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peindre

vt (pin-dr'. Les formes en gn se confondent avec les formes correspondantes du verbe peigner ; seulement on prononce d'une façon un peu plus ouverte celles du verbe peigner, et un peu plus fermée celles du verbe peindre), je peins, tu peins, il peint, nous peignons, vous peignez, ils peignent ; je peignais, nous peignions, vous peigniez ; je peignis ; je peindrai ; je peindrais ; peins, qu'il peigne, peignons, peignez ; que je peigne, que nous peignions, que vous peigniez ; que je peignisse ; peignant, peint
  • 1Représenter une personne, une chose par des lignes et des couleurs. Peindre un homme, un arbre, un lion, un paysage. Il est bien vrai que le concile de Latran a défini qu'on pouvait peindre les anges.... [Descartes, Rép. aux 6es object. 5] Alexandre voulut qu'il n'y eût qu'Apelle qui le peignît. [Vaugelas, Q.C. II, 6] J'ai lu je ne sais où, qu'Apelle peignit autrefois une maîtresse d'Alexandre d'une merveilleuse beauté, et qu'il en devint, la peignant, si éperdument amoureux, qu'il fut près d'en perdre la vie. [Molière, Le sicilien, ou L'amour peintre] Quelle audace de vous faire peindre ! je m'en réjouis, c'est signe que vous êtes belle. [Sévigné, 58] Vierge qu'avec amour eût peinte Raphaël. [P. Lebrun, Voir de Grèce, X, 4]

    Peindre l'histoire, le portrait, exécuter des tableaux qui représentent des sujets historiques, des portraits.

    Fig. On dit que le temps peint les beaux tableaux [qu'il les embellit]. [Diderot, Salons de peinture]

    Absolument. Un vieux artisan comme moi a quelque honneur à perdre, et doit avoir soin de conserver la bonne opinion qu'on a de lui.... je ne veux plus peindre, mais je veux encore moins barbouiller. [Guez de Balzac, Des ministres et du ministère] Avec plus de raison nous [lions] aurions le dessus [sur les hommes], Si mes confrères savaient peindre. [La Fontaine, Fables] Il peignit comme Apelle, il chante comme Orphée. [Voltaire, Trois man.] Vien dessine bien, peint bien ; mais il ne pense ni ne sent. [Diderot, Salons de peinture]

    Peindre à l'huile, peindre avec des couleurs broyées et détrempées à l'huile. L'invention de peindre à l'huile n'a point été connue des anciens ; ce fut un peindre flamand, nommé Jean van Eyk, mais plus connu sous le nom de Jean de Bruges, qui en trouva le secret, et qui le mit en usage au commencement du XVe siècle. [Rollin, Histoire ancienne]

    Fait à peindre, très bien fait. C'était une fille de seize à dix-sept ans, faite à peindre, vive et coquette. [Lesage, Guzman d'Alfarache]

    On dit aussi à peindre, sans le participe fait. Un tour de visage et un menton à peindre. [Sévigné, 120] Il m'assura de nouveau que j'étais un cavalier à peindre. [Lesage, Guzman d'Alfarache]

    Cet habit est fait à peindre, il va à peindre, il est bien fait et sied bien.

    Être à peindre, être dans une posture, dans une attitude singulière, risible, ridicule. Vous étiez tous les trois à peindre. [Imbert, Jaloux sans amour, II, 2]

    Familièrement et fig. Achever de peindre, donner le coup de grâce, consommer le désagrément, l'embarras, la ruine. Et la honte pour lors, qui me saisit le coeur, Pour m'achever de peindre éteignit ma vigueur. [Régnier, Élégies] Nous voilà bien achevés de peindre. [Regnard, Le joueur]

    Fig. Manière de peindre, manière d'agir en général, procédé (locution qui paraît appartenir à Mme de Sévigné ou du moins à sa société). Il [le duc de Luxembourg a été interrogé pendant quatre heures [pour l'affaire des poisons]... pour Mme la comtesse de Soissons, c'est une autre manière de peindre : elle a porté son innocence au grand air [elle s'est enfuie]. [Sévigné, 29 janv. 1680] Des traîtresses de douleurs qui reviennent quelquefois, et dont il faut se moquer, parce que c'est la manière de peindre des rhumatismes. [Sévigné, 1er mars 1676]

  • 2Peindre une galerie, un plafond, les orner par la représentation de diverses figures.
  • 3Couvrir de couleurs. Peindre une boiserie, un mur en blanc, en gris.

    Par analogie. Farder le visage. Même elle avait encor cet éclat emprunté Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage Pour réparer des ans l'irréparable outrage. [Racine, Athalie]

    Teindre les cheveux, la barbe. Ce vieillard se peint la barbe et les cheveux. On prétend qu'elle se peint les sourcils. [Genlis, Théât. d'éducation, la Tendresse maternelle, sc. 11]

    Fig. Quitte, pour te forcer à deux ou trois soupirs, Et peindre alors ton front d'un peu de déplaisir. [Corneille, Pertharite, roi des Lombards]

  • 4Il se dit aussi des couleurs que répand la lumière. Et les soleils d'avril peignant une prairie En leur tapis de fleurs n'ont jamais égalé Son teint renouvelé. [Malherbe, V, 24] Le soleil peint nos champs des plus vives couleurs. [Quinault, Atys, I, 2] Vos yeux d'un nouveau jour peignirent l'horizon. [Racine, Nymphes de la Seine.] Celle-ci [Iris], volant d'une aile légère, fend les espaces immenses des airs, laissant après elle une longue trace de lumière qui peignait un nuage de mille diverses couleurs. [Fénelon, Télémaque] Tel, du haut de son char, le dieu de la lumière S'empare, en se montrant, de la nature entière, Et, sur tous les objets répandant ses couleurs, Peint les monts et les champs, et l'insecte et les fleurs. [Delille, L'imagination]
  • 5Écrire, former les lettres, les caractères. C'est de lui que nous vient cet art ingénieux De peindre la parole et de parler aux yeux. [Brébeuf, Phars. III]

    Absolument. Il peint si mal qu'on ne peut lire son écriture. J'orthographie.... Et peins trop mal, monsieur.... jamais je n'oserai. [Boissy, Deh. tromp. IV, 7]

  • 6 Terme de tapisserie. Faire le fond du papier, ce qui s'exécute avec des brosses rondes sans manche et montées de soies courtes.
  • 7 Fig. Décrire, représenter vivement par le discours. Peignez mes actions plus noires que la nuit. [Corneille, Médée] Je les peins dans le meurtre à l'envi triomphants. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Nous avons fort parlé [avec l'évêque de Marseille] de toutes les affaires passées ; il me semble que je les ai peintes au naturel. [Sévigné, 19 sept. 1677] Rien n'apaise un lecteur toujours tremblant d'effroi, Qui voit peindre en autrui ce qu'il remarque en soi. [Boileau, Satires] Et j'ai peint à ses yeux le trouble de votre âme. [Racine, Bérénice] J'ai cru que je pouvais emprunter deux ou trois traits d'Hérodote pour mieux peindre Assuérus. [Racine, Esther] Ils vous feront enfin haïr la vérité, Vous peindront la vertu sous une affreuse image. [Racine, Athalie] Corneille peint les hommes comme ils devraient être ; Racine les peint tels qu'ils sont. [La Bruyère, I] Sans que mon livre.... ne s'écarte du plan que je me suis fait d'y peindre les hommes en général. [La Bruyère, Préface] Vous qui me l'avez peint [Polyphonte] de si noires couleurs ! [Voltaire, La méroppe française] Plusieurs autres malheureux avaient péri dans les flammes par des arrêts principalement émanés de ce chancelier [Thomas Morus] qu'on nous peint comme si doux et si tolérant. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII] Hommes savants dans l'art de feindre, Qui me prêtez des traits si doux, Vous avez beau vouloir me peindre, Vous ne peindrez jamais que vous. [Rousseau, Rousseau juge de Jean-Jacques. Dialogues] Eschyle peignit les hommes plus grands qu'ils ne peuvent être, Sophocle, comme ils devraient être, Euripide, tels qu'ils sont. [Barthélemy, L'atlas du Voyage du jeune Anacharsis] Mais nous, pour embraser les âmes, Il faut brûler, il faut ravir Au ciel jaloux ses triples flammes ; Pour tout peindre, il faut tout sentir. [Lamartine, Méditations poétiques]

    Peindre en, représenter comme. Loin d'en baisser les yeux [d'une perfidie], l'orgueilleuse en fait gloire ; Elle nous l'ose peindre en illustre victoire. [Corneille, Pulchérie] Et me jeter au rang de ces princes soumis, Que le titre d'amants lui peint en ennemis. [Molière, La princesse d'Élide]

    Par extension. Il s'en faut bien que je croie la musique capable de tout peindre, je crois seulement qu'elle peut, par ses sons, nous mettre quelquefois dans une situation semblable à celle où nous mettent certains objets de la vue, et par là nous rappeler l'idée de ces objets. [D'alembert, Lett. au roi de Prusse, 10 avr. 1767]

    Fig. Peindre en beau, représenter les choses ou les personnes comme meilleures qu'elles ne sont. Vous, monsieur, qui peignez toutes choses en beau, Je vous défie ici d'égayer le tableau. [Collin D'harleville, Optimiste, III, 9] Il me paraît, comme vous me le disiez tout à l'heure, que ce n'est pas en beau que l'on vous a peint, monsieur de Richelieu. [Al. Duval, Jeun. de Richel. III, 8]

    En un sens opposé, peindre en laid, peindre en mal.

    Absolument. Tout l'esprit d'un auteur consiste à bien définir et à bien peindre : Moïse, Homère, Platon, Virgile, Horace ne sont au-dessus des autres écrivains que par leurs expressions et par leurs images. [La Bruyère, I] Hasarder de certaines expressions, user de termes transposés et qui peignent vivement. [La Bruyère, ib.] Qui veut peindre pour l'immortalité, doit peindre des sots. [Fontenelle, Dial. 2e, Morts modernes.]

  • 8Représenter l'image, imiter. Contrefaire un comédien dans des rôles sérieux, c'est le peindre par des défauts qui sont entièrement de lui. [Molière, L'impromptu de Versailles] Votre mémoire vous la peindra mieux avec tous ses traits et son incomparable douceur, que ne pourraient faire toutes mes paroles. [Bossuet, Oraisons funèbres]
  • 9Se peindre, représenter à soi-même, s'imaginer. Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue. [Racine, Andromaque]
  • 10Se peindre, vpron Faire soi-même son portrait. Voilà son portrait, c'est lui-même qui s'est peint.

    Fig. Faire la description de son âme, de son coeur. Le sot projet qu'il [Montaigne] a de se peindre ! [Pascal, Pensées] Je ne veux point me peindre avec trop d'avantage. [Racine, Phèdre] Je me peindrai tel que je fus, tel que je suis, le mal offusquera presque toujours le bien ; et malgré cela j'ai peine à croire qu'aucun de mes lecteurs ose se dire : je suis meilleur que ne fut cet homme-là. [Rousseau, Correspondance]

    Cet auteur se peint dans ses ouvrages, c'est-à-dire ses pensées, son style font connaître son caractère et ses inclinations. Chacun se peint sans y penser dans ce qu'il écrit. [Fénelon, Lett. à Lamotte, 22 nov. 1714]

    Fig. S'achever de peindre, se conduire de manière à se compromettre, à ruiner ses affaires, etc. Ils vont s'achever de peindre, et je ne serai pas en sûreté. [Destouches, Fausse Agnès, III, 11]

    S'achever de peindre, se dit aussi d'un homme qui, après avoir beaucoup bu, recommence à boire et se grise tout à fait.

  • 11Être peint, figuré comme par la peinture. Les objets se peignent au fond de l'oeil sur la rétine comme sur une toile. Il n'y a qu'à présenter un objet [à un miroir], aussitôt il se peint lui-même, et cet admirable tableau ne dégénère, par aucun endroit, de l'original. [Bossuet, Élévation à Dieu sur tous les mystères de la religion chrétienne] Le ciel, de la terre amoureux, Se peint dans le miroir de l'onde. [Bernis, Saisons, Automne.] Il regarde à ses pieds dans le liquide azur Se peindre les coteaux, les toits et les feuillages. [Chénier, Élégies]

    Fig. La mort se peignit sur son visage [de Madame], et on la voyait dans des souffrances cruelles, sans néanmoins qu'elle parût agitée. [La Fayette, Hist. Hte d'Angl.] À ces mots, le mécontentement le plus sévère se peignit sur le visage de Louis. [Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 30, dans POUGENS] Qui pouvait la regarder sans être frappé de l'inspiration divine qui se peignait dans ses yeux ? [Staël, Corinne, ou l'Italie]

  • 12 Poétiquement, être orné. Et déjà devant lui les campagnes se peignent Du safran que le jour apporte de la mer. [Malherbe, I, 4]

REMARQUE

J. J. Rousseau a dit : Et pour achever de me peindre, Lett. à Mme de Warens, 23 oct. 1737. C'est une faute ; la locution est une phrase faite ; il faut dire m'achever de peindre.

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