fureur
- 1Folie frénétique. La fureur est une cause d'interdiction. Il lui prend de temps en temps des accès de fureur.
Le majeur qui est dans un état habituel d'imbécillité, de démence ou de fureur, doit être interdit
. [Code Napoléonien]Par exagération. Sorte de folie.
Au défaut d'un meilleur refuge, iront-ils enfin se plonger dans l'abîme de l'athéisme, et mettront-ils leur repos dans une fureur qui ne trouve presque point de place dans les esprits ?
[Bossuet, Oraisons funèbres]Quelle fureur, dit-il, quelle aveugle caprice, Quand le dîner est prêt, vous appelle à l'office !
[Boileau, Le lutrin]Comme tout ce qui a rapport à l'histoire des arts est au moins aussi important que des récits de batailles, monuments de notre fureur, je finirai cette année par un fait qui servit à perfectionner la chirurgie
. [Duclos, Hist. Louis XI, Oeuv. t. III, p. 51, dans POUGENS]N'y a-t-il pas de la fureur à nourrir des paons dont le prix n'est pas moindre que celui des statues ?
[Buffon, Oiseaux]Fureur utérine, voir NYMPHOMANIE.
Fureur amoureuse, le rut.
Cette fureur amoureuse ne dure que trois semaines ; pendant ce temps-là, ils [les cerfs] ne mangent que très peu, ne dorment ni ne reposent
. [Buffon, Quadrupèdes] - 2Passion excessive, démesurée pour une personne. Il aime, il hait jusqu'à la fureur.
Une ombre chérie avec tant de fureur
. [Corneille, Oedipe]Je l'ai livrée entre les mains de ceux qu'elle avait aimés, entre les mains des Assyriens, dont elle avait été passionnée jusqu'à la fureur
. [Sacy, Bible, Ézéchiel, XXIII, 9]Songez-y bien, il faut désormais que mon coeur, S'il n'aime avec transport, haïsse avec fureur
. [Racine, Andromaque]Ce coeur né pour haïr qui brûle avec fureur
. [Voltaire, Le fanatisme, ou Mahomet le Prophète]Parmi les causes qui contribuèrent à la conquête du nouveau monde, on doit compter cette fureur des femmes américaines pour les Espagnols
. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]À la fureur, d'une façon passionnée.
Ciel ! que je vous haïrais, si je ne vous aimais à la fureur !
[Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]Le gouverneur aimait les femmes à la fureur
. [Voltaire, Candide, ou L'optimiste] - 3Passion excessive, démesurée pour une chose.
Que n'a-t-on pas dit de sa fermeté [de Louis XIV], à laquelle nous voyons céder jusqu'à la fureur des duels ?
[Bossuet, Oraisons funèbres]Les fausses religions, le libertinage d'esprit, la fureur de disputer des choses divines sans fin, sans règle, sans soumission
. [Bossuet, Oraisons funèbres]Les jeux sont devenus ou des trafics, ou des fraudes, ou des fureurs
. [Massillon, Car. Él.]Eh bien ! son Dorante, que t'a-t-il fait ? car il me semble que ta fureur est que je le haïsse
. [Marivaux, Le préjugé vaincu]La fureur de la plupart des Français c'est d'avoir de l'esprit
. [Montesquieu, Lettres persanes]Malgré la fureur du paganisme dont il était possédé, il ne répandit pas une goutte de sang chrétien
. [Diderot, Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur les moeurs et les écrits de Sénèque]On n'y eut pas plutôt ouvert des cafés [à Constantinople] qu'ils furent fréquentés avec fureur
. [Raynal, Histoire philosophique et politiques des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes]Faire fureur, être fort en vogue. Cette actrice, cette pièce fait fureur. On dit aussi : Tout le monde s'y porte ; c'est une fureur ; et dans un sens analogue : Il est dans la fureur de ses succès.
- 4 Familièrement. Habitude importune, fatigante, nuisible de faire quelque chose. Il a toujours la fureur de se mêler des affaires des autres.
Comme il connaissait la fureur dont sa femme se donnait en spectacle pour sa danse et pour sa parure
. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]Qui n'a pu retenir sa misérable fureur de parler
. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***]Cette fureur de charger une histoire de portraits a commencé en France par les romans
. [Voltaire, Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand] - 5Colère extrême.
Vous eussiez vu leurs yeux s'enflammer de fureur
. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste]Tu céderas ou tu tomberas sous ce vainqueur, Alger, riche des dépouilles de la chrétienté.... dans ta brutale fureur, tu te tournes contre toi-même, et tu ne sais comment assouvir ta rage impuissante
. [Bossuet, Oraisons funèbres]Il tourna sa fureur contre les Juifs
. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle]Craignez de négliger Une amante en fureur qui cherche à se venger
. [Racine, Andromaque]Ma tranquille fureur n'a plus qu'à se venger
. [Racine, Bajazet]L'auriez-vous cru, madame, et qu'un si prompt retour Fît à tant de fureur succéder tant d'amour ?
[Racine, Bajazet]Cette chasse acheva de la mettre en fureur
. [Fénelon, Télémaque]De fureur, par un mouvement de fureur.
....J'étais si transporté, Que, donnant de fureur tout le festin au diable....
[Boileau, Satires]Gilotin en gémit, et, sortant de fureur....
[Boileau, Le lutrin]Se dit aussi des animaux. La fureur d'un taureau. Un lion en fureur.
Semblable à une bête en fureur
. [Fénelon, Télémaque]En termes de l'Écriture sainte, la colère de Dieu. Seigneur, ne me repoussez pas dans votre fureur
- 6Emportement, violence.
L'autre d'un si grand zèle admire la fureur
. [Corneille, Horace]De protestations, d'offres et de serments, Vous chargez la fureur de vos embrassements
. [Molière, Le misanthrope]Dans la plus grande fureur des guerres civiles
. [Bossuet, Oraisons funèbres]Témoins de la fureur de mes derniers adieux
. [Racine, Andromaque]La fureur des combats que Mentor tâchait d'éteindre
. [Fénelon, Télémaque]Nous n'aurions pas le temps de nous entretenir, si nous ne prévenions pas la fureur de ses politesses
. [Marivaux, Le paysan parvenu]J'avais toutes les raisons de croire que la fureur de ses désordres céderait aux charmes de Primerose et aux étonnantes vertus de mon ami
. [Voltaire, Histoire de Jenni, ou Le sage et l'athée]C'est en Angleterre surtout, plus qu'en aucun pays, que s'est signalée la tranquille fureur d'égorger les hommes avec le glaive prétendu de la loi
. [Voltaire, Dictionnaire philosophique] - 7Agitation violente de choses inanimées. L'aquilon en fureur.
Mais enfin le ciel m'aime, et ses bienfaits nouveaux Ont arraché Maxime à la fureur des eaux
. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste]Celui qui met un frein à la fureur des flots Sait aussi des méchants arrêter les complots
. [Racine, Athalie]La mer lasse de se mettre en fureur
. [Fénelon, Télémaque]La terre tremblante Frémit de terreur ; L'onde turbulente Mugit de fureur
. [Rousseau J.-b. Cantate, Circé.] - 8Transport qui ravit l'âme. Il fut saisi d'une fureur divine. La fureur prophétique. La fureur poétique. Fureur martiale. Une sainte fureur s'empara de lui.
Je sens au second vers que la muse me dicte, Que contre sa fureur ma raison se dépite
. [Régnier, Satires][Les esprits faciles qui] N'éprouvèrent jamais en maniant la lyre Ni fureurs ni transports
. [Rousseau J.-b. Odes et poésies diverses] - 9 Au pl. Il se dit des emportements, des transports en tout genre. Les fureurs de Roland. De poétiques fureurs.
Vous voyant exposée aux fureurs d'une femme
. [Corneille, Nicomède]Ce qu'ont de plus affreux les fureurs de la guerre
. [Corneille, ib. III, 1]Pour ne point rappeler ici les guerres des Albigeois, les séditions des Vicléfites en Angleterre, et les fureurs des Taborites en Bohême, on n'avait que trop vu à quoi avaient abouti toutes les belles protestations des Luthériens en Allemagne
. [Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes]Venez, à vos fureurs [les fureurs des Euménides] Oreste s'abandonne
. [Racine, Andromaque]Défendez-moi des fureurs de Pharnace
. [Racine, Mithridate]À de moindres fureurs je n'ai pas dû m'attendre
. [Racine, Iphigénie en Aulide]....De l'amour j'ai toutes les fureurs
. [Racine, Phèdre]Il n'eût point eu le nom d'Auguste Sans cet empire heureux et juste Qui fit oublier ses fureurs
. [Rousseau J.-b. Odes et poésies diverses]Tu peux faire trembler la terre sous tes pas, Des enfers allumés déchaîner la colère ; Mais tes fureurs ne feront pas Ce que tes attraits n'ont pu faire
. [Rousseau J.-b. Cantate, Circé.]Les princes trouvent toujours des âmes assez viles pour excuser leurs fureurs
. [Duclos, Hist. de Louis XI, Oeuvres, t. II, p. 475, dans POUGENS.]Conçois-tu bien l'excès de mes fureurs jalouses ?
[Voltaire, Le fanatisme, ou Mahomet le Prophète]Ceux qui sont pénétrés de l'amour des sciences, qui n'en font pas un indigne métier et qui ne les font point servir aux misérables fureurs de l'esprit de parti
. [Voltaire, Mél. litt. Lett. au P. Tournemine.]Cavalier [un des chefs des protestants des Cévennes, lors des dragonnades] est mort officier général et gouverneur de l'île de Jersey, avec une grande réputation de valeur, n'ayant conservé de ses premières fureurs [la violence de son fanatisme religieux] que le courage
. [Voltaire, Le siècle de Louis XIV]Pourquoi demandez-vous que ma bouche raconte Des princes de mon sang les fureurs et la honte ?
[Voltaire, La Henriade]Familièrement. Des fureurs, des scènes violentes, des emportements sans raison.
Ce prince [le régent] lui opposait en vain des raisons ; elle [la duchesse de Berri] y répondait par des fureurs
. [Duclos, Mém. Rég. Oeuv. t. V, p. 396]
SYNONYME
FUREUR, FURIE. Le radical de ces deux mots est le même ; le suffixe seul est différent. Étymologiquement, la fureur est l'état d'un homme furieux ; la Furie est un personnage mythologique chargé des vengeances des dieux. De là résulte que la fureur, bien que violente, peut être cachée dans le fond de l'âme, tandis que la furie éclate au dehors. Par une conséquence naturelle, furie a pu se dire de l'impétuosité d'une attaque, comme dans cette phrase consacrée : la furie française, qui exprime l'impétuosité des assaillants ; tandis que fureur ne serait pas applicable et aurait un autre sens. D'autre part, il y a dans fureur une signification de folie, de transport qui n'est pas dans furie ; ce qui fait qu'on dit fureur prophétique, et non furie prophétique.
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