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place

nf (pla-s')
  • 1Espace, lieu public découvert et environné de bâtiments (ce qui est le sens étymologique). Aristarque se transporte dans la place avec un héraut et un trompette ; celui-ci commence, toute la multitude accourt et se rassemble. [La Bruyère, IX.] Après avoir fait achever le pont Neuf, commencé sous Henri III.... il [Henri IV] fit bâtir la place Royale sur l'emplacement de l'hôtel des Tournelles, et la place Dauphine sur deux petites îles qu'on joignit ensemble. [Saint-foix, Ess. Paris, Oeuvr. t. III, p. 17, dans POUGENS]

    On dit dans le même sens : place publique. Les uns assassinés dans les places publiques. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Les hommes, toujours au travail, ou dans la place publique, ne se tenaient guère dans les maisons. [Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence]

    Dévots de place, hypocrites qui font parade de leur dévotion comme sur une place. Que ces francs charlatans, que ces dévots de place.... [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur]

    Place de fiacres, de cabriolets, endroit où stationnent les voitures à l'usage du public. La tête, la fin de la place. Une voiture de place. Un cabriolet de place.

  • 2Place marchande, place commode pour vendre de la marchandise.

    Être en place marchande, être dans une place où l'on peut bien vendre, et fig. Être dans un lieu où l'on ne peut manquer d'être vu.

    Fig. Nous ne sommes pas en place marchande, nous ne sommes pas en lieu convenable pour traiter d'affaires.

  • 3Place d'armes, terrain libre et spacieux où s'assemble la garnison d'une ville de guerre.

    Se dit aussi, dans un camp, du lieu où la troupe campée vient s'assembler.

    Place d'armes d'une attaque ou d'une tranchée, poste où on loge de la cavalerie et de l'infanterie pour s'opposer aux sorties de la garnison et favoriser le travail des tranchées.

    Place d'armes d'un fossé sec, espèce de chemin couvert qui en traverse toute la largeur.

    Places d'armes du chemin couvert, espaces pratiqués à ses angles saillants et rentrants pour assembler les soldats.

    Places basses, les casemates et les flancs de bastion qui défendent le fossé et la courtine.

    Place d'armes se dit aussi d'une ville frontière où est le dépôt principal des vivres, des munitions, etc.

    Terme de marine. Dans les anciens navires, place d'armes, partie du gaillard d'arrière comprise entre le grand mât et l'entrée de la dunette, où était le corps de garde. [Jal]

  • 4En général, lieu découvert, espace libre. Les lieux où des feux étaient allumés et les bêtes déchaînées, s'appelaient, en la langue de la primitive Église, la place où l'on donne les couronnes. [Guez de Balzac, Socrate chrétien] Sera-ce hors des murs, au milieu de ces places Qu'on voit fumer encor du sang des Curiaces ? [Corneille, Horace] Je me représente la vaste enceinte des sciences, comme un grand terrain parsemé de places obscures et de places éclairées. [Diderot, Interprét. de la nat. n° 14]

    Sur la place, à terre, par terre. Un coup de bâton l'étendit sur la place. Il fallait à la justice divine un nombre infini de victimes ; elle voulait voir onze cent mille hommes couchés sur la place, dans le siége d'une seule ville [de Jérusalem par Titus]. [Bossuet, Sermons]

    On dit quelquefois dans le même sens : au milieu de la place. Cela est tombé au milieu de la place.

    Demeurer, rester sur la place, être jeté à terre et y rester étendu, mort ou non. Je tombe, et hors de moi demeure sur la place. [Rotrou, Venceslas] Il y eut près de cinq mille hommes de l'armée de Nicanor qui demeurèrent sur la place. [Sacy, Bible, Machab. I, VII, 32]

    Fig. Demeurer sur la place, avoir le dessous. Enfin, mon cher maître, voilà la bataille engagée, et le signal donné : il faut que Shakspeare ou Racine demeure sur la place. [D'alembert, Lett. à Voltaire, 20 août 1776]

    Par la place, à terre, par terre. À certains endroits vous jetterez le livre [du P. Maimbourg] par la place. [Sévigné, 1er déc. 1675]

    Terme d'eaux et forêts. Places vaines et vagues, terrains qui ne produisent rien ; vides d'une grande étendue dans une forêt. Place vide, clairière absolument sans bois.

    Terme de manége. Endroit où on se trouve étant à cheval. Arrêter sur la place ou sur place.

    Espace qui est entre deux poteaux dans une écurie, pour loger un cheval.

  • 5Espace qu'occupe ou que peut occuper une personne. Une place au parterre, dans un wagon, etc. Je n'ai pu trouver de place, trouver place au concert. Faites-moi une petite place auprès de vous. Il me gardait une place. J'ai payé votre place. Carlos, voulant s'asseoir parmi les comtes, et empêché par Don Manrique : J'ai vu la place vide, et cru la bien remplir. - Don Manrique : Un soldat bien remplir une place de comte ! [Corneille, Don Sanche] Mien, tien : c'est là ma place ou soleil ; voilà le commencement et l'image de l'usurpation de toute la terre. [Pascal, Pensées] Je pense qu'elle [Mme de Gèvres] s'attendait que je lui dusse offrir ma place ; ma foi, je lui devais une incivilité de l'autre jour ; je la lui payai comptant, et ne branlai pas. [Sévigné, 27] Mme Scarron se souvint avec combien d'esprit vous aviez soutenu autrefois une mauvaise cause, à la même place et sur le même tapis où nous étions. [Sévigné, 6 janv. 1672] La mort ne nous laisse pas assez de corps pour occuper quelque place. [Bossuet, Oraisons funèbres] Elle va descendre à ces sombres lieux.... avec ces rois et ces princes anéantis, parmi lesquels à peine peut-on la placer, tant les rangs y sont pressés, tant la mort est prompte à remplir ces places. [Bossuet, ib.] L'infidèle s'est vu partout envelopper, Et je n'ai pu trouver de place pour frapper. [Racine, Andromaque] Il se met le premier à table et dans la première place. [La Bruyère, V] Il [Giton, le riche] occupe à table et à la promenade plus de place qu'un autre. [La Bruyère, VI] Il [Phédon, le pauvre] n'occupe point de lieu, il ne tient point de place, il va les épaules serrées. [La Bruyère, ib.]

    Fig. Tenir une grande place, être un personnage considérable. Le voilà donc mort, ce grand ministre [Louvois], cet homme si considérable, qui tenait une si grande place, dont le moi, comme dit M. Nicole, était si étendu. [Sévigné, 26 juillet 1691]

    Il est aujourd'hui la Saint-Lambert, qui quitte sa place la perd (voir LAMBERT).

    Prendre place, s'asseoir. Mes enfants, prenez place. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes] À la table d'Esther l'insolent près du roi A déjà pris sa place. [Racine, Esther]

    Demeurer en place, ne pas bouger. J'ai peine, je l'avoue, à demeurer en place, Et de mille soucis mon esprit s'embarrasse. [Molière, L'école des femmes]

    Ne pas tenir en place, aimer à voyager. Vous savez, grand dieu du Parnasse, Que je ne me tiens guère en place. [Regnard, Les Ménechmes]

    Ne pas tenir en place, s'agiter, marcher, par impatience ou par allégresse. Non, j'entendrai debout ; vous savez qu'en parlant je ne saurais tenir en place. [Beaumarchais, La mère coupable, ou L'autre Tartuffe] Je ne tiens pas en place, je me sens heureux et léger. [Picard, La vieille tante]

    La place n'est pas tenable, on ne saurait y demeurer sans y souffrir.

    Tenir la place de, occuper la place. Jésus-Christ, dont le prêtre tient la place. [Pascal, Les provinciales] À ce Christ, à cet homme-Dieu, à cet homme qui tient sur la terre, comme parle saint Augustin, la place de la vérité. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]

    Faire place à quelqu'un, se ranger afin qu'il passe ; lui donner une place auprès de soi ou lui céder celle qu'on occupe. Tyran, descends du trône et fais place à ton maître. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] À ces mots La médiocrité revient ; on lui fait place. [La Fontaine, Fables] Allons, mon gentilhomme, une superbe audace ! Un train de roi ! cet air qui dit : faites-moi place ! [Delavigne, les Enfants d'Édouard, II, 3]

    Faire place, céder. Tout fit place à mes armes. [Racine, Bérénice]

    Faire faire place, faire écarter la foule. Dorus passe en litière par la voie Appienne, précédé de ses affranchis et de ses esclaves, qui détournent le peuple et font faire place. [La Bruyère, VI]

    Se faire place, écarter, pour passer, ceux qu'on a devant soi. À qui veut fortement les choses, nul obstacle n'est invincible ; un génie appliqué perce tout, se fait faire place, arrive enfin à son but. [Bossuet, Sermons] Là le chantre à grand bruit arrive et se fait place. [Boileau, Le lutrin]

    Quitter la place, céder la place, se retirer. Il [Pomenars] est si hardi et si effronté que tous les jours du monde il fait quitter la place au premier président. [Sévigné, 77] Finissons là, de grâce : Allez-vous m'en parler ? je vous cède la place. [Gresset, Le méchant]

    Place, place ! rangez-vous, laissez passer. Place ! place ! voici le grand Japhet. [Scarron, Dom Japhet d'Arménie] Place à Mathieu Crochet. [Regnard, Le bal]

    En place, loc. elliptique, pour : restez en place, ou remettez-vous en place. En place les danseurs. On dit dans le même sens : à vos places.

    Faire place nette, vider le logement qu'on occupait dans une maison.

    À la place de, au lieu de. Et qui des rois, hélas ! heureux petit moineau, Ne voudrait être en votre place ! [Molière, La princesse d'Élide] La Garde veut toujours que, si M. de Grignan ne vient pas, vous veniez à sa place. [Sévigné, 15 déc. 1673] Et toujours la créature adorée à la place du créateur. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] La loi se met à la place de celui qui est offensé, et demande pour lui la satisfaction que, dans un moment de sang-froid, il aurait demandée lui-même. [Montesquieu, XXX, 19]

    Fig. Se mettre en ou à la place de quelqu'un, se supposer dans l'état, la situation où il se trouve. Mettez-vous en ma place, représentez-vous les circonstances.... et dites-moi votre avis. [Sévigné, 7 févr. 1689] Il se mettait volontiers en la place des autres, ce qui produit l'équité et l'indulgence. [Fontenelle, Boerhaave.] Il n'est pas dans le coeur humain de se mettre à la place des gens qui sont plus heureux que nous, mais seulement de ceux qui sont plus à plaindre. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation] Figaro : On fait comme on peut : mettez-vous à ma place. - Bartholo : Me mettre à votre place ! ah ! parbleu, je dirais de belles sottises. [Beaumarchais, Le barbier de Séville, ou La précaution inutile]On dit dans un sens analogue : mettre en la place de. Que la compassion soit un retour vers nous-mêmes qui nous mette en la place des malheureux. [La Bruyère, IV]

    À la place de, en supposant qu'on fût dans la position de celui dont il s'agit. Je n'ai rien fait, monsieur, que vous n'eussiez fait à ma place. [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre] À votre place, je prendrais mon parti, j'abandonnerais tout ce tripotage. [Th. Leclercq, Prov. t. IV, p. 259, dans POUGENS]

    On dit, dans un sens analogue : être dans la place de quelqu'un. Si j'étais dans votre place, je ne jouerais plus. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    Je ne voudrais pas être à sa place, se dit de quelqu'un qui est dans une situation embarrassante, ou menacé de quelque événement fâcheux.

    Fig être en place de, être à même de. Vous qui êtes en place de sentir ces désagréments. [Sévigné, 18 janv. 1690]

    En termes de pratique, subroger quelqu'un en son lieu et place.

  • 6Espace qu'occupe ou que peut occuper une chose. Ranger chaque chose à sa place, en sa place. Changer des meubles de place. C'était là la place de sa maison. Il n'y a pas de place ici pour tous ces livres. La place d'une blessure. Au vestibule obscur il marque une autre place. [Boileau, L'art poétique] Et, marquant à mon bras la place de son coeur, Semblait d'un coup plus sûr implorer la faveur. [Racine, Mithridate] Ses amis s'apercevaient de la place qu'ils avaient dans son coeur, par celles que leurs portraits occupaient dans sa chambre [le chevet du lit, le dessus de la porte, l'antichambre et le grenier]. [Mme de Caylus, Souvenirs, p. 123, dans POUGENS] Alexandre voyait la terre comme une belle place bien propre à y établir un grand empire. [Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des Mondes]

    En termes d'architecture, emplacement, lieu propre pour bâtir.

    En place, dans la place qui est destinée à un objet. Il faut voir les choses en place. [Lamotte, Fabl. I, 15]

    Fig. Tenir une grande place, se dit des choses qui prennent une grande part du temps ou de l'intérêt. Recevoir des lettres, y faire réponse, tient une grande place dans notre vie. [Sévigné, 582]

    Tenir place de quelque chose, en être l'équivalent. C'est une chose étrange qu'il n'y ait rien dans la nature qui n'ait été capable de lui [à l'homme] en tenir la place [de Dieu] : astres, ciel, terre, élément, plantes, choux.... [Pascal, Pensées]

    Faire place, être substitué à. Les bois font place aux champs. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Le jour neuf fois a fait place à la nuit, Depuis qu'aux bords voisins sa flotte l'a conduit. [Delavigne, Les vêpres siciliennes]

    Faire place, passer après. Tout fait place à ce commerce [de lettres]. [Sévigné, 192]

    Prendre la place de, succéder à. La mort ne l'a point changée, si ce n'est qu'une immortelle beauté a pris la place d'une beauté changeante et mortelle. [Bossuet, Oraisons funèbres]

    Fig. Un esprit hors de sa place, se dit d'un esprit troublé d'une façon quelconque. J'ai l'esprit un peu hors de sa place. [Sévigné, 147] Je me suis souvenu de l'étonnement où vous en étiez [de la mort de Madame], et comme votre esprit en était hors de sa place. [Sévigné, 8 juill. 1671]

    À la place de, dans le lieu occupé par. Puisque vous ne touchiez jamais à cet argent, Mettez une pierre à la place ; Elle vous vaudra tout autant. [La Fontaine, Fables] On ne persuade pas facilement aux hommes de mettre leur raison en la place de leurs yeux. [Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des Mondes] Je ne vous parlerai point de frère Thiriot ; il a mis l'indifférence à la place de la philosophie. [Voltaire, Correspondance]

    Laisser place, permettre. Mes soins à vos soupçons ne laissent pas de place. [Racine, Britannicus] Pompée a saisi l'avantage D'une nuit qui laissait peu de place au courage. [Racine, Mithridate] Hélas ! de tant de maux les atteintes cruelles Laissent donc place encore à des larmes nouvelles ! [Voltaire, L'orphelin de la Chine]

    Ce fait, cette réflexion trouvera place, aura place dans l'ouvrage, il en sera fait mention.

  • 7La situation, le rang qui convient ou appartient à une personne. Les pilotes du fils d'Éson, Dont le nom jamais ne s'efface, Ont gagné la première place En la fable de la toison. [Malherbe, III, 3] La place de Mme de Maintenon est unique dans le monde. [Sévigné, 27 sept. 1684] Toute autre place qu'un trône eût été indigne d'elle. [Bossuet, Oraisons funèbres] Toutes les fois que, regardant cette grande place qu'elle remplissait si bien, vous sentirez qu'elle y manque. [Bossuet, Oraisons funèbres] Quoique le roi d'Angleterre sût que la princesse sa soeur, recherchée de tant de rois, pouvait honorer un trône, il lui vit remplir avec joie la seconde place de France, que la dignité d'un si grand royaume peut mettre en comparaison avec les premières du reste du monde. [Bossuet, ib.] J'espérais que, fuyant un indigne repos, Je prendrais quelque place entre tant de héros. [Racine, Bajazet] Quand je suis dans une situation qui demande de la force et du courage, il me semble que je me trouve presque à ma place. [Montesquieu, Lysim.] Lorsque les rois de Macédoine obtinrent une place parmi les amphictyons. [Montesquieu, L'esprit des lois] Les places que la postérité donne sont sujettes, comme les autres, aux caprices de la fortune. [Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence] L'homme n'est point une énigme, comme vous vous le figurez pour avoir le plaisir de la deviner ; l'homme paraît être à sa place dans la nature. [Voltaire, Pens. Pascal, III]

    Avoir place dans l'histoire, tenir sa place dans l'histoire, être mentionné, être célèbre dans l'histoire.

    Cet homme n'est pas à sa place, il n'est pas dans la situation, dans l'emploi qui lui convient. Chacun se plaint, nul n'est à sa place. [Massillon, Carême, Dégoûts.]

    Fig. Se tenir à sa place, ne pas se tenir à sa place, observer, ne pas observer les bienséances qu'exige sa condition, son état.

    Tenir sa place, figurer convenablement, remplir un rôle convenable. M. et Mme de Grignan tiendraient fort bien leur place à la cour. [Sévigné, 399] Quand l'espérance voudra se mêler à ces pensées, elle y sera la très bien venue et y tiendra sa place admirablement. [Sévigné, 340]

    Remettre quelqu'un à sa place, lui faire sentir qu'il s'écarte des convenances, des bienséances.

  • 8Il se dit, dans un sens analogue, du rang donné aux choses. On souffre bien des douleurs inutiles dans l'éloignement, et jamais notre joie ni notre tristesse ne sont à leur place. [Sévigné, 15 mars 1676] Quand on est si loin, on ne fait quasi rien, on ne dit quasi rien qui ne soit hors de sa place. [Sévigné, 6 déc. 1671] Cette petite nouvelle.... a paru une misère qui n'a pas tenu sa place devant la mort de M. de Turenne. [Sévigné, 26 août 1671] Un retour à la volonté de Dieu.... remet la raison à sa place et fait prendre patience. [Sévigné, 30 nov. 1689] Il faut.... que.... j'accoutume votre esprit à mettre ces événements dans leur place, sans y regarder autre chose que l'ordre des temps. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Malherbe.... D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir. [Boileau, L'art poétique] Les belles choses le sont moins hors de leur place. [La Bruyère, XIV]

    Être à sa place, se dit d'une chose qui est dans de justes convenances. Je ne suis point blessée de toutes les choses qui sont à leur place. [Sévigné, 11 nov. 1671] Rien n'est plus à sa place que d'être protégée par un gendre. [Maintenon, Lettres] C'est en ce moment que la réserve et la gravité sont à leur place. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation]

    Cela n'est pas tout à fait à sa place, se dit, par adoucissement, d'une action, d'une parole manquant de convenance. Je ne sais s'il était à sa place de permettre sur le théâtre français de couvrir de ridicule des esprits qui font assurément honneur à la nation. [Mme de Puisieux, Ridic. à la mode, p. 292, dans POUGENS]

  • 9 Fig. Place se dit de l'intérêt, de l'attachement, de l'estime, de l'amour qui occupent l'esprit, le coeur. Ne me refusez pas une place dans votre amitié. Et que serait heureux qui pourrait aujourd'hui Disputer cette place [dans le coeur] et l'emporter sur lui ! [Corneille, Nicomède] Il n'est plus temps, madame, une autre a pris la place. [Molière, Les femmes savantes] Et [je] ne veux nulle place en des coeurs corrompus. [Molière, Le misanthrope] Il ne faut point d'art ni d'étude [pour recevoir l'impression de la beauté] ; il semble même que nous ayons une place à remplir dans nos coeurs et qui se remplit effectivement. [Pascal, Discours sur les passions de l'amour] S'il y a une petite place de reste dans votre coeur, vous me ferez un plaisir extrême de me la donner ; car vous en avez une très grande dans le mien. [Sévigné, 3] Je le prie [le P. Gaillard] de ne me point oublier ; je suis flattée de la pensée d'avoir une place dans une si bonne tête. [Sévigné, 29 déc. 1688] L'ingrate en mon coeur reprit bientôt sa place. [Racine, Andromaque] Toutes les places sont prises auprès des beautés de la cour. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    Obtenir une place dans le coeur, dans l'estime de quelqu'un, être aimé, estimé de lui.

  • 10Dignité, fonction, charge, emploi. Une si haute place. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Richelieu sembla montrer son successeur à la France ; et Mazarin s'avançait secrètement à la première place. [Bossuet, Oraisons funèbres] Est-on, disait-il, dans les places pour se reposer et pour y vivre ? ne doit-on pas sa vie à Dieu, au prince et à l'État ? [Bossuet, ib.] M. de Colbert est mort, et M. le président Pelletier va remplir sa place. [Maintenon, Lettres] L'on se présente pour les charges de ville, l'on postule une place dans l'Académie française. [La Bruyère, VIII] On pensa à moi pour une place ; mais, par malheur, j'y étais propre : il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint. [Beaumarchais, Le mariage de Figaro, ou La folle journée]

    Prendre la place de, s'emparer de la dignité de. Il n'a défait Tryphon que pour prendre sa place. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes]

    On dit dans un sens analogue : se mettre en la place de. Ne croyez point pourtant que, semblable à Pharnace, Je vous serve aujourd'hui pour me mettre en sa place. [Racine, Mithridate]

    Prendre la place de, succéder à, remplacer.

    Mettre à la place de, remplacer par. Asdrubal mourut, et Annibal, quoiqu'il n'eût encore que vingt-cinq ans, fut mis à sa place. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]

    Les grandes places, les hauts emplois dans le gouvernement. Il avait appris d'un politique philosophe, que les grandes places sont comme les rochers escarpés, qu'il n'y a que les aigles et les reptiles qui y parviennent. [D'alembert, Éloges, l'abbé de Choisy.] L'habitude des affaires apprend à mal penser des hommes ; et cette mauvaise opinion de l'humanité est un malheur attaché aux grandes places. [Condorcet, Maurepas.]

    Un homme en place, un homme qui exerce un emploi important dans l'administration. Il faut plaire aux femmes et aux hommes en place, se mêler des plaisirs et des affaires. [Vauvenargues. Max. LX.] Les gens en place sont, au fond, beaucoup plus modestes qu'on ne le croit ; car ils supposent toujours que les louanges qu'on leur donne sont intéressées. [Genlis, Mlle de la Fayette, p. 190, dans POUGENS]

    Être en place, être dans un emploi, dans une charge qui donne de l'autorité, de la considération. On dit : être en place, depuis que M. un tel est en place, pour dire : depuis qu'il est pourvu de quelque emploi qui lui donne de l'autorité ou du crédit ; toutes ces nouvelles façons de parler sont bonnes. [Caillières, Mots à la mode, Convers. I]

    Rester en place, conserver son emploi.

    Perdre sa place, être destitué.

    Être sans place, n'avoir point d'emploi.

    Être hors de place, avoir été dépouillé de son emploi.

  • 11Place se dit d'un domestique en service. Être en place. Une bonne place. être sans place.
  • 12 Terme de collége. Rang qu'un élève obtient par sa composition. On a donné les places ; il est le premier.

    Une bonne place, une place parmi les premiers. Cet élève a toujours de bonnes places.

  • 13Le lieu du change, de la banque ; l'endroit où les négociants s'assemblent pour y traiter les affaires de leur commerce. Ils [des financiers] étaient des plus riches et pécunieux de la place. Mém. duc d'Orl. depuis 1608, p. 137, dans LACURNE] Après vingt ans entiers qu'on me débite dans la place [qu'on vend mes ouvrages]. [La Bruyère, XII] Il y avait, ce jour-là, de compte fait, cinquante trois religions sur la place [la bourse d'Amsterdam], en comptant les arméniens et les jansénistes ; on fit pour cinquante-trois millions d'affaires le plus paisiblement du monde. [Voltaire, Facéties, Pot-pourri, 5]

    Avoir du crédit sur la place, avoir du crédit parmi les gens de banque, de commerce d'une ville. Je crois que sa fortune et la vôtre sont toutes faites, et son papier a sur la place un crédit.... [Dancourt, les Agiot. III, 6]

    Jour de place, un des jours où les négociants d'une ville ont coutume de s'assembler.

    Faire la place, se dit d'un commis qui va dans toute une ville offrir les marchandises de son patron aux autres commerçants, ou conclure des traités avec eux.

    Par extension, place, tout le corps des négociants, des banquiers d'une ville. Cette grande faillite a mis la place en émoi.

  • 14Place se dit d'une ville, d'une localité. M. de Rével est parti ce matin pour aller voir Brest, qui est présentement la plus belle place qu'on puisse voir. [Sévigné, 569]
  • 15Place forte ou place fortifiée, ou, simplement, place, ville défendue, protégée par des remparts capables de soutenir un siége. Les ordres avaient été donnés au connétable Wrangel pour entrer dans les États de l'électeur de Brandebourg, et même pour aller droit à Berlin, qui n'est pas une place de grande défense. [Pellisson, Lettres historiques] Elle assiége et prend d'assaut une place considérable. [Bossuet, Oraisons funèbres] Le prince, par son campement, avait mis en sûreté non-seulement toute notre frontière et toutes nos places, mais encore tous nos soldats : il veille, et c'est assez. [Bossuet, Oraisons funèbres] Elle trahit mon père, et remit aux Romains La place et les trésors confiés à ses soins. [Racine, Mithridate] Louvois voulait que tout fût place et garnison ; c'était là son génie, c'était aussi le goût du roi. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV] Il [Louis XIV] construisit ou répara cent cinquante places de guerre. [Voltaire, ib. 29] Cohorn et Vauban ouvrirent les yeux à l'Europe sur l'art de défendre, mais surtout d'attaquer les places. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]

    Fig. Enfin cette beauté m'a la place rendue. [Malherbe, V. 4] Je sens qu'elle [ma vertu] chancelle et défend mal la place. [Corneille, Horace] Ouvrez mon coeur, Seigneur ; entrez dans cette place rebelle que les vices ont occupée. [Pascal, Prière.] Je suis fort aise, comme vous, de la diversion que la goutte fait aux entrailles de M. de Grignan ; Dieu conserve le dedans de cette place, et empêche les dehors d'être si terriblement insultés ! [Sévigné, 5 oct. 1689] En remontant des phénomènes les plus sensibles par une exacte analyse de tous les dehors de la nature, je me flatte de parvenir bien plus sûrement au corps intérieur de la place. [Le P. Castel, dans Mém. de Trévoux, 1725, t. I, p. 296]

  • 16Ustensile de fer enfoncé par le pied dans un gros bloc de bois, qui sert comme d'établi au cloutier pour fabriquer les clous.

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17Place de commerce, ville où se font beaucoup d'affaires commerciales.
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