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donner

vt (do-né)

Résumé

  • 1° Faire don ou donation.
  • 2° accorder.
  • 3° procurer.
  • 4° causer, être cause de.
  • 5° communiquer, transmettre.
  • 6° donner la vie.
  • 7° faire le sacrifice de.
  • 8° remettre.
  • 9° attribuer, supposer.
  • 10° donner pour, vouloir faire passer pour.
  • 11° donner un rival, en parlant d'une femme qui préfère un homme à un autre.
  • 12° fournir.
  • 13° apporter, présenter.
  • 14° donner, en parlant de certaines munificences qu'on fait.
  • 15° donner une pièce de théâtre, la faire jouer ou la représenter.
  • 16° octroyer, concéder.
  • 17° consacrer.
  • 18° donner à, abandonner.
  • 19° donner du monseigneur.
  • 20° exposer, énoncer.
  • 21° prescrire, imposer.
  • 22° appliquer sur une personne.
  • 23° donner, en parlant de choses qui fournissent.
  • 24° produire.
  • 25° donner un enfant, le mettre au monde.
  • 26° donner, suivi de certains noms et formant une locution dont le sens est déterminé par le nom.
  • 27° permettre.
  • 28° donner la main.
  • 29° donner une couche.
  • 30° donner le feu trop chaud.
  • 31° donner, terme de jeux de cartes et de jeu de paume.
  • 32° donner carrière.
  • 33° donner, en termes de vénerie.
  • 34° donner, en termes de marine.
  • 35° donner à, suivi d'un verbe à l'infinitif.
  • 36° le donner en.
  • 37° en donner à quelqu'un, en donner d'une.
  • 38° en donner du long et du large.
  • 39° se donner, donner à soi ; s'en donner.
  • 40° donner, verbe neutre, donner à la grosse.
  • 41° heurter contre.
  • 42° donner dans un piége.
  • 43° donner sur, donner à, donner au travers.
  • 44° donner dans un passage, s'y engager.
  • 45° charger dans un combat.
  • 46° être situé.
  • 47° donner des deux.
  • 48° s'allonger, en termes de marine.
  • 49° donner du cor, en sonner.
  • 50° se donner, verbe réfléchi, faire don de soi-même, être donné.
  • 51° se vouer.
  • 52° se livrer, se rendre.
  • 53° prendre un mari.
  • 54° s'offrir, se présenter.
  • 55° être publié.
  • 56° s'adonner.
  • 57° se donner pour, se faire passer pour.
  • 58° être engagé, en parlant d'une bataille.
  • 1Faire don ou donation de quelque chose à quelqu'un. Donner des étrennes. Donner l'aumône. Il lui a donné cette maison en toute propriété. Que vous donnera-t-on au jour de l'an ? Mon gentilhomme, donnez, s'il vous plait, aux garçons quelque chose pour boire. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Refuser ce qu'on donne est bon à faire aux fous. [Molière, Le dépit amoureux] Elle avait une magnificence royale, et l'on eût dit qu'elle perdait ce qu'elle ne donnait pas. [Bossuet, Oraisons funèbres] On ne doit point donner le corps de Jésus-Christ à ceux qui retombent toujours dans les mêmes crimes. [Pascal, Les provinciales] Je te donne d'Aman les biens et la puissance. [Racine, Esther] Il dit au comte Piper qu'il était plus flatté de donner que de gagner des royaumes. [Voltaire, Histoire de Charles XII] Ce prince, qui ne perdait jamais une occasion d'honorer le mérite dans ses ennemis, lui [à un officier qui avait défendu contre lui une place] donna une épée de sa main, lui fit un présent considérable d'argent, et le renvoya sur parole. [Voltaire, ib. 2] Vous refuserez grâce où j'en voudrais donner. [Corneille, Attila]

    Fig. Il n'en donnerait pas sa part aux chiens ou au chat, il prétend bien avoir part à ce dont il s'agit.

    Familièrement et ironiquement. On lui en donnera, c'est-à-dire il n'aura pas, ce n'est pas pour lui que.... Ce malotru courtise cette demoiselle ; on lui en donnera, d'aussi jolies filles. Nigaud ! on lui en donnera des nigauds comme moi ; dans un an j'aurai vingt-trois ans et demi. [Vadé, Nicaise, sc. 11]

    Donner à Dieu, diriger vers Dieu l'intention de quelque chose. Vous accordez aux hommes l'effet extérieur et matériel de l'action, et vous donnez à Dieu le mouvement spirituel et intérieur de l'intention. [Pascal, Les provinciales]

    Absolument. Tel donne à pleines mains qui n'oblige personne ; La façon de donner vaut mieux que ce qu'on donne. [Corneille, Le menteur] Il est plus digne d'un prince de donner que de recevoir. [D'ablanc. Apophth. p. 6, dans RICHELET] S'il donne, il est prodigue, et s'il épargne, avare. [Rotrou, Venceslas] Vous joignez aux bienfaits un air si gracieux Qu'on ne vit jamais dans le monde De roi qui donnât plus ni qui sût donner mieux. [La Fontaine, Poésies mêlées, LIV, Fiesque au roi.] Soutenons bien nos droits ; sot est celui qui donne, C'est ainsi devers Caen que tout Normand raisonne. [Boileau, Epîtres] Il y a du plaisir à rencontrer les yeux de celui à qui on vient de donner. [La Bruyère, IV] La libéralité consiste moins à donner beaucoup qu'à donner à propos. [La Bruyère, ib.] C'est rusticité que de donner de mauvaise grâce ; le plus fort et le plus pénible est de donner ; que coûte-t-il d'y ajouter un sourire ? [La Bruyère, VIII] Il faut avouer qu'il s'est trouvé des hommes qui refusaient plus honnêtement que d'autres ne savaient donner ; qu'on a dit de quelques-uns, qu'ils se faisaient si longtemps prier, qu'ils donnaient si sèchement et chargeaient une grâce qu'on leur arrachait de conditions si désagréables, qu'une plus grande grâce était d'obtenir d'eux d'être dispensés de rien recevoir. [La Bruyère, ib.] L'on remarque, dans les cours, des hommes avides.... si vous demandez : que font ces gens à la cour ? ils reçoivent et envient tous ceux à qui l'on donne. [La Bruyère, ib.]

    Il donnerait jusqu'à sa chemise, c'est un homme d'une extrême libéralité.

    En jurisprudence, donner et retenir ne vaut, c'est-à-dire celui qui fait une donation, ne peut, sous peine de nullité de l'acte, y ajouter une clause qui en détruise l'effet ; et, dans le langage général, on ne peut avoir la disposition de la chose qu'on a donnée.

    Faire l'aumône. Qui donne aux pauvres prête à Dieu. [Hugo, Les feuilles d'automne] Donnez, méchants, Dieu vous pardonne ; Donnez, ô bons, Dieu vous bénit ! [Hugo, Les voix intérieures]

  • 2Accorder. Donner sa fille en mariage à quelqu'un. Il m'a donnée à vous, et nul autre que moi N'a droit de l'en dédire et me choisir un roi. [Corneille, Nicomède]

    Dans le même sens. Son père lui donna pour mari un jeune homme très recommandable. On lui donna pour femme une jeune fille appartenant à une famille distinguée. La femme qu'il s'est donnée.

    On dit dans un sens analogue, donner un domestique à quelqu'un, l'attacher à son service. Arlequin, vous êtes à présent à monsieur ; vous le servirez, je vous donne à lui. [Marivaux, Les fausses confidences]

  • 3Procurer. Donner un précepteur, des maîtres à son fils. La passion donne de l'éloquence. Cela donne du poids à votre opinion, la confirme, l'appuie. Sans donner à ses pas une règle certaine, Il erre vagabond où le pied le conduit. [Malherbe, I, 4] Le fer qui les tua [les innocents] leur donna cette grâce, Que, si de faire bien ils n'eurent pas l'espace, Ils n'eurent pas le temps de faire mal aussi. [Malherbe, I, 4] Et les siens, secondant la force de ses coups, Lui donnent le moyen de joindre son époux. [Mairet, La mort d'Asdrubal] Nous devons bien chérir cette vertu parfaite Qui de nos ravisseurs nous donne la défaite. [Corneille, Médée] Possédez le repos comme vous le donnez. [Rotrou, Bélisaire] Je veux donner la vie et la paix aux Romains. [Du Ryer, Scévole, V, 6] Donnez un digne chef à de si dignes bras. [Brébeuf, Phars. V] Donne enfin quelque trêve à ces vagues pensées Donne quelque relâche à ces vastes souhaits. [Brébeuf, ib.] Mais quand tout l'univers au trouble s'abandonne, Qui peut donner la paix si la mort ne la donne ? [Brébeuf, ib.] J'ai voulu vous donner les moyens de me plaire. [Racine, Andromaque] Et il n'y a pas un être appelé la vie qui donne le sentiment à un corps organisé ? [Voltaire, Dialogue de Pégase et du vieillard] Impatient de donner un roi à la Pologne, il proposa au prince Alexandre de monter sur le trône, dont la fortune s'opiniâtrait à écarter son frère. [Voltaire, Histoire de Charles XII]

    Se donner, donner à soi, faire qu'on ait, qu'on possède. Il brûle d'être à Rome, afin d'y recevoir Du maître qu'il s'y donne et l'ordre et le pouvoir. [Corneille, Sertorius] Donne-toi pour unique but Le grand oeuvre de ton salut. [Corneille, L'imitation de Jésus-Christ] Un homme de mérite se donne, je crois, un joli spectacle, lorsque la même place.... dont il est refusé, il la voit accorder à un homme qui n'a point d'yeux pour voir, ni d'oreilles pour entendre, ni d'esprit pour connaître. [La Bruyère, VIII] Cette considération universelle qu'il s'était donnée par sa victoire, il l'augmentait en ne perdant pas un moment pour en profiter. [Voltaire, Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand] Tancrède en se donnant un maître despotique. [Voltaire, Tancrède] Ne sentez-vous pas, si vous êtes de bonne foi, que les hommes ne se donnent rien et qu'ils sont sous la main d'un maître absolu ? [Voltaire, Dialogue de Pégase et du vieillard] Les Anglais allèrent attaquer dans le nouveau monde l'ennemi qu'ils venaient de se donner. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]

    Se donner du bon temps, se divertir.

  • 4Causer. Cela lui a donné bien de la peine. Donner de l'appétit. Cela donne bonne opinion de lui. Et ses trois frères morts par la main d'un époux Lui donneront des pleurs bien plus justes qu'à vous. [Corneille, Horace] Je viens de voir pour mes péchés cette méchante rapsodie de l'École des femmes ; je suis encore en défaillance du mal de coeur que cela m'a donné. [Molière, Critique de l'école des femmes]

    Donner de la peine à quelqu'un, lui imposer une occupation fatigante.

    Se donner la peine, avoir soin de. Il semble que l'on devrait décider sur cela avec plus de précaution et se donner seulement la peine de douter si.... [La Bruyère, XII]

    Par politesse. Donnez-vous la peine de vous asseoir.

    Se donner de la peine, travailler beaucoup, se fatiguer.

    Se donner du tourment, du chagrin, etc. Être tourmenté, chagriné. Comme tout fait ombrage aux soucis qu'il se donne ! [Corneille, L'imitation de Jésus-Christ] La plus brillante fortune ne mérite point ni le tourment que je me donne, ni les petitesses où je me surprends, ni les humiliations ni les hontes que j'essuie. [La Bruyère, VIII]

    Donner bien de l'exercice, susciter bien des embarras. C'est une mauvaise affaire et qui lui donnera bien de l'exercice.

    Se donner une entorse, se donner un accès de fièvre, causer à soi-même une entorse, un accès de fièvre.Inspirer. Et vous ai-je ordonné D'éteindre tout le feu que je vous ai donné ? [Corneille, Othon] La reine, qui surtout craint de vous voir régner, Vous donne des terreurs pour vous faire éloigner. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes] Je n'avais pas beaucoup d'envie de me trouver à cette course, mais j'y veux aller exprès et employer toute chose pour lui donner de l'amour. [Molière, La princesse d'Élide] Je donne aux immortels la peur que j'ôte aux hommes. [Rotrou, Hercules mourant] Il étonna tous ceux qui pensaient l'étonner, Et, n'ayant pas d'effroi, mérita d'en donner. [Brébeuf, Phars. V] Comme je trouve bien plus important de donner au monde de l'horreur de vos opinions sur ce sujet que de justifier la fidélité de mes citations. [Pascal, Les provinciales] Malgré la juste horreur que son crime me donne. [Racine, Andromaque] Je voudrais qu'il me battît encore, reprit la dame en poussant des cris ; je le méritais bien, je lui avais donné de la jalousie. [Voltaire, Zadig, ou La destinée]

  • 5Communiquer, transmettre. Donner la peste. Il est à craindre que cet enfant ne donne la rougeole, la coqueluche à ses frères. Ceux qui avaient prévenu le danger mortel de la petite vérole en se la donnant. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV]

    Donner ses goûts, son humeur à quelqu'un, lui inspirer les goûts, l'humeur que l'on a soi-même. Les Espagnols enfin t'ont donné leur fureur. [Voltaire, Alzire, ou Les américains]

  • 6Donner la vie, engendrer, amener à l'existence. Vous savez donc quel sang vous a donné la vie ? [Racine, Athalie]

    On dit dans le même sens : donner l'être. Certes vos sentiments font assez reconnaître Qui vous donna la main et qui vous donna l'être. [Corneille, La mort de Pompée]

    Par extension. Donner la vie, rendre la santé. Il était très malade ; l'air de la campagne lui a donné la vie.

    Fig. Donner la vie à quelqu'un, causer une vive joie à quelqu'un qui était dans la douleur, le tirer d'une extrême inquiétude. Cette bonne nouvelle lui a donné la vie.

    Par opposition. Donner la mort, tuer, faire mourir. Enée donna la mort à Turnus. Ce poison donne une prompte mort. Ce jour va vous donner la naissance et la mort. [Voltaire, Œdipe]

    Se donner la mort, se tuer soi-même.

    Par exagération. Donner la mort à quelqu'un, lui causer une extrême douleur.

  • 7Faire le sacrifice de. Donner sa vie, son sang pour la patrie. Mais c'en est une [générosité] encor d'un plus illustre rang, Quand on donne au public les intérêts du sang. [Corneille, Le Cid]
  • 8Remettre. Je le lui ai donné à lui-même. Je lui ai donné le flambeau dans les mains. Donner un paquet au messager. Ce qu'on donne aux méchants toujours on le regrette ; Pour tirer d'eux ce qu'on leur prête, Il faut qu'on en vienne aux coups. [La Fontaine, Fables] Çà, donnez-moi que j'aille acheter votre esclave [il s'agit d'argent à mettre dans la main]. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps] Le mis-tu [un enfant] dans ses bras ? - Oui, je le lui donnai. [Voltaire, Œdipe] Steinbock se fit donner de force plus qu'il n'avait demandé ; on exigea même de la ville une contribution. [Voltaire, Histoire de Charles XII]

    Fig. Donner des verges pour se fouetter, fournir nous-mêmes ce qui sera employé contre nous.

    Livrer. Donner de la marchandise à crédit. Donner quelque chose à l'essai. Donner en dépôt. Donner de l'ouvrage à faire.

    Céder en échange, en retour ; offrir un prix. Donnez-moi votre couteau pour mon canif. Me donnez-vous cela pour dix francs ?

    Donner un pois pour avoir une fève, donner un oeuf pour avoir un boeuf, c'est-à-dire faire un présent de peu de valeur, afin d'en recevoir un d'un plus grand prix.

    Par exagération. Je n'en donnerais pas une obole, pas un fétu. Je ne donnerais pas un sou de notre métier. [Molière, Le malade imaginaire]

    Je donnerais tout au monde, tout ce que je possède, pour que cela ne fût pas ; c'est-à-dire je ferais tous les sacrifices. Du meilleur de mon coeur je donnerais sur l'heure Les vingt plus beaux louis de ce qui me demeure.... [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur] Je donnerais volontiers la moitié de ma fortune pour qu'en ce moment vous eussiez mon âge. - Et moi, mon ami, répondit le vieillard, en souriant tristement, je donnerais pour cela ma fortune entière, dussé-je payer ce rajeunissement d'une petite promenade en votre compagnie au bois de Boulogne ou à Vincennes. [Ch. de Bernard, la Cinquantaine, § X]

    On dit dans un sens analogue : je donnerais dix ans de ma vie, je donnerais je ne sais combien, je ne sais quoi.

  • 9Attribuer, supposer. On lui donne un tel pour collaborateur. Quel âge lui donne-t-on ? Quelques voyageurs donnent au Sénégal un cours de huit cents lieues. On ne donnerait pas cinquante ans à cet homme qui toutefois en a près de soixante-dix. Elle donne son enfant à un tel, c'est-à-dire elle dit qu'un tel est le père de cet enfant. À des fantômes vains donnez moins de pouvoir. [Corneille, La toison d'or] Et l'on pourrait donner à la nécessité Ce qui n'est qu'un effet de la légèreté. [Corneille, Pertharite, roi des Lombards] Je me souviens toujours du soir qu'elle eut envie de voir Damon, sur la réputation qu'on lui donne et les choses que le public a vues de lui. [Molière, Critique de l'école des femmes] J'ignore le détail du crime qu'on vous donne. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur] Le premier tableau que j'ai vu à Chantilly est une tête de St Jean-Baptiste qu'on donne au Titien. [Fénelon, t. XIX, p. 462] Vous donnez aux bonnes oeuvres des gens de bien des motifs corrompus. [Massillon, Car. Injust. du monde.] L'auteur de cet ouvrage est inconnu ; quelques-uns le donnent à Tacite, d'autres à Quintilien, mais sans beaucoup de fondement. [Rollin, Histoire ancienne]

    Se donner, donner à soi, s'attribuer. Ne vous donnez sur moi qu'un pouvoir légitime. [Corneille, La mort de Pompée] .... l'âne en se donnant tout l'honneur de la chasse. [La Fontaine, Fables] Nonnius par ce traître est mort assassiné ; N'avons-nous pas sur lui le droit qu'il s'est donné ? [Voltaire, Catilina, ou Rome sauvée]

  • 10Donner quelqu'un, quelque chose pour, vouloir faire passer quelqu'un, quelque chose pour. ... Je ne vous le donne pas pour un homme dont.... [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] Ces penchants que vous nous donnez pour invincibles, ne les avez-vous pas mille fois surmontés ? [Massillon, Car. Samarit.]
  • 10Donner un rival, en parlant d'une femme qui préfère un homme à un autre. .... Palmire, à mes pieds, par un arrêt fatal Insulte à Mahomet et lui donne un rival. [Voltaire, Le fanatisme, ou Mahomet le Prophète]
  • 11Fournir. Donner des sûretés, un gage. Donner des preuves, des marques d'estime.

    Donner des témoignages de, faire preuve de. Après tant de témoignages invincibles qu'ils ont donnés de leur foi. [Pascal, Les provinciales]

    Donner lieu, matière, sujet à...., fournir le sujet, l'occasion. Ne nous donnez-vous pas sujet de juger que ce n'est point Dieu que vous considérez dans cette crainte ? [Pascal, ib. 13]

    Manifester. Donner des signes d'embarras. Il ne donnait plus aucun signe de vie.

    Fig. Ne pas donner signe de vie, ne pas répondre, ne pas se mouvoir, ne pas agir.

  • 12Apporter, présenter. Donnez-moi mes habits, un siége. Voulez-vous mettre votre habit ? - Oui, donnez - le - moi. [Molière, Le bourgeois gentilhomme]
  • 13Il se dit de certaines munificences qu'on fait. donner un repas, une fête. Donner un bal. Ce n'est ici qu'un bal à la hâte ; mais, l'un de ces jours, nous vous en donnerons un dans les formes. [Molière, Les précieuses ridicules]
  • 14Donner une pièce, se dit de l'auteur qui fait représenter une pièce de théâtre. C'est une répétition que je fais faire en province, pour donner la pièce à Paris, quand vous le jugerez à propos. [Voltaire, Correspondance]

    Donner une pièce, se dit des acteurs, du théâtre qui représentent une pièce. Le Théâtre Français donne aujourd'hui ma pièce. [Piron, La métromanie, ou Le poète]

    Fig. Donner la comédie, faire rire de soi. Ce fut une seconde comédie que le chagrin de notre ami ; il la donna en galant homme à toute l'assemblée, et chacun demeura d'accord qu'on ne pouvait pas mieux jouer qu'il fit. [Molière, Critique de l'école des femmes]

  • 15Octroyer, concéder. Donner audience. Donner un délai. On lui donna la meilleure place. Et qui peut nier qu'après Dieu Sa gloire [de Henri IV], qui n'a point d'exemples, N'ait mérité que dans nos temples On lui donne le second lieu ? [Malherbe, II, 4] Profitez du moment que mon amour vous donne. [Racine, Mithridate]

    Je ne lui donne pas six mois à vivre, je pense qu'avant six mois il sera mort. Je ne donne pas deux années aux ennemis de la raison et de l'État pour rentrer dans le bon sens [avant deux ans ils seront rentrés]. [Voltaire, Correspondance]

  • 16Consacrer. Donne aux saints devoirs d'un chrétien Tout ce que Dieu te donne à vivre. [Corneille, L'imitation de Jésus-Christ]
  • 17Donner à, abandonner. Pareils ministres sont loin de rien donner au hasard. [Guez de Balzac, Avis écrit.] La première règle est de ne pas se déterminer au hasard, et, dans l'affaire de l'éternité, ne rien donner à l'opinion et à l'exemple. [Guez de Balzac, ib. Salut.] S'il est vrai qu'un grand donne plus à la fortune, lorsqu'il hasarde une vie destinée à couler dans les ris, le plaisir et l'abondance, qu'un particulier qui ne risque que des jours qui sont misérables, il faut avouer aussi qu'il a un tout autre dédommagement, qui est la gloire et la haute réputation. [La Bruyère, IX.]

    Laisser prévaloir. Il a beaucoup donné à la faiblesse paternelle. Sire, ne donnez rien à mes débiles ans. [Corneille, Horace] Ce qu'on vous voit ici donner à la nature. [Molière, Psyché] Quelque sobres qu'ils soient, ils donnent à la volupté ce qu'ils pensent donner à la seule nécessité. [Pascal, Les provinciales] Il craignait toujours de trop donner à la nature. [Bossuet, Oraisons funèbres] Il n'a rien donné au plaisir, rien à l'intérêt. [Bossuet, Pensées, 14] On donne souvent à la vanité ce qu'on croit donner à la vérité. [Massillon, Car. Tiédeur, 2] Ce n'est pas une constance de philosophe ; il ne donne rien aux spectateurs. [Massillon, Oraisons funèbres et sermons] L'on y donne quelquefois [dans les cours] les dehors à la piété, pour réserver plus sûrement le coeur à l'amertume de la jalousie. [Massillon, Oraisons funèbres et sermons] Notre régularité n'est qu'une décence que nous donnons au monde et au sérieux de notre état. [Massillon, Confér. Zèle c. les scand.]Absolument. Il [un prédicateur] ne croit pas qu'on puisse sans péché donner à ses plaisirs quand on a des créanciers ; les dépenses lui paraissent des vols qui nous ôtent le moyen de faire justice. [Sévigné, 379]

  • 18 Familièrement. Donner du Monseigneur à quelqu'un, lui donner ce titre par flatterie. À chaque vers il vous a donné de la divinité et a fait des exclamations si hautes qu'on a pu les ouïr du grand chemin. [Guez de Balzac, Correspondance] À son avènement dans le monde, au lieu de votre Excellence, il se faisait donner de votre Doctrine. [Guez de Balzac, Le Barbon] De l'écrit obligeant le sien [son coeur] tout transporté Ne me donnait pas moins que de la déité. [Molière, Le dépit amoureux]

    Donner du respect à quelqu'un, terminer une lettre qu'on lui écrit par des expressions qui marquent le respect. Ne vous ai-je pas donné du cordialement ? [Sévigné, 440] Je n'ai point encore bien vu comment est pour vous celui à qui vous donnez de l'obéissant et qui n'aurait que de l'affectionné sans son maître. [Maintenon, Lettres]

    Se donner de l'Excellence, se faire donner le titre d'Excellence. Vous qui vous donnez de la Hautesse et de l'Éminence. [La Bruyère, XII]

  • 19Exposer, énoncer. Donner ses raisons. Donner pour prétexte. Donner la description d'un objet.

    Faire connaître, communiquer. Je ne vous fais point d'excuses de ne vous avoir pas dit hier la nomination de M. l'évêque d'Angers que le roi m'avait donnée en secret. [Maintenon, Lettres]

  • 20Imposer, prescrire, assigner. Donner un pensum. Donner un nom à une plante, un titre à un ouvrage.

    Donner le nom à un enfant, le tenir sur les fonts baptismaux.

    Donner ordre à quelque chose, y pourvoir. Donne pour ce grand jour [la mort], donne ordre à tes affaires. [Corneille, L'imitation de Jésus-Christ]

    Donner le mot d'ordre, ou, absolument, le mot, fixer le mot par lequel des patrouilles et des factionnaires se reconnaissent.

    Fig. Donner le mot d'ordre, donner la direction dans une affaire, dans un parti.

    Se donner le mot, convenir de, s'entendre pour. Légistes, docteurs, médecins, quelle chute pour vous, si nous pouvions tous nous donner le mot de devenir sages ! [La Bruyère, XII]

    Donner des lois à un pays, en être le législateur. Solon a donné des lois à Athènes.

    Fig. Donner des lois, commander en maître. Qui, tout vaincu qu'il est, bravant le nom de roi, Dans vos propres États vous donnerait la loi. [Corneille, La mort de Pompée] Né pour donner des lois, commencez par vous-même. [Rotrou, Venceslas]

    On dit dans le même sens donner la loi. Pense, mortel, à t'y résoudre [à la mort] ; Ce sera bientôt fait de toi ; Tel aujourd'hui donne la loi Qui demain ne sera que poudre. [Corneille, L'imitation de Jésus-Christ]

    Par analogie. Donner des fers, mettre dans la servitude. [Ils] Se disputent l'honneur de nous donner des fers. [Voltaire, Tancrède]

  • 21Appliquer sur une personne. Donner des remèdes. Donner les sacrements. Donner la question.

    Donner un coup, frapper. Donner un coup de poing. Donner un coup de hache. Quand on nous donne un soufflet, doit-on l'endurer plutôt que de tuer celui qui le veut donner, ou bien est-il permis de tuer pour éviter cet affront ? [Pascal, Les provinciales]

    Donner un coup de rabot, de lime, de peigne à quelque chose, passer le rabot, la lime, le peigne une ou plusieurs fois sur quelque chose.

    Donner un revers, donner du revers, frapper avec le revers de la main. Et fig. Toutefois n'allez pas, sur cette sûreté, Donner de vos revers au projet que je tente. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps]

    Donner un coup de pied, frapper avec le pied. Le cheval lui donna un coup de pied.

    Par ellipse du mot coup. Donner à quelqu'un du pied dans le derrière.

    Fig. et familièrement. Il ne se donne pas de coups de pied, se dit d'un homme qui parle trop avantageusement de lui-même.

    Par une autre figure. Donner un coup de pied chez quelqu'un, jusqu'à tel endroit, y aller.

    Donner un coup d'épaule, secourir quelqu'un, aider à quelque chose. Il a besoin d'un coup d'épaule pour réussir dans ses démarches. L'affaire n'avance point ; ne pourriez-vous pas y donner un coup d'épaule ?

    Le cheval donne un coup de collier, quand il appuie fortement sur le collier pour tirer. Et fig. donner un coup de collier, faire un effort grand et momentané. Il y a beaucoup de besogne ; pour l'achever, il faut donner un coup de collier. Nous avons donné un bon coup de collier à cette affaire.

  • 22Donner, en parlant de choses qui fournissent. Cette fontaine donne de l'eau à toute la ville.
  • 23Produire. Ces terres ont beaucoup donné l'année dernière. Son commerce lui donne de quoi vivre. Cette école a donné des peintres célèbres.

    Absolument. Les pêchers ont donné avec abondance. [La Bruyère, XII]

    Fournir une humeur. La plaie donne beaucoup de pus.

    Et absolument. La plaie ne donne plus.

  • 24Donner un enfant, se dit, par rapport au mari ou même à l'État, d'une femme qui met un enfant au monde. Ils donnent des enfants à l'État, et les élèvent avec honnêteté. [Voltaire, Dialogue de Pégase et du vieillard] Le ciel bénit nos feux, tu me donnas un fils. [Chénier M. J. Gracques, I, 4]
  • 25Donner, suivi de certains noms, forme une locution dont le sens correspond à celui du verbe dont le nom dérive, ou du moins est déterminé par le nom. Donner assaut. Donner la bastonnade. Donner à quelqu'un son congé.

    Donner l'alarme, avertir de l'approche de l'ennemi. Les sentinelles donnèrent l'alarme. Fig. Avertir de quelque danger, inspirer quelque crainte. Donner une alarme bien chaude ; et elliptiquement, dans le langage familier, la donner bien chaude.

    Donner bataille, se dit de deux armées qui combattent. La bataille fut donnée dans les plaines de la Belgique. Résous-toi donc, Porsenne, à ce péril extrême De donner chaque instant des combats pour toi-même. [Du Ryer, Scévole, IV, 6] Si les ennemis veulent une bataille, elle est donnée présentement. [Maintenon, Lettres] C'est maintenant qu'on donne un combat véritable. [Voltaire, Catilina, ou Rome sauvée]

    Donner une baie, donner la baie, tromper. Le sort a bien donné la baie à mon espoir. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps]

    Donner une cassade, des cassades, faire accroire quelque chose à quelqu'un.

    Donner un conseil, conseiller. Et quand tu peux donner un conseil salutaire Qui les porte à bien faire, Donne-t'en le plus ample et le plus prompt avis. [Corneille, L'imitation de Jésus-Christ]

    Donner la bénédiction, bénir. Donner l'absolution, absoudre. Donner l'exclusion, exclure. Donner attention, être attentif, écouter attentivement. Donner croyance, croire, ajouter foi.

    Donner des bornes à ses désirs, à ses projets, les borner, les limiter.

    Donner un libre cours à, laisser toute liberté de se manifester. Donner un libre cours à ses larmes, à sa colère.

    Donner cours à une monnaie, la faire recevoir.

    Donner cours à une nouvelle, à une opinion, la divulguer, la propager. Ne vous imaginez pas que j'aie dessein de donner cours à une nouvelle opinion.... [Guez de Balzac, Socrate chrétien]

    Donner bon exemple, donner le bon exemple, être exemplaire en sa conduite. Sage dans sa vie, dans ses moeurs, il donne un exemple qui prêche mieux que les missionnaires. [Courier, Réponse aux anonymes, 1]

    Donner exemple, donner l'exemple, en bonne ou en mauvaise part, être le premier à faire quelque chose.

    Donner jour à une affaire, en faire naître l'idée, l'occasion.

    Donner des leçons, être professeur, enseigner. Il gagne sa vie en donnant des leçons. Et, figurément, donner des leçons, instruire, faire rentrer en soi-même. L'infortune lui a donné des leçons. Celui qui règne dans les cieux et de qui relèvent tous les empires.... est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et de terribles leçons. [Bossuet, Oraisons funèbres]

    En un autre sens et familièrement, donner une leçon, infliger une réprimande, une correction, ou, en parlant des choses, faire réfléchir, instruire par une fâcheuse expérience. Cela lui a donné une leçon. Avez-vous quelques nouvelles à me donner ? - Non des nouvelles, mais une leçon. - Venant de vous, madame, elle n'a rien qui puisse blesser : je suis encore dans l'âge où on les reçoit, et depuis longtemps madame est dans celui où on les donne. [Scribe, la Calomnie, III, 9]

    Donner parole, donner sa parole, promettre formellement. Il m'a donné parole de venir. Il m'a donné sa parole qu'il viendrait.

    Donner des paroles, de belles paroles, amuser par de belles promesses, sans avoir aucune intention de les tenir.

    Donner passage, laisser passer. Elbing, bâtie sur un bras de la Vistule, ne profita pas de la faute des Dantzickois ; elle balança trop à donner passage aux troupes suédoises. [Voltaire, Histoire de Charles XII]

    Donner des louanges, des éloges, louer. Le roi son mari lui a donné jusqu'à la mort ce bel éloge, qu'il n'y avait que le seul point de la religion où leurs coeurs fussent désunis. [Bossuet, Oraisons funèbres]

    Donner ses pensées à quelque chose, les y appliquer. Et donnez vos pensers à des objets meilleurs. [Mairet, Sophonisbe]

    Donner des pleurs, des regrets, pleurer, regretter. Au malheur des vaincus donnait toujours des pleurs. [Corneille, Horace] Le déplorable état où je vous abandonne Est bien digne des pleurs que mon amour vous donne. [Corneille, Polyeucte] J'approuve cependant les regrets qu'on lui donne. [Ducis, Hamlet]

    Donner rendez-vous, donner un rendez-vous, assigner un lieu, une heure, pour se rencontrer.

    Terme de procédure. Donner assignation, assigner par un exploit à comparaître devant le juge.

    Donner jour, donner heure, fixer un jour, une heure pour un rendez-vous, une affaire, etc. Je lui ai donné heure dans la soirée.

    Donner un rôle à un acteur, charger un acteur de jouer un rôle. Je ne me souviens point du tout d'avoir donné aucun rôle cette année ; je n'ai aucun ambassadeur au tripot, et vous êtes maître absolu. [Voltaire, Correspondance]Donner son temps à quelqu'un, à quelque chose, employer son temps pour quelqu'un, pour quelque chose. Le roi prend tout mon temps ; je donne le reste à Saint-Cyr, à qui je voudrais le tout donner. [Maintenon, Lettres]

    Donner sa journée, sa soirée à quelqu'un, la passer avec lui. Il nous a donné le peu de temps qu'il a passé à Paris. Passons chez Octavie, et donnons-lui le reste D'un jour autant heureux que je l'ai cru funeste. [Racine, Britannicus]

    Donner du temps à quelque chose, employer à cette chose un certain espace de temps. Il se lève de très bonne heure, et donne sa matinée au travail du cabinet. Si, tandis que je donne aux veilles, aux alarmes Des jours toujours à plaindre et toujours enviés.... [Racine, ib. II, 3]

    Donner tort à quelqu'un, dire qu'il a tort ; lui donner raison, dire qu'il a raison.

    Se donner des torts, se rendre coupable d'un tort. Il s'est donné des torts dans la rupture de ce mariage.

    Donner l'air, faire paraître. Cela lui donne l'air d'un fou.

    En un même sens. La licence leur donnait je ne sais quoi de farouche. [Fénelon, Télémaque]

    Se donner l'air gai, un air de gaieté, se montrer gai.

    Se donner des airs de...., s'attribuer sans raison une qualité. Il se donne des airs de savant. Se donner des airs de grandeur.

    Se donner des airs, de grands airs, affecter des manières au-dessus de sa condition.

    Donner un arrêt, une sentence, les rendre, les prononcer.

    Donner des ridicules à quelqu'un, le rendre ridicule, le rendre l'objet de la risée. Ils vous ont donné des ridicules ; que ne leur en donnez-vous ? [Voltaire, Dialogue de Pégase et du vieillard]

    Donner un tour piquant à sa pensée, rendre une pensée d'une façon piquante. Donner un mauvais tour aux actions les plus innocentes, les présenter d'une manière qui les fasse paraître mauvaises.

    Donner un sens favorable, défavorable à...., interpréter d'une manière favorable, défavorable. Je ne vois rien de si ridicule que cette délicatesse d'honneur qui prend tout en mauvaise part, donne un sens criminel aux plus innocentes paroles et s'offense de l'ombre des choses. [Molière, Critique de l'école des femmes]

  • 26Permettre. Qui nous donnera que nous puissions perdre cette partie de notre liberté ? [Bossuet, I, Vêture, 4] Qui me donnera que vous veniez dans mon âme pour en prendre possession ! [Massillon, Avent, Dispositions.] Donnez-moi, sur le penchant de la vie, d'en tracer le cours sans m'égarer. [Bernardin de Saint-pierre, Harmonies de la nature] Oh ! qui m'aurait donné d'y sonder sa pensée, Lorsque le souvenir de sa grandeur passée Venait comme un remords l'assaillir loin du bruit ? [Lamartine, Méditations poétiques]

    Impersonnellement et au passif. Il fut donné à celui-ci [Cromwell] de tromper les peuples et de prévaloir contre les rois. [Bossuet, Oraisons funèbres] C'était à elle qu'il était donné de rassembler les gentils. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Puisqu'il t'est donné d'entrer dans le royaume de la nuit. [Fénelon, Télémaque] Il n'est pas donné à l'homme de porter plus loin la vertu [que saint Louis]. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII]

  • 27Donner la main, présenter la main pour qu'on la prenne, ce qui est une sorte de civilité. La réconciliation est faite ; il lui a donné la main, ils se sont donné la main. Adieu, donne la main ; que malgré ta jalouse, J'emporte chez Pluton le nom de ton épouse. [Corneille, Médée]

    Donner la main à une dame, la prendre par la main pour la conduire.

    Donner la main, céder le pas, la place d'honneur. Donner la main chez soi. Cette locution vieillit ; on dit plutôt donner le pas.

    Donner sa main, se dit, dans le style élevé, d'une femme qui épouse un homme. Vous donnez votre main, vous donnez vos États. [Voltaire, Sémiramis]

    Terme de manége. Donner la main, lâcher la bride au cheval.

    Fig. Donner les mains, céder ; locution tirée du latin où elle se dit du vaincu qui tend les mains, en signe qu'il se rend. De façon que le philosophe fut obligé de donner les mains. [La Fontaine, Vie d'Ésope.]

    Par extension. Donner la main ou les mains à quelque chose, la favoriser. Pourvu que votre coeur veuille donner les mains Au dessein que j'ai fait de fuir tous les humains. [Molière, Le misanthrope] Donne la main à mon dépit, et soutiens ma résolution. [Molière, Le bourgeois gentilhomme]

    Donner le bras, présenter son bras à demi fléchi à une personne pour qu'elle y passe le sien. On donne le bras pour fournir un appui, mais aux dames ce n'est d'ordinaire qu'une simple politesse.

    Donner le bras, se dit aussi de celui ou celle qui passe son bras dans celui d'un autre. Elle donnait le bras à son mari.

    Donner la patte, se dit des animaux, et particulièrement des chiens dressés à offrir la patte. Que fait-il [un petit chien] ? il donne la patte, Puis aussitôt il est baisé. [La Fontaine, Fables]

  • 28 Terme de peinture. Donner une couche, étendre une couche de peinture, un enduit, sur un objet.
  • 29Donner le feu trop chaud, trop ardent à la viande, la faire rôtir à trop grand feu. Dans le même sens, donner le four trop chaud à du pain, à de la pâtisserie.

    Donner un feu doux, un feu de chasse, appliquer aux diverses opérations le feu qui leur convient.

  • 30 Terme de jeu. Distribuer. Donner les cartes. Et, absolument, donner. C'est à vous à donner. Je donne, il en prend six, et demande à refaire. [Molière, Les fâcheux]

    Donner beau jeu, donner des cartes favorables. Et, figurément, donner beau jeu à quelqu'un, lui présenter une occasion favorable de faire ce qui lui convient.

    Au jeu de paume, donner beau, jouer la balle de manière qu'elle soit facile à prendre. Et, figurément, donner beau ou la donner belle à quelqu'un, donner à quelqu'un une bonne occasion de faire ou de dire quelque chose.

    Ironiquement. Vous me la donnez belle, vous me trompez, vous vous moquez. Cet inconnu, dit-il, nous la vient donner belle D'insulter ainsi notre ami. [La Fontaine, Fables]

    Dans le même sens, vous me la donnez bonne.

    Donner le reste, livrer la balle ou le volant à son partenaire de manière qu'il ne puisse les renvoyer. Je lui ai donné son reste.

    Fig. Donner son reste à quelqu'un, le battre, le corriger. Il ne fera plus le tapageur, je lui ai donné son reste.

    Par une autre figure, donner son reste à quelqu'un, ne laisser aucune de ses assertions sans réponse. Vous avez beau raisonner, monsieur est frais émoulu du collége, et il vous donnera toujours votre reste. [Molière, Le malade imaginaire]

  • 31 Terme de manége. Donner carrière à un cheval, le laisser libre de courir.

    Fig. Donner carrière, laisser liberté d'agir. Donner carrière à ses passions, à son esprit.

    Se donner carrière, se laisser aller au sentiment qui emporte, à l'impulsion qu'on ressent.

    Se donner carrière aux dépens d'autrui, s'en moquer.

  • 32 Terme de vénerie. Donner à courre, détourner et remettre l'animal que l'on chasse.

    Donner le relais, lâcher après la bête les chiens placés en relais.

    Donner le cerf aux chiens, lancer le cerf.

    Même sens, donner les chiens, la meute. On donna les chiens à propos.

  • 33 Terme de marine. Donner la bande, se dit d'un bâtiment incliné sur le côté.

    Donner telle voile à tel autre bâtiment, marcher aussi bien que ce dernier sans avoir comme lui cette voile déployée.

    Donner tant pour la lame, augmenter le sillage quand on est vent arrière.

    Donner chasse ou la chasse à l'ennemi, le poursuivre ; et, en général, poursuivre. L'aigle donnait la chasse à maître Jean lapin. [La Fontaine, Fables]

  • 34Donner à, suivi d'un verbe à l'infinitif, présenter, remettre. Donnez-nous à manger. Il lui donna un livre à lire. Donnez-moi ce paquet à porter. Si le roi dans l'instant, pour sauver le coupable, Ne lui donne à baiser son sceptre redoutable. [Racine, Esther]

    Je donnerais ma tête à couper que cela est ainsi, se dit pour affirmer quelque chose de la manière la plus positive.

    Donner à téter à un enfant, le faire téter.

    Donner à laver, présenter une cuvette et de l'eau pour qu'on se lave les mains.

    Donner à boire et à manger, tenir auberge.

    Donner du fil à retordre à quelqu'un, lui susciter des difficultés, des embarras.

    Donner à connaître, faire connaître. Le remords du péché se trouvera dès l'heure même à l'entrée de ton coeur, ce qui nous donne à connaître que ce remords est à la tête de toutes les grâces. [Bourdaloue, 9e dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 151]

    Donner à discourir, à parler, faire discourir, faire parler. Ce serait trop donner à discourir au monde. [Corneille, Le menteur]

    En mauvaise part, donner à parler, faire tenir de soi de mauvais propos. Cette femme par ses imprudences donne à parler d'elle.

    Donner à rire, se rendre un objet de moquerie. Il y a longtemps que vos façons de faire donnent à rire à tout le monde. [Molière, Le bourgeois gentilhomme]

    Donner à penser, à songer, susciter des réflexions dans l'esprit de quelqu'un, l'inquiéter. Cela lui donna fort à penser.

    Donner à entendre, insinuer. On nous donne à entendre que nous ne pouvons plus rester ici.

    Donner à courir, à travailler, mettre dans la nécessité de courir, de travailler.

  • 35 Familièrement. Le donner en dix, en cent, donner quelque chose à deviner ou à faire ou à supporter ; locution dans laquelle le est un mot indéterminé (voir LE). Hé bien ! en sommes-nous enfin venus à bout ? Je le donne en six coups au fourbe le plus brave. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps] C'est un chef-d'oeuvre que d'avoir inventé un habit sérieux qui ne fût pas noir ; et je le donne en six coups aux tailleurs les plus éclairés. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Si je suis affligé, ce n'est pas pour des prunes ; Et je le donnerais à bien d'autres qu'à moi De se voir sans chagrin au point où je me voi. [Molière, Sganarelle, ou Le cocu imaginaire] Devinez-la ; je vous le donne en trois. [Sévigné, 9]

    On dit aussi dans le même sens je vous donne, sans le mot le. Et je donne aux plus fins à pouvoir en ce jour Vous reconnaître pour l'amour. [Molière, Psyché]En donner à quelqu'un, lui en donner d'une, le tromper, mentir. Il est mort ! quoi ! monsieur, vous m'en donnez aussi. [Corneille, Le menteur] Et vous laissant passer pour ce que vous vouliez, Je vous en donnai plus que vous ne m'en donniez. [Corneille, ib. V, 6] Je viens de tout entendre et voir ton artifice.... Tu payes d'imposture et tu m'en as donné. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps] Pour toi premièrement et pour ce bon apôtre Qui veut m'en donner d'une et m'en jouer d'une autre. [Molière, Le bourgeois gentilhomme]

    Par similitude de construction. Donner d'une chose, vouloir la faire accroire. On nous a donné d'une convalescence pleine de langueur. [Sévigné, 278]

    En donner d'une, se dit d'une femme qui trompe son mari, ou d'un homme qui séduit la femme d'un autre. Nos femmes, ce dit-il, nous en ont donné d'une. [La Fontaine, Joc.] Oh ! oh ! l'homme de bien, vous m'en voulez donner. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur]

    En donner à garder, tromper, abuser. À la fin je triomphe, et l'on ne m'en donnera plus à garder. [Fagan, Pupille, sc. 21]

    Pour l'explication de la préposition de dans la locution en donner d'une, voy. le n° 39.

  • 36En donner du long et du large à quelqu'un, lui en donner tout du long de l'aune, le battre violemment ou lui en faire accroire. Donnons-en à ce fourbe et du long et du large. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps]
  • 37Se donner, donner à soi, acheter pour soi. Je me suis donné une montre pour mes étrennes. Il se fit habiller depuis les pieds jusqu'à la tête et se donna du linge.

    Se donner patience, patienter. J'avais bien de la peine à me donner patience.

    Se donner garde, se défier, éviter. Donnez-vous garde de ce mauvais pas.

    On dit aussi se donner de garde, tournure dans laquelle de garde est, partitivement, le complément direct de se donner. Donnez-vous-en bien de garde, seigneur, si vous voulez m'en croire. [Molière, La princesse d'Élide] Je venais l'avertir de se donner de garde. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps]

    C'est de la même façon que Mme de Sévigné a dit se donner d'un air au lieu de se donner un air. Si je voulais, je me donnerais d'un air de solitude. [Sévigné, 384]

    C'est enfin de la même façon qu'on dit en donner d'une.

    Familièrement. S'en donner, lâcher le frein à un désir, à un besoin, aux amusements. Que je vais m'en donner et me mettre en beau train De raconter nos vaillantises ! [Molière, L'amphytrion] Pour cette nuit il faut que je m'en donne [à dormir]. [Racine, Les plaideurs] Les dimanches, point ne défends La joie à ces pauvres enfants ; J'aime alors qu'on s'en donne. [Béranger, Mon curé.]

    On dit dans un sens analogue s'en donner jusqu'aux gardes. S'il eût été de l'humeur de Don Quichotte, il eût trouvé là de quoi s'en donner jusqu'aux gardes, et il se fût cru pour le moins Esplandian ou Amadis. [Scarron, Le Roman comique] Enfin le souper vint bon ou mauvais ; la Rapinière but tant qu'il s'enivra, et la Rancune s'en donna aussi jusqu'aux gardes. [Scarron, ib. I, 4]

    Se donner au coeur joie de quelque chose, ou s'en donner à coeur joie, en jouir pleinement.

    Populairement, se donner des talons, du talon dans le derrière, se livrer à une vive joie, se moquer de tout ce qui peut arriver, et aussi passer son temps en toute sorte de divertissements.

    DONNER, v. n.

  • 38Donner à la grosse, placer son argent à la grosse aventure.
  • 39Heurter contre. La voiture donna contre la muraille. Le navire alla donner contre un écueil. Une balle se réfléchit quand elle donne contre la muraille. [Descartes, Monde, 14] Ceux qui restaient allèrent donner contre les chaînes des navires et furent tous ou assommés ou faits prisonniers. [Fléchier, Histoire de Théodose le Grand]

    Atteindre. Il était si preste à donner où il tirait qu'il tuait les oiseaux en volant. [Vaugelas, Q. C. 411] Disputer avec son valet lequel donnera mieux dans un blanc avec des flèches. [La Bruyère, Théoph. 27]

    Frapper, porter un coup. Et je veux pour signal que cette même main Lui donne, au lieu d'encens, d'un poignard dans le sein. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Mais on sait au moins, ce dit-on, Que Pallas donna du bâton à l'écrivain de cette histoire. [Scarron, Virgile travesti] Elle lui donnera sur sa vilaine joue. [Sévigné, 70] Il vous donnera de son épée dans le ventre. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    Terme de manége. Donner dans les cordes, se dit d'un cheval attaché par le caveçon entre les deux piliers, lorsque, en avançant, il tend également les deux cordes.

    Terme de marine. Donner à la côte, aller échouer à terre par nécessité, ou faire naufrage.

    Donner sur les doigts à quelqu'un, le frapper sur les doigts, et fig. le tancer.

    Donner sur les oreilles à quelqu'un, le frapper, le maltraiter. Je te donnerai sur les oreilles. [Molière, Monsieur de Pourceaugnac]

    Donner du nez en terre, tomber la face en avant, et fig. échouer dans une entreprise.

    Donner de la tête contre...., se heurter la tête contre. Il donna de la tête contre la muraille et se blessa grièvement.

    Fig. Ne savoir où donner de la tête, ne savoir que faire, que devenir.

    Donner tête baissée dans quelque chose, s'y porter avec ardeur et avec une sorte d'aveuglement.

    Très familièrement. Donner de cul et de tête, se frayer un passage en heurtant et poussant, et fig. employer tout ce que l'on a de force et de ressources pour réussir.

    Par extension. Le soleil donne à plomb. Le vent donne dans les voiles. Les Suédois s'avancèrent la baïonnette au bout du fusil, ayant au dos une neige furieuse qui donnait au visage des ennemis. [Voltaire, Histoire de Charles XII]

    Donner dans la tête, être capiteux, en parlant d'un vin. Ce vin donne dans la tête.

  • 40Donner dans un piége, dans un filet, être pris à ce piége, dans ce filet.

    Fig. Se laisser prendre par. Il est homme enfin à donner dans tous les panneaux qu'on lui présentera. [Molière, Monsieur de Pourceaugnac] Il ne faut point douter qu'elle ne donne à pleine tête dans cette tromperie. [Molière, Les amants magnifiques] Ils donneront dans les filets de nos célestes pêcheurs. [Bossuet, André, 1] L'infortuné Caméron donna dans le piége. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    Donner dans, se laisser aller à. Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps. [Molière, Le misanthrope] De qui l'humeur coquette et l'esprit médisant Semblent si fort donner dans les moeurs d'à présent. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Vous donnez furieusement dans le marquis ! [Molière, L'avare] Les riches bijoux, les meubles somptueux où donnent ses pareilles avec tant de chaleur. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Vous n'avez garde de donner dans ce défaut. [Sévigné, 491] Carlostad donna dans des nouveautés, du moins Luther l'en accuse, et il est vrai qu'il était dans une grande liaison avec les Anabaptistes. [Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes] L'orgueil donne dans des projets insensés. [Bossuet, Oraisons funèbres] Je ne m'étonne pas que Léger ait donné dans cette erreur. [Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes] Elle était d'une confiance à donner dans tout ce qu'on voulait. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] N'avez-vous point de honte de donner dans les visions d'un jaloux ? [Hamilton, ib. 8] D'où vient que vous-même, qui paraissez avoir de l'homme de bon sens, vous avez donné dans cette rêverie ? [Fontenelle, Eloge des académiciens] Si le fils de François 1er donnait dans les opinions des réformés. [Voltaire, Phil. II, 25] Philon, qui vivait en Égypte au temps de Jésus-Christ, donna tête baissée dans les allégories et dans le sens mystique. [Diderot, Opinions des anciens philosophes] J'ai cru bonnement à la charte ; j'ai donné dans la charte en plein ; je le confesse, à ma très grande honte. [Courier, Réponse aux anonymes, 1]

    Il se dit aussi des personnes par lesquelles on se laisse captiver. .... Que diriez-vous qu'un roi, cherchant à plaire, Comme un aventurier, donnât dans la bergère ? [Regnard, Démocrite]

    S'occuper beaucoup de. J'admire qu'on donne avec tant d'action dans les choses du dehors. [Sévigné, 157] Elle vous doit apprendre à ne pas donner dans les choses extérieures. [Bossuet, Lett. Corn. 109] De quelque indifférence qu'elle eût donné dans cette intrigue. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    Se plaire excessivement à. Tout le monde donne là dedans aujourd'hui, on ne court plus qu'à cela ; et l'on voit une solitude effroyable aux grands ouvrages, lorsque des sottises ont tout Paris. [Molière, Critique de l'école des femmes]

    User habituellement. Les esprits justes donnent naturellement dans la métaphore. [La Bruyère, I] Empêchez-la de donner dans la justice de croire, et dans le respectueux attachement. [Sévigné, 50]

    Donner dans le sens de quelqu'un, être de même sentiment que lui. Descartes, pour l'aimant, donne fort dans mon sens. [Molière, Les femmes savantes] Il évite de donner dans le sens des autres et d'être de l'avis de quelqu'un. [La Bruyère, V]

    Donner dans les yeux, dans la vue de quelqu'un, à quelqu'un, l'éblouir, le tenter par un certain éclat. Ce sont les rayons et les éclairs de ces grandes vérités.... qui me donnent dans la vue. [Guez de Balzac, Correspondance] La robe de Médée a donné dans mes yeux. [Corneille, Médée]

    Fig. Donner dans l'oeil, donner dans les yeux, donner dans la vue, plaire. Ce jeune homme paraît avoir donné dans l'oeil à ma fille. Tu n'en conviens pas, mais cette demoiselle t'a donné dans l'oeil. Ils se sont donné dans l'oeil réciproquement. Ce M. le comte qui va chez elle lui donne peut-être dans la vue. [Molière, Le bourgeois gentilhomme]

  • 41Donner sur un plat, y revenir à plusieurs fois, en manger à plusieurs reprises.

    Donner sur, s'attacher à, rechercher de préférence. J'ai cette manie de vouloir donner généralement sur tout ce qu'il y a de plus beau. [Molière, Les précieuses ridicules]

    Donner à, mordre à. Voilà l'appât ; il y a donné. [Bossuet, II, Démons, 2]

    Donner à, croire. Enfin il est constant que l'on n'a point donné Au bruit que contre vous sa malice a tourné. [Molière, Le misanthrope] Ce sont ces âmes volages et dissipées qui donnent à tout sans réflexion. [Bourdaloue, Exhort. Char. env. les pauvres, t. I, p. 38]

    Donner chez, fréquenter. Nous donnions chez les dames romaines, Et tout le monde là parlait de nos fredaines. [Molière, Les femmes savantes]

    Donner au travers de, se jeter au milieu de. Je donnai tout au travers d'un sable mouvant où j'enfonçai jusques au menton. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] Fig. Donner au travers, employer sans discernement. Un homme qui donne au travers des purgations et des saignées. [Molière, Le malade imaginaire]

  • 42Donner dans un passage, s'y engager. La troupe donna dans une rue étroite et s'y embarrassa. Un régiment, trompé par l'obscurité, dépassa la première ligne, et alla donner tout au milieu des cuirassiers russes, qui l'assaillirent et le mirent en désordre. [Ségur, Histoire de Napoléon et de la Grande-Armée pendant l'année 1812]

    Terme de marine. Donner à pleines voiles dans une passe, y entrer toutes voiles dehors.

    Fig. Donner à pleines voiles dans un parti, dans une opinion, les embrasser avec ardeur, sans réserve.

  • 43Charger dans un combat. Le régiment donna vaillamment, et fut très maltraité. Je ne vous dirai point comment les miens donnèrent. [Tristan, La Mort de Chrispe ou Les Malheurs domestiques du Grand Constantin] Enfin Horace seul est partout où l'on donne. [Du Ryer, Scévole, I, 3] Déjà les deux armées.... N'attendaient, pour donner, que le commandement. [Corneille, Horace] Le maréchal a donné sur l'arrière-garde des ennemis. [Sévigné, 313] On donna sans quartier sur ces deux Franguis [souris de France] qui voulaient faire la loi aux autres. [Fénelon, t. XIX, p. 58] Les bas officiers ont refusé de donner, ayant peu d'envie de combattre avec la noblesse. [Courier, Lettres de France et d'Italie]

    Par extension, donner sur, critiquer vivement, censurer, parler mal. Vous auriez bien pu vous passer de donner sur les dévotes en faisant le portrait de Mme d'Aubigné. [Maintenon, Lettres]

  • 44Être situé. La maison donne sur la rue. Les croisées donnent sur le jardin. Si le mur du jardin qui donne sur la rue. [Chénier M. J. Fénelon, II, 4]
  • 45Donner des deux, piquer vigoureusement de l'éperon le cheval pour accélérer sa marche. À travers champs s'enfuit, donne des deux. [La Fontaine, Or.]
  • 46 Terme de marine. S'allonger, en parlant d'un cordage ou d'une toile à voile.
  • 47Donner se dit, en quelques circonstances, pour faire entendre un son. Donner du cor, en sonner. Le chien donne de la voix, il aboie en chassant.

    SE DONNER, v. réfl.

  • 48Se donner, faire don de soi-même. Il [Dieu] vous donne des lois, il se donne lui-même. [Racine, Athalie] Le blé pour se donner, sans peine ouvrant la terre, N'attendait point qu'un boeuf pressé de l'aiguillon Tracât à pas tardifs un pénible sillon. [Boileau, Epîtres]

    Être donné. Cela ne se vend pas, cela se donne.

    Être vendu. Cela se donne partout à tel prix.

  • 49Se vouer. Les commencements de Luther, durant lesquels Mélanchthon se donna tout à fait à lui, étaient spécieux. [Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes] Ceux qui se donnent à Dieu. [Pascal, dans COUSIN] On voudrait tout quitter, si l'on se donnait à Dieu. [Massillon, Oraisons funèbres et sermons] Ceux qui ont eu le bonheur de se donner à Dieu. [Massillon, Avent, Disp.]
  • 50Se livrer, se rendre. Hérode est contraint de se donner au vainqueur. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Ces peuples se donnèrent au roi de Perse. [Bossuet, Déf.]
  • 51Se donner, dans le style élevé, en parlant d'une femme qui prend un mari. Plaignez-vous, haïssez, mais ne vous donnez pas, Demeurez en état d'être toujours ma femme. [Corneille, Sertorius] Loin de me retenir par des conseils jaloux, Elle me conjurait de me donner à vous. [Racine, Bajazet] Hélas ! peut-on deux fois se donner en sa vie ? [Voltaire, Alzire, ou Les américains]

    Il se dit aussi d'une femme qui accorde les dernières faveurs. Elle s'est donnée à lui. Donnez-vous, ne vous donnez pas, Ce sera toujours même affaire ; Pour qui ménagez-vous les trésors de l'amour ? [La Fontaine, Petit chien.]

  • 52S'offrir, se présenter. À se donner lui-même en spectacle aux Romains. [Racine, Britannicus]
  • 53Être publié. Il s'est, depuis quelque temps, beaucoup donné de brochures sur les affaires publiques. Un écrit scandaleux sous votre nom se donne. [Boileau, Epîtres]

    Être représenté, en parlant d'une pièce de théâtre. Cette comédie s'est donnée cinquante fois de suite.

  • 54S'adonner. En se donnant au plaisir. [Pascal, dans COUSIN] Il [Bossuet] s'était déjà donné aux oraisons funèbres. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV]
  • 55Se donner pour, se faire passer pour. Il parle de roture devant des roturiers qui sont riches et qui se donnent pour nobles. [La Bruyère, XI] Il s'était donné pour grand politique. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] Vous vous étiez donné pour une âme forte. [Massillon, Av. Jugem.] Voilà où en sont presque tous ceux qui se donnent dans le monde pour incrédules. [Massillon, Car. Doutes.]
  • 56Se dit d'une bataille qui s'est engagée. Le roi Auguste demandait pardon de la victoire, protestant que la bataille s'était donnée malgré lui ; que les Russes et les Polonais de son parti l'y avaient obligé. [Voltaire, Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand]

PROVERBES

À donner donner, à vendre vendre, c'est-à-dire il faut se comporter selon la circonstance, donner si l'on donne, vendre si l'on vend.

Qui donne tôt donne deux fois, c'est-à-dire on ajoute au prix d'une grâce en ne la faisant pas attendre.

Donner tard, c'est refuser.

Qui donne au commun ne donne à pas un, c'est-à-dire personne ne nous sait de gré de ce que nous donnons au public.

Qui peu donne veut qu'on vive, c'est-à-dire, qui donne peu fait espérer qu'il donnera encore une autre fois.

Qui donne ce qu'il aime ne prend ce qu'il désire.

On ne donne rien pour rien.

REMARQUE

1. Donner faisait jadis au subjonctif, que je doin, que tu doins, qu'il doint ; cette forme se trouve encore dans des auteurs du XVIIe siècle et même du XVIIIe : À tous époux Dieu doint pareille joie. [La Fontaine, Diable.] Dieu te doint pour guerdon de tes oeuvres si saintes.... [Régnier, Satires] Or prions Dieu qu'il leur doint paradis. [Rousseau J.-b. Odes et poésies diverses] Cette forme peut encore être employée dans le style épigrammatique, marotique.

2. Donner faisait jadis au futur, je donrai, et, au conditionnel, je donrois. Régnier a encore cette forme : Mais de ce côté-là je leur donrois quittance, Sat. XII. Étant déjà failli de coeur, Qui me donra de la vigueur ? [Rousseau J.-b. Stances relig.]

3. Dans en donner d'une, la locution complète est : il en avait deux, il m'en a donné d'une (voy. l'historique).

+

DONNER.
7Ajoutez : Il a donné [sacrifié] tous ses ressentiments à M. de Turenne. [Sévigné, Lett. août 1671]
41Ajoutez : Donner sur les nerfs, agacer, irriter. [Journal officiel]

REMARQUE

Ajoutez :
  • 4Ce vers de V. Hugo : Qui donne aux pauvres prête à Dieu, cité au n° 1, se trouve dans la Bible, Proverbes, XX, 17. Cette remarque n'a pas pour but d'ôter un vers au grand poëte ; mais, dans un dictionnaire historique, il faut toujours essayer de remonter aux origines.
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