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refuser

vt (re-fu-zé)
  • 1Ne pas accepter ce qui est offert, présenté. Refuser une offre. Il a refusé de se servir de mon bras. J'aurais refusé également la religion de Mahomet et celle de la Chine.... par cette seule raison que l'une n'ayant pas plus de marques de vérité que l'autre.... [Pascal, Pensées] Les Juifs le refusent [Jésus], mais non pas tous ; les saints le reçoivent, et non les charnels. [Pascal, ib. XIX, 5 bis.] Comme il n'a jamais refusé ce qui était raisonnable étant vainqueur, il a toujours rejeté ce qui était faible et injuste étant captif. [Bossuet, Oraisons funèbres] La paix que vous avez tant de fois refusée. [Fléchier, Oraisons funèbres] D'Alembert est pauvre, et il n'est pauvre que parce qu'il a refusé cinquante mille livres de rentes en Russie. [Voltaire, Correspondance]

    Il se dit des pièces de théâtre que les auteurs présentent, et que les comédiens ne veulent pas jouer. La tragédie de Sylla fut présentée aux comédiens et refusée. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV] On assure que, Voltaire ayant fait présenter aux comédiens sa tragédie de Mérope, sans leur apprendre qu'il en était l'auteur, elle fut refusée, parce qu'il n'y avait point dans cette pièce d'autre amour que la tendresse maternelle. [D'alembert, Élog. la Chauss. note 2]

  • 2Ne pas consentir à ce qui est demandé, ordonné. Il a refusé son consentement. Refuser obéissance. Que dirai-je des difficultés qu'on suscite dans l'exécution, lorsqu'on n'a pu refuser la justice à un droit trop clair ? [Bossuet, Oraisons funèbres] On ne se trompe pas quand on attribue tout à la prière ; Dieu, qui l'inspire, ne peut lui rien refuser. [Bossuet, Oraisons funèbres] M. de Lamoignon refusa-t-il à quelqu'un la liberté de lui dire les choses nécessaires ? [Fléchier, Oraisons funèbres] Et Pégase pour eux refuse de voler. [Boileau, Disc. au roi.] Les dogmes de l'impiété n'ont rien de plus clair et de plus intelligible que les mystères de la religion ; et, en refusant de croire, on perd la foi, sans que la raison y gagne et s'éclaircisse. [Massillon, Oraisons funèbres et sermons] Je suis obligé de m'excuser de mon voyage à Berlin auprès d'un coeur comme le vôtre....j'ai refusé au roi de Prusse deux jours de plus qu'il me demandait. [Voltaire, Correspondance] Le régent ne savait rien refuser ; et ce qu'il ne donnait pas, on le lui arrachait. [Duclos, Oeuv. t. V, p. 372] On offre les services, on refuse les secours. [Duclos, Consid. moeurs, 7] On refuse durement le nécessaire, on accorde aisément le superflu. [Duclos, ib.]

    Absolument. Il s'est trouvé des hommes qui refusaient plus honnêtement que d'autres ne savaient donner. [La Bruyère, VIII] L'impossibilité d'obéir n'a plus d'autre nom que la rébellion et la mauvaise volonté qui refuse. [Massillon, Petit carême] Pouvant refuser avec aménité, je refusai avec dureté, et voilà en quoi j'eus tort. [Rousseau, Les confessions]

    Refuser la porte à quelqu'un, ne pas lui permettre l'entrée de quelque lieu. Il se présenta pour entrer au bal, on lui refusa la porte.

  • 3Refuser quelqu'un, ne pas l'accepter. Ce domestique a été refusé. On lui présenta des commis ; il les refusa.

    Refuser une fille en mariage, veut dire qu'on la refuse à l'homme qui la demande, ou que l'homme à qui on la propose la refuse.

    On dit de même, en parlant de mariage : Cet homme a refusé un bon parti ; Cette fille a refusé un parti avantageux ; On lui a refusé la main de cette jeune personne.

  • 4En parlant des personnes, ne pas leur accorder ce qu'elles demandent. Ce n'est pas toujours jeu sûr de refuser de plus grand que soi. [Retz, II, 343] Ne les pressez point tant, ces dieux qui vous refusent ; Ils savent mieux que nous d'où dépend notre bien. [Quinault, Agrippa, IV, 2] Dieu vous refuse ? mais c'est pour vous obliger de le prier plus longtemps. [Massillon, Carême, Prière 2] Je dois te refuser, hélas ! et ne le puis. [Delavigne, Le paria]

    Refuser quelqu'un de quelque chose, ne pas lui accorder cette chose. Le comte : Qui peut mieux l'exercer [un emploi] en est bien le plus digne. - D. Diègue : En être refusé n'en est pas un bon signe. [Corneille, Le Cid] Voilà tout mon souhait et toute ma prière ; M'en refuserez-vous ? [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Vous ne l'avez jamais refusé de rien [le cardinal de Richelieu]. Lett. de l'Acad. franç. au chevalier Servien, dans PELLISSON, Hist. de l'Acad. IV] Quelle plus grande honte y a-t-il d'être refusé d'un poste que l'on mérite, ou d'y être placé sans le mériter ? [La Bruyère, VIII] Un homme de mérite se donne, je crois, un joli spectacle, lorsque la même place à une assemblée ou à un spectacle dont il est refusé, il la voit accorder à un homme qui n'a point d'yeux pour voir, ni d'oreilles pour entendre. [La Bruyère, VIII] En le refusant [le régent] des 50000 livres de rente sur Lyon, il [Villeroy] ne refusait rien en effet. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]

  • 5Ne pas accorder, sans idée que rien soit demandé. Ma voix, depuis dix ans qu'il commande une armée. A-t-elle refusé d'enfler sa renommée ? [Corneille, Nicomède] Si mon coeur prévenu refuse de vous croire ? [Hauteroche, L'Esprit follet ou La Dame invisible] Avec tant de grandes et tant d'aimables qualités, qui eût pu lui refuser son admiration ? [Bossuet, Oraisons funèbres] On dit qu'il [Scipion Émilien] ne put refuser des larmes à la malheureuse destinée de Carthage. [Rollin, Histoire ancienne] Au milieu des douleurs les plus aiguës, il refuse même à ses souffrances ces plaintes innocentes qui semblent les soulager. [Massillon, Oraisons funèbres et sermons]

    Ne pas consentir à, ne pas accepter. Refusant tous les autres noms, elle s'obstine à dire qu'elle est la princesse. [Bossuet, Oraisons funèbres]

    Refuser avec que et le subjonctif. Puisque vous avez toutes autres sortes d'avantages sur moi, je ne refuserai point que vous ayez encore cettui-ci. [Malherbe, Lett. I, 13]

    Ne pas laisser aller à. Quoique vous soyez de profession militaire, je ne vous refuse point aux affaires de notre métier. [Guez de Balzac, Correspondance] Des haines plus modérées et plus tranquilles.... qui, en refusant le coeur au devoir, ont assez d'empire sur elles pour donner les apparences au monde. [Massillon, Carême, Pardon]

  • 6 Fig. Il se dit des choses auxquelles on attribue en quelque sorte un refus. La nature a refusé la vigne aux contrées équatoriales. [Le vieillard] Inhabile aux plaisirs dont la jeunesse abuse, Blâme en eux les douceurs que l'âge lui refuse. [Boileau, L'art poétique] Des déserts que le ciel refuse d'éclairer. [Racine, Alexandre le grand]
  • 7Se priver de. Passer ses jours dans le repos et dans le plaisir, ne rien refuser à sa sensualité et à ses désirs. [Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 113]
  • 8Se refuser une chose, la refuser à soi, s'en priver, ne pas se l'accorder. Ces idoles que le monde adore, à combien de tentations délicates ne sont-elles pas exposées ?... et que se peut refuser la faiblesse humaine, pendant que le monde lui accorde tout ? [Bossuet, Oraisons funèbres] Il ne se refusait aucune dépense. [Montesquieu, Lettres persanes]

    Familièrement. Il ne se refuse rien, il se donne tout ce qui lui est agréable. Faire tout ce qu'on veut, vivre exempt de chagrin, Ne se rien refuser, voilà tout mon système ; Et de mes jours ainsi j'attraperai la fin. [Regnard, Les folies amoureuses]

  • 9 Terme de guerre. L'ennemi refusa sa droite, il évita de l'engager.
  • 10 vi Il ne refuse à rien, il se charge de toutes les besognes.
  • 11 Terme de manége. Ce cheval refuse, il ne peut pas ou ne veut pas obéir.
  • 12 En termes de métier, on dit d'un outil (mouton, couteau, charrue), qu'il refuse, quand il ne peut enfoncer, pénétrer, couper.

    Terme de marine. En parlant du vent, changer de direction, de manière à rendre impossible la continuation d'une route commencée au plus près. À six heures et demie, les vents refusant de plus en plus, et la marée contraire étant assez forte.... [Bougainville, Voyage, t. II, p. 288]

    Refuser de virer, se dit d'un navire qui n'a pas exécuté le mouvement qui devait, portant sa proue dans le lit du vent, le faire virer ainsi vent devant.

  • 13Se refuser, vpron Être refusé, n'être pas accepté. De pareilles propositions ne se refusent pas.

    N'être pas donné. Achèverai-je d'accabler ton pauvre coeur, ou t'offrirai-je des consolations qui se refusent au mien ? [Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse]

  • 14Se refuser à une chose, ne pas vouloir la faire. Il se refuse à travailler. Il se refuse à tout ce qu'on exige de lui.

    Il ne se refuse à rien, il est prêt à tout faire.

  • 15Se refuser à une chose, ne pas s'y livrer, ne pas s'y rendre. Cependant à leurs voeux votre âme se refuse, Tandis qu'en ses liens Célimène l'amuse. [Molière, Le misanthrope] Lorsqu'on se voit tout d'un coup élevé aux places les plus importantes.... on ne se possède plus.... c'est aux hommes vulgaires un trop grand effort, que celui de se refuser à cette éclatante beauté qui se donne à eux. [Bossuet, Oraisons funèbres] Je n'ai pour tout accueil que des frémissements ; Tout fuit, tout se refuse à mes embrassements. [Racine, Phèdre] Un coeur qui se refusait aux excès, qui ne paraissait point fait pour le dérèglement. [Massillon, Carême, Mot. de conv.] On l'a vu, en garde contre lui-même, se refuser aux goûts les plus innocents. [Massillon, Oraisons funèbres et sermons] Vous vous êtes si longtemps refusé à Dieu, malgré les plus vives inspirations de sa grâce. [Massillon, Carême, Prière 1]

    Fig. Se refuser se dit de choses qui n'accomplissent pas leur office. La plume se refuse à décrire de pareilles horreurs. La langue se refuse à la foi qui l'anime, les forces manquent, la parole cesse. [Massillon, Oraisons funèbres et sermons]

    Le temps se refuse à cela, les circonstances s'y refusent, le temps, les circonstances ne le permettent pas.

    On dit de même : Ma fortune se refuse à une si grande dépense.

    PROVERBE

    Tel refuse qui après muse, ou qui refuse muse, c'est-à-dire on se repent d'avoir refusé ce qui était offert.

    À Genève on dit : qui refuse n'use.

REMARQUE

1. Avec un infinitif, refuser prend ordinairement la préposition de : Il a refusé de marcher ; il vous a refusé de faire la démarche. Quand il s'agit de choses pour lesquelles, si on les accordait, on pourrait dire, donner à, refuser prend la préposition à : Il lui a refusé à dîner, à déjeûner.

2. Corneille a dit : J'aurais peine, seigneur, à lui refuser grâce. [Corneille, Sertorius] On a contesté la correction de cette phrase. Mais pourquoi ne dirait-on pas refuser grâce, comme demander grâce ?

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