Voir les citations avec "nourrir"

nourrir

vt (nou-rir)
  • 1Allaiter un enfant (ce qui est le premier sens de nutrire en latin). Et qui [une fille] sous de feints noms, pour ne rien découvrir, Par son époux aux champs fut donnée à nourrir. [Molière, L'école des femmes] Au sein qui m'a nourri cette main s'est plongée. [Voltaire, Sémiramis] Le fils que j'ai nourri périrait à son tour. [Voltaire, Oreste, I, 5] Jeune femme, voulez-vous travailler à vous rendre heureuse, commencez d'abord par nourrir votre enfant. [Rousseau, Correspondance]

    Cette femme ne saurait nourrir d'enfants, c'est-à-dire elle a le malheur de perdre tous ses enfants dès le bas âge.

    Absolument. Cette femme nourrit.

  • 2Entretenir la vie par ce qui en répare les déperditions, alimenter. Les aliments les plus propres à nourrir l'homme. Les fruits de la terre nourrissent l'homme et les animaux. Trois lapins.... qui.... Sentaient encor le chou dont ils furent nourris. [Boileau, Satires]

    N'être pas nourri, n'avoir pas des aliments en qualité ou quantité suffisante.

    Absolument. Il y a des aliments qui nourrissent trop. Le vin nourrit.

  • 3Entretenir d'aliments, fournir des aliments. Il ne nourrit pas ses domestiques, il leur donne leurs vivres en argent. On est bien nourri, on est mal nourri dans cette pension. Il nourrit tant de chiens, de chevaux. Que Sibâ le [David] nourrissait. [Bossuet, Oraisons funèbres] Tous les jours je l'invoque [le Seigneur] ; et d'un soin paternel Il me nourrit des dons offerts sur son autel. [Racine, Athalie] Les chevaux que sa main a nourris. [Racine, Phèdre] On l'abandonne aux mains qui daignent le nourrir. [Racine, Bajazet] La loi naturelle ordonne aux pères de nourrir leurs enfants, mais elle n'oblige pas de les faire héritiers. [Montesquieu, L'esprit des lois] Il a poussé si loin l'ardeur philanthropique, Qu'il nourrit tous ses gens de soupe économique. [Étienne, les Deux gendres, I, 1]
  • 4 Par extension, élever, mener au terme de la croissance. Attale qu'en otage ont nourri les Romains. [Corneille, Nicomède] Rome, qui m'a nourri, vous parlera pour moi. [Corneille, ib. I, 2] Dieu lui nourrissait un vengeur. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Il fut nourri par les ministres mêmes de l'erreur [le protestantisme]. [Fléchier, Oraisons funèbres] Ô cher enfant que j'ai nourri, et qui m'as coûté tant de soins, je ne te verrai plus ; mais je verrai ta mère qui mourra de tristesse en me reprochant ta mort. [Fénelon, Télémaque]

    Nourrir à, élever dans. J'ai été nourri aux lettres dès mon enfance. [Descartes, Discours de la méthode]

    Nourrir dans, donner, par l'éducation, certaines habitudes, certaines idées, etc. Les pères nourrissaient leurs enfants dans cet espoir. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Idoménée a été nourri dans des idées de faste. [Fénelon, Télémaque] Il avait été nourri dans la mollesse. [Fénelon, ib. II] Il est vrai, ma cruelle prudence, Dans une erreur coupable a nourri son enfance. [Briffaut, Ninus II, III, 7]

    Fig. Il nourrit un serpent dans son sein, il protége, il assiste un ingrat, un méchant qui le perdra.

    Dans un sens analogue. Votre soin téméraire Nourrit un ennemi dont il faut se défaire. [Voltaire, L'orphelin de la Chine]

  • 5Élever des bestiaux, en trafiquer. Nourrir des moutons, des boeufs, des chevaux.

    Nourrir des vers à soie, les élever jusqu'à ce qu'ils soient en cocons et en soie.

  • 6Il se dit de ce qui donne, fournit de quoi vivre. La Sicile nourrissait Rome. Ces provinces nourrissaient la capitale. Cette terre le nourrit, lui et toute sa famille. Je veux un métier qui me nourrisse. Entends ce jeune abbé, sophiste bel esprit : Monsieur fait le procès au Dieu qui le nourrit. [Gilbert, Le XVIIIe siècle]
  • 7Produire, porter. Ce pays nourrit une nombreuse population. Et tout ce que l'Espagne a nourri de vaillants. [Corneille, Le Cid] Son menton nourrissait une barbe touffue ; Toute sa personne velue Représentait un ours, mais un ours mal léché. [La Fontaine, Fables]
  • 8 Fig. Il se dit des aliments intellectuels et moraux. ....Notre plus grand soin, notre première instance Doit être à le nourrir [l'esprit] du suc de la science. [Molière, Les femmes savantes] Quand je veux nourrir mon esprit et ma pauvre âme. [Sévigné, 14 juill. 1680] Vous dites que l'espérance est si jolie ; hélas ! il faut qu'elle le soit encore au delà de ce que vous dites, pour nourrir plus de la moitié du monde comme elle fait. [Sévigné, 11 sept. 1675] Vous m'occupez toute la semaine ; le lundi au matin je les reçois [vos lettres], je les lis.... le jeudi j'attends le vendredi matin ; en voilà encore : cela me nourrit de la même sorte jusqu'au dimanche. [Sévigné, 12 juin 1680] Le troupeau que je dois nourrir de la parole de vie. [Bossuet, Oraisons funèbres] Aimez-donc la vertu, nourissez-en votre âme. [Boileau, L'art poétique]

    En un sens défavorable. Nourrir son imagination de chimères.

  • 9Entretenir, faire profiter. La bonne terre nourrit les plantes, les arbres. Mettre du fumier auprès d'un arbre pour le nourrir. La pommade nourrit les cheveux. Je vous souhaite souvent à l'air de ces bois [aux Rochers], qui nourrit le teint comme à Livry. [Sévigné, 11 déc. 1675] Assur, dit le saint prophète, s'est élevé comme un grand arbre ; le ciel l'a nourri de sa rosée, la terre l'a engraissé de sa substance. [Bossuet, Sermons]
  • 10Particulièrement, entretenir, faire durer, en parlant de choses matérielles qui consument ou se consument. Ils lancent des torches ardentes et telles autres choses propres à nourrir le feu. [Vaugelas, Q. C. IV, 3] Il est probable que des comètes tombent dans le soleil ; les newtoniens conjecturent même que cela arrive, et ils le croient nécessaire pour nourrir cet astre, qui s'épuiserait insensiblement, puisqu'en répandant la lumière il perd continuellement de sa substance. [Condillac, Art de rais. III, 5]

    Nourrir le feu, entretenir une canonnade, une fusillade non interrompue. [À Fontenoy] la masse anglaise, faisant face de tout côté.... nourrissait ce feu continu quand elle était attaquée. [Voltaire, Précis du siècle de Louis XV]

  • 11 Fig. Faire durer en soi des sentiments, des passions, etc. Et [son esprit] nourrissait ainsi d'éternelles douleurs. [Corneille, Horace] Et l'accueil gracieux qu'il recevait de vous Lui permet de nourrir un espoir assez doux. [Corneille, ib. I, 3] Souvenez-vous de votre dernière fin, et cessez de nourrir de l'inimitié contre personne. [Sacy, Bible, Ecclésiastiq. XXVIII, 6] Tu nourrissais dans ton coeur une secrète estime de toi-même. [Bourdaloue, Serm. 24, Dim. après la Pentecôte, Domin. t. IV, p. 429] Cette vive et constante tendresse qu'elle nourrissait pour lui [le roi] dans son coeur. [Fléchier, Oraisons funèbres] Pourquoi nourrissez-vous le venin qui vous tue ? [Racine, Britannicus] Qui, dans l'obscurité nourrissant sa douleur,... [Racine, ib. II, 3] Je nourrissais encore un malheureux amour. [Racine, Mithridate] Vous nourrissez un feu qu'il vous faudrait éteindre. [Racine, Phèdre] La haine qu'il avait nourrie dans son coeur contre Ulysse. [Fénelon, Télémaque] Nourrir des envies, des animosités. [Massillon, Avent, Disp.] Des passions que vous nourrissez dès l'enfance. [Massillon, Carême, Impén.] J'ai nourri mes chagrins sans les manifester. [Voltaire, Sémiramis] Je nourris dans mon coeur le mépris des richesses. [St-lamb. Sais. II]

    Il se dit des personnes ou des choses qui entretiennent, font durer un sentiment, une chose morale en quelqu'un. Toujours pour nourrir mon souci S'offrira-t-il à ma pensée ? [Régnier, Ode.] Son humeur satirique est sans cesse nourrie Par le coupable encens de votre flatterie. [Molière, Le misanthrope] C'est [Issy] un lieu où je vous ai vue ; cela nourrissait fort la tendresse. [Sévigné, 13 mai 1671] Perte de temps et lettres inutiles, qui ne sont bonnes qu'à nourrir la lenteur et la nonchalance de mes yeux. [Sévigné, 20 juillet 1694] Je connais les manières des provinces, et je sais le plaisir qu'on y prend à nourrir les divisions. [Sévigné, 28 nov. 1670] Ma douceur a nourri son criminel espoir. [Corneille Th. Cte d'Ess. II, 2] Il [Jurieu] n'oublie rien pour nourrir en eux [les protestants réfugiés] ces sentiments qui les poussent à la révolte. [Bossuet, 5e avert. § 11] Puisse le juste ciel dignement te payer, Et puisse ton supplice à jamais effrayer Tous ceux qui, comme toi, par de lâches adresses, Des princes malheureux nourrissent les faiblesses ! [Racine, Phèdre] C'est ma mère, et je veux ignorer ses caprices ; Mais je ne prétends plus ignorer et souffrir Le ministre insolent qui les ose nourrir. [Racine, Britannicus] Ces lits où la mollesse S'unit avec les maux, Nourrissent la paresse, Sans donner le repos. [Favart, Annette et Lubin. sc. 8] Ses périls nourrissaient ma tendresse inquiète. [Voltaire, La méroppe française] Et qu'elle serait assez heureuse pour se guérir d'un amour que rien ne nourrirait plus. [Voltaire, Cosi sancta.] Ici votre indulgence et le nom de son père Nourrissent son orgueil au sein de la misère. [Voltaire, Oreste, II, 4] Mme de Maintenon, qui blâmait Louis XIV, le laissait faire et l'a même excité plus d'une fois à être sévère ; elle nourrissait donc en lui des défauts qu'elle condamnait. [Condillac, Art d'écrire, II, 5] Sa passion préparerait votre malheur et le sien, si vous la nourrissiez. [Diderot, Le père de famille]

  • 12Nourrir une action, fournir un supplément de finance au capital d'une action. Soit honneur, soit raison, soit impuissance, un grand nombre de personnes ne nourrissaient pas leurs actions, qui perdaient alors les trois quarts de leur prix originaire. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]

    Nourrir un numéro à la loterie, mettre sur le même numéro à chaque tirage, en augmentant toujours la mise.

  • 13 Terme de peinture. Nourrir un tableau de couleurs, mettre les couleurs assez abondamment pour qu'on puisse les mêler aisément et les empâter.

    Nourrir le trait, éviter la maigreur, la sécheresse.

    Terme de calligraphie. Nourrir ses lettres, faire que les traits soient suffisamment chargés d'encre, pour qu'ils ne soient pas trop maigres.

    En termes de musique, nourrir les sons, faire qu'ils soient pleins et retentissants, et les soutenir exactement pendant leur durée.

  • 14Nourrir le style, le fortifier soit par des expressions abondantes, soit par des citations, etc.
  • 15Nourrir ses grades, en matière bénéficiale, c'était renouveler l'insinuation dans le temps prescrit pendant le carême (voir INSINUATION, n° 2).
  • 16Se nourrir, vpron Prendre pour aliment. Se nourrir de pain. Maintenant, pour nous nourrir, il faut répandre du sang malgré l'horreur qu'il nous cause naturellement. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] C'est un personnage illustre dans son genre, et qui a porté le talent de se bien nourrir jusques où il pouvait aller ; on ne reverra plus un homme qui mange tant et qui mange si bien. [La Bruyère, XI] Les hommes qui ne se nourrissent que de chair crue ou de poisson sec, de sagou ou de riz, vivent aussi longtemps que ceux qui se nourrissent de pain ou de mets préparés. [Buffon, Histoire naturelle générale et particulière]

    Cet enfant, cet animal se nourrit bien, se nourrit mal, les aliments lui profitent bien, ne lui profitent pas.

    Cet arbre n'a pas de quoi se nourrir, il est planté dans une mauvaise terre.

  • 17 Fig. Il se dit des aliments intellectuels et moraux. Votre frère est tout à fait tourné du côté de la dévotion.... il viendra un jour [la mort] où l'on sera bien heureux de s'être nourri dans ces sortes de pensées chrétiennes. [Sévigné, 27 déc. 1684] Il fait un carême éternel ; et, durant ce carême, il semble qu'il ne se nourrisse que d'oraisons et de jeûnes. [Bossuet, 2e panég. St Franç. de Paule, 1] Me nourrissant de fiel, de larmes abreuvée. [Racine, Phèdre] Il apprit à se nourrir de la vérité. [Fénelon, Télémaque] Cet édifice et le terrain qui l'entoure appartenait jadis au célèbre Lebrun, qui se plut à le bâtir et le décorer avec ce goût exquis d'ornement et d'architecture dont le grand peintre s'était nourri. [Rousseau, Les confessions]
  • 18 Terme de marine. Se nourrir, se dit de l'état du ciel qui annonce quelque tempête. Le ciel commence à se nourrir.

PROVERBES

Il n'y a point de petit métier, il n'y a si petit métier qui ne nourrisse son maître, c'est-à-dire le travail, quelque peu lucratif qu'il soit, donne de quoi vivre.

Une besace bien promenée nourrit son maître.

SYNONYME

NOURRIR, ALIMENTER. Nourrir, c'est proprement fournir l'aliment à l'enfant, au petit qui vient de naître. Alimenter est plus général ; il se dit de toute espèce de choses qui entretiennent la vie. Mais, quand nourrir passe à son sens plus général, il devient alors tout à fait synonyme d'alimenter ; seulement, alimenter en ce sens a toujours quelque chose de technique.

  • rechercher