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pousser

vt (pou-sé)

Résumé

  • 1° Ôter quelqu'un ou quelque chose de sa place, avec une idée d'effort et de violence.
  • 2° Pousser du coude, du genou.
  • 3° Faire reculer, quand celui qui pousse est en face ; faire avancer, quand celui qui pousse est par derrière.
  • 4° Communiquer un mouvement à un corps.
  • 5° Pousser des moulures.
  • 6° Dans l'escrime, pousser une botte.
  • 7° Faire sortir de la poitrine ou de la bouche.
  • 8° Exprimer par la parole avec force, avec ardeur.
  • 9° Lancer, en parlant d'une lueur qui est projetée.
  • 10° Faire connaître.
  • 11° Faire aller.
  • 12° Porter plus loin, étendre.
  • 13° Prolonger, faire durer.
  • 14° Fig. Porter, étendre, en parlant de choses intellectuelles, morales, abstraites.
  • 15° Appuyer, examiner à fond ; développer.
  • 16° Faire avancer quelqu'un, lui faciliter les moyens de faire fortune.
  • 17° Presser, en parlant d'animaux qu'on excite à courir.
  • 18° Fig. Engager fortement, induire, exciter.
  • 19° Presser quelqu'un, ne pas lui laisser de retraite, d'échappatoire.
  • 20° Entrer en lutte ; perdre, écraser.
  • 21° Pousser des vaches au lait. Pousser de nourriture.
  • 22° Pousser le feu.
  • 23° Faire monter le prix d'un objet.
  • 24° Produire, en parlant d'êtres vivants ou de parties d'êtres vivants.
  • 25° vi Faire effort pour déplacer.
  • 26° Faire effort par le poids, contre des constructions.
  • 27° Se porter, s'avancer sur, contre.
  • 28° Être poussif.
  • 29° Croître, se développer, en parlant de ce qui végète.
  • 30° Paraître, être produit, en parlant des dents.
  • 31° Se tenir, en parlant des couleurs qui s'altèrent par l'effet des couches de dessous.
  • 32° Avoir la pousse, en parlant du vin.
  • 33° V ; réfl. Se pousser, être poussé ; avancer en poussant les autres.
  • 34° Être continué avec assiduité.
  • 35° Avancer, faire fortune.
  • 36° Se pousser de nourriture.
  • 37° S'élever en haut.
  • 1Ôter quelqu'un ou quelque chose de sa place, avec une idée d'effort ou de violence. Pousser quelqu'un dans un précipice. Poussez-lui un fauteuil. Laissez-moi ce discours [Mme de Grignan avait dit que sa jeunesse était chose perdue] ; quand vous le faites, il me pousse trop loin. [Sévigné, 17 juin 1685] Il y a bien du monde ; on nous pousse ; que j'aie l'honneur de vous donnez la main pour plus de sûreté, madame. [Marivaux, Le paysan parvenu] le moine ne poussa dehors, ferma la porte.... [Montesquieu, Lettres persanes] Qu'il m'eût poussé un peu plus fort, et il m'eût jeté à terre. [Collé, Part. de chasse de Henri IV, III, 3]

    Fig. De cette sorte, sans faire de hautes exclamations, il [un courtisan calomniateur] persuade une âme timide, et pousse la crainte dans la cruauté. [Guez de Balzac, Ariste, ou De la cour] Une pensée, une affaire, une occupation pousse ce qui est devant elle ; ce sont des vagues, la comparaison du fleuve est juste. [Sévigné, 13 juin 1685] Quand il [le temps] me déplaît... je le pousse à l'épaule... puis quand je pense à ce que je pousse... et sur quoi cela roule, et où cela me pousse moi-même... je n'ose plus rien pousser. [Sévigné, 28 mars 1689] Cette recrue continuelle du genre humain, je veux dire les enfants qui naissent, à mesure qu'ils croissent et qu'ils s'avancent, semblent nous pousser de l'épaule, et nous dire : retirez-vous, c'est maintenant notre tour. [Bossuet, Sermons] Famille auguste mais malheureuse que la piété et la religion avaient poussée jusqu'aux dernières épreuves de l'adversité. [La Bruyère, Disc. à l'Académie française.]

    fig. Il va comme on le pousse, se dit d'un homme qui obéit aux suggestions d'autrui.

    Fig. Va comme je te pousse, se dit d'une affaire qui va de soi et s'en qu'on s'en mêle. C'est maintenant qu'il faut dire : Va comme je te pousse ; vive l'amour, mon cher maître. [Marivaux, La surprise de l'amour]

    Fig. Pousser le temps avec l'épaule, Voir ÉPAULE.

    Pousser le temps, s'en débarrasser, se hâter le plus qu'on peut. Quand vous étiez à l'hôtel de Carnavalet..., je ménageais les heures, j'en étais avare ; dans l'absence, ce n'est plus cela, on ne s'en soucie point ; on les pousse même quelquefois. [Sévigné, 10 janvier 1689]

    Terme de marine. Pousser la planche, faire glisser du navire à terre la planche au moyen de laquelle on pourra descendre du bâtiment sur le quai ou sur le rivage.

  • 2Pousser quelqu'un du coude, du genou, le toucher doucement avec le coude, le genou, pour l'avertir, lui faire prendre garde.

    On dit, dans le même sens, pousser, sans adjonction d'un mot. M. le Prince, quoique animé par le prince de Conti, qui le poussa, ce qui fut remarqué de tout le monde, comme pour le presser de s'en ressentir, ne s'emporta point. [Retz, Mémoires] Je vois Mme de Gêvres qui dégante sa main maigre ; je pousse Mme d'Arpajon, elle m'entend et se dégante. [Sévigné, 27]

  • 3Pousser, faire reculer, quand celui qui pousse est en face. Croyant qu'après que les ennemis auraient poussé ce régiment, quelque autre des nôtres voudrait les pousser eux-mêmes. [Pellisson, Lettres historiques] Ce vaillant homme, poussant enfin, avec un courage invincible, les ennemis qu'il avait réduits à une fuite honteuse. [Fléchier, Oraisons funèbres] Mentor, ayant achevé de mettre les ennemis en désordre, les tailla en pièces, et poussa les fuyards jusque dans les forêts. [Fénelon, Télémaque]

    faire avancer, quand celui qui pousse est par derrière. J'allais de tous côtés encourager les nôtres, faire avancer les uns, et soutenir les autres, Ranger ceux qui venaient, les pousser à leur tour. [Corneille, Le Cid] Dès l'âge de vingt-six ans aussi capable de ménager ses troupes, que de les pousser dans les hasards, et de céder à la fortune que de la faire servir à ses desseins. [Bossuet, Oraisons funèbres]

  • 4Communiquer un mouvement à un corps, en le jetant ou en le frappant. Pousser une balle avec la raquette. Troie en a vu la flamme [de Lesbos conquise], et jusque dans ses ports Les vents en ont poussé les débris et les morts. [Racine, Iphigénie en Aulide] Les Zaporaviens, selon les lois se jetèrent les uns aux autres ce pauvre homme, comme on pousse un ballon. [Voltaire, Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand] Vous qui en savez tant, dites-moi pourquoi un corps en pousse un autre. [Voltaire, Dictionnaire philosophique] Ses pieds ont de larges rames, et ses grandes ailes, demi-ouvertes au vent, sont les voiles qui poussent le vaisseau, navire et pilote à la fois. [Buffon, Oiseaux]

    Pousser un clou dans une muraille, dans du bois, l'y faire entrer en frappant dessus avec le marteau.

    Pousser la porte au nez de quelqu'un, la fermer au moment où il va entrer.

    Pousser la porte, signifie aussi la mettre près du montant, sans la fermer tout à fait.

  • 5 Terme d'arts. Pousser des moulures, les former sur le bois, le plâtre.

    Terme de charpentier. Pousser les marches, faire des moulures sur le devant des marches.

    Terme de menuiserie. Pousser à la main, travailler des moulures à la main.

    Terme de relieur. Prendre l'or avec le fer à dorer et l'appliquer sur la couverture du livre. Pousser des fers, des filets. Alors que vous poussez quelques riches dentelles, Laissez régner autour un filet privé d'or. [Lesné, la Reliure, p.96]

  • 6 Terme d'escrime. Pousser une botte à quelqu'un, lui porter un coup de pointe.

    Absolument. Quand on pousse en quarte, on n'a qu'à faire cela ; et, quand on pousse une tierce, on n'a qu'à faire cela. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Tu me pousses en tierce avant que de pousser en quarte, et tu n'as pas la patience que je pare. [Molière, Le bourgeois gentilhomme]

    Fig. Poussez à Marcassus, poussez à Marcellus la métaphore, l'antithèse, l'hypotypose. [Courier, Lettres de France et d'Italie]

    Fig. et absolument. Pousser, lancer des arguments, des attaques. Beaumont pousse à Jean-Jacque, et Jean-Jacque à Beaumont. [Voltaire, Poèmes et épîtres]

    Fig. Pousser une botte à quelqu'un, l'attaquer de paroles, le presser vivement.

    Par analogie. Les rieurs sont pour vous, madame, c'est tout dire ; Et vous pouvez pousser contre moi la satire. [Molière, Le misanthrope] Ah ! vous m'allez pousser un argument. [Boissy, Français à Lond. sc. 16]

  • 7Faire sortir de la poitrine ou de la bouche. Après les avoir vus [les martyrs] d'un visage serein Pousser des chants aux cieux dans des taureaux d'airain. [Rotrou, Véritable Saint Genest] Et, parmi les soupirs qu'il pousse vers les cieux. [Corneille, Horace] Dans un tel entretien il [un amant] suit sa passion, Et ne pousse qu'injure et qu'imprécation. [Corneille, Polyeucte] Je pousserai des hurlements comme les dragons, et des sons lugubres comme les autruches. [Sacy, Bible, Michée, I, 8] Il pousse du fond de sa tristesse des paroles entrecoupées de sanglots, qu'on n'entend qu'à demi. [Massillon, Avent, Mort du péch.]

    Fig. Pousser des soupirs pour une femme, lui témoigner l'amour qu'on a pour elle. Que dit-on des soupirs que je pousse pour elle ? [Racine, Bérénice]

    Pousser se dit aussi des instruments qui rendent un son. Des flûtes au troisième [bateau], au dernier des hautbois, Qui tour à tour dans l'air poussaient des harmonies Dont on pouvait nommer les douceurs infinies. [Corneille, Le menteur]

    Pousser la voix, pousser la voix davantage (locutions vieillies), parler plus haut. La pythie poussait une voix plus qu'humaine. [Fontenelle, Histoire des oracles]

  • 8Manifester avec force, avec ardeur. On ne demande plus parmi eux si on est honnête homme, on demande si on pousse les beaux sentiments. [Scarron, Lett. Oeuvr. t. I, p. 170, dans POUGENS] Il faut qu'un amant, pour être agréable, sache débiter les beaux sentiments, pousser le doux, le tendre et le passionné, et que sa recherche soit dans les formes. [Molière, Les précieuses ridicules] Il attirait les yeux de l'assemblée entière Par l'ardeur dont au ciel il poussait sa prière. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur] Il faut pousser ce désir avec toute la pureté de la nouveauté chrétienne. [Bossuet, Sermons]ancer, en parlant d'une lueur qui est projetée. Pareil à ces éclairs qui, dans le fort des ombres, Poussent un jour qui fuit et rend les nuits plus sombres. [Corneille, Horace] Parti des murailles du ciel, un rayon pousse au loin dans le sein des ombres une douteuse et tremblante aurore. [Chateaubriand, Le génie du christianisme, ou Les beautés de la religion chrétienne]
  • 10Faire naître. Un moment pousse et rompt un transport violent ; Mais l'indignation qu'on prend avec étude, Augmente avec le temps, et porte un coup plus rude. [Corneille, La mort de Pompée]
  • 11Faire aller. Rome.... Va jusqu'en l'Orient pousser tes bataillons. [Corneille, Horace] Enfin il a poussé nos armes fortunées Jusques à vous réduire au pied des Pyrénées. [Corneille, Sertorius]
  • 12Porter plus loin, étendre. Il faut pousser cette allée jusque dans les champs. On a poussé la tranchée, la sape jusqu'à cent pas de la contrescarpe. Mme de la Fayette fait encore une augmentation à son appartement, qu'elle pousse jusque sur son jardin. [Sévigné, 19 avr. 1680] Il [Alexandre] entra dans les Indes, où il poussa ses conquêtes plus loin que le célèbre vainqueur [Bacchus]. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Étant allé voir un jour avec Mme d'Épinay ces ouvrages, nous poussâmes notre promenade un quart de lieu plus loin. [Rousseau, Les confessions] Mlle du Châtelet m'apprit qu'en effet son amie avait passé à Lyon, mais qu'elle ignorait si elle avait poussé sa route jusqu'en Piémont. [Rousseau, ib. IV]

    Terme de marine. Pousser une bordée, la prolonger plus qu'à l'ordinaire.

  • 13Prolonger, faire durer. Amphitryon, c'est trop pousser l'amusement ; Finissons cette raillerie. [Molière, L'amphytrion] Je ne pousserai point ce séjour-ci plus loin que le beau temps.... [Sévigné, 21 septembre 1676] Le pauvre M. de Montausier est encore à l'extrémité, poussant son bon esprit au-delà de l'agonie. [Sévigné, mai 1690, t. IX, p. 504, éd. RÉGNIER.] Il vint chez elle du monde qui y demeura jusqu'au soir, selon l'ennuyeuse coutume de la campagne ; encore leur fut-on bien obligé, car la campagne leur donné aussi le droit de pousser leur visite jusqu'au lendemain, s'ils eussent voulu. [Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des Mondes]

    Dans un langage rude et familier. Prolonger la vie d'un agonisant. Il s'adresse au père infirmier ; celui-ci lui dit... " Il y a un grand garçon qui n'a plus que deux heures à aller... " on tâchera de vous le pousser ". [Diderot, Lettres à Sophie Voland]

    Étendre plus loin, en parlant d'un récit, d'annales. Pousser l'histoire de France jusqu'à la Révolution. Mais pour toute nouvelle on dit qu'il est vivant ; Aucun n'ose pousser l'histoire plus avant. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Si l'oracle de Delphe a été plus loin, du moins nous ne pouvons pas pousser plus loin son histoire. [Fontenelle, Histoire des oracles]

  • 14 Fig. Porter, étendre, en parlant de choses intellectuelles, morales, abstraites. Il a bien poussé sa fortune. C'est ce que vous répétez dans tous vos écrits, et que vous poussez jusqu'à dire : que j'ai tourné les choses saintes en raillerie. [Pascal, Les provinciales] Ma fille vous écrit, et vous parlera sans doute de l'inquiétude qu'elle a de son fils ; et, comme elle pousse toujours ses pensées au delà de la vérité... [Sévigné, à Guitaut, 26 mai 1681] Sans doute on pousse trop loin l'aversion de votre religion [le protestantisme] ; mais ne poussez-vous pas trop loin aussi les préventions de votre enfance ? [Maintenon, Lettres] Il ne faut pas pousser cette crainte trop loin. [Fénelon, Télémaque] Il paraît... que les anciens avaient poussé la partie du dessin, du clair-obscur, de l'expression et de la composition, aussi loin que les modernes les plus habiles peuvent l'avoir fait. [Rollin, Histoire ancienne] Pousserons-nous assez loin la sincérité que nous nous sommes toujours prescrite, pour oser dire ici qu'il lisait jusqu'à des romans et y prenait beaucoup de plaisir ? [Fontenelle, Eloge des académiciens] Il [Platon] poussa son roman jusqu'à dire qu'autrefois les âmes humaines avaient des ailes, que les corps des hommes avaient été doubles. [Voltaire, Philos. Établ. christ. III] Ils [Catherine II et le roi de Pologne] poussent l'un et l'autre la bonté jusqu'à me dire que mes faibles écrits n'ont pas peu contribué à leur inspirer ces sentiments [de tolérance]. [Voltaire, Correspondance] Strafford poussa la vertu jusqu'à supplier lui-même le roi de consentir à sa mort, et le roi poussa la faiblesse jusqu'à signer cet acte fatal, qui apprit aux Anglais à répandre un sang plus précieux. [Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII] L'archevêque Péréfixe pousse jusqu'à cent mille le nombre des victimes frappées dans la proscription de Charles IX. [Voltaire, Fragm. sur l'hist. X]

    Pousser ses succès, les continuer, les rendre plus décisifs.

    Pousser son travail, s'en occuper avec activité et continuité.

    Pousser des travaux, les faire avancer vers leur fin. Ils [les Samaritains] en obtinrent [du roi de Perse] un ordre qui portait défense aux juifs de pousser plus loin la construction de leur ville et de leur temple. [Rollin, Histoire ancienne]

    Absolument et familièrement. Poussez, continuez. Pousse, mon cher marquis, pousse. [Molière, Critique de l'école des femmes] Allons, ferme ! poussez, mes bons amis de cour, Vous n'en épargnez point, et chacun a son tour. [Molière, Le misanthrope]

    Pousser les études, y donner plus d'extension que d'habitude. M. l'abbé de Gouvon était un cadet destiné par sa famille à l'épiscopat, et dont par cette raison l'on avait poussé les études plus qu'il n'est ordinaire aux enfants de qualité. [Rousseau, Les confessions]

    Poursuivre avec activité. Quoique tous les parents consentent à ce mariage [de Mlle de Mazarin avec le marquis de Richelieu qui l'avait enlevée], le Mazarin ne laisse pas de pousser les informations [judiciaires]. [Sévigné, 23 déc. 1682]

    Pousser jusqu'au bout l'aventure, suivre jusqu'à sa conclusion quelque tentative, quelque affaire où on est engagé.

    On dit de même : pousser plus loin. L'Époux ne voulut point pousser plus loin la chose. [La Fontaine, Coupe.]

    Pousser sa pointe, poursuivre avec vigueur ce qu'on a commencé. Quoi qu'il en soit, poussons notre pointe, faisons demander la dame en mariage... [Lesage, Guzman d'Alfarache]

    Pousser sa chance, sa fortune, tenter tout ce que la chance, la fortune offre actuellement. J'avais beau m'en défendre, il a poussé sa chance. [Molière, Les fâcheux] Elle se rend à sa poursuite ; il pousse sa fortune ; le voilà surpris avec elle par ses parents. [Molière, Les fourberies de Scapin]

    Pousser les affaires, aller en quelque chose jusqu'aux extrémités. Je crains que le pendard, dans ses voeux téméraires, Un peu plus fort que jeu n'ait poussé les affaires. [Molière, L'école des femmes]

    Pousser une affaire, se dit des affaires d'honneur dans lesquelles on ne fait aucun compromis. Et l'on m'a vu pousser dans le monde une affaire D'une assez vigoureuse et gaillarde manière. [Molière, Le misanthrope]

    On dit de même : pousser les choses. Voilà, mon gendre, comme il faut pousser les choses. [Molière, George Dandin]

    Pousser la chose ou les choses, les ramener à une extrémité. Je connaissais le parlement pour un corps qui pousserait tout sans mesure. [Retz, Mémoires] N'allez point pousser les choses dans les dernières violences du pouvoir paternel. [Molière, L'avare] J'ai reçu votre plainte, et je sais tout cela ; Ne poussez point la chose, et tenez-vous-en là. [Boursault, Mots à la mode, sc. 1] Voilà jusqu'où M. Jurieu pousse les choses par ses séditieux raisonnements. [Bossuet, 5e avert. 32]

    Pousser les choses plus loin, renchérir sur ce qu'on avait fait ou dit jusqu'alors. Celles-ci [consciences] poussent encore les choses plus loin [que les consciences qui se glorifient de leurs défauts]. [Bossuet, Instructions sur les états d'oraison]

  • 15Appuyer sur, examiner au fond. Nous sommes ici sur une matière que je serai bien aise que nous poussions. [Molière, Critique de l'école des femmes] Mais, mon père, qui voudrait pousser cela, vous embarrasserait. [Pascal, Les provinciales] Assez instruit de vos maximes et bien résolu de les pousser autant que je croirai que Dieu m'y engagera. [Pascal, ib. XVII]

    Développer. Si vous trouvez que je pousse un peu trop loin ce chapitre, c'est qu'il me tient au coeur par dessus toutes choses. [Sévigné, 537] Plus je donne de force à mes raisons, et plus il pousse les siennes [de quitter le service] avec une volonté si déterminée... [Sévigné, 29 mars 1680] Là-dessus M. de Louvois entra sur ce même ton dans la plaisanterie ; cela fut poussé un quart d'heure fort agréablement. [Sévigné, 30 juill. 1677] Poussez le parallèle, et vous verrez que vous êtes plus encore votre idole et votre divinité, que le Seigneur n'est le Dieu de ceux qui l'aiment et qui l'invoquent. [Massillon, Carême, Prosp. tempor.]

  • 16Faire avancer quelqu'un, lui faciliter les moyens de faire fortune. Métellus, si bon juge de valeur, le poussa [Marius] depuis aux premières charges de l'armée. [Vertot, Histoire des révolutions arrivées dans le gouvernement de la République romaine] Voici un jeune homme qui vous convient, qui est fort honnête garçon, que je pousserai. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***] Tu as de l'esprit, de la littérature ; je te prônerai, je te servirai, je te pousserai. [Picard, Les Marionnettes]

    Faire entrer dans une carrière. Le monde est plein d'artisans et surtout d'artistes qui n'ont point le talent naturel de l'art qu'ils exercent, et dans lequel on les a poussés dès leur bas âge. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation]

    Pousser un élève, un écolier, lui faire faire des progrès. Il l'a poussé assez loin dans les mathématiques.

  • 17Presser, en parlant d'animaux qu'on excite à courir. Cela dit, il poussa son cheval à travers les champs, et son camarade le suivit. [Scarron, Le Roman comique] Lorsqu'il [Hippolyte] poussait son char dans la carrière. [Barthélemy, L'atlas du Voyage du jeune Anacharsis]

    Fig. et familièrement. Pousser son bidet, aller rapidement à son but. Moquez-vous des sermons d'un vieux barbon de père ; Poussez votre bidet, vous dis-je, et laissez faire. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps] Fig. Engager fortement, induire, exciter. Le roi sait quels motifs ont poussé l'un et l'autre. [Corneille, Rodogune, princesse des Parthes] La faim, l'occasion, l'herbe tendre et, je pense, Quelque diable aussi me poussant. [La Fontaine, Fables] Quel besoin si pressant avez-vous de rimer, Et qui diable vous pousse à vous faire imprimer ? [Molière, Le misanthrope] Les excès où le mépris de la religion ancienne et celui de l'autorité de l'Église ont été capables de pousser les hommes. [Bossuet, Oraisons funèbres] dans le temple des juifs un instinct m'a poussée. [Racine, Athalie] Jugez comme je serai une personne dangereuse, si je voulais les pousser à mal. [Picard, La vieille tante]

    Absolument. Jaloux des bons desseins qu'il tâche d'ébranler, Quand il ne les peut rompre, il pousse à reculer. [Corneille, Polyeucte] Faites achat d'un vin qui pousse à vivre. [Béranger, Mon tomb.]

    Faire agir. Je sais par quels ressorts on le pousse, on l'arrête. [Racine, Esther]

    Conduire. Il y a été poussé par sa destinée. [Molière, Les fourberies de Scapin]

  • 19Presser quelqu'un, ne pas lui laisser de retraite, d'échappatoire. J'étonnai un peu ma petite huguenote... je ne la poussai point sur le saint sacrement. [Sévigné, 435] Et M. Fouquet, quoiqu'il ait trop appuyé sur cet endroit où on le pouvait pousser, il se trouve pourtant que par l'événement il aura bien dit. [Sévigné, à Pompone, 24 nov. 1664] On ne sait point le véritable état de son affaire [ de M. de Luxembourg, sur les empoisonnements], ni sur quoi on le pousse. [Sévigné, 14 févr. 1680] Puisque vous me poussez, je vous dirai que le désintéressement et la modération valent mieux qu'un peu de naissance. [Fénelon, Dialogues des morts]

    Pousser à bout, ne pas laisser d'échappatoire. Ils n'ont rien épargné pour me pousser à bout ; Permettez qu'à mon tour, seigneur, je les y pousse. [Boursault, ésope à la cour, V, 7] Poussons à bout l'ingrat, et tentons la fortune. [Racine, Bajazet]

    Pousser à bout quelqu'un, se dit dans une discussion, quand on réduit quelqu'un à ne pouvoir répondre.

    Pousser à bout quelqu'un, l'irriter, à force d'abuser de sa patience. La reine, après tout, sachant ce que je puis, me pousse trop à bout. [Corneille, Nicomède] Madame, en vérité, c'est le pousser à bout, Il pourra faire éclat. [Hauteroche, Les apparences trompeuses]

    On dit de même : pousser à bout la patience de quelqu'un. Je voudrais vous parler de tout ; Mais je fais mal et vers et prose, Et ne pousserais autre chose Que votre patience à bout. [Bussy-rabutin, Lett. t. V, p. 21, dans POUGENS] Mais puisque vous poussiez ma patience à bout, Une fois en ma vie il faut vous dire tout. [Boileau, Satires] Le roi... poussa à bout la patience des peuples, de sorte que tous ses sujets se trouvèrent disposés à une révolte générale. [Rollin, Histoire ancienne]

    Pousser à bout une chose, la pousser à toute extrémité. Vous croyez apparemment que les fautes ne sont plus fautes, pourvu qu'on les pousse à bout avec une pleine autorité. [Fénelon, Dans BOSSUET Passages éclaircis, avert.]

    Pousser quelqu'un à la dernière extrémité, le réduire à l'état le plus fâcheux. Je ne suis pas la première qui ait su recourir à de pareilles vengeances, qui n'ait pas fait difficulté de se donner la mort pour perdre ceux qui ont la cruauté de nous pousser à la dernière extrémité. [Molière, George Dandin]

    Pousser quelqu'un de questions, de plaisanteries, l'interroger beaucoup, le plaisanter beaucoup.

  • 20Pousser quelqu'un, entrer en lutte avec lui, l'offenser. Il fait mauvais pousser tant de gens en colère. [Corneille, Othon] Et je ne sais pourquoi votre âme ainsi s'emporte, Madame, à me pousser de cette étrange sorte. [Molière, Le misanthrope] Je vous le dis encore, armé de ce qu'il a, Vous ne deviez jamais le pousser jusque-là. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur] Chicaneau : Vous me poussez. - La comtesse : Bon homme, allez garder vos foins. [Racine, Les plaideurs] Ce n'est que mon éloquence [de moi, Cicéron] qui a causé ma mort ; et, si j'avais moins poussé Antoine, je serais encore en vie. [Fénelon, Dialogues des morts]

    Perdre, écraser. Je ne sais si on voudra m'en croire ; mais il est vrai pourtant qu'au milieu de la joie que j'eus de me voir appuyé par de si puissants protecteurs, je ressentis une espèce de douleur de reconnaître qu'un homme à qui j'avais tant d'obligation, prince du sang, neveu du premier ministre, n'eût pas le pouvoir de pousser un domestique [lui, Cosnac, poursuivi par le prince de Conti, son maître, mais protégé par la reine mère, le roi et Mazarin]. [Cosnac, Mémoires, t. I ; p. 242]

  • 21 Terme de nourrisseur. On pousse les vaches au lait, lorsqu'on prolonge activement la lactation pendant un an environ, au lieu de six à sept mois, terme moyen de sa durée dans les pays où l'on fait des élèves.

    familièrement. Pousser quelqu'un de nourriture, le faire trop manger. Il est poussé de nourriture, il a trop mangé.

  • 22Pousser le feu, le rendre plus vif, activer la combustion. M. Needham vous avez objecté qu'en poussant trop le feu, vous aviez altéré l'air des vases.... [Bonnet, Lett. div. t. XII, p. 6, dans POUGENS]
  • 23Faire monter le prix d'un objet par des enchères. C'est M*** qui a si extravagamment poussé ce bijou. [Mme Du Deffant, Lett. à H. Walpole, t. III, p. 228, dans POUGENS]
  • 24Produire, en parlant d'êtres vivants ou de parties d'êtres vivants. La vigne pousse beaucoup de bois. Cet arbre pousse des rejetons nouveaux. Quand on dit que la terre pousse beaucoup d'herbe ou qu'une branche a poussé un grand rejeton.... [Bossuet, Lib. arb. 9] Je vis le même individu [polype] laissé dans l'eau pure pousser successivement douze têtes, après avoir été mutilé onze fois dans sa partie antérieure. [Bonnet, Considérations sur les corps organisés]

    Pousser les dents, se dit du travail de la dentition. Quand les enfants n'ont pas la force de les pousser [les dents] dans le temps, ils n'ont pas celle de soutenir le mouvement qui les veut faire percer toutes à la fois. [Sévigné, 16 juill. 1677]

    Pousser ses dents, se dit d'un cheval dont les dents qui succèdent aux dents de lait commencent à paraître.

    Pousser le rouge, voir ROUGE.

  • 25V. n. faire effort pour déplacer. Vous poussez bien rudement.

    Fig. Pousser à la roue, aider.

  • 26 Terme d'architecture. Faire effort, par le poids, contre des constructions. La voûte a poussé sur les murs. Les terres poussent contre le mur de la terrasse.

    Le mur pousse en dehors, il se jette en dehors et menace ruine. Il pousse au vide, il fait ventre.

  • 27Pousser, se porter, s'avancer sur, contre. Il pousse dans nos rangs, il les perce et fait voir Ce que peut la vertu qu'arme le désespoir. [Corneille, La mort de Pompée] Hippolyte lui seul,... saisit ses javelots, Pousse au monstre, et d'un dard lancé d'une main sûre Il lui fait dans le flanc une large blessure. [Racine, Phèdre] Il ne part pas un lièvre que vous ne poussiez après. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    Pousser aux ennemis, aller aux ennemis pour les charger ( locution vieillie et qui ne se disait que de la cavalerie).

    Pousser jusqu'à un lieu, aller jusqu'à ce lieu. Si absolument vous voulez pousser jusqu'à Essonne, épargnez-vous au moins de faire quatorze lieues en un jour. [Sévigné, 9 oct. 1687] J'avais envie de pousser jusque à la vedette. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont] J'ai poussé jusqu'au bout de la grande avenue. [Collin D'harleville, Optimiste, I,2]

    Terme de marine. Pousser au large, s'écarter d'un quai, d'un bâtiment, etc. étant dans une embarcation.

    Pousse au large, commandement fait à une embarcation qu'on veut faire déborder, qu'on veut repousser loin du navire qu'elle se prépare à accoster.

    Pousser de fond, faire effort contre le fond avec des avirons, gaffes ou perches.

    La mer pousse du fond, lorsque, par son agitation, elle remue un fond mobile, rapproché, et qu'elle se charge de ses parties les plus légères.

  • 28En parlant des chevaux poussifs, battre des flancs. Ce cheval pousse beaucoup.
  • 29Croître, se développer, en parlant de ce qui végète. Ces fleurs poussent déjà. Il ne pousse que des ronces dans son champ. Les blés ont bien poussé cette année.

    Par analogie. Sa barbe, ses cheveux, ses ongles ont beaucoup poussé pendant sa maladie.

    Il se dit aussi d'enfants qui grandissent. Pauvres enfants ! chacun d'eux pousse Frais comme un bouton printanier. [Béranger, Jeanne la Rousse.]

  • 30Paraître, être produit, en parlant des dents des enfants. Ses dents commencent à pousser. Il lui a poussé une dent.
  • 31 Terme de peinture. Se dit des couleurs qui ternissent l'éclat et la fraîcheur de celles avec lesquelles elles sont rompues ou que l'on a couchées par-dessus. La terre d'ombre et les noirs poussent beaucoup.

    Ce tableau pousse au noir, les couleurs en noircissent. Les tableaux de Géricault poussent au noir.

  • 32Devenir malade de la pousse, en parlant du vin. Ce vin pousse, a poussé.
  • 33Se pousser. V. réfl. Être poussé. Leurs années [des mortels] se poussent successivement comme des flots. [Bossuet, Oraisons funèbres]

    Avancer, en poussant les autres. Je saute vingt ruisseaux, j'esquive, je me pousse. [Boileau, Satires] Tout en chancelant, je me pousse jusqu'au chalet de monseigneur. [Béranger, Hab. de cour.] Chacun se lance ; non, à la cour on se glisse, on s'insinue, on se pousse. [Courier, Lettres de France et d'Italie]

  • 34Être continué avec activité. Le siège de Trèves se pousse vivement. [Sévigné, 210]

    Être porté à un certain point, en parlant de choses. Cela [une discussion] se pousse fort loin et fort agréablement. [Sévigné, 15 sept. 1680] Cela se pousse si avant, que par cette légère faute l'âme périrait... [Bossuet, Instructions sur les états d'oraison], 3. Je prendrai un grand intérêt à la brouillerie que vous m'apprenez être survenue entre Saurin et Lamotte, si elle se poussait assez avant pour obliger ce dernier à démasquer son très digne ami, ce père spirituel en Lucifer. [Rousseau J.-b. Lett. à Boutet, 15 juillet 1715]

  • 35Avancer, faire fortune. On sait que ce pied-plat... par de sales emplois s'est poussé dans le monde. [Molière, Le misanthrope] L'ambitieux fait consister toute sa sagesse à ne pas manquer une occasion de se pousser aux honneurs du monde. [Bourdaloue, Instruct. Prudence du salut, Exhort. t. II, p.425] L'âge viril, plus mûr, inspire un air plus sage, Se pousse auprès des grands, s'intrigue, se ménage. [Boileau, L'art poétique] Te voilà devenu habile garçon ; il faut songer à te pousser. [Lesage, Histoire de Gil Blas de Santillane] Je serais privé de la protection... de MM. les comédiens ordinaires du roi, et je serais obligé d'aller travailler au feuilles de M. Fréron, pour me pousser dans le monde. [Voltaire, Correspondance]
  • 36Se pousser de nourriture, manger beaucoup.
  • 37S'élever en haut (emploi vieilli). Autant que ce grand arbre s'était poussé en haut, autant semblait-il avoir jeté en bas de fortes et profondes racines. [Bossuet, Sermons]

REMARQUE

On disait au XVIIe siècle : " Pousser est nouveau dans une certaine signification : pousser les gens à bout ; ne me poussez pas ; pousser une matière ; cela est trop poussé, " BOUHOURS, Entr. d'Ariste et d'Eug. II.

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POUSSER
21Ajoutez :

Pousser d'orge un cheval, lui faire manger beaucoup d'orge. On retirait les chevaux de la charrue et on les poussait d'orge ; on réparait les armes, on achetait des armes, de la poudre. [Journal officiel]

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