Voir les citations avec "heurter"

heurter

vt (heur-té)
  • 1Toucher ou rencontrer rudement. Heurter quelqu'un en passant. Se heurter la tête contre un mur. [Un valet] Heurtant table et tréteaux, verse tout [un plat] sur mes chausses. [Régnier, Satires] L'un me heurte d'un ais dont je suis tout froissé. [Boileau, Satires] Leur allure [des tapirs] est brusque, et, sans chercher à offenser, ils heurtent rudement tout ce qui se rencontre devant eux. [Buffon, Quadrupèdes] Un jour le laboureur dans ces mêmes sillons Où dorment les débris de tant de bataillons, Heurtant avec le soc leur antique dépouille... [Delille, Les Géorgiques, traduction de Virgile]

    Fig. Il se dit des choses qui se contrarient. Dont la tête est si troublée et les idées sont à tel point décousues que dans la même page une assertion sensée est heurtée par une assertion folle et une assertion folle par une assertion sensée. [Diderot, Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur les moeurs et les écrits de Sénèque]

  • 2 Par extension. Se dit de la rencontre des voyelles. Gardez qu'une voyelle à courir trop hâtée Ne soit d'une voyelle en son chemin heurtée. [Boileau, L'art poétique]
  • 3 Fig. Blesser, offenser, en parlant des personnes qu'on heurte. Et gardez que, heurtant ce coeur inaccessible, Vous ne vous y blessiez pensant le secourir. [Rotrou, Véritable Saint Genest] Rien ne nous heurte plus rudement que cette doctrine [le péché originel], et cependant, sans ce mystère le plus incompréhensible de tous, nous sommes incompréhensibles à nous-mêmes. [Pascal, Grandeur et misère, Syst. des phil. 5, éd. FAUGÈRE.] L'abbé Testu était fort difficile à pardonner, et même à ne pas poursuivre quiconque l'avait heurté. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]

    Contrarier, en parlant des choses que l'on heurte. Il ne pourra heurter votre pouvoir suprême. [Rotrou, Venceslas] Heurter de front ses sentiments, c'est le moyen de tout gâter. [Molière, L'avare] Cette grande roideur des vertus des vieux âges Heurte trop notre siècle et les communs usages. [Molière, Le misanthrope] Il eut soin de manier l'esprit du jeune tyran avec une adresse merveilleuse, évitant de heurter de front ses passions. [Rollin, Histoire ancienne] Quand on veut vivre dans un pays, il n'en faut pas heurter les préjugés. [Beaumarchais, La mère coupable, ou L'autre Tartuffe] Les gens du peuple ont des formes assez grossières, surtout quand on veut heurter leur manière d'être habituelle. [Staël, De l'Allemagne] Le son du cor, le bruit des armes n'ont rien qui heurte le goût. [Chateaubriand, Le génie du christianisme, ou Les beautés de la religion chrétienne]

  • 4 Terme de peinture. Peindre rudement. Heurter un tableau. On dit qu'un dessinateur heurte son ouvrage, pour exprimer qu'il n'y met pas la dernière main.
  • 5 vi Donner un choc, recevoir un choc. Heurter contre une pierre. Qu'il [Jésus-Christ] sera une pierre d'achoppement à laquelle plusieurs heurteront. [Pascal, Proph. 24, éd. FAUGÈRE.] Là, Xénophon dans l'air heurte contre un La Serre. [Boileau, Le lutrin] [Le vaisseau] Heurte s'ouvre et se brise entre d'affreux rochers. [Lemerc. Agamemn. I, 1]

    Fig. Qui prend soin d'assortir les volontés tellement ensemble qu'elles ne heurtent point les unes contre les autres. [Bourdaloue, Pensées, t. II, 484]

    Fig. C'est heurter de la tête contre la muraille, c'est se heurter la tête contre un mur, que de vouloir lui persuader quelque chose, se dit d'un homme très difficile à persuader.

  • 6 Particulièrement. Frapper à la porte. On a heurté deux coups. J'ai heurté par trois fois. Et je ne tremble point quand on heurte à la porte. [Régnier, Satires] On avait beau heurter, et m'ôter son chapeau, On n'entrait point chez nous sans graisser le marteau. [Racine, Les plaideurs] Tout est-il mort ici, valet, laquais, servante ? J'ai beau heurter, crier, aucun ne se présente. [Regnard, Le légataire universel]

    Heurter en maître, frapper à la porte d'une maison comme si l'on en était le maître.

    Fig. Heurter à toutes les portes, employer toute sorte de moyens, solliciter tout le monde.

    Fig. Il a heurté à la porte du paradis, se dit de quelqu'un qui réchappe d'une grande maladie.

    Fig. Il n'y a qu'à heurter à la porte, se dit d'une personne savante, habile, qu'il n'est besoin que d'interroger pour en recevoir d'utiles informations. Un si bon sens partout, que je dis plus que jamais qu'il n'y a qu'à heurter à la porte sur tout ce qu'on veut, il y répond parfaitement. [Sévigné, 576]

  • 7Se heurter, vpron Se frapper contre quelque chose. Elle s'est heurtée contre la table. Celui qui marche la nuit se heurte parce qu'il n'a point de lumière. [Sacy, Bible, Év. St-Jean, ch. XI, V. 10] Quand le prince russe et son armée qu'Alexandre appelait vers le nord, poussèrent sur Sida, ils se heurtèrent contre Davoust et furent forcés de se replier sur eux-mêmes. [Ségur, Histoire de Napoléon et de la Grande-Armée pendant l'année 1812]

    Fig. Il [Jurieu] marche à tâtons, se heurtant à chaque pas et contre tous les principes de la religion. [Bossuet, 6e avert. 19]

    Fig. Dans les arts et la littérature, se heurter se dit des couleurs, des expressions qui forment une opposition, un contraste trop brusque.

  • 8Se rencontrer en se choquant l'un l'autre. Assurément la tête de leurs chevaux se heurtera en arrivant à Paris, chacun de son côté. [Sévigné, 236] Des bataillons armés dans les airs se heurtaient. [Delille, Les Géorgiques, traduction de Virgile]
  • 9 Fig. Se contrarier. Ces deux hommes se heurtent en toute occasion. Déjà contre le mien son pouvoir s'est heurté. [Delavigne, Le paria]

REMARQUE

Régnier a dit se heurter, pour s'attacher à : Hautain, audacieux, conseiller de soi-même, Et d'un coeur obstiné se heurte à ce qu'il aime, Sat. V. Aujourd'hui se heurter ne s'emploie plus en ce sens ; l'on dit s'aheurter.

+

10En Normandie, heurter se dit des boeufs qui frappent avec les cornes. Le taureau a heurté la servante. [Delboulle, Gloss. de la vallée d'Yères, le Havre, 1876, p. 186]

Absolument. Méfiez-vous, cette vache heurte.

  • rechercher