jaloux, ouse

• 1Qui est zélé pour, qui tient beaucoup à, qui est fort attaché à quelque chose (sens étymologique et le premier de tous, le mot venant du latin zelosus). N'attendons pas leur ordre et montrons-nous jaloux De l'honneur qu'ils auraient à disposer de nous. [Corneille, Nicomède] Vous n'avez qu'à choisir, car chacun est jaloux De l'honneur d'être votre époux. [La Fontaine, Fables] Combien les Romains furent jaloux de la liberté. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Toujours vive pour ce grand prince [Louis XIV], toujours jalouse de sa gloire. [Bossuet, Oraisons funèbres] Soit que son coeur, jaloux d'une austère fierté, Enviât à nos yeux sa naissante beauté.... [Racine, Britannicus] Comment pouvez-vous croire Que je sois moins que vous jalouse de ma gloire ? [Racine, Bajazet] Et mon père est jaloux de son autorité. [Racine, Iphigénie en Aulide] Dona Béatrix, fort jalouse du pouvoir de ses charmes, conçut un dépit mortel de n'avoir pas eu la préférence. [Lesage, Le diable boiteux] Je ne suis pas jaloux d'un si triste avantage. [Lachaussée, Mélanide, I, 4]

  Jaloux contre, zélé contre. Vous trouverez des âmes recueillies, simples, mortes à elles-mêmes, qui sont jalouses contre leur amour-propre, pour donner tout à l'amour de Dieu. [Fénelon, t. II, p. 187]

  Qui a à coeur, qui est très désireux de. Je suis jaloux d'acquérir votre estime. Du droit de commander je ne suis point jaloux. [Corneille, Sertorius] Mon esprit peu jaloux de vivre en la mémoire. [Voltaire, La mort de César] Qu'il [le flatteur] serve donc les grands, les flatte, les ménage.... De ses honteux trésors je ne suis point jaloux, Une pauvreté libre est un trésor si doux ! [Chénier, Élégies] Jaloux de donner à ma belle Le duplicata de mes traits, Je demande quel est l'Apelle Le plus connu par ses portraits. [Désaugiers, l'Atelier du peintre.]

• 2Qui est peiné de ne pas obtenir ou posséder ce qu'un autre obtient ou possède. Les dieux devinrent jaloux des bergers. [Fénelon, Télémaque] Ne soyez point jaloux du succès des autres. [Fénelon, ib. XI] Nos ennemis, si jaloux autrefois de nos prospérités, peuvent à peine se persuader nos malheurs et nos pertes. [Massillon, Carême, Mot. de conv.] Condé était jaloux en héros, et Louvois en ministre. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV]

  Jaloux sur une chose, qui la dispute par jalousie. De tels princes ne savent que se défier de tout le monde également ; ils sont jaloux sur les moindres choses. [Fénelon, Télémaque]

  Il se dit des choses, dans le même sens. Certain fat qu'à sa mine discrète Et son maintien jaloux j'ai reconnu poëte. [Boileau, Satires] Mais pouvaient-ils tromper tant de jaloux regards ? [Racine, Bajazet] Rome vous voit, Madame, avec des yeux jaloux. [Racine, Bérénice]

  Il s'emploie dans ce sens comme substantif. L'éclat de son grand nom lui fait peu de jaloux. [Corneille, Horace] Tout mort qu'il paraissait, il fit mille jaloux. [Corneille, Polyeucte] C'est un bien qui me doit faire mille jaloux. [Molière, Le dépit amoureux] Nous faisions des jaloux. [Molière, Les femmes savantes] Ce garçon-là fera bien des jaloux. [Sévigné, 102] Les jaloux de la France n'auront pas éternellement à lui reprocher les libertés de l'Église toujours employées contre elle-même. [Bossuet, Oraisons funèbres] Les jaloux du crédit et des grandes richesses de Clausus tournèrent à mal les intelligences qu'il avait prises avec Rome. [Le P. Catrou, dans DESFONTAINES] Tous les jaloux de la France y donnant les mains et le souhaitant. [D'argenson, Mém. t. II, p. 390, 1860]

• 3 Particulièrement. Tourmenté par la crainte de l'infidélité, jaloux par amour. Pour juste aux yeux de tous qu'en puisse être la cause, Une femme jalouse à cent mépris s'expose. [Corneille, Sophonisbe] Un amour si tranquille excite mon courroux ; C'est aimer froidement que n'être point jaloux. [Molière, Les fâcheux] Si Titus est jaloux, Titus est amoureux. [Racine, Bérénice] Moi jaloux ! qu'à ce point ma fierté s'avilisse ! [Voltaire, Zaïre] Libertin par ennui, jaloux par vanité. [Beaumarchais, Le mariage de Figaro, ou La folle journée]

  Il se dit aussi des sentiments. ....C'est ton humeur mutine, Et trop jalouse et déplaisante à Dieu, Qui te retient pour mille ans en ce lieu [purgatoire]. [La Fontaine, Féronde.] Je ne viens point ici, par de jalouses larmes, Vous envier un coeur qui se rend à vos charmes. [Racine, Andromaque] De mille soins jaloux jusqu'alors agitée. [Racine, Bajazet] Tu sais combien de fois ses jalouses tendresses Ont pris soin d'assurer la mort de ses maîtresses. [Racine, Mithridate] De ce soupçon jaloux écoutez-vous l'erreur ? [Voltaire, Zaïre] De mes transports jaloux l'injurieuse offense. [Voltaire, ib. IV, 3] Conçois-tu bien l'excès de mes fureurs jalouses ? [Voltaire, Le fanatisme, ou Mahomet le Prophète]

  Substantivement. Un jaloux. Une jalouse. Ma jalouse en fureur n'est pas femme à souffrir.... [Corneille, Médée] Où fuyez-vous ? - Où vous ne serez point, trop odieux jaloux. [Molière, Dom Garcie de Navarre, ou Le prince jaloux] ....Tu ne seras pas de ces jaloux affreux, Habiles à se rendre inquiets, malheureux, Qui, tandis qu'une épouse à leurs yeux se désole, Pensent toujours qu'une autre en secret la console. [Boileau, Satires] Elle y vint enfin avec son jaloux, qui visita d'abord, selon sa coutume, tous les appartements, les caves et les greniers. [Lesage, Le diable boiteux] Quoi ! vous joignez encore à cet ardent courroux La fureur des soupçons, ce tourment des jaloux ? [Voltaire, Alzire, ou Les américains] Il est de faux jaloux, j'en trouve chaque jour ; Et l'amour-propre fait peut-être Autant de tyrans que l'amour. [Imbert, Jaloux sans amour, I, 4]

• 4Dans l'Écriture sainte, le Dieu jaloux, c'est-à-dire le Dieu qui veut être adoré seul. Je suis le Seigneur votre Dieu, un Dieu jaloux, qui punis l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent. [Sacy, Bible, Deutér. V, 9] Comme il [Dieu] est beaucoup plus jaloux de nos affections que de nos respects, il est visible qu'il n'y a point de crime qui lui soit plus injurieux ni plus détestable que d'aimer souverainement les créatures, quoiqu'elles le représentent. [Pascal, Lettres] C'est du coeur qu'il [Dieu] est jaloux, et, pour ne le point irriter, on ne doit non plus partager son culte que son amour. [Bossuet, 2e instr. past. § 130] Ce Dieu jaloux, ce Dieu victorieux, Frémissez, peuples de la terre, Ce Dieu jaloux, ce Dieu victorieux Est le seul qui commande aux cieux. [Racine, Esther] Croyons-nous que Dieu, qui s'appelle un Dieu jaloux, soit moins sensible et moins délicat que l'homme ? [Massillon, Carême, Vérit. culte.]
• 5 Fig. et poétiquement. Qui fait obstacle, qui envie. Un voile jaloux dérobait ses charmes à tous les yeux. Mais depuis le moment que cette frénésie De ses noires vapeurs troubla ma fantaisie, Et qu'un démon jaloux de mon contentement M'inspira le dessein d'écrire poliment. [Boileau, Satires] J'accuserai les vents et cette mer jalouse, Qui retient, qui peut-être a ravi Lapeyrouse. [Chénier, Fragm. d'un poëme sur l'Amérique] Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse, Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur, S'en volent loin de nous de la même vitesse Que les jours de malheur ? [Lamartine, Méditations poétiques]
• 6Terme militaire. Qui est en jalousie, exposé aux attaques. Place jalouse, place exposée, et dont on peut facilement s'emparer.

  Par extension, périlleux. Lauzun se divertit à s'arrêter dans les endroits les plus jaloux, dès qu'il s'aperçut de la conduite de ces messieurs avec lui. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]

• 7 Terme de marine, sur la Méditerranée. Qui souffre des vagues de la mer, qui roule beaucoup en parlant d'un petit bâtiment, d'une barque, etc. dont l'agitation est comparée à celle d'un jaloux. Cette barque est jalouse. Il n'y a point de bâtiments plus jaloux.

  Il se dit également des berlines et autres voitures semblables, quand elles sont sujettes à pencher d'un côté ou de l'autre.