couler
- 1Se mouvoir, en parlant des liquides. Ce ruisseau, cette fontaine coule lentement.
Malc aimait un ruisseau coulant entre des roches
. [La Fontaine, Captivité de St Malc.]Épargnez-moi des pleurs qui coulent à ma honte
. [Corneille, Polyeucte]Voyez couler nos pleurs sans y mêler vos larmes
. [Corneille, Horace]L'Inde et l'Hydaspe entier vont couler sous vos lois
. [Racine, Alexandre le grand]Moi qui.... Par d'austères conseils ai fait couler vos larmes
. [Racine, Iphigénie en Aulide]J'ai pris, j'ai fait couler dans mes brûlantes veines Un poison que Médée apporta dans Athènes
. [Racine, Phèdre]Tant qu'un reste de sang coulera dans mes veines
. [Racine, Iphigénie en Aulide]De vos yeux attendris je vois des pleurs couler
. [Voltaire, L'orphelin de la Chine]S'il faut mon sang pour la victoire, Agnès, tout mon sang coulera
. [Béranger, Charles VII]L'union de deux rivières en une les fait couler plus vite, parce que, au lieu du frottement des quatre rives, elles n'ont plus que celui de deux à surmonter
. [Fontenelle, Guglielmini.]L'acier, l'or et l'argent coulent en longs ruisseaux
. [Delille, Énéide]Par analogie.
On appelait faire couler l'Eucharistie, la donner détrempée dans une liqueur
. [Bossuet, Comm.]Faire couler le sang, engager une lutte, une bataille.
Le sang à votre gré coule trop lentement
. [Racine, Athalie] - 2 Fig.
Quand l'âge dans mes nerfs a fait couler sa glace
. [Corneille, Le Cid]Aucun espoir n'y coule [dans mon coeur], où j'ose persister
. [Corneille, Polyeucte]Elle sentit la flamme qui coulait déjà dans son sein
. [Fénelon, Télémaque]Il était convenable qu'il coulât dans son sein quelque étincelle de cet amour
. [Bossuet, III, Nativ. 2]Henri voit ces beaux lieux, et soudain à leur vue Sent couler dans son âme une joie inconnue
. [Voltaire, La Henriade]Heureux, dit-on, le peuple florissant Sur qui ces biens coulent en abondance !
[Racine, Esther]Par quelle adresse il fit couler jusqu'à vous ses assistances imprévues
. [Fléchier, Oraisons funèbres]La douce persuasion coulait de ses lèvres
. [Fénelon, Télémaque]Des provinces les plus éloignées par les soins des hommes apostoliques coulaient des fleuves de charité
. [Massillon, Carême, Aumône.]Sentant couler dans son âme un détachement secret de toutes les choses créées et une sensible confiance que ses voeux seraient exaucés
. [Fléchier, Panég. Ste Thérèse.] - 3 Par extension, laisser échapper, en parlant d'un vase, d'un tonneau. Ce tonneau coule. Quand on est enrhumé du cerveau, le nez coule.
La chandelle coule, c'est-à-dire du suif qui ne brûle pas avec la mèche, coule et se répand le long de la chandelle.
- 4Être plus ou moins fluide. Cette encre ne coule pas assez.
- 5Passer, en parlant du temps.
Elle aurait vu couler sans crainte et sans envie, Chez un prince allié, les restes de sa vie
. [Corneille, Nicomède]Il coulera du temps avant qu'il s'établisse
. [Tristan, La Mort de Chrispe ou Les Malheurs domestiques du Grand Constantin]Le temps coule trop vite à son gré
. [Fléchier, Panég. I, 242]Seize années d'une prospérité accomplie qui coulèrent sans interruption
. [Bossuet, Oraisons funèbres]Je voyais près d'Iris couler mes heureux jours
. [Boileau, Poésies div. 6]Vos jours toujours sereins coulent dans les plaisirs
. [Racine, Britannicus]Mes jours moins agités coulaient dans l'innocence
. [Racine, Phèdre]Tous les siècles qui ont coulé jusqu'à nous, vous les regarderiez comme des instants fugitifs
. [Massillon, Carême, Mort.]Jusqu'à quand verrai-je couler les jours rapides de ma carrière ?
[Massillon, Carême, Faus. confi.]Le torrent des siècles, qui entraîne tous les hommes, coule devant ses yeux
. [Massillon, Carême, Mort.]Le siècle d'or coula sous ses auspices, Le siècle d'or ne vit que des heureux
. [Malfil. Narcisse, ch. I]Laissons revenir en foule Mensonge, erreurs, passions ; Sur ce peu de temps qui coule Faut-il des réflexions ?
[Chaulieu, à la duchesse de Bouillon.] - 6Découler, résulter.
C'est de lui que coulent ses autres vices
. [Massillon, Petit carême]Si je puis une fois établir ce principe, on en verra couler les lois comme de leur source
. [Montesquieu, L'esprit des lois]C'étaient des effets différents, puisqu'ils coulaient de principes divers
. [Montesquieu, L'esprit des lois] - 7Avoir une facile et heureuse abondance, en parlant du style. Un style qui coule de source.
Cette harmonie ravissante fait que, dans la plupart de ses ouvrages [de Sapho], ses vers coulent avec plus de grâce et de mollesse que ceux d'Anacréon et de Simonide
. [Barthélemy, L'atlas du Voyage du jeune Anacharsis] - 8 Terme de fondeur. Cette cloche a coulé, le métal s'est échappé par quelque fente du moule.
- 9 Terme d'agriculture. Ne pas venir à bien, en parlant des fleurs qui ne nouent pas et tombent sans se former en fruit.
Ou quelque longue pluie, inondant vos vallons, A-t-elle fait couler vos vins et vos melons ?
[Boileau, Satires]Les pluies ou les brouillards qui surviennent dans le temps de la floraison et qui font couler les fruits en empêchant l'action des poussières sur les embryons
. [Bonnet, Lett. div. Oeuvres, t. XII, p. 274, dans POUGENS]Nous voilà saufs de la Saint-Anicet, temps critique pour nos bourgeons ; si la vigne peut passer fleur et ne point couler, on ne saura où mettre tout le vin cette année
. [Courier, Gaz. du village, IV]Couler, se dit aussi d'une chienne qui paraît pleine et ne fait pas de petits.
- 10Glisser, s'échapper. L'échelle avait trop de pied, elle coula.
Cette divinité ne touche point du pied à terre ; elle coule légèrement dans l'air comme un oiseau le fend de ses ailes
. [Fénelon, Télémaque]Ce rasoir coule bien, il coupe sans gratter.
Terme de billard. Jouer de telle façon que la bille du joueur, au lieu de faire un angle après le choc, suive la bille atteinte, en ligne droite ou légèrement oblique, pour toucher l'autre bille un peu masquée. Couler après, faire entrer sa bille dans une blouse après la bille de son adversaire.
Terme de manége. Rendre la bride au cheval, afin qu'il aille un peu plus vite, quand il galope autour du manége.
Couler au galop, se dit lorsque le cheval va un galop uni et qui avance.
- 11Glisser le long d'une chose. Il saisit la corde et se laisse couler jusqu'à terre.
Je voudrais couler sur une rivière tranquille, je suis entraîné par un torrent
. [Montesquieu, L'esprit des lois]Passer sans bruit et à la dérobée. Coulez vite le long de cette muraille. L'ennemi commençait à couler sur la droite le long du camp.
Fig. Couler sur quelque chose, en parler à peine, ne pas s'y arrêter. Cet endroit était délicat ; il a coulé dessus adroitement.
Il me reproche que je coule doucement sur la transsubstantiation
. [Bossuet, Euch. 2]Coulant légèrement sur ces sujets
. [Pascal, 2e conv.]Plutarque, qui le regarde [Philopémen] avec raison comme un des plus grands capitaines de la Grèce, coule légèrement sur cette action et n'en dit qu'un mot
. [Rollin, Histoire ancienne] - 12Aller au fond de l'eau, en parlant des barques et navires qui s'emplissent d'eau.
Il a vu couler à fond l'amiral
. [Sévigné, 478]Maintenant que.... ma nacelle coule bas, irai-je me remettre en mer ?
[Bernardin de Saint-pierre, Socrate] - 13 vt Passer au filtre. Couler un bouillon.
Après que cette substance a été délayée dans l'eau, on la coule à travers une espèce de tamis qui retient les parties les plus grossières
. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]Couler la lessive, mettre dans un cuvier le linge qu'on veut blanchir, le couvrir d'un morceau de toile dit charrier, sur lequel on met de la cendre ; puis jeter de l'eau à peine tiède, et reprendre cette eau ; la faire chauffer, la jeter de nouveau, et ainsi de suite jusqu'à ce que le linge, très échauffé, laisse l'eau, qui est alors lessive, couler presque bouillante.
Terme de maçon. Couler de la chaux, la délayer après l'avoir éteinte et la verser dans un bassin. Couler une pierre, la sceller en plâtre. Couler les joints, les dalles, y verser du plomb fondu.
- 14 Terme de fondeur. Fondre et mouler. Couler une statue, un bronze, une pièce de canon.
Fig.
Il [le christianisme] coule la pensée En bronze palpable et vivant
. [Lamartine, Harmonies poétiques et religieuses]Couler une glace, en faire couler la matière fondue sur une table préparée à cet effet.
- 15Couler bas, ou, simplement, couler un vaisseau, le faire aller au fond de l'eau, en le perçant. Un boulet perça la barque et la coula.
Fig. Couler une question à fond, la traiter sans rien omettre. Couler une affaire à fond, la conclure définitivement.
Le prince de Conti coulait tout avec lui [M. le duc] et l'accablait de devoirs et de prévenances
. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]Couler quelqu'un à fond, le confondre dans une discussion, ruiner son crédit, son influence.
Qu'avant la fin du jour l'autre le coule à fond
. [Piron, La métromanie, ou Le poète] - 16Passer, en parlant du temps que l'on passe.
Que ne coule-t-il ses jours comme la bête ?
[Massillon, Carême, Avenir.]Apprends que ton ami plein de gloire et d'années Coule ici près de moi ses douces destinées
. [Voltaire, Alzire, ou Les américains]La douce chose de couler ses jours dans le sein d'une tranquille amitié, à l'abri de l'orage des passions impétueuses !
[Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse]Ces barbares coulent des jours inutiles dans une inaction entière
. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes] - 17 Terme de musique. Exécuter des notes en les liant. Couler un trait, un passage.
Terme de danse. Exécuter en glissant. Couler un pas.
Terme de graveur. Conduire des coups de burin en lignes assez droites pour former des tailles. Couler une taille.
- 18Faire glisser, faire arriver furtivement. Il a coulé quelques pièces de mauvais drap parmi celles qu'il m'a livrées.
Tu sais adroitement couler ta flatterie
. [Corneille, Le menteur]Je ne sais quel malheur aujourd'hui me menace Et coule dans ma joie une secrète glace
. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes].... Me coulant en main quelques pistoles
. [Scarron, Le Jodelet, ou Le maître valet]Dans la main, en passant, coulons-lui ce papier
. [Rotrou, Bélisaire]Je coulai mes avis dans ce libre murmure
. [Rotrou, Venceslas]Dans les lettres nouvelles d'érection de Piney [en duché-pairie] on fit adroitement couler : " En tant que besoin serait, "
. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]Ah ! les discours de Dieu fatiguent alors le pécheur au lit de la mort ; il faut ménager sa faiblesse en ne coulant que quelques mots à propos
. [Massillon, Avent, Mort du pécheur.]Et, faisant succéder les effets aux paroles, Il m'a voulu couler dans la main cent pistoles
. [La Fontaine, Florentin, 3] - 19 Terme de chasse. Couler la queue, se dit du cerf qui fuit.
- 20Se couler, vpron S'introduire à la dérobée ; s'avancer furtivement.
En son quartier souvent je me coulais sans bruit
. [Corneille, Le menteur]Ils furent enveloppés d'une troupe qui s'était coulée entre deux eaux
. [Vaug. Q. C. 488]Je vous ai vu dans ce lieu vous couler
. [La Fontaine, Mari conf.]Par malheur il se trouva là un enfant qui s'y était coulé
. [Fontenelle, Parménisque.]Viens alors, viens ; qu'au travers de la foule De son côté chacun de nous se coule Adroitement et trompe tous les yeux
. [Malfil. Narcisse, ch. IV]Par analogie.
Leurs gens se coulaient furtivement dans les ordinations de l'Église romaine
. [Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes]Voilà un traître, un scélérat, qui a violé tous les droits les plus saints, qui s'est coulé chez moi sous le titre de domestique, pour me dérober mon argent et pour me suborner ma fille
. [Molière, L'avare]Fig.
Un faux bruit s'y coula touchant la mort du roi
. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes]Ces sentiments se coulaient insensiblement parmi le peuple
. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]Toutes sortes d'erreurs se coulaient insensiblement dans l'Angleterre
. [Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes]Elle se coulait dans le sein de l'Église sous prétexte de piété
. [Bossuet, Oraisons funèbres] - 21 Fig. et familièrement. Se couler, se perdre de réputation ou de fortune.
SYNONYME
COULER, GLISSER. Il lui coula dans la main, il lui glissa dans la main quelques pièces d'or ; il se coula, il se glissa derrière la muraille. Ces expressions sont absolument synonymes pour exprimer une action furtive, à la dérobée ; elles ne diffèrent que par la nature de la métaphore ; couler, c'est faire aller comme une eau qui s'écoule ; glisser, c'est faire aller comme sur la glace.
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COULER.Couler bas d'eau, se dit d'un navire qui coule bas par l'effet d'une voie d'eau. On écrit du Tréport :... quelques minutes après, le navire en perdition coulait bas d'eau.... il se trouvait dans cette situation critique depuis la veille au soir, à neuf heures, par suite d'une voie d'eau résultant de...
[Journal officiel]
Fig. Couler une question à fond.... Ajoutez : J'ai été interrompu dans la séance que j'ai eue avec lui, et je n'ai pas coulé à fond les accessoires et le principal, dont nous avons parlé
. Corresp. du gén. Klinglin, Paris, pluviôse an VI, t. I, p. 223]
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