignorants décident sans examiner. On a vingt-quatre heures au palais pour maudire ses juges. [Beaumarchais, Le barbier de Séville, ou La précaution inutile]

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16Le mot juge a pris diverses significations spéciales dans les îles Normandes : A Jersey et à Guernesey, juge délégué, personne désignée pendant la vacance de l'office de bailli, pour en exercer provisoirement les fonctions. A Aurigny et à Serk, autrefois, juge, le premier des jurés chargé de la présidence de la cour. À Aurigny, aujourd'hui, le juge fonctionnaire nommé par la couronne, président de la cour et des États de l'île. Lieutenant-juge, personne désignée pour exercer les fonctions du juge en son absence. Enfin le nom de juge est souvent donné aujourd'hui aux jurés de Jersey.
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