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éviter

vt (é-vi-té)
  • 1Se détourner de personnes ou d'objets, dont la rencontre est désagréable ou nuisible. Seigneur, depuis six mois je l'évite et je l'aime. [Racine, Phèdre] Un songe (me devrais-je inquiéter d'un songe ?) Entretient dans mon coeur un ennui qui le ronge ; Je l'évite partout, partout il me poursuit. [Racine, Athalie] Évite un malheureux, abandonne un coupable. [Racine, Andromaque] De combien de soupirs interrompant le cours, Ai-je évité vos yeux que je cherchais toujours ? [Racine, Britannicus] Ce qui me désespère, c'est que je n'y vois point de remède ; car la comtesse m'évite. [Marivaux, L'heureux stratagème]

    Dans le style élevé, il se dit aussi des choses. Ses yeux qui vainement voulaient vous éviter. [Racine, Phèdre] Ne cherche point la mort qui voulait t'éviter. [Voltaire, Alzire, ou Les américains]

  • 2Échapper à. Éviter la prison. On ne peut éviter sa destinée. Éviter un danger. La vertu la plus ferme évite les hasards ; Qui s'expose au péril veut bien trouver sa perte. [Corneille, Polyeucte]

    Ne pas donner lieu. Eviter une querelle.

    Avec de et l'infinitif. Un vers était trop faible, et vous le rendez dur ; J'évite d'être long et je deviens obscur. [Boileau, L'art poétique] Il évite uniquement de donner dans le sens des autres et d'être de l'avis de quelqu'un. [La Bruyère, V] Duclos, ami sûr, homme vrai, mais circonspect, et qui faisait cas de ce livre, évita de m'en parler par écrit. [Rousseau, Les confessions]

    Avec que et le subjonctif. J'évitais qu'il ne m'en parlât.

    On pourrait aussi supprimer ne : J'évitais qu'il m'en parlât.

  • 3 Terme de musique. Éviter une cadence, passer brusquement, dans une note de cadence, à un accord différent de celui qu'elle annonçait ; ajouter à cet accord final une dissonance pour faire transition.
  • 4 vi Terme de marine. Un vaisseau a évité, lorsqu'il a changé bout pour bout, à la longueur de son câble, sans qu'il ait levé ses ancres.

    Éviter à la marée, présenter l'avant au courant de la mer, à la longueur des amarres.

    Éviter au vent, présenter l'avant au lieu d'où le vent vient.

  • 5S'éviter, vpron Se détourner l'un de l'autre. Pour Valère et Cléon, quoique je sois bien sûre Qu'ils se connaissent fort, ils s'évitent tous deux. [Gresset, Le méchant]

    S'éviter, faire effort pour perdre souvenir de soi-même. Possédé d'un ennui qu'il ne saurait dompter, Il craint d'être à soi-même et cherche à s'éviter. [Boileau, Epîtres] M'étant imposé la loi de courir le monde et de m'éviter moi-même. [Voltaire, La princesse de Babylone]

    Être évité. C'est un inconvénient, une dépense, qui peut s'éviter.

REMARQUE

Peut-on dire éviter quelque chose à quelqu'un ? On le trouve dans de bons auteurs : Elle venait lui demander.... de lui éviter une place dont je ne voulais point [pour elle]. [Saint-simon, t. VIII, p. 254, édit. CHÉRUEL] Son exemple me dirigeait et m'a peut-être évité bien des faux pas. [Marivaux, Le paysan parvenu] Le lapin évite par là à ses petits les inconvénients du bas âge. [Buffon, Lapin] Je veux vous éviter l'ennui de trouver cet homme maussade. [Marmontel, dans LAVEAUX] Néanmoins il ne paraît pas qu'éviter puisse avoir un régime indirect ; nous évitons quelque chose, mais nous ne l'évitons pas à quelqu'un ; nous ne pouvons que le lui faire éviter. C'est épargner qu'il faut employer en ce cas. Ce qui rend l'emploi d'éviter impossible, c'est qu'il n'a pas de régime indirect, et que, si on lui en donne un (comme on fait avec quelques verbes, par exemple : achetez-moi un livre, cherchez-moi un logement), ce régime indirect équivaut à pour ; ce qui n'a pas de sens dans éviter à quelqu'un quelque chose. Cette locution vicieuse paraît être née au commencement du XVIIIe siècle.

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6S'éviter, se dit quelquefois pour éviter, neutre, en termes de marine. Pour s'orienter dans l'axe de la grande écluse, il faut que ces steamers s'évitent à l'aide d'une garde montante frappée sur le quai, en face de la tente des transatlantiques allemands. [Journal officiel] Le Colorado, qui était entré le premier, était resté mouillé sur son ancre, sur laquelle il s'évitait pour entrer au bassin, lorsque l'Assomption arriva à son tour. ib. 19 déc. 1873, p. 7926, 3e col.]

REMARQUE

Ajoutez : Il est dit à la fin de la Remarque que la locution vicieuse : éviter quelque chose à quelqu'un, paraît avoir pris naissance au commencement du XVIIIe siècle. En voici des exemples plus anciens : S'il avait vu qu'elle eût eu quelque aversion pour lui, il se serait évité la honte d'un refus si solennel. [Furetière, Roman bourg. 1] Je voudrais vous pouvoir éviter cet embarras (1693). [Boislisle, Corresp. contrôl. génér. p. 345]

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