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pain

nm (pin ; l'n ne se lie pas : pain au lait ; au pluriel, l's se lie : des pain-z au lait. Au XVIe siècle, Lacroix du Maine dit que pain était la prononciation parisienne, et qu'ailleurs on prononçait pin, mais il ne dit pas ce qu'était cette prononciation de pain)
  • 1Aliment fait de farine pétrie et cuite. Pain tendre. Pain rassis. Il vous a donné pour nourriture la manne, qui était inconnue à vous et à vos pères, pour vous faire voir que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. [Sacy, Bible, Deut. VIII, 3] Pourquoi nous reprocher sans cesse que nous renversons la nature, et qu'un corps ne peut être en plusieurs lieux, ni nous être donné tout entier sous la forme d'un petit pain ? [Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes] Je crains que vous ne fassiez pas bien le pain d'orge ; personne ne s'en accommode en potage ; j'en ai mangé avec du froment, qui est très bon. [Maintenon, Lettres] (voy. quelques lignes plus bas le même fait raconté par Voltaire). Après avoir au Dieu qui nourrit les humains De la moisson nouvelle offert les premiers pains. [Racine, Athalie] Le ministre Colbert avait vu le temps de la Fronde, temps où la livre de pain se vendit dix sous et davantage dans Paris et d'autres villes. [Voltaire, Correspondance] Un soldat osa présenter au roi avec murmure, en présence de toute l'armée, un morceau de pain noir et moisi, fait d'orge et d'avoine, seule nourriture qu'ils [les Suédois en Ukraine] avaient alors.... le roi reçut le morceau de pain sans s'émouvoir, le mangea tout entier, et dit ensuite froidement au soldat : Il n'est pas bon, mais il peut se manger. [Voltaire, Histoire de Charles XII] Avant le seizième siècle, plus de la moitié du globe ignorait l'usage du pain et du vin ; une grande partie de l'Amérique et de l'Afrique orientale l'ignore encore ; et il faut y porter ces nourritures pour y célébrer les saints mystères de notre religion. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII] On ne mangea dans Paris que du pain bis pendant quelques mois (en 1709) ; plusieurs familles, à Versailles même, se nourrirent de pain d'avoine ; Mme de Maintenon en donna l'exemple. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV] Si les habitants voluptueux des villes savaient ce qu'il en coûte de travaux pour leur procurer du pain, ils en seraient effrayés. [Voltaire, Dictionnaire philosophique] Le reste du petit-lait que l'on a mis en réserve sert à amollir le sec et grossier pain d'avoine qui est la principale nourriture du pauvre paysan savoyard. [Saussure, Voir Alpes, t. I, p. 344, dans POUGENS] Pour faire de bon pain et le plus sain, le blé doit être vieux et bien sec. [Genlis, Maison rust. t. II, p. 69, dans POUGENS] Le pain de pommes de terre est composé de moitié amidon et moitié pulpe, d'un demi-gros de sel par livre de mélange. [Genlis, ib. p. 83] L'homme prend tous les jours entre trois et quatre grammes de phosphate calcaire dans la quantité de pain qui fait sa nourriture la plus abondante. [Fourcroy, Connaiss. chim. t. x, p. 404. dans POUGENS] Dans presque toute la France, l'habitant ne vit que de pain ; et, cette nourriture exigeant une quantité très volumineuse pour opérer la satiété, et d'autant plus volumineuse qu'elle est d'une qualité plus inférieure, ce n'est pas évaluer trop haut la consommation journalière à trois livres pour l'homme qui travaille. [Toulongeon, Instit. Mém. scienc. mor. et pol. t. III, p. 109] Le Russe.... Las de pain noir et de gland, Veut manger notre pain blanc. [Béranger, Gaulois.] La peine infligée au boulanger qui vole le pain du pauvre doit être au moins égale à la peine du pauvre qui vole le pain du boulanger. [Alph. Karr, les Guêpes, 2 sept. 1840]

    Pain anglais, nom que porte à Paris un pain très blanc et très poreux.

    Petit pain, voir PETIT.

    Pain second, nom, dans quelque provinces, d'un pain légèrement bis et qui vient immédiatement après le pain blanc.

    Pain de Gonesse, pain blanc renommé que les boulangers de Gonesse apportaient à Paris. On sait que le pain de Gonesse a été longtemps en grande réputation ; à la vérité, il était fort blanc, mais épais et massif ; d'ailleurs il se séchait aisément ; ce qui fut cause qu'on s'en dégoûta. [Saint-foix, Ess. Paris, Oeuv. t. III, p. 363]

    Pain mollet, sorte de petit pain blanc qui est léger et délicat. L'écume de bière qu'ils détrempent avec de la farine pour en faire le pain mollet. [Genlis, Maison rust. t. II, p. 71, dans POUGENS]

    Pain de rive, voir RIVE.

    Pain de munition, pain qu'on fabrique pour les soldats.

    Ils vont faire la guerre au pain, se dit de gens qui rentrent affamés au logis.

    Il mange son pain dans sa poche ou dans son sac, se dit d'un avare ou d'un homme qui vit retiré.

    Il ne mange pas son pain dans sa poche, c'est-à-dire il est dépensier, généreux. C'est un grivois qui ne mange pas son pain dans sa poche. [Carmontelle, Prov. l'Écriv. des charniers, sc. 11]

    Il ne vaut pas le pain qu'il mange, se dit d'un fainéant, de quelqu'un d'inutile.

    Il sait son pain manger, il sait plus que son pain manger, se dit d'un homme habile, qui a voyagé, qui a été de plusieurs conditions. Gens qui savent leur pain manger, Savent bien aussi le défendre. [Scarron, Virgile travesti]

    Il mange son pain blanc le premier, se dit d'un enfant, d'un homme qu'on prévoit ne devoir pas être toujours dans une condition aussi heureuse que celle où il est présentement. Bénissant Dieu qui ne leur avait pas fait manger leur pain blanc le premier. [Racine, 1re lett. à l'aut. des Imag.]

    Fig. Manger son pain à la fumée du rôt, ou, simplement, à la fumée, être témoin des plaisirs d'autrui sans y prendre part.

    Il a mangé plus d'un pain, il a couru le monde.

    Fig. Manger de plus d'un pain, user de variété, ne pas toujours puiser à la même source. Boccace n'est le seul qui me fournit.... Il est bien vrai que ce divin esprit Plus que pas un me donne de pratique ; Mais, comme il faut manger de plus d'un pain, Je puise encore en un vieux magasin. [La Fontaine, Servante.]

    Fig. Ne manger que d'un pain, n'avoir aucune variété. C'est une étrange chose, que d'être obligé de ne manger que d'un pain, l'on s'en ennuie à la fin. [Hauteroche, Crispin médecin]

    Fig. Pain dérobé, plaisir qu'on obtient en cachette et par une sorte de vol. En l'amoureuse loi, Pain qu'on dérobe et qu'on mange en cachette Vaut mieux que pain qu'on cuit et qu'on achète. [La Fontaine, Troqueurs.] Pain dérobé réveille l'appétit. [Ducerceau, Poésies, Nouvelle ève.]

    Il a du pain, quand il n'a plus de dents, se dit d'un homme à qui le bien arrive quand il est vieux.

    C'est du pain bien long, c'est une entreprise de longue durée.

    C'est du pain bien dur, c'est une condition fâcheuse où le besoin force à rester. Ce monsieur Jaquillart me fait manger un pain bien dur. [Picard, Maison en loterie, SC. 6]

    Long comme un jour sans pain, se dit d'une chose qui ennuie mortellement. Au bout d'une demi-heure, qui me parut longue comme un jour sans pain. [Comte de Caylus, (GROSLEY), etc. Écosseuses, Oeuv. t. x, p. 530, dans POUGENS.]

    Il est bon comme le bon pain, comme du bon pain, se dit d'un homme bon et doux.

    Il promet plus de beurre que de pain, se dit de quelqu'un qui promet plus qu'il ne veut tenir.

    On l'a donné pour un morceau de pain, se dit de quelque chose de valeur vendu très bon marché. Mme la princesse de Conti eut Champ pour une pièce de pain qu'elle donna à la Vallière. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon] Ils ont donné pour un morceau de pain telle composition que nous offririons inutilement de couvrir d'or. [Diderot, Salons de peinture]

    Il y a là un morceau de pain à manger, c'est un ouvrage, une entreprise profitable.

    Pain sec, punition qu'on infligeait dans les colléges, et qui consistait à ne donner au délinquant que du pain pour son repas.

    Mettre au pain et à l'eau, se dit d'une punition dans laquelle on ne donne au délinquant que du pain et de l'eau pour toute nourriture. Alors qu'ont fait les druides [les inquisiteurs] ? ils ont fait condamner le vieux philosophe [Galilée] à jeûner au pain et à l'eau.... [Voltaire, Dialogue de Pégase et du vieillard]

    Fig. Je vois d'ici la tranquillité où vous étiez à Lambesc toute seule, pendant que votre cour se reposait avec le pain et l'eau de la paresse. [Sévigné, 10 fév. 1672]

    Populairement. Faire passer, faire perdre le goût du pain, tuer.

  • 2 Par extension, la nourriture de chaque jour. Chaque jour amène son pain. [La Fontaine, Fables] Ne te plains pas que Dieu te maltraite en te refusant toutes ces délices ; mon cher frère, n'as-tu pas du pain ? il ne promet rien davantage ; c'est du pain qu'il promet dans son Évangile, c'est du pain qu'il veut qu'on lui demande. [Bossuet, Sermons] Que le soir dans les bals, le matin dans les temples, Brillantes, on vous voie, une bourse à la main, Demander pour les Grecs des armes et du pain. [P. Lebrun, Voir de Grèce, x, 5]

    Pain quotidien, expression employée dans l'oraison dominicale pour signifier la nourriture de chaque jour, les besoins journaliers. J'ai ouï conter qu'on avait fait le procès dans un temps de famine à un homme qui avait récité tout haut son Pater ; on le traita de séditieux, parce qu'il prononça un peu haut : Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien. [Voltaire, Correspondance, 26 sept. 1770]

    Fig. Pain quotidien, ce que l'on fait habituellement. Il médit sans cesse, c'est son pain quotidien.

    Pain des prisonniers, le pain que l'on distribue journellement aux prisonniers. On condamnait autrefois certains délinquants à payer tant pour le pain des prisonniers.

  • 3Pain du roi, se disait du pain que le roi donnait pour la nourriture des prisonniers, et qui se prenait sur le fonds des amendes. La cour envoya Chandenier au château de Loches, au pain du roi comme un criminel. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]

    Il a mangé du pain du roi, il a été en prison.

    Il a mangé du pain du roi, se disait aussi pour signifier qu'un homme avait été militaire.om donné au morceau de pâte, avant qu'il soit cuit. Mettre le pain au four. Pétrissez vite trois mesures, et faites cuire des pains sous la cendre. [Sacy, Bible, Genèse, XVIII, 6]

    Du pain cuit, du pain qui a subi la cuisson au four.

    Fig. Du pain cuit, ouvrage fait d'avance, épargne faite pour l'avenir. Voilà du pain cuit.

    Avoir son pain cuit, avoir sa subsistance assurée.

    Avoir du pain cuit sur la planche, ou, simplement, avoir du pain sur la planche, avoir de quoi vivre en repos, sans travailler (en Berry, on dit avoir du pain sur l'ais).

    Fig. Elle a pris ou emprunté un pain sur la fournée, se dit d'une fille qui a eu un enfant avant de se marier. Ainsi que vous pleine d'enseignements, Oricène [la maîtresse d'Amadis] prêchait, faisant la chatte-mitte ; Après mille façons, cette bonne hypocrite, Un pain sur la fournée emprunta, dit l'auteur : Pour un petit poupon l'on sait qu'elle en fut quitte. [La Fontaine, Oeuvres diverses, Ballade sur les romans (1667)]

    Pain sans levain, ou pain azyme, pain que les Juifs mangeaient en faisant la pâque. Vous mangerez des pains sans levain pendant sept jours. [Sacy, Bible, Exode, XII, 15]

  • 4Pain de proposition, se dit des douze pains qui étaient offerts à Dieu dans l'ancienne loi les jours de sabbat, et dont les prêtres et les lévites avaient seuls droit de manger. Comme il [David] entra dans la maison de Dieu, et mangea des pains de proposition, dont il n'était permis de manger ni à lui, ni à ceux qui étaient avec lui. [Sacy, Bible, Évang. St Math. XII, 4]

    Pain d'affliction, pain que les Juifs mangeaient en souvenir de leur sortie d'Égypte. Vous ne mangerez point pendant cette fête de pain avec du levain ; mais pendant sept jours vous mangerez du pain d'affliction où il n'y ait point de levain, parce que vous êtes sortis de l'Égypte dans une grande frayeur. [Sacy, Bible, Deutéron. XVI, 3]

    En style mystique, pain de douleur, le temps qu'on passe dans l'affliction. Le Seigneur vous donnera du pain de douleur et de l'eau d'affliction. [Sacy, ib. Isaïe, xxx, 20] Tu ne mangeras qu'un pain de douleur, c'est-à-dire un pain que tes sueurs auront détrempé, avant qu'il puisse être employé à ta nourriture. [Bourdaloue, Dim. de la septuagés. Dominic. t. I, p. 339]

    On dit de même : un pain de larmes. Jusqu'à quand vous nourrirez-vous d'un pain de larmes ? [Sacy, Bible, Psaume LXXIX, 6]

    Pain d'amertume, chose qui afflige. La vérité n'est plus pour eux qu'un pain d'amertume. [Massillon, Carême, Dégoûts.]

    En style de procédure ecclésiastique, être condamné au pain de douleur, être condamné au pain et à l'eau.

  • 5Pain bénit, pain que le prêtre bénit, et qu'on coupe par morceaux pour le distribuer aux fidèles durant une messe solennelle. Un morceau, un chanteau de pain bénit.

    Rendre le pain bénit, donner à l'église le pain qui doit être bénit ; aller présenter ce pain à l'offrande. Il rendit le pain bénit d'une manière solennelle. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] J'oubliais de vous dire que Mlle Clairon a déjà rendu le pain bénit, voilà ce que c'est que de quitter le théâtre. [D'alembert, Lett. à Voltaire, 13 juin 1766]

    Fig. C'est pain bénit, se dit d'une disgrâce qui arrive à quelqu'un qui l'a bien méritée. [Tromper] C'est conscience à ceux qui s'assurent en nous ; Mais c'est pain bénit, certe, à des gens comme vous. [Molière, L'école des maris] Ils disent que c'est pain bénit de venir ronger un homme de robe à la campagne, et qu'à Paris c'est vous qui rongez les autres. [Dancourt, Maison de camp. SC. 21]

  • 6Nom que l'on donne quelquefois à l'hostie.

    Pain céleste, pain des anges, pain de l'âme, l'eucharistie. Le sacrement auquel nous participons dans la communion, est le pain de l'âme et son aliment. [Bourdaloue, Serm. 23e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. IV, p. 412]

    Fig. Pain du ciel, pain de vie, Jésus-Christ et sa doctrine. Nos pères ont mangé la manne dans le désert, selon ce qui est écrit : Il leur a donné à manger le pain du ciel. [Sacy, Bible, Év. St Jean, VI, 31] Le pain de Dieu est celui qui est descendu du ciel, et qui donne la vie au monde. [Sacy, ib. VI, 33] Jésus leur répondit : Je suis le pain de vie ; celui qui vient à moi n'aura point de faim. [Sacy, ib. VI, 35] Demandons-lui que chaque jour il nous fournisse le pain qui doit entretenir la vie de nos âmes, le pain de sa grâce, ce pain supersubstantiel, pour me servir de l'expression même de l'Évangile. [Bourdaloue, 5e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 203]

    Pain de la parole de Dieu, ou, simplement, pain de la parole, enseignement des vérités morales et religieuses. Le devoir de Brousson était de distribuer le pain de la parole à ses frères. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV]

    Le pain des forts, les vérités de la religion chrétienne. Ah ! si nous ne sommes infatigables à instruire, à reprendre, à consoler, à donner le lait aux infirmes et le pain aux forts. [Bossuet, Oraisons funèbres] Le pain qu'on y distribue est la force des forts. [Massillon, Avent, Disp.] Je crus voir devant moi Un de ces champions des vérités nouvelles Que les anges de Dieu servaient, couvaient des ailes, ....nourris déjà du pain caché du fort. [Lamartine, Jocelyn]

    En termes de l'Écriture, il ne faut pas donner aux chiens le pain des enfants, c'est-à-dire il ne faut pas communiquer les choses saintes aux personnes profanes.

  • 7 Fig. Subsistance. Gagner son pain. Elle a considéré les sentiers de sa maison, et elle n'a point mangé son pain dans l'oisiveté. [Sacy, Bible, Prov. de Salom. XXXI, 27] Une erreur qui donne du pain à tant de personnes. [Molière, L'amour médecin] C'est le pain de ses enfants qu'il a joué. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] Vous serez heureux dans cette maison, et vous y gagnerez du pain pour le reste de vos jours. [Lesage, Guzman d'Alfarache] Les soldats se firent mahométans pour avoir du pain. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII] Il est vrai que, faible, infirme, découragé, je reste à peu près sans pain sur mes vieux jours et hors d'état d'en gagner. [Rousseau, Correspondance] Cette entreprise doit m'assurer du pain, sans lequel il n'y a ni repos ni liberté parmi les hommes. [Rousseau, Correspondance] Quand, cessant de pourvoir à ma subsistance, elle verrait le pain prêt à lui manquer. [Rousseau, Les confessions] Le pauvre aime mieux du pain que la liberté. [Rousseau, Lettres écrites sur la montagne] Mme Hébert : Ah ! monsieur, c'est le garçon le plus honnête ! - Sophie : C'est un malheureux qui gagne son pain comme nous, et qui a uni sa misère à la nôtre. [Diderot, Le père de famille] Et que ne fait-on pas des hommes avec de l'honneur et du pain ! [Marmontel, Bélisaire]

    Manger le pain de quelqu'un, recevoir de lui de quoi vivre. Ceux qui mangent son pain le trompent par leurs discours. [Sacy, Bible, Ecclésiast. XX, 18] On jugea que c'était un serviteur ingrat et malhonnête qui décriait celui dont il avait longtemps mangé le pain. [Voyer, MARQUIS D'ARGENSON, Mém. p. 247, dans POUGENS] Je mangerais volontiers avec elle le pain qu'elle aurait gagné, jamais celui qu'elle aurait reçu ; j'en appelle sur ce point à son témoignage. [Rousseau, Les confessions]

    Manger le pain de quelqu'un, signifie aussi être à son service comme domestique.

    Ôter le pain, faire perdre les moyens de subsister. La perte de ce procès ôte le pain à vous et à vos enfants. [Bossuet, Sermons] Champagne, au sortir d'un long dîner qui lui enfle l'estomac, et dans les douces fumées d'un vin d'Avenay ou de Sillery, signe un ordre qu'on lui présente, qui ôterait le pain à toute une province, si l'on n'y remédiait. [La Bruyère, VI]

    Ôter à quelqu'un le pain de la main, même sens. Je n'avais qu'un héritage ; on me l'a brûlé ; ah ! l'on m'ôte le pain des mains. [Bossuet, Sermons]

    S'ôter le pain de la bouche pour quelqu'un, se priver du nécessaire afin de lui fournir de quoi vivre.

    Mettre le pain à la main, fournir le pain qui fait vivre. Pourquoi donc, reprit le roi, avez-vous battu ce pauvre laboureur qui vous met le pain à la main ! [Saint-foix, Oeuv. t. III, p. 307, dans POUGENS]

    Fig. Mettre le pain à la main de quelqu'un, être la première cause de sa fortune.

    Fig. Tremper son pain de ses larmes, vivre dans une componction continuelle.

    Ancien terme de droit. Être en pain de père et de mère, être soumis à la puissance paternelle.

    Dans le langage général, être au pain de quelqu'un, recevoir de lui un salaire pour quelque emploi. Qu'est-ce qu'un citoyen de Genève qui se dit libre, et qui va se mettre au pain d'un fermier général ? [Voltaire, Correspondance]

  • 8Pain de chien, pain grossier destiné à la nourriture des chiens.

    Pain de cretons, voir CRETONS.

    Terme de vénerie. Pain salé, composition d'argile et de sel qu'on fait lécher aux cerfs, aux daims et aux chevreuils, dans les parcs.

  • 9Pain d'épice, voir ÉPICE.

    Il aime le pain d'épice, se disait d'un juge qui taxait trop haut ses vacations.

    Pain d'épice, coquille univalve.

    Pain perdu, nom donné en cuisine provinciale, surtout dans la Flandre française, à la brioche frite.

  • 10Pain aux champignons, aux mousserons, à la crème, sorte de mets fait avec la croûte d'un pain, des champignons, des mousserons, de la crème.
  • 11Pain à cacheter, petit rond de pain sans levain, dont on se sert pour cacheter les lettres.

    Pain d'autel, hostie. On dit aussi : pain à chanter, voir CHANTER, vi n° 1.

    Pain à chanter, se dit aussi du pain à cacheter et d'une espèce de pain qu'on emploie dans les offices, pour couvrir le dessus et le dessous des nougats.

    Voltaire a dit en ce dernier sens, pain enchanté. Mme d'Argental, qui est l'adresse même, coupera le papier avec ses petits ciseaux, et le collera bien proprement à sa place, avec quatre petits pains qu'on nomme enchantés ; vous savez par parenthèse, pourquoi on leur a donné ce drôle de nom. [Voltaire, Correspondance]

  • 12Certaines substances mises en masse, et dont la forme est comparée à celle d'un pain. Pain de sucre, pain de bougie, pain de vieux oing, pain de savon, etc. se disent de ces matières préparées sous la forme dans laquelle on les vend.En pain de sucre, en forme de cône. Les femmes, sous le règne de Charles VI, étaient coiffées d'un haut bonnet en pain de sucre ; elles attachaient au haut de ce bonnet un voile qui pendait plus ou moins bas selon la qualité de la personne. [Saint-foix, Ess. Paris, Oeuv. t. IV, p. 115, dans POUGENS] On est surpris de voir cette montagne [le Môle], qui de Genève paraît un pain de sucre, se prolonger dans la direction de la vallée de l'Arve. [Saussure, Voir Alpes, t. II, p. 127, dans POUGENS]

    Pain sacré, morceau de cire bénit qu'on enchâsse dans des reliquaires.

    Pain de noix, pain d'olives, masse formée du résidu des noix, des olives, quand on en a extrait l'huile.

    Pain de noix est aussi le nom, en quelques provinces, du nougat de noix.

    Pain de roses ou chapeau de roses, nom qu'on donne au mare de roses qui reste dans l'alambic, après qu'on en a tiré l'eau, l'huile ou d'autres extraits.

    Terme rural. La masse de vendange qui surnage sur la cuve au-dessous du chapeau.

  • 13Pain d'acier, sorte d'acier qui vient d'Allemagne, différent de celui qu'on nomme acier en bille.

    Pain de liquation, alliage de cuivre avec trois fois son poids de plomb, auquel on donne la forme de pains aplatis.

    Terme de monnaie. Pain d'affinage, l'argent qui se fixe, en masse plate, dans la coupelle où il a été mis pour l'affiner.

  • 14Pain de noeuds, morceau, fragment de pierre d'ardoise.

    Terme de sculpteur. Masse de terre préparée et corroyée pour modeler.

  • 15Arbre à pain, le jaquier. L'arbre à pain sauvage porte des fruits hérissés de grosses pointes.... tandis que l'excellente variété qu'on cultive aux îles des Amis produit des fruits lisses, couverts d'une pellicule très mince. [Labillardière, Instit. Mém. scienc. phys. et math. sav. étrang. t. I, p. 472] Quand on le cueille avant sa maturité, il a le goût d'artichaut, et on le mange comme du pain. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]

    Pain de coucou, alleluia.

    Pain-de-hanneton, les fruits de l'orme.

    Pain-de-loup, espèce de champignon.

    Pain-de-pourceau, voir CYCLAME.

    Pain-de-singe, fruit du baobab.

  • 16Pain fossile, concrétion calcaire.

    Pain ou miche de quatorze sous, masse de strontiane sulfatée.

    Pain de corbeau, variété de mica en masse.

PROVERBES

À mal enfourner on fait les pains cornus ; c'est-à-dire le principal d'une affaire, c'est de la bien commencer.

Il va à la messe des morts, il y porte pain et vin, se dit d'un homme qui déjeune avant d'aller à la messe.

Tel pain, telle soupe, c'est-à-dire les choses sont bonnes suivant la matière qu'on y met.

Pain coupé n'a point de maître, se dit lorsqu'à table on prend le pain d'un autre.

Liberté et pain cuit, c'est-à-dire on est heureux quand on a du bien et qu'on n'est sujet à personne.

Pain tendre et bois vert mettent la maison au désert, c'est-à-dire les dépenses mal entendues ruinent les maisons.

Le pain d'autrui est amer, c'est-à-dire il est pénible de tenir d'un étranger sa subsistance.

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18Pain de hanneton, nom que les enfants et les gens du peuple donnent aux fruits de l'orme.
19Pain du pauvre, espèce de potiron qui vient de Valparaiso, Journ. offic. 13 oct. 1874, p. 6997, 3e col.
20être né avant son pain, se dit d'un orphelin laissé sans ressources. Coluchon était né avant son pain, comme disent les paysans, c'est-à-dire que le pauvre orphelin restait sans aucunes ressources. [De Curzon, Une vie de paysan, dans Bull. de la Société académ. de Poitiers (séance du 4 juin 1873), p. 99] Nous qui sommes nés avec du pain sur la planche, comme on dit à la campagne, nous ne nous rendons pas compte des poignantes difficultés que doit résoudre pour subsister l'homme qui est né avant son pain. [De Curzon, ib.]
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