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parole

nf (pa-ro-l')
  • 1Sentence, mot notable, dit (sens qui, vu l'étymologie de ce mot, est le plus voisin de parabola, acception primordiale). Parole mémorable. Il a dit une belle parole. Parole pleine de justesse, pleine de sens.

    La parole de Dieu, son commandement. Lorsque du créateur la parole féconde Dans une heure fatale eut engendré le monde, Des germes du chaos. [Lamartine, Méditations poétiques] Il [Jéhova] a dit au chaos sa parole féconde. [Hugo, Odes et ballades]

    Mission donnée par Dieu. Dieu, qui m'a confié sa parole et sa foudre. [Voltaire, Le fanatisme, ou Mahomet le Prophète]

    La parole éternelle, la parole incréée, la parole incarnée, ou, simplement, la parole, se dit quelquefois pour le Verbe.

    Paroles sacramentales ou sacramentelles, et, absolument, paroles, les mots que le prêtre prononce dans la consécration, ou qui sont nécessaires pour l'accomplissement de chaque sacrement.

    Fig. et familièrement. Paroles sacramentelles, les mots essentiels pour la conclusion d'une affaire.

    Paroles magiques, celles que les magiciens prononcent dans leurs opérations et que la magie regarde comme indispensables au succès.

    Charmer, guérir avec des paroles, faire un charme à l'effet de guérir une maladie.

    Par extension, paroles magiques, paroles qui produisent un grand effet.

    Fig. Savoir les paroles (par allusion aux paroles magiques), connaître les moyens de faire quelque chose.

  • 2La parole de Dieu, les promesses contenues dans l'Écriture sainte. La parole du Seigneur demeure éternellement, et c'est cette parole qui vous a été annoncée par l'Évangile. [Sacy, Bible, St Pierre, 1re épître, I, 25] Dieu pourra vous montrer par d'importants bienfaits Que sa parole est stable et ne trompe jamais. [Racine, Athalie]

    La parole de Dieu, la parole divine, la parole sainte, ou, simplement, la parole, l'Écriture sainte et les sermons qui se font pour l'expliquer. Quand la parole de Dieu, qui est véritable, est fausse littéralement, elle est vraie spirituellement. [Pascal, Pensées] Si l'on regardait la parole de Dieu comme parole de Dieu, on y apporterait tout un autre esprit et tout un autre coeur. [Bourdaloue, Dim. de la Sexagésime, Dominicales, t. I, p. 404] Rien ne marque mieux la puissance et la sublimité de la parole de l'Évangile que les images dont Jésus-Christ se sert pour nous en prédire les effets. [Massillon, Carême, Parole.] Ils vont aussitôt porter au milieu du monde et des plaisirs l'aiguillon secret que la parole de Dieu a laissé dans leur coeur, afin d'y trouver une main flatteuse qui l'arrache. [Massillon, ib.] La parole dont j'ai l'honneur d'être le ministre, est une parole de réconciliation et de vie. [Massillon, Bénédict. des drapeaux du régiment de Catinat.]

    La parole de vie, même sens. Voilà ce qu'il lui servit de méditer l'Évangile nuit et jour, et de se nourrir de la parole de vie. [Bossuet, Oraisons funèbres] Les préceptes de Jésus-Christ, les paroles de la vie éternelle. [Massillon, Carême, Parole.]

    Le pain de la parole, la prédication. Distribuer le pain de la parole.

    La parole écrite, l'Ecriture sainte, à la différence de la parole non écrite, la tradition.

  • 3 Par atténuation du sens primitif, un simple mot prononcé. Les paroles s'envolent et les écrits restent. Parole bien articulée, mal articulée. Paroles distinctes. Paroles entrecoupées de soupirs. Ah ! quelle impétuosité de paroles ! il n'y a pas moyen d'y résister. [Molière, Le médecin malgré lui] Une mère qui vous adore, c'est-à-dire qui vous aime infiniment et au-dessus de toutes les paroles. [Sévigné, 15 nov. 1684] Elle savait de quel poids est non seulement la moindre parole, mais le silence même des princes. [Bossuet, Oraisons funèbres] J'aime mieux ne rien entendre, que d'entendre un homme qui ne dit pas quatre paroles sans citer un auteur. [Boursault, Lett. nouv, t. III, p. 38, dans POUGENS] Arsure.... entendait de loin le sermon d'un carme ou d'un docteur qu'elle ne voyait qu'obliquement et dont elle perdait bien des paroles. [La Bruyère, VI]

    Dispute de paroles, dispute où l'on oublie le fond pour discuter sur les mots. Avertissez-les [les protestants après la révocation de l'édit de Nantes] avec saint Paul de ne se point attacher à des disputes de paroles qui ne sont bonnes qu'à pervertir ceux qui écoutent. [Bossuet, 1re instr. past. 1]

    Jeu de paroles, est ce que nous disons maintenant jeu de mots. Je ne sais auquel des courtisans la langue a fourché le premier : ils appellent tout bas Mme de Maintenon Mme de Maintenant ; ce jeu de paroles n'est pas indigne du château que vous habitez. [Sévigné, 18 sept. 1680] On voit clairement qu'il [Malebranche] ne dit point ce qu'il pense, et qu'il ne pense point ce qu'il dit ; pardonnez le jeu de paroles. [Sévigné, 28 juill. 1680]

    Fig. Je n'ai jamais eu avec lui une parole plus haute que l'autre, c'est-à-dire je ne me suis jamais disputé avec lui. Il était de la religion des bramins, j'ai l'honneur d'être musulman ; jamais nous n'avons eu une parole plus haute que l'autre au sujet de Mahomet et de Brama. [Voltaire, Bababec.]

  • 4Voix articulée. Ma bouche après mes yeux lui parla de ma peine ; Et, comme les regards, la parole fut vaine. [Rotrou, Bélisaire] La parole n'est qu'un signe de la pensée ; et, pourvu que vous portiez la pensée de votre esprit dans l'esprit de celui qui vous écoute, chacun doit être content. Opusc. lang. franç. p. 228, dans POUGENS] La parole même ne doit pas être employée à son culte [du dieu inventé par Porphyre], parce que la voix est une chose corporelle. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Ils [les ambassadeurs] sont la parole du prince qui les envoie, et cette parole doit être libre. [Montesquieu, L'esprit des lois] L'obscurité, le doute ont brisé sa boussole [du monde], Et laissent diverger, au vent de la parole, L'encens des nations. [Lamartine, Harmonies poétiques et religieuses]
  • 5Il se dit aussi des paroles écrites. Pour me servir des paroles fortes du plus grave des historiens [Tacite]. [Bossuet, Oraisons funèbres] Je pèse avec vous parole à parole les promesses de Jésus-Christ, sans qu'il faille ouvrir d'autres livres que l'Évangile. [Bossuet, 2e instr. past. sur les prom. de J. C. 12] S'il n'est pas permis aux particuliers de faire la leçon aux princes sur des événements si étranges, un roi [David] me prête ses paroles pour leur dire.... [Bossuet, Oraisons funèbres]
  • 6Suite de mots considérés par rapport aux idées, aux sentiments qu'ils expriment. Mal interpréter les paroles de quelqu'un. Il n'eut pas plutôt lâché la parole. Ce sont les paroles d'un fou. Il est avantageux en paroles. Elle a fini sa vie avec cette parole. [Rotrou, Hercules mourant] Vous vous êtes mis dans le filet par votre bouche, et vous vous trouvez pris par vos paroles. [Sacy, Bible, Prov. de Salom. VI, 2] Bien est-il vrai qu'auprès d'une beauté Paroles ont des vertus non pareilles ; Paroles font en amour des merveilles. [La Fontaine, Orais.] Je suis homme à saisir les gens par leurs paroles. [Molière, L'école des femmes] J'ai compris d'abord vos paroles : vous avez un père qui ne sait ce qu'il dit. [Molière, Le médecin malgré lui] Un même sens change selon les paroles qui l'expriment ; les sens reçoivent des paroles leur dignité, au lieu de la leur donner. [Pascal, Pensées] Je le prends par ses paroles et je compte là-dessus plus qu'il ne voudrait. [Sévigné, 93] Dumont, aujourd'hui l'un des plus délicats orateurs qu'ait le barreau, et à qui les paroles tombent dans la bouche aussi arrangées que le sont celles de Mascaron sur le papier. [Boursault, Lett. nouv. t. II, p. 213, dans POUGENS] Ceux qui la voyaient attentive à peser toutes ses paroles. [Bossuet, Oraisons funèbres] Ah ! je commence à regretter les bornes étroites du lieu où je parle : il faut éclater, percer cette enceinte, et faire retentir bien loin une parole qui ne peut être assez entendue. [Bossuet, Oraisons funèbres] Paroles pompeuses et entièrement vides de sens. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Si la faute d'un domestique avait arraché de sa bouche une parole plutôt sévère que fâcheuse. [Fléchier, Oraisons funèbres] Le vin au plus muet fournissant des paroles. [Boileau, Satires] Il n'en est pas ainsi de ces esprits frivoles Que tout flatteur endort au son de ses paroles. [Boileau, Epîtres] Je ris de ses discours frivoles ; On sait fort bien que ses paroles Ne sont pas articles de foi. [Boileau, Epigr. XII] On renverse tout si l'on fait des paroles un crime capital, au lieu de les regarder comme le signe d'un crime capital. [Montesquieu, L'esprit des lois] Nous sommes tous dans ce monde comme des prisonniers dans la petite cour d'une prison.... toutes les réflexions sont vaines, tous les raisonnements sur la nécessité et sur la misère humaine ne sont que des paroles perdues. [Voltaire, Correspondance]

    De bonnes paroles, des paroles qui annoncent des intentions favorables.

    En un sens contraire. De mauvaises paroles, des paroles qui annoncent des intentions défavorables ou de mauvaises nouvelles. Il m'a donné de mauvaises paroles.

    Ironiquement. De belles paroles, de belles et stériles promesses.

    Croire à la parole de, se dit quelquefois pour : croire sur la parole de. Et si l'on pouvait croire un père à sa parole. [Corneille, Le menteur] Elle est charmée de vous.... vous la connaissez ; il faut la croire à sa parole. [Sévigné, 6 nov. 1673]

    Fig. Paroles emmiellées, paroles flatteuses et d'une douceur affectée.

    En paroles couvertes, avec des paroles qui insinuent, qui font entendre ce qu'on ne veut pas dire ouvertement (on dit plutôt aujourd'hui : à mots couverts). Il [le chevalier de Grignan] a un rhume qui va et vient et qui me paraît l'humeur de la goutte, en paroles couvertes. [Sévigné, 18 fév. 1689]

    Jeter quelques paroles, dire quelques paroles à l'effet de voir comment ce qu'on veut dire, proposer, sera reçu. Notre abbé [de Coulanges], qui entend dire de tous côtés que l'on vous aime, se va mettre dans la tête de vous aimer aussi, tellement qu'il m'a déjà priée de vous en jeter quelques paroles par-ci par-là. [Sévigné, à Ménage, 1er oct. 1654] N'importe ; je vais toujours jeter quelques paroles en l'air. [Th. Leclercq, Proverb. t. v, p. 82. dans POUGENS]Prendre la parole, commencer à parler dans un entretien, dans une assemblée, dans une société, etc. Le soin qu'elle [Cornélie] a de conserver la dignité romaine lui fait prendre la parole la première. [Corneille, La mort de Pompée] Je pris la parole à ce discours pour lui dire.... [Pascal, Les provinciales] Là-dessus me voilà à prendre la parole, et à dire que je m'étais bien doutée qu'il ne le garderait guères [son bénéfice]. [Sévigné, 237]

    Fig. La triste demeure qu'un bois où les feuilles ne disent mot, et où les hiboux prennent la parole. [Sévigné, 26 juin 1680] Il me semble déjà que ces murs, que ces voûtes Vont prendre la parole, et, prêts à m'accuser, Attendent mon époux pour le désabuser. [Racine, Phèdre]

    Reprendre la parole, recommencer à parler après une interruption.

    Adresser la parole à quelqu'un, lui parler directement. Nous pouvons maintenant adresser la parole à ceux qui prétendent.... [Bossuet, Préf. instr. past. de M. de Cambrai, 93]

    Couper la parole à quelqu'un, l'interrompre dans son discours. La Parque à ce mot lui coupe la parole. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes]

    Fig. Couper la parole, réduire à l'impossibilité de répondre. Ce mot lui coupe la parole. [Corneille, Médée]

    Porter la parole, parler au nom d'un autre, au nom de plusieurs personnes, d'un corps, d'une compagnie. Un magistrat qui porte la parole de la justice devant le roi. [Fléchier, Oraisons funèbres]

    Avoir la parole, avoir le droit de parler en vertu d'une charge, d'un emploi.

    Dans les assemblées politiques, avoir la parole, avoir le droit actuel, la permission de parler, conformément au règlement.

    Avoir la parole, signifie aussi accaparer la conversation. On les entoure, ils ont la parole, président au cercle, et persistent dans cette hauteur ridicule et contrefaite. [La Bruyère, VIII]

    Demander la parole, demander à être entendu.

    Retirer la parole, ôter la parole, se dit du président d'une assemblée délibérante qui empêche un orateur de parler.

    On dit de même : accorder, refuser la parole.

  • 7Faculté qu'a l'espèce humaine d'exprimer ses idées par les sons de la voix. Les organes de la parole. Il demeure à ces mots sans parole, sans force. [Corneille, Attila] La parole a été donnée à l'homme pour expliquer ses pensées ; et, tout ainsi que les pensées sont les portraits des choses, de même nos paroles sont-elles les portraits de nos pensées. [Molière, Le mariage forcé] Il est question d'aller voir une fille qui a perdu la parole. [Molière, Le médecin malgré lui] Oui, mon père, j'ai recouvré la parole. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Si, pour nous réformer, le ciel prudent et sage De la parole enfin lui [à l'âne] permettait l'usage. [Boileau, Satires] Il faisait deux pas et revenait incontinent pour alléguer à Mentor quelque nouvelle raison de différer ; mais le seul regard de Mentor lui ôtait la parole. [Fénelon, Télémaque] Venez dîner avec moi, nous causerons, et votre faculté pensante aura le plaisir de se communiquer à la mienne par le moyen de la parole, ce qui est une chose merveilleuse que les hommes n'admirent pas assez. [Voltaire, Oreilles, 3] " J'écris ce qui me paraît vrai ; les " Grecs, à mon avis, ont rapporté beaucoup de " choses contradictoires et ridicules : " croirait-on qu'après cette promesse, il [Hécatée] accorde le don de la parole au bélier qui transporta Phryxus en Colchide ? [Barthélemy, L'atlas du Voyage du jeune Anacharsis]

    Poétiquement. Pourquoi y a-t-il une voix dans le sang ? une parole dans la pierre ? [Chateaubriand, Le génie du christianisme, ou Les beautés de la religion chrétienne]

    Avoir le don de la parole, s'exprimer d'une manière facile, abondante, heureuse.

    On dit dans le même sens : manier bien la parole.

    Avoir la parole à commandement, avoir la parole à la main, en main, s'exprimer avec facilité. Il [Louis XI] avait la parole à commandement, et le sens naturel parfaitement bon. [Duclos, Oeuv. t. III, p. 362]

    Perdre la parole, cesser de pouvoir parler. Mais je perds la parole ; une extrême faiblesse Me va faire dans peu rejoindre la princesse. [Mairet, La mort d'Asdrubal]

    Perdre la parole, devenir muet de surprise, de crainte, etc. C'est une nouvelle qui a surpris de telle façon les esprits de la cour, qu'ils en ont perdu la parole. [Guez de Balzac, Correspondance]

    Il ne lui manque, il n'y manque que la parole, se dit d'un portrait fort ressemblant, d'une statue bien faite. L'artisan exprima si bien Le caractère de l'idole, Qu'on trouva qu'il ne manquait rien à Jupiter que la parole. [La Fontaine, Fables]

  • 8Le ton de la voix, selon qu'elle est forte ou faible, douce ou rude, etc. Il a la parole nette. Ce malade a encore la parole bonne. Sa grâce, sa beauté, sa parole, son port. [Tristan, La Marianne] Je n'ai qu'à faire un pas et hausser la parole. [Corneille, Tite et Bérénice] La parole douce acquiert beaucoup d'amis et adoucit les ennemis. [Sacy, Ecclésiastiq. VI, 5] Je reconnais même ce sourire fin, cette action négligée, cette parole douce, simple et insinuante. [Fénelon, Télémaque] Un regard et une contenance fermes, une parole grave et pleine d'autorité. [Fénelon, ib. x.] Leur parole, leurs traits, De leur mère en effet sont les vivants portraits. [Voltaire, Zaïre]

    Fig. Avoir la parole haute, parler avec autorité, avec arrogance.

    La voix même. Il est vrai, je cherchais le son de sa parole, Et sur monsieur Grosset je me remets la voix. [Corneille Th. l'Inconnu, v, 7]

    Déguiser, contrefaire sa parole : Je l'ai reconnu à sa parole (on dit plutôt aujourd'hui : déguiser, contrefaire sa voix : Je l'ai reconnu à la voix).

  • 9Ancien terme militaire. Donner parole, donner le mot d'ordre.

    En termes de guerre, passe parole, faites passer l'avis, l'ordre.

    Dans le langage général, faire passer la parole de main en main, faire passer d'une personne à une autre un ordre, un avis, un avertissement jusqu'à celles qui sont le plus éloignées.

  • 10À certains jeux de renvi, passe parole se dit de celui qui, devant parler, ne veut pas couvrir le jeu pour le moment.

    Avoir la parole, avoir la faculté d'exprimer ce que l'on veut faire sur le coup qui se joue, et, au piquet, annoncer le premier son jeu.

  • 11Les expressions considérées relativement à l'art de parler ou d'écrire. La parole doit répondre à la pensée. Le charme des paroles. Les paroles de vos lettres sont choisies, Lett. du card. Richelieu à Balzac, dans RICHELET. Les paroles doivent peindre. [Voltaire, Mél. litt. Cons. à Louis Racine]
  • 12Éloquence, diction. L'autorité, le pouvoir de la parole. Mahomet subjugua l'Arabie par le glaive et la parole. Elle mena la parole si bien, si vigoureusement, si capablement, qu'il [le chevalier de Grignan] en fut ravi pour une demi-heure. [Sévigné, 13 déc. 1688] Un vil amour du gain.... Trafiqua du discours et vendit les paroles. [Boileau, L'art poétique] Le métier de la parole ressemble en une chose à celui de la guerre : il y a plus de risque qu'ailleurs, mais la fortune y est plus rapide. [La Bruyère, XV] Quel avantage n'a pas un discours prononcé sur un ouvrage qui est écrit ! les hommes sont les dupes de l'action et de la parole comme de tout l'appareil de l'auditoire. [La Bruyère, ib.] Tels étaient ces grands artisans de la parole, ces premiers maîtres de l'éloquence française ; tels vous êtes, messieurs, qui ne cédez ni en savoir ni en mérite à nul de ceux qui vous ont précédés. [La Bruyère, Disc. à l'Acad. fr.] L'art de la parole qui est si près de l'art du mensonge. [D'alembert, Éloges, Campistron, note 4] Le talent de la parole ou plutôt de la conversation doit se perfectionner à la cour plus que partout ailleurs, puisqu'on est destiné à y parler et réduit à n'y rien dire. [Duclos, Consid. moeurs, 8]
  • 13Pourparler. Juste ciel ! qu'ils sont prompts ! je les vois en parole. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps] Il est avec Anselme en parole pour vous, Que de son Hippolyte on vous fera l'époux. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Nous étions en paroles pour cela, M. Orgon et moi. [Dancourt, Gal. jardin. sc. 1]

    Proposition faite de part et d'autre. Paroles de paix, d'accommodement.

    Porter parole à quelqu'un, lui faire quelque proposition. Si mon père à présent porte parole au vôtre. [Corneille, Le menteur] Introduisons celui Qui porte de sa part [de Jupiter] aux belles la parole. [La Fontaine, Fables] Madame, j'en ai porté les premières paroles à monsieur. [Le Grand, le Philanthrope, sc. 13] Il y a eu véritablement des paroles portées à M. Schweighaeuser pour un Démosthène qu'on voudrait imprimer en Angleterre. [Courier, Lettres de France et d'Italie]

  • 14Promesse verbale par laquelle on s'engage à faire certaines choses. La parole des rois doit être inviolable. [Corneille, Oedipe] Vous en avez parole, et leur parole est bonne. [Corneille, Sophonisbe] Vous savez que Valère, Pour être votre gendre, a parole de vous. [Corneille, Tart. I, 6] [à Rocroy] Il s'avance pour recevoir la parole de ces braves gens [les Espagnols disposés à se rendre]. [Bossuet, Oraisons funèbres] Jamais on n'a douté de sa parole. [Bossuet, Oraisons funèbres] Je suis engagé de parole avec vous, j'en demeure d'accord ; mais vous savez que depuis quelque temps la parole est l'esclave de l'intérêt. [Dancourt, la Folle enchère, sc. 22] J'ai reçu ta parole, il faut qu'on l'accomplisse. [Voltaire, Alzire, ou Les américains] Cet abbé [Jean de Wateville] ....eut parole d'être grand doyen. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV] On tira parole du cardinal qu'enfin il accepterait. [Voltaire, ib. 37] Et le malheureux officier.... n'a été relâché qu'à Krowno, après vingt-six jours, ayant partagé toutes nos douleurs, libre d'y échapper, mais enchaîné par sa parole. [Ségur, Histoire de Napoléon et de la Grande-Armée pendant l'année 1812]

    Donner sa parole, s'engager. Ils ont donné parole, et peuvent mieux que nous Dans les flancs de César porter les premiers coups. [Corneille, La mort de Pompée] C'est un mariage qui se doit conclure ce soir, et j'ai donné ma parole. [Molière, Le mariage forcé] Ma parole est donnée ; et comment, à quel titre Puis-je la retirer ? [Laharpe, Mélanie, II, 6]

    Tenir, garder sa parole, être fidèle à ses engagements. Qu'il te souvienne De garder ta parole, et je tiendrai la mienne. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Je lui tiendrai parole, et ne veux plus le voir. [Corneille, Polyeucte] Ah ! ma bonne, quelle peinture de l'état où vous avez été, et que je vous aurais mal tenu ma parole, si je vous avais promis de n'être point effrayée d'un si grand péril ! [Sévigné, 3 mars 1671]Prendre la parole de quelqu'un, lui faire prendre un engagement. Les choses allèrent si loin [entre deux personnes qui avaient querelle], que M. le Prince prit leurs paroles [de ne pas se battre]. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]

    Un homme d'honneur n'a que sa parole, c'est-à-dire il ne manque jamais à la parole qu'il a donnée.

    N'avoir qu'une parole, s'en tenir à ses premières conditions, et, en parlant d'un marchand, ne pas surfaire.

    On dit dans le même sens : n'avoir pas deux paroles. Madame n'a pas deux paroles. [Marivaux, Faus. confid. I, 7]

    Cet homme est à deux paroles, il a deux paroles, c'est-à-dire il parle tantôt d'une façon, tantôt d'une autre, il n'y a pas de fond à faire sur ce qu'il dit.

    Un homme de parole, un homme fidèle à sa promesse. Il ne tiendra pas à moi que vous ne soyez homme de parole. [Guez de Balzac, Correspondance] Tout homme de courage est homme de parole. [Corneille, Le menteur] Le lendemain elle le régala Tout de son mieux en femme de parole. [La Fontaine, F. av.] Vous verrez si nous ne sommes pas des gens de parole. [Sévigné, 92]

    Avoir de la parole, être de parole, tenir fidèlement ses promesses. Qu'on dise que je suis une bonne princesse, que j'ai de la parole pour tout le monde, de la chaleur pour mes amis. [Molière, Les amants magnifiques]

    Reprendre sa parole, se dégager de sa parole, retirer sa parole, expressions employées pour dire qu'on avertit celui à qui on avait promis qu'on ne veut plus tenir la promesse faite. Et son père a repris sa parole du mien, Fort triste de visage, et fort confus dans l'âme. [Corneille, Le menteur] Je crois que je ne ferai pas mal de m'aller dégager de ma parole. [Molière, Le mariage forcé] Vous voulez retirer votre parole. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Sus, je romps notre trêve, et reprends ma parole. [Molière, L'amphytrion]

    Manque de parole, violation de la parole donnée. Manquer à sa parole, manquer de parole, ne pas tenir sa parole. Et si l'honneur souffrait un manque de parole. [Corneille, la Suivante, v, 5] Me prends-tu donc pour homme à manquer de parole ? [Corneille, ib. v, 6] J'aimerais mieux mourir que d'avoir manqué à ma parole. [Molière, Le mariage forcé]

    Familièrement. Ma parole, ma parole d'honneur, parole d'honneur, formule d'affirmation employée dans la conversation. On ne doit point prodiguer sa parole d'honneur ; on ne la donne que dans les occasions extraordinaires. [Genlis, Théât. d'éduc. le Bal d'enfants, I, 3] Ces Parisiens qui n'ont jamais perdu de vue le dôme des Invalides, font pitié, ma parole d'honneur. [Ch. de Bernard, la Femme de 40 ans, § VII]

    Votre parole ? se dit à quelqu'un qui vient de faire une promesse ou d'avancer un fait, pour s'assurer de sa bonne foi ou de sa sincérité. Vous le ferez ? votre parole ?

  • 15Promesses vagues, vains discours, par opposition à action, à effet. Je ris d'un désespoir qui n'a que des paroles. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Des paroles enfin ne sont que des paroles. [Corneille, La toison d'or] Cet hymen imparfait N'est encor qu'en parole et n'a point eu d'effet. [Corneille, Sophonisbe] Il faut faire et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles. [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre] Tous les hommes sont semblables par les paroles, et ce n'est que les actions qui les découvrent différents. [Molière, L'avare] Comme on ne connaît d'abord les hommes que par les paroles, il faut les croire jusqu'à ce que les actions les détruisent. [Sévigné, au comte de Grignan, 28 nov. 1670] C'est ainsi qu'il [Dieu] instruit les princes, non-seulement par des discours et par des paroles, mais encore par des effets et par des exemples. [Bossuet, Oraisons funèbres] Il faut des actions et non pas des paroles. [Racine, Iphigénie en Aulide] J'ai peur que l'homme puissant à qui vous vous êtes adressé ne vous ait donné des paroles, et non pas une parole. [Voltaire, Correspondance]

    On dit dans le même sens : des paroles vagues, des paroles vaines, des paroles en l'air.

  • 16 Au pl. Discours piquant, aigre, offensant. Des paroles en venir aux mains. Il y a eu aujourd'hui quelques paroles entre M. de Coislin et M. de la Salle sur le sujet de MM. de Pompadour et de Montaterre ; mais l'affaire a été accommodée sur-le-champ. [Pellisson, Lettres historiques] On fit avertir sous main l'officier des gardes qui servait auprès de Son Altesse, que M. de Senantes avait eu quelques paroles avec M. de Matta la nuit précédente en soupant. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] Leur cocher s'était pris de paroles avec certains galopins. [Hamilton, ib. 10]

    On dit dans le même sens : grosses paroles. Ce que je sais, c'est qu'aux grosses paroles On en vient sur un rien plus des trois quarts du temps. [La Fontaine, Fables]

    On lui fera rentrer les paroles dans la gorge, dans le ventre, dans le corps, se dit pour menacer quelqu'un dont le langage a paru offensant.

  • 17Mots d'une chanson, d'un air, d'un motet, etc. On sait à point nommé : un tel a composé la plus jolie pièce du monde sur un tel sujet ; une telle a fait des paroles sur un tel air. [Molière, Les précieuses ridicules] Je suis enthousiasmé de l'air et des paroles. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Si j'avais dessus moi ces paroles nouvelles, Nous les lirions ensemble, et verrions les plus belles. [Molière, Les fâcheux] Il [la Fontaine] croit que Lulli lui a ôté sa fortune et sa gloire, en ne faisant point de musique pour ses paroles [les paroles de ses opéras]. [Voltaire, Mél. littér. Lett. Visclède.]
  • 18Ancien terme de jurisprudence. Paroles de présent, acte par lequel deux personnes, après s'être préalablement présentées à leur curé, déclaraient par-devant notaire qu'elles se prenaient pour mari et femme (de présent signifie ici : les personnes étant présentes). Nos vieux romans, en leur style plaisant, Nomment cela paroles de présent. [La Fontaine, Remède]
  • 19Sur la parole de, sur l'affirmation de. Il croit sur votre parole que je vaux beaucoup. [Guez de Balzac, Correspondance] Je vous prie de l'aimer sur ma parole. [Sévigné, 261] Il n'est pas permis de croire les hommes sur leur parole, lorsqu'ils accusent les autres des plus grands crimes. [Malebranche, De la Recherche de la vérité] Ces pigeons sont dodus ; mangez sur ma parole. [Boileau, Satires] Ce fut sous le règne de Charles II qu'ils [les quakers] obtinrent le noble privilége de ne jamais jurer, et d'être crus en justice sur leur parole. [Voltaire, Dictionnaire philosophique]

    Jurer sur la parole du maître, affirmer d'après quelqu'un, locution prise du latin, jurare in verba, répéter mot pour mot la formule du serment.

    Sur parole, sur un simple dire. Je ne suis guère admirateur sur parole. [Duclos, Oeuvr. t. VII, p. 48 Oh ! sur parole ainsi ne louons point les gens GRESSET, le Méch. III, 10] Une nation légère qui sur parole et sans examen, juge les hommes et les choses. [Marmontel, Mémoires d'un père pour servir à l'instruction de ses enfants]

  • 20Sur sa parole, sur ma parole, après promesse donnée par lui, par moi. Il me semble que M. de la Trousse revient sur sa parole, et qu'il n'a pas perdu beaucoup de son équipage. [Sévigné, 217] Renvoyé sur sa parole pour ménager l'échange des prisonniers. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Il joua sur sa parole tant qu'il voulut. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] D'où vient qu'on me met prisonnier sur ma parole ? [Hamilton, ib. 4] Mon devoir a parlé ; je vous laisse, et j'y vole ; Soyez mon prisonnier, mais sur votre parole. [Voltaire, Adélaïde du Guesclin]

    Être sur sa parole, se dit d'un prisonnier qu'on ne garde pas après qu'il a promis de ne pas s'évader. Je crois qu'on les laissera à Vincennes, avec la liberté de s'aller promener à Paris quand il leur plaira ; car ils sont sur leur parole. [Pellisson, Lettres historiques]

    Sur parole, sur la garantie de sa bonne foi. Jouer, perdre sur parole.

    Prisonnier sur parole, prisonnier à qui on accorde une certaine liberté, mais qui a promis de ne pas s'en servir pour se mettre en liberté.

    Terme de guerre. Se parler sur parole, se dit de deux personnes de partis contraires qui se voient, se parlent, sur la parole de ne rien entreprendre l'un contre l'autre.

PROVERBES

À bon entendeur il ne faut qu'une parole.

À grands seigneurs peu de paroles, il ne faut pas abuser de leur audience et la faire durer trop longtemps.

Les paroles du matin ne ressemblent pas à celles du soir, les hommes sont sujets à changer d'avis, à se contredire.

Les belles paroles n'écorchent pas la langue.

Quand les paroles sont dites, l'eau bénite est faite.

Parole ne pue pas, ou les paroles ne puent pas, se dit par manière d'excuse quand on parle d'infirmités corporelles ou de choses dégoûtantes.

On prend les bêtes par les cornes, et les hommes par la parole, les hommes s'engagent quand ils donnent leur parole.

La parole fait le jeu, vaut le jeu, vaut jeu, se dit pour signifier qu'on joue telle somme, sans la mettre effectivement au jeu.

Les paroles sont des femelles, et les écrits sont des mâles.

+

PAROLE.
18Parole de présent. Ajoutez : Le mariage par parole de présent est encore usité en certains pays. Un acte extrait du registre de la paroisse de Reyla, et constatant qu'elle avait été unie par parole de présent à M. Ch. C... [Gazette des tribunaux] Que cet acte est rédigé suivant l'usage de Cuba ; qu'il ne peut être confondu avec l'ancien contrat de fiançailles par parole de présent qui a été prohibé par le concile de Trente, et qui, depuis cette époque, n'est plus pratiqué dans les pays catholiques. ib. 3e col.]

Paroles de futur, voir FUTUR, n° 2.

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