pleurer
- 1Répandre des larmes.
Pleurez, pleurez, mes yeux, et fondez-vous en eau
. [Corneille, Le Cid]Je cherche le silence et la nuit pour pleurer
. [Corneille, ib. III, 4]On pleure pour être plaint ; on pleure pour avoir la réputation d'être tendre ; on pleure pour être pleuré ; enfin on pleure pour éviter la honte de ne pleurer pas
. [La Rochefoucauld, Maximes et Réflexions morales]Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés !
[Sacy, Bible, Évang. St Math. v, 5]Je les relis [vos lettres] .... je ne puis pas seulement approcher des premières lignes sans pleurer du fond de mon coeur
. [Sévigné, à Mme de Grignan, 23 déc. 1671]Il est vrai qu'il y a des pensées et des paroles qui sont étranges ; mais rien n'est dangereux quand on pleure
. [Sévigné, 29 mai 1675]Mais que ces retours sont doux, et qu'on a quelquefois de plaisir à pleurer !
[Sévigné, 16 oct. 1680]J'apprenais à pleurer devant un grand miroir
. [Boursault, Merc. gal. IV, 2]Et les plus malheureux osent pleurer le moins
. [Racine, Iphigénie en Aulide]Tout Israël périt : pleurez, mes tristes yeux
. [Racine, Esther]Pleure, Jérusalem, pleure, cité perfide
. [Racine, Athalie]Tel qui rit vendredi dimanche pleurera
. [Racine, Les plaideurs]On n'a pas dans le coeur de quoi toujours pleurer
. [La Bruyère, IV]Les enfants rient et pleurent facilement
. [La Bruyère, XI]D'où vient que l'on rit librement au théâtre, et que l'on a honte d'y pleurer ?
[La Bruyère, I]Vous avez je ne sais quelle inclination fatale pour la comédie larmoyante, qui abrégera mes jours ; je ne vous en aime pas moins ; mais je pleure dans ma retraite, quand je songe que vous aimez à pleurer à la comédie
. [Voltaire, Correspondance]L'abbé Galiani m'a beaucoup déplu, à moi, en confessant qu'il n'avait jamais pleuré de sa vie, et que la perte de son père, de ses frères, de ses soeurs, de ses maîtresses ne lui avait pas coûté une larme
. [Diderot, Mém. t. I, p. 255, dans POUGENS]L'homme pleure, et voilà son plus beau privilége
. [Delille, Pitié]Pleurez, doux alcyons, ô vous, oiseaux sacrés, Oiseaux chers à Thétys, doux alcyons, pleurez
. [Chénier, Élégies]Mais si, d'un long crêpe voilée, Mon amante dans la vallée Venait pleurer quand le jour fuit
. [Millevoye, Chute des feuilles.]Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées ? Laissons le vent gémir et le flot murmurer ; Revenez, revenez, ô mes tristes pensées ; Je veux rêver et non pleurer
. [Lamartine, Harmonies poétiques et religieuses]Elle a dormi quinze ans dans sa couche d'argile, Et rien ne pleure plus sur son dernier asile
. [Lamartine, ib.]Pleurer de, avec un substantif.
Je reconnais Néarque, et j'en pleure de joie
. [Corneille, Polyeucte]Le loup déjà se forge une félicité Qui le fait pleurer de tendresse
. [La Fontaine, I, 5]Annibal, qui pleura de douleur en cédant aux Romains cette terre où il les avait tant de fois vaincus
. [Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence]Pleurer de, avec un verbe à l'infinitif.
Alexandre pleura de n'avoir point d'Homère
. [Delille, L'imagination]Pleurer sur, déplorer.
Il [Jésus] les avertit [les femmes de Jérusalem] de pleurer et de ne pas pleurer ; de ne pas pleurer sur lui, qui par sa mort allait être glorifié, mais de pleurer sur elles-mêmes et sur leurs enfants
. [Bourdaloue, Myst. Passion de J. C. t. I, p. 242][Monime] pleurant sur cette malheureuse beauté qui, au lieu d'un mari, lui avait donné un maître
. [Rollin, Histoire ancienne]C'est une espèce d'Héraclite chrétien, toujours prêt à pleurer sur la folie de ses semblables
. [Diderot, Mém. t. I, p. 91, dans POUGENS]Pleurer comme un enfant, pleurer abondamment et facilement comme fait un enfant.
Mais enfin, me remettant devant les yeux ce que je devais à son père et à son frère, je n'eus recours qu'à mes larmes : je pleurai comme un enfant
. [Scarron, Le Roman comique]Pleurer comme une Madeleine, pleurer avec effusion.
Familièrement. Pleurer comme un veau, comme une vache, pleurer excessivement.
Pétrarque... En eût de marrison [de chagrin] pleuré comme une vache
. [Régnier, Satires]Depuis, pour l'amour d'elle, il pleure comme un veau
. [Dancourt, Sancho Pança, II, 3]On dirait qu'il a pleuré pour avoir un habit, un chapeau, etc. se dit d'un homme qui a un habit écourté, un chapeau trop petit.
Il ne lui reste, on ne lui a laissé que les yeux pour pleurer, il a tout perdu, on lui a tout pris.
Il pleure d'un oeil et rit de l'autre, se dit d'un homme incertain entre deux sentiments opposés.
Il pleure d'un oeil et il rit de l'autre
. [La Bruyère, VIII]Jean qui pleure et Jean qui rit, homme qui se laisse aller aux sentiments les plus opposés d'un instant à l'autre ; c'est le titre d'un poëme de Voltaire, où l'auteur montre qu'il y a dans le monde de quoi se réjouir et de quoi s'affliger.
- 2 nm Le pleurer.
En quoi consiste le rire et le pleurer
. [Descartes, L'homme.]En cet endroit où il [Homère] fait pleurer Achille et Priam, l'un du souvenir de Patrocle, l'autre de la mort du dernier de ses enfants, il dit qu'ils se soûlent de ce plaisir, il les fait jouir du pleurer comme si c'était quelque chose de délicieux
. [La Fontaine, Psyché, I, p. 96] - 3Pleurer se dit des larmes provoquées par quelque chose d'âcre. Les yeux pleurent quand on pèle de l'oignon, quand on est exposé à la fumée.
Les yeux lui pleurent, ses yeux pleurent, se dit de quelqu'un qui a une incommodité qui fait que les larmes coulent sans cesse de l'oeil.
- 4Il se dit du cerf.
La meute en fait curée : il lui fut inutile De pleurer aux veneurs à sa mort arrivés
. [La Fontaine, Fables] - 5La vigne pleure, il dégoutte de l'eau de son bois.
- 6 Poétiquement. Se dit du saule pleureur dont les branches semblent pleurer.
Là des saules pensifs qui pleurent sur la rive
. [Hugo, Les feuilles d'automne] - 7 vt Pleurer quelqu'un, s'affliger de la perte, de la mort, du malheur de quelqu'un.
Cherchez avec soin et faites venir les femmes qui pleurent les morts, envoyez à celles qui y sont les plus habiles
. [Sacy, Bible. Jérémie, IX, 17]Mme de Bersillac est à l'agonie.... elle est mal pleurée ; le père et le mari voudraient qu'elle fût déjà sous terre
. [Sévigné, 24 janv. 1680]Et vous, messieurs, eussiez-vous pensé, pendant qu'elle versait tant de larmes en ce lieu [pendant l'oraison funèbre de la reine d'Angleterre, sa mère], qu'elle dût sitôt vous y rassembler pour la pleurer elle-même ?
[Bossuet, Oraisons funèbres]Il perd son fils unique.... il remet sur d'autres le soin de le pleurer, il dit : Mon fils est mort, cela fera mourir sa mère
. [La Bruyère, XI]Il faut pleurer les hommes à leur naissance, et non pas à leur mort
. [Montesquieu, Lettres persanes]Drusille, à qui il [Caligula] accorda les honneurs divins, étant morte, c'était un crime de la pleurer, parce qu'elle était déesse, et de ne la pas pleurer parce qu'elle était sa soeur
. [Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence]Ceux qui l'ont méconnu pleureront le grand homme
. [Lamartine, Méditations poétiques]Familièrement. On ne l'a pleuré que d'un oeil, il n'a été regretté qu'en apparence.
- 8Il se dit des choses regrettées.
Pleure mon infortune, et pour ta récompense Jamais autre douleur ne te fasse pleurer !
[Malherbe, VI, 20]Elle pleure en secret le mépris de ses charmes
. [Racine, Andromaque]Ma mère pleura la profession que j'avais quittée
. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]Nous avons pleuré nos plaisirs injustes, et de nouveaux plaisirs ont un moment après essuyé nos larmes
. [Massillon, Carême, Inconstance.]Revenant tout à coup à elle, elle [Mme de la Vallière, à la mort de son fils] dit à ce prélat [qui la consolait] : c'est trop pleurer la mort d'un fils dont je n'ai pas encore assez pleuré la naissance
. [Mme de Caylus, Souvenirs, p. 48, dans POUGENS]La mère et la femme de Darius ne pleurèrent-elles pas la mort d'Alexandre ?
[Montesquieu, L'esprit des lois]Ces mystérieuses relations de l'infortune remplirent mes yeux de larmes ; il y a de la douceur à pleurer sur des maux qui n'ont été pleurés de personne
. [Chateaubriand, Voyage en Amérique]Soit qu'il naisse ou qu'il meure, Il faut que l'homme pleure Ou l'exil ou l'adieu
. [Lamartine, Harmonies poétiques et religieuses]Ce malheur devrait être pleuré avec des larmes de sang, en larmes de sang, c'est-à-dire il devrait causer la plus vive douleur.
Pleurer ses péchés, ses fautes, s'affliger profondément de les avoir commis.
En déplorant vainement les fautes qui ont ruiné nos affaires, une meilleure réflexion nous apprend à déplorer celles qui ont perdu notre éternité, avec cette singulière consolation qu'on les répare quand on les pleure
. [Bossuet, Oraisons funèbres]Si, dans le moment que vous pleurez votre péché, vous n'en voulez pas retrancher l'occasion
. [Bourdaloue, Pénitence, 2e avent, p. 476]Les crimes que vous viendrez pleurer aux pieds des ministres
. [Massillon, Carême, Jeûne.]Dans le langage biblique, pleurer sa virginité, se dit d'une jeune fille qui pleure de mourir avant d'avoir été mariée.
Laissez-moi [la fille de Jephté] sur les montagnes pendant deux mois, afin que je pleure ma virginité avec mes compagnes
. [Sacy, Bible, Juges, XI, 37] - 9 Familièrement. Il pleure le pain qu'il mange, se dit d'un avare qui regrette la nourriture qu'il prend.
- 10Pleurer une larme, verser quelques larmes.
Son oeil tout pénitent ne pleure qu'eau bénite
. [Régnier, Satires]Vous auriez peut-être pleuré une petite larme, puisque j'en ai pleuré plus de vingt
. [Sévigné, 112]J'ai vu Briolle, qui m'a fait pleurer les chaudes larmes par un récit naturel et sincère de cette mort [du prince de Condé]
. [Sévigné, 13 déc. 1686]Larmes du coeur, par le coeur dévorées, Et que les yeux qui les avaient pleurées Ne reconnaîtront plus demain
. [Musset, Poésies nouv. Nuit de décembre] - 11Se pleurer, vpron Verser des pleurs sur soi-même.
J'avoue que je me suis pleuré en pleurant un ami qui faisait la douceur de ma vie, et dont la privation se fait sentir à tout moment
. [Fénelon, dans le Dict. de DOCHEZ.]Les poëtes ont dit qu'avant sa dernière heure En sons harmonieux le doux cygne se pleure
. [Lamartine, Mort de Socrate]
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