enfuir (s')
- 1Se retirer en toute hâte, en prenant la fuite. S'enfuir au moment du danger. S'enfuir de prison.
C'est, me dit-il, notre grand et incomparable Molina, qui, par sa prudence inimitable, l'a estimée [une somme volée] à six ou sept ducats, pour lesquels il assure qu'il est permis de tuer, encore que celui qui les emporte s'enfuie
. [Pascal, Les provinciales]Si tôt qu'elle me voit, elle s'enfuit de moi
. [Racan, Bergeries, II, 4, le Satyre]Ceux qui me voyaient s'enfuyaient
. [Sacy, Bible, psaume XXX, 12]Et son âme en courroux s'enfuit dans les enfers
. [Racine, La Thébaïde, ou Les frères ennemis]J'ai vu des citoyens s'enfuir avec horreur
. [Voltaire, La mort de César]Et quand la nuit revient en cet affreux château, De Saphire éplorée on revoit l'ombre errante ; Elle tient dans ses mains une tête sanglante, La presse sur son sein, et l'embrasse et s'enfuit
. [Masson, Helv. v.]Un maître fou qui, dit-on, Fit jadis mainte fredaine, Des loges de Charenton S'est enfui l'autre semaine
. [Béranger, Juge de Char.]Avec ellipse du pronom personnel. Comment l'avez-vous laissé enfuir ?
Par extension.
Les rivages s'enfuyaient loin de nous
. [Fénelon, Télémaque] - 2S'évanouir, disparaître. Le temps s'enfuit.
Pour toute récompense il n'obtient qu'un vain bruit, Qu'un triomphe frivole, un éclat qui s'enfuit
. [Voltaire, Brutus]La coupe de mes jours s'est brisée encor pleine ; Ma vie en longs soupirs s'enfuit à chaque haleine ; Ni larmes ni regrets ne peuvent l'arrêter
. [Lamartine, Méditations poétiques]Qu'est-ce donc que des jours pour valoir qu'on les pleure ? Un soleil, un soleil, une heure et puis une heure ; Celle qui vient ressemble à celle qui s'enfuit
. [Lamartine, ib.] - 3S'échapper d'un vase, en parlant d'une liqueur. Votre vin s'enfuit. Le lait s'enfuira bientôt.
Par métonymie. On dit qu'un vase s'enfuit, lorsqu'il laisse échapper la liqueur qu'il contient. Ce tonneau s'enfuit. Aujourd'hui on se sert plus ordinairement de fuir.
Fig. Ce n'est pas par là que le pot s'enfuit, ce n'est pas par là que l'affaire peut manquer.
REMARQUE
Autrefois et jusque dans le XVIIe siècle, on a considéré, dans s'enfuir, la préposition comme mobile. Vite, fuis-t'en
. [La Fontaine, Lunet.] Ils s'en sont fuis
. [Bossuet, Excus. 2] Aujourd'hui cet archaïsme est hors d'usage et considéré comme une faute ; il faudrait dire : enfuis-toi ; ils se sont enfuis ; mais d'aucune façon on ne dira : ils s'en sont enfuis ; c'est une grosse faute.
- rechercher