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servir

vt (sèr-vir), je sers, tu sers, il sert, nous servons, vous servez, ils servent ; je servais ; je servis ; je servirai ; je servirais ; sers, qu'il serve, servons, servez, qu'ils servent ; que je serve, que tu serves, qu'il serve, que nous servions, que vous serviez, qu'ils servent ; que je servisse ; servant ; servi

Résumé

  • 1° Être à un maître comme domestique.
  • 2° Être au service de, être attaché à la personne, en une qualité supérieure à celle de domestique.
  • 3° Rendre à quelqu'un les mêmes services qu'un domestique rend à son maître.
  • 4° Dans le culte catholique, servir le prêtre, le célébrant à l'autel.
  • 5° Servir Dieu.
  • 6° Obéir à, honorer.
  • 7° Remplir des emplois de guerre, de magistrature, d'administration.
  • 8° être dans le service militaire.
  • 9° Servir une batterie, une pièce de canon.
  • 10° Placer les mets sur la table.
  • 11° Au jeu de paume, servir la balle.
  • 12° Fournir une marchandise, un objet confectionné.
  • 13° Servir une rente.
  • 14° Servir le fief.
  • 15° Faire aller, faire marcher, en parlant de certains moteurs.
  • 16° Être utile à.
  • 17° Il se dit des choses qui secondent, favorisent.
  • 18° Servir la jument.
  • 19° En termes de chasse, tuer la bête avec une arme.
  • 20° vi Être à un maître comme domestique.
  • 21° Servir pendant un quartier, une semaine.
  • 22° Être esclave, être en servitude.
  • 23° Servir de, tenir lieu de, faire l'office de.
  • 24° Servir à, être utile.
  • 25° Servir à, être destiné à tel ou tel usage, être propre à.
  • 26° Absolument, être utile, avec un nom de chose pour sujet.
  • 27° Être d'usage.
  • 28° Faire servir à, employer pour un but, pour un résultat.
  • 29° En termes de marine, faire servir, faire fonctionner telle ou telle voile.
  • 30° vpron Se servir, faire pour soi ce qu'on pourrait faire faire à un domestique.
  • 31° Prendre de ce qui est sur la table.
  • 32° Faire usage de.
  • 33° Se servir chez un marchand.
  • 34° Se rendre service à soi-même, l'un à l'autre.
  • 1Être à un maître comme domestique. Que servir un joueur est un maudit métier ! [Regnard, Le joueur] On défendit aux calvinistes, en 1685, de se faire servir par les catholiques, de peur que les maîtres ne pervertissent les domestiques. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV]

    Absolument. Être réduit à servir. Ce domestique est trop vieux, il ne peut plus servir.

    Servir son maître à table, lui donner à boire, lui donner des assiettes, etc.

    Absolument. Ce qu'on peut remarquer [lors du sacre], c'est que les prélats dînèrent à la table de l'empereur, et que les ducs de Franconie, de Souabe, de Bavière et de Lorraine servirent à table. [Voltaire, Annales de l'Empire depuis Charlemagne] Je servais à table, et je faisais à peu près au dedans le service d'un laquais. [Rousseau, Les confessions]

    Servir à la chambre, à la cuisine, etc. Être employé au service de la chambre, de la cuisine, etc. Vous étiez jeune encor, vous serviez au festin, à ce dernier festin du tyran de l'Asie. [Voltaire, Olymp. I, 2]

    Pour vous servir, à vous servir, locutions familières de civilité employées comme réponse affirmative. Vous êtes taupe ? me dit-elle ; Oui, lui dis-je, mademoiselle, Je suis taupe, pour vous servir. [Voiture, Poés. Oeuv. t. II, p. 186] D. Juan : Vous vous appelez ? - Charlotte : Charlotte, pour vous servir. [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre] Vous êtes sans doute madame Patelin ? - à vous servir ! [Brueys, Avoc. Pat. II, 2]

  • 2Être au service de, être attaché à la personne, en une qualité supérieure à celle de domestique. Et ressouvenez-vous quel prélat vous servez. [Boileau, Le lutrin] Le bonheur de le servir [un grand] était, selon lui, une assez haute récompense pour ceux qui le servaient. [Fénelon, Télémaque]
  • 3Rendre à quelqu'un les mêmes services qu'un domestique rend à son maître. Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir. [Sacy, Bible, St Marc, X, 45] Ô vous, pauvres, quelque nom que vous portiez, vous que la reine servait avec tant de foi. [Bossuet, Oraisons funèbres] Dieu, dit la princesse Anne, me donnera peut-être de la santé pour aller servir cette paralytique. [Bossuet, Oraisons funèbres] Il [Fénelon] recueillait dans son palais les malheureux habitants des campagnes que la guerre avait obligés de fuir leurs demeures, les nourrissait, et les servait lui-même à table. [D'alembert, Élog. Fén.]
  • 4Dans le culte catholique, servir le prêtre, le célébrant à l'autel, répondre la messe, et présenter l'eau et le vin, ce qui, aux grand'messes, est la fonction des diacres et des sous-diacres. Loin d'ici ces prêtres oisifs qui, vivant de l'autel et ne servant pas à l'autel, traînent sans honneur et sans emploi un stérile et infructueux sacerdoce. [Fléchier, Panég. II, 405]Racine l'a dit en parlant du culte des Hébreux : Debout à ses côtés [du grand prêtre], le jeune Éliacin Comme moi le servait en long habit de lin. [Racine, Athalie]

    Servir la messe, assister le prêtre qui la dit. Pour moi, je n'entends guère de messe dans le camp qui ne soit servie par quelque mousquetaire, et où il n'y en ait quelqu'un qui communie, et cela de la manière du monde la plus édifiante. [Racine, Lett. 21 à Boileau] Hélas ! le seul office que je pouvais lui rendre, c'était de lui servir la messe, mais c'était un mérite à ses yeux, et voici pourquoi.... [Marmontel, Mémoires d'un père pour servir à l'instruction de ses enfants]

  • 5Servir Dieu, lui rendre le culte qui lui est dû, s'acquitter des devoirs de la religion. Il n'y a que deux sortes de personnes qu'on puisse appeler raisonnables : ou ceux qui servent Dieu de tout leur coeur, parce qu'ils le connaissent ; ou ceux qui le cherchent de tout leur coeur, parce qu'ils ne le connaissent pas. [Pascal, Pensées] Que quand on servait Dieu, on servait bien son roi. [Sévigné, 85] [Le prince de Condé mourant] nous avertit que, pour trouver à la mort quelques restes de nos travaux et n'arriver pas sans ressource à notre éternelle demeure, avec le roi de la terre il faut encore servir le roi du ciel. [Bossuet, Oraisons funèbres] Le Dieu que nous servons est le Dieu des combats. [Racine, Esther] Ils laissèrent à chacun la liberté de servir Dieu suivant sa conscience, pourvu que l'État fût bien servi. [Voltaire, Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand]

    Il se dit des dieux du paganisme. Leurs philosophes connurent que le monde était régi par un dieu bien différent de ceux que le vulgaire adorait, et qu'ils servaient eux-mêmes avec le vulgaire. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] J'ai mon dieu que je sers ; vous servirez le vôtre. [Racine, Athalie] Des dieux que nous servons connais la différence. [Voltaire, Alzire, ou Les américains]

  • 6Obéir à, honorer. L'orgueil de voir vingt rois vous servir et vous craindre. [Racine, Iphigénie en Aulide]

    Servir une dame, lui rendre des soins assidus, faire profession d'être son amant. Je sers, je le confesse, une jeune merveille, En rares qualités à nulle autre pareille. [Malherbe, V, 21] Oui, c'est moi qui voudrais effacer de ma vie Les jours que j'ai vécu sans vous avoir servie. [Corneille, Le menteur] Le comte d'Arran, qui l'avait servie des premiers [Mme de Shrewsbury], n'avait pas été des derniers à la quitter. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    Absolument. Prêt à servir toujours, sans espoir de salaire. [Racine, Andromaque]

  • 7Il se dit des emplois de guerre, de magistrature, d'administration que l'on remplit au service de l'État, du prince. Louis XIV fut servi par Vauban dans ses armées. Que, depuis quarante-deux ans qu'il servait le roi, il ne lui avait jamais donné de conseil que selon sa conscience. [Bossuet, Oraisons funèbres] Ne pouvant servir le roi par ses actions et par ses discours, il [le Tellier] le servit par son repos et par son silence. [Fléchier, Oraisons funèbres] Nous servions tous deux l'État, et, le servant, nous voulions l'un et l'autre tout gouverner. [Fénelon, Dialogues des morts] D'un combat singulier la gloire est périssable ; Mais servir la patrie est l'honneur véritable. [Voltaire, Tancrède] Qui sert bien son pays n'a pas besoin d'aïeux. [Voltaire, La méroppe française] Christine, comme tous les princes, aimait mieux être flattée que servie. [D'alembert, Oeuvr. t. IV, p. 21]

    On dit dans un sens analogue : servir l'Église. On ne s'engage à servir l'Église que dans l'espérance d'y dominer ; et, si l'on n'espérait pas y dominer un jour, on ne se réduirait jamais à la servir. [Bourdaloue, 10e dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 212]

    Fig. Servir le monde pour Dieu, disait ce grand évêque, c'est une vertu ; servir le monde pour le monde, c'est un désordre. [Bourdaloue, 5e dim. après la Pentecôte. Dominic. t. II, p. 460 et 461] On sert mal à la fois la fortune et l'amour. [Rousseau, Dev. du vil. sc. 4]

  • 8 Absolument. Être dans le service militaire. Il a longtemps servi sur mer, dans la cavalerie, dans l'infanterie. Il y a vingt ans qu'il sert. Ce sera dans nos jours s'être fait un nom parmi les hommes et s'être acquis un mérite dans les troupes, d'avoir servi sous le prince de Condé, et, comme un titre pour commander, de l'avoir vu faire. [Bossuet, Oraisons funèbres] M. de Servière, gentilhomme d'une ancienne noblesse, qui, après avoir longtemps servi, mais peu utilement pour sa fortune, parce qu'il n'avait songé qu'à bien servir, s'était retiré couvert de blessures. [Fontenelle, Truchet.] Où voudriez-vous servir ? vous n'avez qu'à dire : dans l'infanterie, dans la cavalerie, ou dans les dragons ? [Dancourt, la Gazette, sc. 18]

    Faire son service. Ce soldat sert bien. Vous ai-je pas conté comme il [Turenne] rhabilla ce régiment anglais ?.... les Anglais ont dit.... qu'ils achèveraient de servir cette campagne pour le venger, mais qu'après ils se retireraient, ne pouvant obéir à d'autres. [Sévigné, 16 août 1675] Le maréchal de Richelieu venait de conclure, près de Stade, un traité avec les Hanovriens et les Hessois qui ressemblait à celui des fourches caudines : leur armée ne devait plus servir. [Voltaire, Comm. Oeuvr. aut. Henriade.]

  • 9 Terme de guerre. Servir une batterie, une pièce de canon, etc. faire les manoeuvres nécessaires pour l'exécution du feu. Le canon des assiégés a été très bien servi. [Pellisson, Lettres historiques]On dit dans un sens analogue : Ce feu d'artifice a été bien servi, mal servi.

    Servir une pompe, la faire jouer.

  • 10Placer les mets sur la table. Servir le dîner, le souper. Si l'on ne vous servait à table que deux onces de pain. [Pascal, Les provinciales] Ainsi dit Gilotin, et ce ministre sage Sur table au même instant fait servir le potage. [Boileau, Le lutrin] Les nymphes.... servirent un repas simple, mais exquis pour le goût et pour la propreté. [Fénelon, Télémaque] Ce fut l'orateur Hortensius qui imagina le premier de faire servir des paons sur sa table. [Buffon, Oiseaux] La chair du cygne est noire et dure ; et c'est moins comme un bon mets que comme un plat de parade qu'il était servi dans les festins chez les anciens, et par la même ostentation chez nos ancêtres. [Buffon, ib. t. XVII, p. 33] On voit dans les dispensaires du XVIe siècle qu'on servait à la table de François Ier des cervelles de faisans, des langues de carpes et des foies de lottes étuvés au vin d'Espagne. [Decourchamp, Souvenirs de la marquise de Créquy, t. IV, ch. VI.]

    Fig. Servir un mauvais compliment, faire un mauvais compliment. La voyant échapper, je courais après elle ; Mais un maudit galant m'est venu brusquement Servir à la traverse un mauvais compliment. [Corneille, Place Roy. IV, 4]

    Absolument. Voulez-vous qu'on serve ? Servez à six heures. Madame, on a servi sur table. [Molière, Critique de l'école des femmes] Un petit laquais viendra dire qu'on a servi, on se lèvera, et chacun ira souper. [Molière, Le bourgeois gentilhomme]

    Et servez chaud, formule qui, dans les livres de cuisine, termine toutes les recettes de mets qui doivent être mangés chauds.

    Fig. et familièrement. Servez chaud, faites vite, donnez promptement.

    Le dîner, le déjeuner est servi, il est sur la table.

    On dit dans le même sens : Vous êtes servi ; Madame est servie. Je suis servi par ses cuisiniers [de Frédéric II] ; j'ai une reine à droite, une reine à gauche.... [Voltaire, Correspondance] Un quart d'heure après on nous servit, et nous nous mîmes à table. [Marivaux, Le paysan parvenu] Je l'invitai à souper ; mais elle s'en défendit, et me quitta quand on m'avertit que j'étais servie. [Mme Riccoboni, Oeuvr. t. III, p. 178]

    Servir à déjeuner, à dîner, à souper, servir à une ou plusieurs personnes ce qu'il faut pour déjeuner, dîner, souper.

    Servir un dîner, un déjeuner, signifie quelquefois, en parlant d'hôteliers, de restaurateurs, donner à dîner, à déjeuner. On nous servit un fort beau dîner.

    Servir une table, la couvrir de plats, de mets. On servit six tables en même temps.

    Servir à quelqu'un un mets, d'un mets, donner d'un mets à un convive. On m'a servi un excellent morceau. Je vais vous servir du saumon.

    On dit aussi : servir à boire à quelqu'un.

    Servir quelqu'un, lui donner de ce qui est sur la table. Vous ai-je servi ? Je vous ai bien mal servi.

    Absolument. C'était la maîtresse de la maison qui servait, elle distribuait les mets aux convives.

    Fig. Servir quelqu'un d'un conte, lui faire un conte. Je le sers aussitôt d'un conte imaginaire Qui l'étonne lui-même et le force à se taire. [Corneille, Le menteur] J'ai cru que les digressions feraient plus de bien à cet ouvrage que de tort, et que le lecteur, qui se verrait toujours servi de quelque trait d'histoire curieuse ou de quelque réflexion de bon goût, ne regretterait pas d'avoir perdu de vue la comète de temps en temps. [Bayle, Lettre touchant les comètes, avert. au lect.]

    Fig. et familièrement. Servir un plat de son métier, voir PLAT. 2, n° 2.

    Fig. et familièrement. Servir quelqu'un à plats couverts, lui rendre en secret de mauvais offices (voir PLAT 2, n° 1, et, pour l'explication de cette locution, l'historique de PLAT 2).

  • 11 Terme de jeu de paume. Servir la balle, ou, absolument, servir, jeter une balle sur le toit pour être reçue par ceux qui jouent. C'est à monsieur à servir.

    Fig. [Le premier président dit] que, si M. le Prince avait su jouer la balle qu'il lui avait servie, il avait quinze sur la partie contre moi. [Retz, III, 350]

    Servir sur les deux toits, jeter la balle de manière qu'elle aille sur les deux toits avant de tomber.

    Fig. Et familièrement. Servir quelqu'un sur les deux toits, lui fournir l'occasion de faire avec facilité ce qu'il désire.

    Il signifie aussi rendre à quelqu'un avec zèle de grands services.

    Au jeu du ballon, de la balle, du volant, jeter le ballon, la balle, le volant à celui avec qui l'on joue.

    À certains jeux de dés, mettre les dés dans le cornet de celui qui doit jouer. C'est à vous à servir.

  • 12Fournir une marchandise, un objet confectionné. Le boucher vous a mal servi. Ce cordonnier ne vous sert plus aussi bien qu'autrefois. Si vous voulez être servi [recevoir des opuscules de Voltaire], dites-moi donc comment il faut que je vous serve. [Voltaire, Correspondance]
  • 13 Terme de finance. Servir une rente, payer l'intérêt d'une somme constituée en rente.

    Terme de jurisprudence. Servir une redevance, acquitter la redevance convenue.

  • 14 Terme de féodalité. Servir le fief, remplir les obligations qui y étaient attachées. Quand les fiefs étaient amovibles, on les donnait à des gens qui étaient en état de les servir. [Montesquieu, L'esprit des lois] On fit des dispositions pour la succession future, dans la vue que le fief pût être servi par les héritiers. [Montesquieu, ib. 34]
  • 15Faire aller, faire marcher, en parlant de certains moteurs. Ce cours d'eau a été utilisé pour servir un moulin.
  • 16Être utile à. Servir quelqu'un de son crédit, de son épée. Il vous a servi auprès du ministre. Quand la pieuse reine d'Angleterre servait l'Église, elle croyait servir l'État. [Bossuet, Oraisons funèbres] La souveraine puissance vous est accordée, afin que l'empire de la terre serve l'empire du ciel. [Bossuet, Oraisons funèbres] Il faut servir nos amis à leur mode. [Maintenon, Proverbes, p. 50, dans POUGENS] Inexorables dieux, qui m'avez trop servi. [Racine, Phèdre] Rarement on sert bien ceux qu'on aime beaucoup. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***] André Doria est le héros qu'on peut mettre à la tête de tous ceux qui servirent la fortune de Charles-Quint. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII] L'illustre Mme de Sévigné, Pellisson, Gourville, Mlle Scudéry, plusieurs gens de lettres se déclarèrent hautement pour lui [Fouquet], et le servirent avec tant de chaleur qu'ils lui sauvèrent la vie. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV] Servant ses amis avec zèle, ou plutôt se faisant l'ami des gens qu'il pouvait servir. [Rousseau, Les confessions] Je voudrais bien servir la raison, mais je désire encore plus d'être tranquille. [D'alembert, Lett. à Volt. 22 déc. 1765]

    Absolument. Sujet plein d'une fidélité ardente et zélée, et nullement courtisan, il aurait infiniment mieux aimé servir que plaire. [Fontenelle, Vauban.] N'offenser personne, guérir toutes les jalousies, servir sans cesse, et chercher à plaire comme si l'on ne servait point. [Mirabeau, Collection complète des travaux de M. Mirabeau l'aîné]

    Servir la religion, servir la patrie, faire quelque chose d'avantageux à la religion, à la patrie.

    Servir les passions de quelqu'un, lui fournir les moyens de les satisfaire. Comment puis-je sitôt servir votre courroux ? [Racine, Andromaque] Sers ma fureur, Oenone, et non point ma raison. [Racine, Phèdre] Qu'importe que notre coeur souffre, pourvu que notre vanité soit servie ? [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***]

    Corneille a dit servir quelqu'un à, l'aider à : Le patrice Aspar le servit à monter au trône, Pulch. au lecteur.

  • 17Il se dit des choses qui secondent, favorisent. Les circonstances, les événements l'ont bien servi. Soit donc que malgré vous le sort vous ait servie, Soit que... [Racine, Britannicus]

    Son bras a mal servi sa valeur, il n'a pas eu autant de force que de courage.

    Sa mémoire l'a mal servi, il a manqué de mémoire.

    Si ma mémoire me sert bien, si j'ai bonne mémoire, si je me souviens bien.

  • 18Servir la jument, se dit de l'action de l'étalon dans l'accouplement.
  • 19 Terme de chasse. Tuer la bête avec une arme. Servir les bêtes rousses à la carabine. [Moniteur universel]

    Ce mot est devenu, dans l'argot, synonyme d'assassiner.

  • 20 vi Être à un maître comme domestique. Enfin il sentit l'impossibilité absolue de servir à deux maîtres. [Fontenelle, Rolle.]

    Fig. Il est ainsi, chrétiens : nous sommes des idolâtres, lorsque nous servons à nos convoitises. [Bossuet, Panégyrique]

  • 21Servir un quartier, une semaine, être de service pendant un quartier, pendant une semaine.

    Fig. Je sers actuellement mon quartier de Tirésie [je suis aveugle] ; mes fluxions sur les yeux me mettent hors d'état d'écrire. [Volt. Lett. D'alembert, 31 mars 1766]

  • 22Être esclave, en servitude. Un coeur né pour servir sait mal comme on commande. [Corneille, La mort de Pompée] Tu veux servir ; va, sers, et me laisse en repos. [Racine, Alexandre le grand] Maintenant elle [la nation juive] sert sous un maître étranger. [Racine, Esther] Une forêt voisine où nous servirions en esclaves sous ceux qui gouvernaient ses troupeaux. [Fénelon, Télémaque] Sers ou meurs, disaient insolemment les Portugais à chaque peuple qui se trouvait sous leurs pas rapides et ensanglantés. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]
  • 23Servir de, tenir lieu de, faire l'office de. Pendant que cette princesse [Livie] vécut, elle servait de quelque barrière, parce que Tibère, accoutumé longtemps à lui obéir, n'osait lui contredire ouvertement. [Perrot, Tacite, 254] Mon nom sert de rempart à toute la Castille. [Corneille, Le Cid] Votre goût a servi de règle à mon ouvrage. [La Fontaine, Fables] Vos lettres nous ont servi d'un grand amusement. [Sévigné, 28 août 1680] Cette loi divine mal appliquée.... nous sert très souvent de fausse règle. [Bourdaloue, 1er avent, Fausse consc. 134] Des siéges et des combats servirent d'exercice à son enfance [de Turenne]. [Fléchier, Oraisons funèbres] Je vous rends votre fils et je lui sers de père. [Racine, Andromaque] Tout doit servir de proie aux tigres, aux vautours. [Racine, Esther] Hortense, ajouta-t-il en s'en allant, vous n'avez pas voulu me faire de la peine ; mais que ceci vous serve de leçon. [Marmontel, Contes moraux]Se servir à soi-même de, faire pour soi-même l'office de. Ils se servent de chiens à eux-mêmes [pour la chasse]. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation]

    Servir de preuve que, prouver que. Et ce choix sert de preuve à tous les courtisans, Qu'ils [les rois] savent mal payer les services présents. [Corneille, Le Cid]

    Servir d'un trophée à, être comme un trophée pour. Dans leur sang répandu la justice étouffée Aux crimes du vainqueur sert d'un nouveau trophée. [Corneille, Le Cid]

    Fig. Servir de jouet, de plastron, être en butte aux railleries, aux attaques.

    Servir de plastron, signifie aussi être exposé aux attaques, aux importunités de quelqu'un.

    Fig. et familièrement. Servir de couverture, servir de prétexte.

  • 24Servir à, être utile. Fuyez ce qui vous nuit, aimez ce qui vous sert. [Régnier, Satires] Je vois bien maintenant à quoi vous servent les opinions contraires que vos docteurs ont sur chaque matière ; car l'une vous sert toujours, et l'autre ne vous nuit jamais. [Pascal, Les provinciales] La reine, qui accompagne son époux au coeur de l'hiver, joint au plaisir de la suivre celui de servir secrètement à ses desseins. [Bossuet, Oraisons funèbres] Ce qui nous sert, on le cherche ; mais ce qui nous veut servir, on l'aime. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation] Je croyais, interrompis-je vivement, que le but de la vie d'un honnête homme n'était pas le bonheur qui ne sert qu'à lui, mais la vertu qui sert aux autres. [Staël, Corinne, ou l'Italie]

    Que sert, à quoi sert-il ? quel avantage revient-il de.... ? Mais que sert la colère où manque le pouvoir ? [Corneille, Sertorius] Puis on avait pour son argent, Avec un bon soufflet, un fil long de deux brasses ; La plupart s'en fâchaient, mais que leur servait-il ? C'étaient les plus moqués. [La Fontaine, Fables] Ami, reviens chez moi : que nous sert de pleurer ? Haine, vengeance et deuil, laissons tout à la porte. [La Fontaine, ib. X, 12] Que nous servira d'avoir du bien, s'il ne nous vient que dans le temps que nous ne serons plus dans le bel âge d'en jouir ? [Molière, L'avare] Que lui servirent ses rares talents ? que lui servit d'avoir mérité la confiance intime de la cour ? [Bossuet, Oraisons funèbres] Qu'as-tu donc servi, ô philosophie ! [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Quand on n'a rien à répondre, à quoi sert-il d'écouter ? [Quin. Cadm. I, 4] Mais sans un Mécénas, à quoi sert un Auguste ? [Boileau, Satires] Mais que sert que ta main leur dessille les yeux ? [Boileau, Epîtres] Du zèle de ma loi que sert de vous parer ? [Racine, Athalie] Que vous aura-t-il servi de croire, si vos moeurs ont démenti votre croyance ? [Massillon, Carême, Vérité de la religion] À quoi sert la vie, quand on n'a point d'amis ? [Barthélemy, L'atlas du Voyage du jeune Anacharsis]

    Impersonnellement. Mais bien vous sert que j'ignore le langage des dieux. [Guez de Balzac, Correspondance] Rien ne vous a servi, seigneur, de me nommer. [Corneille, Othon] Rien ne lui servit de se défendre avec ses armes ordinaires, et de raconter des apologues : les Delphiens s'en moquèrent. [La Fontaine, Vie d'Ésope.] Rien ne sert de courir : il faut partir à point. [La Fontaine, Fables]

    En ce sens, servir prend de avec rien, peu, beaucoup, guère, quoi. Si bien Que tous mes froids dédains n'y servirent de rien. [Régnier, Dial.] Hélas ! de quoi me sert ce dessein salutaire ? [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] L'un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de guère. [Molière, L'école des femmes] Qui dit suffisant, marque tout ce qui est nécessaire pour agir, et il servirait de peu aux dominicains de s'écrier qu'ils donnent un autre sens au mot de suffisant. [Pascal, Les provinciales] Les paroles servent de peu quand il s'agit de prouver. [Sévigné, 19 janv. 1674] Il ne sert de rien à l'homme de gagner le monde entier, s'il vient à perdre son âme. [Massillon, Avent, Bonh. des justes.] Les titres ne servent de rien pour la postérité. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV]

    Cela sert comme un cautère, comme un emplâtre sur une jambe de bois, comme une cinquième roue à un carrosse, cela est tout à fait inutile.

  • 25Servir à, être destiné à tel usage, être propre à. Les juges que leurs artifices faisaient redouter furent sans crédit : leur nom ne servit qu'à rendre la justice plus attentive. [Bossuet, Oraisons funèbres] Je me souviens qu'il nous ravissait en nous racontant comme en Catalogne, dans les lieux où ce fameux capitaine [César], par l'avantage des postes, contraignit cinq légions romaines et deux chefs expérimentés à poser les armes sans combats, lui-même il avait été reconnaître les rivières et les montagnes qui servirent à ce grand dessein. [Bossuet, Oraisons funèbres] S'il y a des choses que l'on doive ignorer, ce sont celles qui ne servent à rien. [Malebranche, De la Recherche de la vérité] Métophis m'envoya vers les montagnes du désert d'Oasis avec ses esclaves, afin que je servisse avec eux à conduire ses grands troupeaux. [Fénelon, Télémaque] Les mémoires pour servir à l'histoire de Louis XIV, qu'il [l'abbé de Choisy] avait aussi écrits dans ses moments de loisir, n'ont paru que depuis sa mort. [D'alembert, Éloges, l'abbé de Choisy.]

    On a dit aussi servir pour. J'imite les Romains ....à qui l'on permettait.... de reprendre et de dire Ce qu'ils pensaient servir pour le bien de l'empire. [Régnier, Satires]

  • 26 Absolument, être utile, avec un nom de chose pour sujet. Ma foi, le jugement sert bien dans la lecture. [Boileau, Satires] Tout ce qui dut servir s'est tourné contre nous. [Voltaire, Oreste, V, 6]
  • 27Être d'usage. Ces gants ne peuvent plus me servir. L'anneau qui lui servait est encore en tes mains. [Voltaire, Oreste, II, 1]
  • 28Faire servir à, employer pour un but, pour un résultat. Vous voyez combien cette bulle est dangereuse, par la fin où l'on veut la faire servir. [Pascal, Les provinciales] Par l'effet du même transport qui vous fait parler aux hommes de vos prétentions, vous en venez encore parler à Dieu, pour faire servir le ciel et la terre à vos intérêts. [Bossuet, Oraisons funèbres] Ils font servir à leurs convoitises les biens qu'ils ont reçus pour exercer leur charité. [Fléchier, Oraisons funèbres] Ils [les dieux] ont fait servir Achille à abattre les murs de Troie. [Fénelon, Télémaque] Il [saint Augustin] veut qu'on fasse servir l'éloquence humaine à la parole de Dieu, et non qu'on rende la parole de Dieu esclave de l'éloquence humaine. [Rollin, Traité des Études] Le dernier degré de la perversité est de faire servir les lois à l'injustice. [Voltaire, Dictionnaire philosophique]
  • 29 Terme de marine. Faire servir, faire fonctionner telle voile qui ne fonctionnait pas, de manière qu'elle serve au navire pour sa route ou pour une évolution. Tout cela fut exécuté avec tant de diligence et si à propos, que les ennemis n'étaient qu'à deux portées de canon de moi, lorsque je commençai à faire servir. Rapport de J. Bart, 5 juill. 1696, dans JAL]
  • 30Se servir, vpron Faire pour soi ce qu'on pourrait faire faire à un domestique. Ils [Charles XII et ses compagnons chez les Turcs] se servaient eux-mêmes ; et ce fut le chancelier Mullern qui fit pendant tout ce temps la fonction de cuisinier. [Voltaire, Histoire de Charles XII]
  • 31Prendre de ce qui est sur la table. Servez-vous, point de façons.
  • 32Faire usage de. Dieu, qui emploie toutes choses à ses fins cachées, s'est servi autrefois des chastes attraits de deux saintes héroïnes pour délivrer ses fidèles de leurs ennemis. [Bossuet, Oraisons funèbres] Ne puis-je pas dire, pour me servir des paroles fortes du plus grave des historiens, qu'elle allait être précipitée dans la gloire ? [Bossuet, Oraisons funèbres] Grâces à mon amour, je me suis bien servie Du pouvoir qu'Amurat me donna sur sa vie [de Bajazet]. [Racine, Bajazet] Je veux l'avancer, dites-vous : comblez-le de biens, surchargez-le de terres, de titres et de possessions ; servez-vous du temps ; nous vivons dans un siècle où elles lui feront plus d'honneur que la vertu. [La Bruyère, II] Également capables de se servir de la fortune et de l'attendre. [Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence]

    Il se dit aussi des personnes qu'on emploie. Il se sert depuis longtemps de ce tailleur. Je viens remercier et mon père et mon roi D'avoir eu la bonté de s'y servir de moi. [Corneille, Nicomède] Ils [les Romains] se servirent d'Eumènes et de Massinisse pour subjuguer Philippe et Antiochus, comme ils s'étaient servis des Latins et des Herniques pour subjuguer les Volsques et les Toscans. [Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence] Ô puissant Orosmade, vous vous servez de moi pour consoler cet homme ; de qui vous servirez-vous pour me consoler ? [Voltaire, Zadig, ou La destinée]

    Se servir d'une chose à, s'en servir pour tel usage. Je ne puis fermer les mains ; mais je les remue, et m'en sers à toutes choses. [Sévigné, 8 juillet 1676]

  • 33Se servir chez un marchand, avoir l'habitude d'acheter chez lui.
  • 34Se rendre service à soi-même. Ma situation est singulière ; je sers les autres, et je ne me sers pas moi-même. [Voltaire, Correspondance]

    Se rendre service l'un à l'autre. Ces femmes ont toutes des relations les unes avec les autres, et forment une espèce de république dont les membres, toujours actifs, se secourent et se servent mutuellement. [Montesquieu, Lettres persanes]

PROVERBES

Il n'y a qu'un mot qui serve, signifie : ou bien décidez-vous, dites-moi votre dernier mot, ou bien : je vous ai dit mon dernier mot. Écoutez : il n'y a qu'un mot qui serve ; je n'entends point que vous ayez d'autres noms que ceux qui vous ont été donnés par vos parrains et vos marraines. [Molière, Les précieuses ridicules] Il n'y a plus qu'un mot qui serve : M. de Meynières peut-il vous dire tout net ce que j'ai à espérer de M. Hérault ? [Voltaire, Correspondance]

On n'est jamais si bien servi que par soi-même.

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35Se servir, être mis, servi sur table. Ce plat se sert sur les meilleures tables.
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