ouïr
Cette conjugaison, très régulière, est inusitée, excepté à l'infinitif présent et au participe passé, selon l'Académie ; mais il faut ajouter comme usités encore le parfait défini et l'imparfait du subjonctif ; les autres temps ne s'emploient que dans le style marotique ; pourtant il serait bien utile de remettre en usage oyant, et de dire en oyant, au lieu de en entendant, qui est si désagréable à l'oreille.
- 1Recevoir les sons par l'oreille, entendre.
Il m'est avis que je l'ois qui tient ce langage à la fortune
. [Malherbe, Traité des bienf. de Sénèque, I, 9]Et le peuple, qui tremble aux frayeurs de la guerre, Si ce n'est pour danser n'orra plus de tambours
. [Malherbe, II, 1]C'est un miracle que je n'entends point ; et, quand j'ai ouï les religieuses de Loudun parler latin et grec, je n'ai pas été si étonné
. [Voiture, Lettres]Si j'ois maintenant quelque bruit, si je vois ce soleil
. [Descartes, Méditations]Aussitôt on ouït d'une commune voix Se plaindre de leur destinée Les citoyennes des étangs
. [La Fontaine, Fables]Quel charme de s'ouïr louer par une bouche Qui, même sans s'ouvrir, nous enchante et nous touche ?
[La Fontaine, Filles de Minée.]Et nous n'oyions jamais passer devant chez nous Cheval, âne ou mulet....
[Molière, L'école des femmes]Hé, je vous en conjure de toute la dévotion de mon coeur, que nous oyions quelque chose qu'on ait fait pour nous
. [Molière, Les précieuses ridicules]Et voilà de quoi j'ouïs l'autre jour se plaindre Molière
. [Molière, L'impromptu de Versailles]Oyez-vous la friponne ? elle parle pour soi
. [Corneille Th. le Charme de la voix, II, 2]J'ai ouï dire à notre grand prince qu'à la journée de Nordlingue, ce qui l'assurait du succès, c'est qu'il connaissait M. de Turenne dont l'habileté consommée....
[Bossuet, Oraisons funèbres]Et vous, sainte compagnie, qui avez désiré d'ouïr de ma bouche le panégyrique de votre père
. [Bossuet, Oraisons funèbres]Quelle partie du monde habitable n'a pas ouï les victoires du prince de Condé et les merveilles de sa vie ?
[Bossuet, Oraisons funèbres]On vit souffrir Mme d'Aiguillon, mais on ne l'ouït pas se plaindre
. [Fléchier, Oraisons funèbres]De son triomphe affreux je le verrai jouir, Et conter votre honte à qui voudra l'ouïr
. [Racine, Phèdre]A-t-on jamais ouï parler d'aventures si merveilleuses ?
[Fénelon, Télémaque]Des terres presque inconnues ouïrent la parole de vie
. [Massillon, Oraisons funèbres et sermons]Prêt à verser son sang, qu'ai-je ouï ? qu'ai-je vu ?
[Voltaire, Le fanatisme, ou Mahomet le Prophète]Oyez n'est plus usité qu'au barreau ; on a conservé ce mot en Angleterre ; les huissiers disent ois, sans savoir ce qu'ils disent
. [Voltaire, Comment. Corn. Poly. III, 2] (les Anglais écrivent non ois, mais oyes, qu'ils prononcent ôièce, et qui est le français oyez).J'avais toujours ouï dire qu'il est difficile de mourir ; je touche à ce dernier moment, et je ne trouve pas cette résolution si pénible
. [Duclos, Règne de Louis XIV, Oeuv. t. V, p. 148]On n'oyait dans ce gouffre de vapeurs [du haut du Vésuve] que le sifflement du vent et le bruit lointain de la mer, sur les côtes d'Herculanum
. [Chateaubriand, Italie, le Vésuve.]Ouïr la messe, assister à la messe.
J'oyais un de ces jours la messe à deux genoux
. [Régnier, Satires] - 2Écouter, prêter attention, donner audience. Un juge doit ouïr les deux parties.
Oyons : - Dorante : Sa courtoisie est extrême et m'étonne
. [Corneille, Le menteur]Quoi ! mon père étant mort et presque entre mes bras, Son sang criera vengeance et je ne l'orrai pas
. [Corneille, Le Cid]Oyez ce que les dieux vous font savoir par moi
. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste]Il ne faut jamais dire aux gens : Écoutez un bon mot, oyez une merveille
. [La Fontaine, Fables]Je condamnai les dieux, et, sans plus rien ouïr, Fis voeu, sur leurs autels, de leur désobéir
. [Racine, Iphigénie en Aulide]Le parlement de Provence commença par condamner dix-neuf habitants de Mérindol, leurs femmes et leurs enfants, à être brûlés, sans ouïr aucun d'eux
. [Voltaire, Histoire du parlement de Paris]La nuit revient son ombre [du ménétrier] : Oyez ces sons lointains
. [Béranger, Ménétr. de Meud.] - 3Écouter favorablement, exaucer. Daignez ouïr nos voeux.
- 4Recevoir une déposition.
Nous venons d'ouïr un martyr qui fait gloire d'avoir bien servi les empereurs à la guerre
. [Bossuet, 5e avertiss. § 12]En termes de procédure, ouïr des témoins, recevoir leurs dépositions.
Les témoins sont ouïs, son procès est tout fait
. [Corneille Th. Comte d'Ess. II, 2]Le demandeur faisait ouïr ses témoins pour établir sa demande ; le défendeur faisait ouïr les siens pour se justifier
. [Montesquieu, L'esprit des lois]Ancien terme de procédure criminelle. Être assigné pour être ouï, être assigné pour répondre en personne devant le juge. Décret d'assigné pour être ouï, ordonnance judiciaire qui assignait un prévenu à comparaître en personne.
- 5Substantivement, l'oyant compte (voir OYANT).
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