taire
- 1Ne pas dire, cacher.
M. le Tellier seul, disaient les factieux, savait dire et taire ce qu'il fallait
. [Bossuet, Oraisons funèbres]On les croit insensibles [les âmes vertueuses], parce que non seulement elles savent taire, mais encore sacrifier leurs peines secrètes
. [Bossuet, Oraisons funèbres]Il tire d'un déserteur, d'un transfuge, d'un prisonnier, d'un passant, ce qu'il veut dire, ce qu'il veut taire, ce qu'il sait, et, pour ainsi dire, ce qu'il ne sait pas
. [Bossuet, Oraisons funèbres]En publiant ses magnificences [du Messie], ils [les prophètes] ne taisent pas ses opprobres
. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]La grande maxime, ou, pour mieux parler, le grand abus de la science du monde, est de taire les vérités désagréables
. [Bourdaloue, 4e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 135]Sénat, j'ai vu le crime, et j'ai tu les complices
. [Voltaire, Catilina, ou Rome sauvée]Je n'ai pas entrepris mes confessions pour taire mes sottises
. [Rousseau, Les confessions]Vous ne pouvez rien taire ; un peu de discrétion est bien rare aujourd'hui
. [Courier, 2e lett. partic.] - 2Se taire, vpron S'abstenir de parler. Elle s'est tue ; ils se sont tus après quelques moments.
Il est bon de parler et meilleur de se taire ; Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés
. [La Fontaine, Fables]Quels seront nos gémissements à la vue de ce tombeau, où tous ensemble nous ne voyons plus que l'inévitable néant des grandeurs humaines ? taisons-nous ; ce n'est pas des larmes que je veux tirer de vos yeux
. [Bossuet, Oraisons funèbres]Il y a certaines gens qui apprennent toute leur vie à parler, et qui devraient peut-être se taire toute leur vie
. [Malebranche, De la Recherche de la vérité]Celui qui ne sait pas se taire sur un secret
. [Fénelon, Télémaque]Il se tait et fait le mystérieux sur ce qu'il sait de plus important, et plus volontiers encore sur ce qu'il ne sait pas
. [La Bruyère, VIII]Sacrés prélats de nos Gaules, combien de fois le vîtes-vous dans vos assemblées ignorer l'art nouveau de se taire !
[Massillon, Oraisons funèbres et sermons]Quand un homme n'a rien à dire de nouveau, que ne se tait-il ?
[Montesquieu, Lettres persanes]On peut souvent appliquer ce que M. Royer-Collard disait d'un orateur maladroit : Il a manqué une belle occasion de se taire
. [Legoarant.]Fig.
Quoi ! même vos regards ont appris à se taire
. [Racine, Britannicus] - 3Ne pas exhaler son chagrin.
Si tant de mères [qui ont perdu leurs enfants] se sont tues, Que ne vous taisez-vous aussi ?
[La Fontaine, Fables]La douleur qui se tait n'en est que plus funeste
. [Racine, Andromaque] - 4Ne pas divulguer un secret.
La femme.... Crut la chose, et promit ses grands dieux de se taire
. [La Fontaine, Fables]Elle est fort heureuse du parti qu'on lui offre, et dont elle est demeurée d'accord ; c'est de se taire très religieusement : et, moyennant cela, on ne la poussera pas à bout
. [Sévigné, 14]Quiconque ne sait pas se taire est indigne de gouverner
. [Fénelon, Télémaque] - 5Se taire de, passer sous silence.
On parle d'eaux, de Tibre et l'on se tait du reste
. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste]Il est assez de geais à deux pieds.... Je m'en tais, et ne veux leur causer nul ennui
. [La Fontaine, Fables]C'est bien la moindre chose que je vous doive, après m'avoir sauvé la vie, que de me taire devant vous d'une personne que vous connaissez, lorsque je ne puis en parler sans en dire du mal
. [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre]Romains, j'aime la gloire, et ne veux point m'en taire
. [Voltaire, Catilina, ou Rome sauvée]Ne pouvoir se taire d'une chose, céder à un sentiment qui porte à publier une chose.
C'est avoir bien de la langue de ne pouvoir se taire de ses propres affaires
. [Molière, Les fourberies de Scapin]On me mande que Mme de Valavoire est à Paris, qui dit des biens de vous inimaginables ; elle ne se peut taire de votre beauté, de votre civilité, de votre esprit, de votre capacité
. [Sévigné, 10 juin 1671] - 6Être passé sous silence. Un pareil fait ne peut se taire.
Votre infidélité ne saurait plus se taire
. [Corneille Th. Ariane] - 7En parlant des animaux et des choses, cesser de faire du bruit. Les oiseaux se taisent dans les airs.
Dans ces superbes allées [de Chantilly], au bruit de tant de jets d'eau qui ne se taisaient ni jour ni nuit
. [Bossuet, Oraisons funèbres]En même temps les vents se turent
. [Fénelon, Télémaque]Tout se calme à l'instant, les foudres se sont tus
. [Delille, Paradis perdu]Maintenant tout dormait sur sa bouche glacée ; Le souffle se taisait dans son sein endormi
. [Lamartine, Sec. Méditations, 22] - 8 Fig. Ne pas parler, avec un nom de choses pour sujet.
Quoi ! l'univers se tait sur le destin d'Égiste !
[Voltaire, La méroppe française]Il est vrai que l'histoire se tait sur le partage fait par Clovis du territoire de la Gaule
. [Lévesque, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. v, p. 232] - 9 Fig. Cesser d'avoir de l'influence, de se faire sentir.
Il faut que les sens et les passions se taisent, si l'on veut entendre la parole de la vérité
. [Malebranche, De la Recherche de la vérité]Placé ainsi sur le trône de l'éloquence, il [Bossuet] vit, ce qui peut-être ne s'était jamais vu entre auteurs, la jalousie de tous ses contemporains se taire devant lui
. [D'olivet, Hist. Acad. t. II, p. 76, dans POUGENS]Le père en lui se tait, et le Romain l'emporte
. [Delille, Énéide] - 10Se soumettre.
Quand vous verrez les rois tomber à vos genoux, Et la terre en tremblant se taire devant vous
. [Racine, Alexandre le grand]Tous les Romains se sont tus devant moi
. [Montesquieu, Dialogue de Sylla et d'Eucrate] - 11Faire taire (avec ellipse du pronom personnel), imposer silence, réduire au silence. Faites taire ce bavard.
Il [Théodose] appuya la religion, il fit taire les hérétiques
. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]Je dois employer mon crédit pour obliger le roi à faire taire tout le monde
. [Maintenon, Lettres]Les dieux, qui m'inspiraient, et que j'ai mal suivis, M'ont fait taire trois fois par de secrets avis
. [Racine, Mithridate]Que dirai-je de ce personnage [Bossuet] qui a fait parler si longtemps une envieuse critique et qui l'a fait taire ?
[La Bruyère, Les Caractères de Théophraste traduits du grec, avec les Caractères ou les mœurs de ce siècle]Quelques personnes qu'on appelle dévotes se sont élevées contre les Calas ; mais, pour la première fois, depuis l'établissement du fanatisme, la voix des sages les a fait taire ?
[Voltaire, Pol. et lég. Lett. à d'Alemb. sur les Calas.]Faire taire le canon de l'ennemi, le mettre hors d'état de tirer.
Le canon des ennemis est très bien servi ; mais on prétend que nos batteries, qui seront bientôt en état, le feront taire
. [Pellisson, Lettres historiques]Fig. et dans le langage soutenu.
Si je n'ai pas fait taire mon âme, si je n'ai pas imposé silence à ces flatteuses pensées qui se présentent sans cesse pour enfler nos coeurs
. [Bossuet, Oraisons funèbres]L'un [Turenne], par de vifs et continuels efforts, emporte l'admiration du genre humain et fait taire l'envie
. [Bossuet, Oraisons funèbres]Jules.... Qui fit taire les lois dans le bruit des alarmes
. [Racine, Bérénice]Un prodige étonnant fit taire ce transport
. [Racine, Iphigénie en Aulide]Elles [les paroles de Mentor] étaient semblables à ces paroles enchantées qui tout à coup, dans le profond silence de la nuit, arrêtent au milieu de l'Olympe la lune et les étoiles, calment la mer irritée, font taire les vents et les flots, et suspendent le cours des fleuves rapides
. [Fénelon, Télémaque] - 12 nm Le franc taire, la liberté de se taire (mot formé à l'imitation de franc parler).
Il n'est pas permis longtemps d'y garder son franc taire ; car ceux qui y parlent ne veulent être écoutés que par des gens qui les applaudissent
. [Bernardin de Saint-pierre, dans le Dict. de BESCHERELLE, au mot FRANC-TAIRE]PROVERBE
Qui se tait consent, et, plus souvent, qui ne dit mot consent.
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