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rien

nm indéterminé (riin)

Résumé

  • 1° Quelque chose.
  • 2° Avec la négation ne, nulle chose.
  • 3° N'être rien. N'être de rien.
  • 4° De rien, avec ne, nullement.
  • 5° Ne rien faire. N'avoir rien. Ne rien dire.
  • 6° Cela ne fait rien.
  • 7° Ne faire semblant de rien.
  • 8° Ne compter pour rien.
  • 9° Il n'en est rien.
  • 10° Ne savoir rien de rien.
  • 11° Rien se dit quelquefois des personnes.
  • 12° Ne.... rien que, uniquement, seulement.
  • 13° Ne.... rien moins que. Ne... rien de moins.
  • 14° Rien suivi d'un adjectif, dont il est séparé par de.
  • 15° Rien sans la négative se disant pour nulle chose.
  • 16° De rien, après un substantif, marque la petitesse, le peu de valeur.
  • 17° Rien que cela.
  • 18° Il signifie quelquefois par exagération, peu de chose. Si peu que rien.
  • 19° Rien peut être représenté par le pronom il.
  • 20° S. m. déterminé. Néant, nullité.
  • 21° Peu de chose.
  • 22° Au pl. Bagatelles, choses de peu d'importance.
  • 23° Rien pris adverbialement.
  • 24° En rien, nullement.
  • 25° En moins de rien.
  • 26° Comme si de rien n'était.
  • 1Quelque chose (sens étymologique, sens propre, qui a été longtemps le sens essentiel et qui est encore conservé). En tous les bienfaits d'importance, la preuve ne peut avoir de lieu ; car il n'y a bien souvent que deux qui en sachent rien. [Malherbe, le Traité des bienf. de Sénèque, III, 10] Et si rien à présent peut troubler son bonheur, C'est de te voir pour lui répandre tant de larmes. [Racan, Stances, Conseils à M. de Bellegarde.] Je vous envoie des vers que je fis il y a trois ans.... faites-moi l'honneur, s'il vous plaît, de me mander si c'est rien qui vaille. [Voiture, Lettres] Cependant plus j'y songe, et plus je m'examine, Moins je trouve, seigneur, à me reprocher rien. [Corneille, Agésilas] Son nom fait tout pour lui sans qu'il en sache rien. [Corneille, Sertorius] Je croirais vous trahir.... Si je vous cachais rien des justes sentiments.... [Corneille, Agésilas] Tu n'as pas sujet de rien appréhender. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps] ....Contre la coutume de France, qui ne veut pas qu'un gentilhomme sache rien faire. [Molière, Le sicilien, ou L'amour peintre] Pourquoi consentiez-vous à rien prendre de lui ? [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur] Allez demander aux médecins s'il y a rien de plus préjudiciable à l'homme que de manger avec excès. [Molière, L'avare] Il faut que Mme la maréchale ait renoncé à louer jamais rien, puisqu'elle ne loue pas cette pièce. [Sévigné, 519] À Dieu ne plaise que je diminue rien par mon discours d'un mérite aussi rare que celui-là ! [Bourdaloue, Orais fun. de Condé, 1]

    C'est en vertu de cette signification que l'on construit quelquefois ne.... pas, avec rien. On ne veut pas rien faire ici qui vous déplaise. [Racine, Les plaideurs]

    Autrement on ne construit pas ne.... pas, avec rien ; construction qui est blâmée dans ces vers de Molière. Martine : Et tous vos biaux dictons ne servent pas de rien. - Bélise : De pas mis avec rien tu fais la récidive, Et c'est, comme on t'a dit, trop d'une négative. [Molière, Les femmes savantes]

  • 2Avec la particule négative ne, rien signifie nulle chose. Ne crois rien précieux, ne crois rien admirable, Rien noble, rien enfin dans la solidité, Que ce qui doit aller jusqu'à l'éternité. [Corneille, L'imitation de Jésus-Christ] Voulez-vous que moi, chien, qui n'ai rien à la chose, Sans aucun intérêt je perde le repos ? [La Fontaine, Fables] Il y a cinq ou six petits mots qui ne valent rien du tout, et qui sont d'un homme qui ne sait pas le monde. [Sévigné, 89] Un homme [Cromwell] ....qui ne laissait rien à la fortune de ce qu'il pouvait lui ôter par conseil et par prévoyance. [Bossuet, Oraisons funèbres] Non, mes frères, les Philistins défaits et les ours même déchirés de ses mains [de David] ne sont rien en comparaison de sa grandeur qu'il a domptée. [Bossuet, Oraisons funèbres] Tout à coup on voit arriver le moment fatal où la terre n'a plus rien pour elle [la reine] que des pleurs. [Bossuet, ib.] Je dois vous représenter aujourd'hui un magistrat qui n'a rien ignoré, ni rien négligé dans son ministère. [Fléchier, Oraisons funèbres] Remords, crainte, périls, rien ne m'a retenue. [Racine, Britannicus] Il ne faut rien pour gâter les plaisirs : ce sont des lits de roses, où il est bien difficile que toutes les feuilles se tiennent étendues, et qu'aucune ne se plie. [Fontenelle, Dial. 2, Morts anc.] La mesure de bonheur qui nous a été donnée est assez petite, il n'en faut rien perdre. [Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des Mondes] Rien n'est si beau à voir que l'Égypte dans deux saisons de l'année. [Rollin, Histoire ancienne] N'ayant rien fait pour nous, il n'a rien mérité. [Voltaire, La méroppe française] L'axiome : Rien ne vient de rien, a été le fondement de toute philosophie. [Voltaire, Dictionnaire philosophique] Dumarsais, disait un riche avare, est un fort honnête homme ; il y a quarante ans qu'il est mon ami, il est pauvre, et il ne m'a jamais rien demandé. [D'alembert, Éloges, Dumarsais.]

    Que rien plus, ellipse pour : que rien ne l'est plus. Ils soutiennent qu'un tel repentir [sincère, à l'article de la mort] est si rare que rien plus, Anal. de Bayle, t. III, p. 282.

    Cela ne ressemble à rien, se dit d'une chose inconvenante, mal faite. Vous avez bien raison de dire que dans ce siècle il y a des choses qui ne ressemblent à rien, et beaucoup de riens qu'on voudrait faire ressembler à des choses. [Voltaire, Correspondance]

    Fig. On ne fait rien de rien, on ne saurait réussir en quoi que ce soit, si on n'a quelques moyens, quelques ressources pour y parvenir.

    Cette affaire ne tient à rien, presque rien n'empêche qu'elle ne se fasse.

    Il ne tint à rien qu'il ne fît telle chose, il ne s'en fallut presque rien qu'il ne la fît.

    C'est un homme qui ne met rien contre lui, c'est un homme très circonspect dans ses actes ou dans ses discours.

  • 3N'être rien, n'occuper aucun emploi, aucune position. Il comptait pour beaucoup cet avantage si peu recherché de n'être rien. [Fontenelle, Reyneau.] Vous épousez une personne qui n'est rien, et qui n'a rien. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***] Je vois s'accomplir cette prédiction que me fit autrefois mon père : tu ne seras jamais rien. [Courier, Lettres de France et d'Italie]

    N'être rien, n'être d'aucun prix, d'aucune valeur, d'aucun intérêt, n'être compté pour rien. Un simple soldat qu'on emportait fort blessé, comme on le plaignait en le voyant tout couvert de sang : ce n'est rien, dit-il, le régiment a fait son devoir. [Pellisson, Lettres historiques] Je ne suis pas de ceux qui disent : ce n'est rien, C'est une femme qui se noie. [La Fontaine, Fables] Le concile d'Éphèse ne leur est plus rien [aux calvinistes]. [Bossuet, 1er avert. 19] Les maux d'autrui ne sont rien à nos yeux. [Massillon, Avent, Afflict.] Mes bons amis, et bien boire et bien rire N'est rien encor sans les amours. [Béranger, Mes chev.]

    Cet homme ne m'est rien, n'est pas mon parent. Il [un pauvre diable] descend de Pierre Corneille, en droite ligne, et Mlle Corneille, à la rigueur, n'est rien à Pierre Corneille. [Voltaire, Correspondance]

    N'être de rien à quelqu'un, ne l'intéresser en aucune façon. Le beau temps ne vous est de rien, vous y êtes trop accoutumée. [Sévigné, 10 nov. 1675] [à vous calvinistes, qui pactisez avec les luthériens] on voit bien que la sainte table ne vous est de rien. [Bossuet, 2e avert. 23] Sans compter que nous ne vous sommes de rien, ni vous de rien à nous. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***] Cette affaire [de Sirven] agite toute mon âme : les tragédies, les comédies ne me sont plus de rien. [Voltaire, Correspondance]

    N'être de rien, n'appartenir à rien. Les morts ne sont plus de rien, ils n'ont plus de part à la société humaine. [Bossuet, Panégyrique]

  • 4De rien avec ne, nullement. Elle ne peut de rien profiter ni aussi de rien nuire. [Descartes, Diopt. 9] Il ne sera pas dit que je ne serve de rien dans cette affaire-là. [Molière, Le sicilien, ou L'amour peintre] Mon indulgence ne servirait de rien, il faut qu'elle [la demande en grâce] soit signée de trois autres de mes confrères. [Voltaire, Zadig, ou La destinée]

    De rien, se dit absolument et populairement, pour : ce n'en vaut pas la peine. Je vous remercie du coup de main que vous m'avez donné.- De rien.

  • 5Ne rien faire, demeurer dans l'oisiveté, le repos. Quant à son temps, bien le sut dispenser : Deux parts en fit, dont il soulait passer L'une à dormir et l'autre à ne rien faire. [La Fontaine, Épitaphe.]

    Avec ellipse de ne. Passer.... La nuit à bien dormir et le jour à rien faire. [Boileau, Satires] L'homme.... Et formé pour agir se plaisait à rien faire. [Voltaire, Disc. 6]

    Ne rien faire, n'avoir aucun emploi.

    Il ne fait plus rien, il n'a plus d'emploi.

    N'avoir rien, être sans fortune. Vous n'avez rien ; vous trouvez un établissement le plus avantageux et le plus brillant. [Genlis, Théât d'éduc. Bonne mère, II, 5]

    Ne rien dire, garder le silence, se taire.

    Ne rien dire signifie aussi dire des choses qui ne sont que du bavardage. Celle qui toujours parle et ne dit jamais rien. [Boileau, Satires]

    Ne parler de rien, garder le silence sur un objet qu'on a sur le coeur, ou qui préoccupe, ou qui importe. Mme de S*** ne me parla de rien ; mais elle me reçut avec une froideur qui me fit assez connaître son juste ressentiment. [Genlis, Mères riv. t. II, p. 111, dans POUGENS]

    Fig. Ne rien dire, avec un nom de chose pour sujet, ne pas agréer, ne pas intéresser. Cela ne me dit rien.

  • 6 Familièrement. Cela ne fait rien, est de peu d'importance. Cela ne me fait rien. Deux ou trois pages qui ne font rien à la question. [Bossuet, 3e Avert. 31]

    On dit dans le même sens : cela me fait moins que rien.

  • 7Ne faire semblant de rien, se comporter comme si on ignorait, comme si on ne s'intéressait pas à. Ne faites pas semblant de rien, et me laissez faire tous deux. [Molière, George Dandin]

    Avec ellipse de ne. Pour moi je vais faire semblant de rien. [Molière, George Dandin]

  • 8Ne compter pour rien, n'avoir aucun égard à, ne faire aucun cas de. Vous ne comptez pour rien les pleurs de Bérénice. [Racine, Bérénice] Tout le reste de la terre n'est compté pour rien. [Massillon, Carême, Enfant prod.]Avec ellipse de ne. À ces mauvaises dispositions introduites dans les esprits par la réforme, ajoutons l'autorité de l'Église méprisée, la succession des pasteurs comptée pour rien. [Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes] Il compte même pour rien la réputation. [Fénelon, Télémaque] Et comptez-vous pour rien Dieu qui combat pour nous ? [Racine, Athalie]

    On dit aussi : ne compter à rien, ne compter rien. Je ne vous compte à rien le nom de mon époux. [Corneille, Polyeucte] Moi qui ne compte rien ni le vin ni la chère, Si l'on n'est plus au large assis en un festin Qu'aux sermons de Cassagne ou de l'abbé Cotin. [Boileau, Satires]

  • 9Il n'en est rien, la chose dont il s'agit n'existe pas. S'il y avait un homme alors auprès duquel la philosophie d'Eusèbe devait réussir, c'était l'empereur Julien ; cependant il n'en fut rien. [Diderot, Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur les moeurs et les écrits de Sénèque]

    Il n'y a rien que.... il y a peu de temps que.... Il n'y a rien qu'il était ici.

  • 10 Familièrement. Ne savoir rien de rien, ne savoir absolument rien. Ver-vert, c'était le nom du personnage, Transplanté là de l'indien rivage, Fut, jeune encor, ne sachant rien de rien, Au susdit cloître enfermé pour son bien. [Gresset, Ver-Vert] J'eus la bêtise de dire à M. Montaigu, qui ne savait rien de rien, ce que j'avais fait. [Rousseau, Les confessions]

    Ne dire rien de rien, ne dire rien du fait principal ni des circonstances qui s'y rapportent.

  • 11Rien se dit quelquefois des personnes. Oui, je deviens tout autre avec son entretien [de Tartufe], Il m'enseigne à n'avoir affection pour rien, Et je verrais mourir frère, enfant, mère et femme.... [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur] C'est n'estimer rien qu'estimer tout le monde. [Molière, Le misanthrope]
  • 12Ne.... rien que, uniquement, seulement. Il [le dauphin] s'aperçoit qu'il n'a tiré Du fond des eaux rien qu'une bête. [La Fontaine, Fables] L'artisan exprima si bien Le caractère de l'idole, Qu'on trouva qu'il ne manquait rien à Jupiter que la parole. [La Fontaine, ib. IX, 6] Et plusieurs qui tantôt ont appris mon martyre, Bien loin d'y prendre part, n'en ont rien fait que rire. [Molière, Sganarelle, ou Le cocu imaginaire] Monsieur, vous n'avez rien qu'à dire, Je mentirai si vous voulez. [Molière, L'amphytrion] Ce qu'il avait vu arriver à tant de sages vieillards, qui semblaient n'être plus rien que leur ombre propre, le rendait continuellement attentif à lui-même. [Bossuet, Oraisons funèbres] Sans rien prétendre Que quelque heure à me voir.... [Racine, Bérénice]

    Elliptiquement, rien que, en ne faisant que, en ne comptant que. Rien que d'y penser, je gage Qu'il meurt presque en ce moment. [Béranger, Billet d'enterr.] Il [notre siècle] les domine tous [les siècles], rien que par ses tombeaux. [Hugo, Odes et ballades] On l'eût pris pour un capitaine, Rien qu'à voir sa mine hautaine. [Hugo, la Fiancée du timbalier.]

  • 13Ne.... rien moins que, locution qui signifie nullement. Ma comédie n'est rien moins que ce qu'on veut qu'elle soit. [Molière, 1er plac. au roi.] Un pédant qu'à tout coup votre femme apostrophe Du nom de bel esprit et de grand philosophe, D'homme qu'en vers galants jamais on n'égala, Et qui n'est, comme on sait, rien moins que tout cela ! [Molière, Les femmes savantes] Aujourd'hui des troupes de femmes, faisant profession de piété et conduites par un directeur qui certainement n'est rien moins que saint Augustin.... [Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 352] Je sais que vous n'avez trouvé rien moins que ce que vous espériez dans la situation où vous êtes. [Staal, Mém. t. I, p. 229] Il arrive souvent [en changeant quelque chose au livre d'un autre] qu'on s'écarte du sujet, et qu'on ne fait rien moins que le perfectionner. Mém. de Trévoux, 1725, t. I, p. 110] Croyez-moi, Rousseau n'est rien moins qu'un méchant homme. [Marmontel, Mémoires d'un père pour servir à l'instruction de ses enfants]

    Absolument. Un jour que je ne pensais à rien moins, on vint me chercher de la part du comte de la Roque. [Rousseau, Les confessions]

    Elliptiquement. Vous a-t-il fait dire des choses impertinentes [Virgile, dans l'Énéide] ? - Rien moins.... j'y dis de très belles choses. [Fontenelle, Didon, Stratonice.]

    Ne.... rien moins, se dit quelquefois pour rien moindre, et prend alors un sens affirmatif signifiant que l'objet dont il s'agit n'est pas moindre que. Ces riches vêtements dont le baptême les a revêtus ; vêtements qui ne sont rien moins que Jésus-Christ même, selon ce que dit l'apôtre. [Bossuet, Oraisons funèbres] Quand Dieu.... choisit une personne d'un si grand éclat pour être l'objet de son éternelle miséricorde, il ne se propose rien moins que d'instruire tout l'univers. [Bossuet, Oraisons funèbres]

    Ne.... rien de moins, locution qui signifie rien de moindre. Le parti [les protestants] n'eut pas plus tôt senti ses forces, qu'on n'y médita rien de moins que de partager l'autorité. [Bossuet, 5e avert. 5] Une indifférence, qui, selon M. Jurieu, ne tend à rien de moins qu'à renverser le christianisme. [Bossuet, 6e avert. III, 9] Il ne faut rien de moins dans les cours qu'une vraie et naïve impudence pour réussir. [La Bruyère, VIII]

  • 14Quand rien est suivi d'un adjectif, on les sépare par la préposition de. Rien de fâcheux n'est arrivé. Il ne se fait rien d'utile. Il n'est rien de tel que de se bien porter.

    On supprime quelquefois de dans le style archaïque et dans le style poétique. Et n'ayant rien si cher que ton obéissance.... [Malherbe, II, 1] Seigneur, réglez si bien ce violent courroux, Qu'il n'en échappe rien trop indigne de vous. [Corneille, Théodore et Héraclius] Il n'est rien tel en ce monde que de se contenter. [Molière, Dom Juan, ou le Festin de Pierre] Il n'est rien tel que les jésuites. [Pascal, Les provinciales] Il n'est rien tel que d'être à son aise. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

  • 15 Par abus, rien, sans la négative ne, se dit pour nulle chose. Tout ou rien. Rien du tout. Dieu a créé le monde de rien. Le roi et ceux qui l'accompagnaient admirèrent le courage de ce jeune homme, qui considérait comme rien les plus grands tourments. [Sacy, Bible, Machab. II, VII, 12] Qu'appelles-tu sur rien, dis ? - J'appelle sur rien Ce qui sur rien s'appelle en vers ainsi qu'en prose ; Et rien, comme tu le sais bien, Veut dire rien ou peu de chose. [Molière, L'amphytrion] Et sa morale faite à mépriser le bien Sur l'aigreur de sa bile opère comme rien. [Molière, Les femmes savantes] Laissez faire ; ils ne sont pas au bout ; J'y vendrai ma chemise, et je veux rien ou tout. [Racine, Les plaideurs] Quoi, dira-t-on, aimer sans plaire ? Oui, n'est-ce donc rien que d'aimer ? [Lamotte, Odes, t. I, p. 220, dans POUGENS] Encore une fois, le testament qu'elle a fait pour moi et rien, c'est la même chose. [Marivaux, La Vie de Marianne, ou les aventures de Madame la comtesse de ***] Il n'y a personne d'assez hardi pour dire que les choses retourneront à rien ; comment peut-on être assez hardi pour dire qu'elles viennent de rien ? [Voltaire, Eléments de la philosophie de Newton mis à la portée de tout le monde]

    Par exagération. Si peu que rien, pas plus gros que rien, moins que rien, extrêmement peu, très petit. Donnez-m'en si peu que rien. Il me semble que je vais vous rendre mille petits services, pas plus gros que rien. [Sévigné, 15 oct. 1677] Ariste veut me voir pour moins que rien peut-être. [Picard, Médiocre et rampant, III, 8]

    Dans une réponse, rien se dit pour nulle chose. Que vous a-t-il donné ? rien.

    Pour rien, gratuitement, sans payer. Je veux une compagnie de cavalerie pour rien. [Voltaire, l'Ingénu, 9]

    Fig. Pour rien, sans s'en ressentir. Pigeon n'aime que trop bien, N'étant pas, comme on peut croire, L'oiseau de Vénus pour rien. [Piron, Fables.] Ce roi [Frédéric II] a aussi les siens [préjugés] qu'il faut lui pardonner ; on n'est pas roi pour rien. [Voltaire, Correspondance]

    Réduire à rien, anéantir. Seigneur, tu te moqueras d'elles [des nations], et tu les réduiras à rien. [Voltaire, Philos. Déf. mil. Bolingbr. 44]

    Cela s'est réduit à rien, il n'en est presque rien resté ; se dit aussi d'une affaire dont on se promettait un grand succès et qui n'en a eu aucun.

    On dit dans un sens analogue : venir, devenir, aller à rien. Ce grand voyage de M. le Prince et de M. de Turenne, pour aller dégager M. de Luxembourg, est devenu à rien. [Sévigné, 182] Ma terre de Bourbilly est quasi devenue à rien par le rabais et par le peu de débit des blés et autres grains. [Sévigné, 31 mai 1687] Cette ressemblance devient à rien. [Sévigné, 585] [L'abbé d'Auvergne] C'était un fort gros homme, qui vint à rien avant qu'être arrêté dans sa chambre. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]

  • 16De rien, après un substantif, marque la petitesse, le peu de valeur, le peu d'importance, etc. Elle a dans la tête une philosophie Qui déclare la guerre au conjugal lien, Et vous traite l'amour de déité de rien. [Molière, La princesse d'Élide] Un précipice caché derrière une petite haie de rien. [Sévigné, 18 oct. 1688] Louvois tire de son côté une petite épée de rien qu'il portait, en présente la garde au roi. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon]

    Cet homme est venu de rien, s'est élevé de rien, il est venu d'une basse condition. Il s'était élevé de rien à une fortune considérable. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    Dans le même sens : un homme de rien. Vous n'êtes pas homme de rien, Ou ma foi je me trompe bien. [Scarron, Virgile travesti] Puis se marie, épouse une fille de rien, Dont le moindre défaut fut de naître sans bien. [Collin D'harleville, Le vieux célibataire] Chardon de la Rochette.... paysan comme moi malgré ce nom pompeux, n'ayant que du savoir, de la probité, des moeurs, enfin un homme de rien. [Courier, Lettres de France et d'Italie]

  • 17 Familièrement. Rien que cela, se dit, par antiphrase, pour exprimer quelque chose qui excite l'attention, la surprise. Le roi a dit d'un certain homme, dont vous aimiez assez l'absence cet hiver, qu'il n'avait ni coeur, ni esprit, rien que cela. [Sévigné, 206]
  • 18Rien signifie quelquefois, par exagération, peu de chose. Il a eu cette maison pour rien. Il mange très peu, il vit de rien. Il se fâche de rien. Et qu'avez-vous donné pour tout cela ? fort bien ; Un peu de votre amour ? mais vraiment c'est pour rien. [Hugo, Hernani, ou l'Honneur castillan]
  • 19Rien, quoique nom indéterminé, peut être représenté par le pronom il. Je suis persuadé, selon la doctrine du Seigneur Jésus, que rien n'est impur de soi-même, et qu'il n'est impur qu'à celui qui le croit impur. [Sacy, Bible, St Paul, Ép. aux Rom. XIV, 14] Quel malheur plus grand que de ne plus rien voir tel qu'il est ? [Buffon, Nature des anim.]
  • 20S. m. déterminé. Néant, nullité. Un rien s'assemble mal avec un autre rien. [Corneille, l'Illus. com. III, 6 (1re édit.)] . Quand il lui plut [à Dieu] vous donner l'être, Le rien fut sa matière, et l'ouvrier sa voix. [Corneille, Trad. du ps. CLVIII] Tout ce qui n'est pas corps leur paraît un rien. [Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même] Que peut rechercher un rien comme moi, que des biens proportionnés au peu qu'il est ? [Bossuet, Sermons] Le Mercure Galant est immédiatement au-dessous du rien. [La Bruyère, I] Sans sortir de mon indolence, Je reconnais tous les travers De ce rien qu'on nomme science. [Bernis, Épît. VII, à mes dieux pén.] Herschell se demande si la matière qui constitue les queues des comètes ne se réduirait pas à quelques livres ou même à quelques onces ; M. Babinet a exprimé une idée analogue en disant que les comètes sont des riens visibles. [Guillemin, dans Presse scientifique, t. I, p. 138]

    Terme de mystiques. Se plonger dans son rien, ne produire aucun désir. [Bossuet, Instr. sur les ét. d'orais. III, 2]

  • 21Peu de chose. Un songe, un rien, tout lui [à l'ami] fait peur, Quand il s'agit de ce qu'il aime. [La Fontaine, Fables] Voilà d'étranges présents, un ruban, une ceinture, un petit pigeon, une ombre, un souffle, un rien ; c'est le denier de la veuve. [Sévigné, 511] Je ne suis rien ; mais ce rien après tout, c'est ce que j'ai de plus cher, puisque c'est moi-même. [Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 419] Il engagea ce rien [le peu qu'il possédait] pour chercher la fortune. [Boileau, Satires] Une terreur panique, un rien vous arrache la victoire. [Fénelon, Télémaque] C'est un rien [une correction dans l'Écossaise] ; mais rien, c'est beaucoup. [Voltaire, Correspondance] Un rien peut la retenir comme un rien l'entraîner. [Staël, Corinne, ou l'Italie] Ah ! pour un rien, Nous laisserions finir le monde, Si nos femmes le voulaient bien. [Béranger, âge futur.]

    En un rien, en un instant. Et changeant en un rien sa colère en furie. [Régnier, Satires]

  • 22 nm pl. Bagatelles, choses de peu d'importance. Je ne veux point vous écrire davantage aujourd'hui.... je n'ai que des riens à vous mander. [Sévigné, 89] Voilà ce qui s'appelle causer et dire des riens. [Sévigné, 504] J'admire quelquefois les riens que ma plume veut dire ; je ne la contrarie point. [Sévigné, 4 mars 1672] À quoi bon mettre au jour tous ces discours frivoles, Et ces riens enfermés dans de grandes paroles ? [Boileau, Satires] Écrivez-moi les moindres détails, des riens : mon amitié pour vous en fera des choses. [Maintenon, Lettres] Comme des enfants.... dont les haines et les animosités puériles ne roulent que sur des riens. [Massillon, Carême, Pardon.] Tous ces aimables riens qu'on nomme amusement. [Boissy, Deh. tromp. II, 10] Je retourne à mes riens que tu nommes frivoles. [Chénier, Élégies]

    Au singulier. La bagatelle, la science, Les chimères, le rien, tout est bon ; je soutiens Qu'il faut de tout aux entretiens. [La Fontaine, Fables]

  • 23Rien pris adverbialement, en rien, nullement ; emploi qui n'est plus usité. Mais tout ce que je fais ne me profite rien. [Racan, les Berg. II, 1] Allons, vous dis-je, il n'y a rien à balancer. [Molière, George Dandin]
  • 24En rien, loc. adv. En quelque chose. Je le dis à regret ; excusez-moi, mesdames, De vous fâcher en rien.... [Boissy, Babillard, SC. 4]

    Avec ne, nullement. Ce qui glace mes sens ne vous émeut en rien. [Lemerc. Fréd. et Br. V, 1]

  • 25En moins de rien, loc. adv. Très promptement. Ma joie en moins d'un rien comme un éclair s'enfuit. [Régnier, Satires] Comme elle était jeune, belle et adroite, en moins de rien elle gouverna absolument le roi, et, bientôt après, tout le royaume. [Voiture, Oeuv. t. II, p. 277] En vit-on jamais un [sort] dont les rudes traverses Prissent en moins de rien tant de faces diverses ? [Corneille, Horace] En moins de rien les deux dames furent grandes camarades. [Scarron, Le Roman comique] Mille caquets divers s'y font en moins de rien. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur]
  • 26Comme si de rien n'était, comme si la chose n'était pas arrivée. Tout d'un coup on lui vient dire qu'il verra clair, et que ses pauvres yeux que la fluxion avait mis hors de la tête y étaient rentrés heureusement, comme si de rien n'était. [Sévigné, 6] J'attends du chaud la liberté de mes mains ; elles me servent quasi comme si de rien n'était. [Sévigné, 286] Cependant [pendant les exécutions de Lalli, Sirven, Calas, etc.] les Français dansent comme si de rien n'était. [Voltaire, Correspondance]

PROVERBES

On ne fait rien pour rien, l'intérêt personnel se mêle presque toujours dans les services rendus. Rien pour rien en tous lieux est une loi suivie, Les mains vides sont sans appas. [Quin. Alceste, IV, 1]

Qui ne risque rien n'a rien.

Qui prouve trop ne prouve rien.

Il fait de cent sols quatre livres, et de quatre livres rien, se dit d'un mauvais ménager.

Ce que vous dites et rien, c'est tout un, c'est la même chose, ce sont des paroles inutiles, qui ne prouvent rien.

REMARQUE

1. Le sens étymologique et propre de rien est chose.

2. Avec la négation ne, rien niant toute chose, équivaut au latin nihil.

3. De cet emploi presque continu vient le sens de chose très petite : des riens, un rien.

4. De là l'inutilité d'un autre mot comme pas, point, pour déterminer la négation ; voy. plus haut, n° 1, le vers de Molière.

5. De là aussi, dans le style négligé et dans des phrases très communes, l'emploi de rien avec le sens négatif, sans ne ; emploi qui est presque toujours mauvais dans le style élevé, par exemple : Le général La Romana avait beaucoup promis, et presque rien fait. [Thiers, Hist. de l'Emp. XX]

6. Le Dictionnaire de l'Académie conseille d'éviter la locution rien moins, attendu qu'elle prête à l'amphibologie, signifiant tantôt en aucune façon, et tantôt au contraire rien de moindre. Il est vrai que l'Académie elle-même et plusieurs auteurs, parmi lesquels Bossuet, donnent quelquefois à rien moins le sens de rien de moins, de rien moindre. Il n'est rien moins que sage, veut dire proprement : il n'est aucune chose moins que sage, en d'autres termes : de toutes les choses qu'il est, celle qu'il est le moins c'est sage. Cette locution est essentiellement négative, et ne peut pas être autre chose. Rien moins ne peut pas dire chose moindre, pas plus que rien plus ne veut dire dit chose plus grande. Il paraît donc qu'il faut dans tous les cas conserver à rien moins sa signification négative ; et, quand on voudra le sens positif, on emploiera rien moindre ou rien de moins.

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