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rude

adj. (ru-d')
  • 1Qui n'est pas dégrossi, qui est brut, inculte (sens propre et étymologique). Vous avez ouï parler de cet amas rude et indigeste [le chaos] qui précéda la disposition et la beauté des choses que nous voyons. [Guez de Balzac, Le Barbon] S'ils [les vers] n'étaient remplis d'une certaine beauté qui se fait sentir aux personnes même les plus rudes et les plus grossières. [Pellisson, Histoire de l'Académie française] D'esprit, j'en ai fort peu ; mais on l'aurait bien rude Si l'on ne profitait d'une longue habitude. [Hauteroche, Les Bourgeoises de qualité] Les chiens du Kamtschatka sont grossiers, rudes et demi-sauvages, comme leurs maîtres. [Buffon, Quadrupèdes]

    Des moeurs rudes, des moeurs d'une simplicité grossière.

  • 2 Par extension du sens de non dégrossi. âpre au toucher. Avoir la barbe rude. Une brosse fort rude. Qu'était-ce donc que son vêtement ? un rude cilice. [Bourdaloue, Exhort. sur sainte Thérèse, t. I, p. 300]

    Couvert de petites saillies ou aspérités nombreuses et sensibles au toucher. Avoir la peau rude.

    Se dit des plantes qui présentent au tact une aspérité insensible à l'oeil.

  • 3âpre au goût. Vin rude.
  • 4âpre et difficile, en parlant des chemins. Chemin rude.

    Fig. Le rude sentier de la vertu. Le juste, sévère à lui-même.... ne peut pas même obtenir que le monde le laisse en repos dans ce sentier solitaire et rude, où il grimpe plutôt qu'il ne marche. [Bossuet, Oraisons funèbres]

  • 5Qui cause de la fatigue, de la peine. Un rude métier. Il a entrepris une rude tâche. Notre sort est beaucoup plus rude Chez les grands que chez les petits. [Molière, L'amphytrion] Brontin.... Sort à l'instant, chargé d'une triple bouteille.... L'odeur d'un jus si doux lui rend le faix moins rude. [Boileau, Le lutrin] Mais je ne trouve point de fatigue si rude Que l'ennuyeux loisir d'un mortel sans étude. [Boileau, Epîtres] Ce travail [le Siècle de Louis XIV] est rude ; il y a trois ans qu'il m'occupe et qu'il me tue, sans presque aucune diversion. [Voltaire, Correspondance] Qu'il y ait parmi nous un homme [Damiens] qui ait osé attenter à la vie de son souverain.... qu'on l'ait condamné à être déchiré avec des ongles de fer.... démembré par des chevaux ; qu'on lui ait lu cette sentence terrible, et qu'après l'avoir entendue, il ait dit froidement : la journée sera rude. [Diderot, Lettres à Sophie Voland] Ma chaise [voiture] était rude, et j'étais trop incommodé pour pouvoir marcher à grandes journées. [Rousseau, Les confessions] Presque en toutes choses les commencements sont rudes. [Rousseau, ib. III]

    Ce cheval est rude, il a le train rude, fatigant.

    Ce barbier a la main rude, il ne rase pas légèrement.

    Ce cavalier a la main bien rude, il mène durement son cheval.

  • 6 Par extension, désagréable à voir, à entendre, à prononcer, etc. Avoir le visage, l'air, le regard, la voix rude. ....Sollicitude à mon oreille est rude. [Molière, Les femmes savantes] La colère et la tristesse les rendent [les traits du visage] plus rudes, et leur donnent un air ou plus farouche ou plus sombre. [Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même] Par ce sage écrivain [Malherbe] la langue réparée N'offrit plus rien de rude à l'oreille épurée. [Boileau, L'art poétique] La raison quittant son ton rude Prendra le ton du sentiment. [Gresset, La Chartreuse]

    Ce peintre a le pinceau rude, il peint d'une manière dure et sans grâce.

  • 7Il se dit de la rigueur des saisons. Un froid rude. Le rude hiver des années dernières acheva de la dépouiller de ce qui lui restait de superflu. [Bossuet, Oraisons funèbres] La Haie est un séjour délicieux l'été, et la liberté y rend les hivers moins rudes. [Voltaire, Correspondance]

    Fig. Temps rudes, temps où le travail manque, et où la misère est grande.

  • 8Où il y a effort violent, lutte violente. Après avoir achevé le rude siége de Besançon. [Bossuet, Oraisons funèbres] Vous avez soutenu de rudes guerres, je l'avoue. [Fénelon, Dialogues des morts] Des richesses capables de fournir à toutes les dépenses d'une rude et longue guerre. [Rollin, Histoire ancienne] La mêlée fut rude d'abord, chaque parti faisant des efforts extraordinaires de bravoure pour soutenir l'honneur de sa nation. [Rollin, ib. t. VI, p. 413] Le combat fut rude et très opiniâtre. [Vertot, Rev. rom. XII, 215]
  • 9Impétueux, intense. Une rude secousse. Essuyer une rude tempête. Vous soutenez en paix une si rude attaque. [Racine, Andromaque] Nous lui donnons quelquefois de rudes coups [au gouvernement anglais], mais nous ne le cassons pas. [Voltaire, Dialogue de Pégase et du vieillard]

    Fig. Un coup rude, une chose qui cause beaucoup de peine. Ce coup sera sans doute assez rude pour elle. [Corneille, Horace] Il se forme parmi les grandeurs une nouvelle sensibilité pour les déplaisirs, dont le coup est d'autant plus rude, qu'on est moins préparé à le soutenir. [Bossuet, Oraisons funèbres]

    Fig. C'est un rude coup pour lui, cet événement est très fâcheux pour lui.

  • 10 Fig. Qui cause du mal, de la souffrance. Deux choses dont la privation m'est bien rude. [Sévigné, 297] Il y a des endroits dans la vie qui sont bien amers et bien rudes à passer. [Sévigné, à Bussy, 14 mai 1675] Qu'on ne dise donc plus que l'obéissance est rude ; au contraire, ce qui est rude, c'est d'être livré à soi-même et à ses désirs. [Bossuet, Sermons] Chrétiens, ne murmurez pas si Madame a été choisie pour nous donner une telle instruction ; il n'y a rien ici de rude pour elle, puisque Dieu la sauve par le même coup qui vous instruit. [Bossuet, Oraisons funèbres] À la journée de Senef, le jeune duc.... vient dans les plus rudes épreuves apprendre la guerre aux côtés du prince son père. [Bossuet, Oraisons funèbres] Quand on a assez d'élévation de génie et d'éloquence pour gouverner, il est bien rude de passer sa vie dans la dépendance d'un peuple capricieux. [Fénelon, Dialogues des morts] Je travaille depuis vingt ans à recouvrer cette estampe, et je désespère enfin d'y réussir ; cela est bien rude ! [La Bruyère, XIII] Un écrit trop long est un impôt très rude qu'on met sur la patience du lecteur. [Voltaire, Pol. et lég. Lett à M. T***.] Le doute en mon malheur est un tourment trop rude. [Voltaire, Œdipe]

    Fig. Une rude épreuve, une situation difficile et délicate, ou dangereuse pour le maintien de l'amitié. Vous mettez notre amitié à une épreuve trop rude. [Lesage, Le diable boiteux]

  • 11 Familièrement. Il se dit de ce qui se fait vivement sentir. J'arrivai, sur le soir, au village d'Ataquinès, avec un très rude appétit. [Lesage, Histoire de Gil Blas de Santillane]

    Une rude tentation, une tentation à laquelle il est difficile de ne pas succomber. J'eus une rude tentation de le confondre en public.

    Cela me paraît rude, se dit d'une chose difficile à croire.

    Ce trait est un peu rude, ce propos, ce procédé est difficile à supporter, à dissimuler. Serait-il possible que les bontés de M. le duc de Choiseul pour ma colonie m'eussent fait tort, et que je fusse à la fois ruiné et opprimé pour avoir fait du bien ? cela serait rude. [Voltaire, Correspondance]

    On commence aujourd'hui en ce sens à dire raide pour rude, tant par confusion que par besoin de varier les locutions.

  • 12Dur, fâcheux, en parlant des personnes. Un père rude à ou envers ses enfants. Au moins, Seigneur, pardonne à cette multitude, à ce peuple ignorant ; ne lui sois point si rude. [Garn. les Juives, IV] Je croyais avoir été trop rude de refuser ce portrait à Mme de Fontevrault. [Sévigné, 23 oct. 1675] La trouvant de jour en jour plus rude pour lui, par le chagrin qu'elle avait d'ailleurs. [La Fay. Princesse de Montpensier, Oeuv. t. II, p. 322, dans POUGENS.] Non que tu sois pourtant de ces rudes esprits Qui regimbent toujours, quelque main qui les flatte. [Boileau, Epîtres] Vous savez, monsieur, que nous avions tous conseillé à Clarice d'affecter de paraître sévère et rude aux domestiques, en présence de M. Grichard, afin de gagner ses bonnes grâces. [Brueys, Grondeur, I, 12] C'est un rude homme que M. André, quand il a affaire à cette espèce méchante et sotte. [Voltaire, L'homme aux quarante écus] Las ! j'épousai bien jeune encor La liberté, dame un peu rude. [Béranger, Refus.]

    Il est rude aux pauvres gens, à pauvres gens, se dit quand un homme prend avantage de sa supériorité pour maltraiter un inférieur. Ah ! que tu es rude à pauvres gens ! fi ! que cela est malhonnête de refuser les personnes ! [Molière, George Dandin]

    Il se dit des choses en un sens analogue. Il reçut un traitement bien rude. Une rude réprimande. Pour ne vous faire pas de réponse trop rude. [Corneille, Nicomède] Elle [la reine] lui fit à lui-même, dès l'après-dînée, des reproches aussi rudes et aussi violents, que s'il lui avait fait toutes les perfidies imaginables. [Retz, Mémoires] Je ne sais comme vous avez pu imaginer qu'il fût honnête de refuser une telle chose [un cadeau du cardinal de Retz] ; ou je radote et ne sais plus vivre, ou c'eût été la plus rude et la moins respectueuse action que vous eussiez jamais pu faire. [Sévigné, à Mme de Grignan, 22 août 1675] ....Ah ! qu'il m'explique un silence si rude. [Racine, Bérénice]

  • 13Rigide, austère. La règle de cet ordre est bien rude.
  • 14Redoutable. Un rude adversaire. Le pays délivré d'un si rude ennemi. [Corneille, Le Cid] Il avait souvent dit à Mme de Senantes, en parlant de Matta, que c'était la plus rude épée de France. [Hamilton, Mémoires du chevalier de Grammont]

    C'est un rude joueur, une rude joueuse, se dit d'une personne qui ne sait pas jouer ou folâtrer sans faire du mal.

    Fig. et familièrement. C'est un rude joueur, c'est un homme à qui il ne fait pas bon se jouer.

    C'est un rude jouteur, c'est un homme avec qui il ne fait pas bon se mesurer, au propre et au figuré. Ce n'est qu'un.... essai [la traduction d'un livre de Tacite].... un si rude jouteur m'a bientôt lassé. [Rousseau, Trad. du 1er livre des Histoires, Avert.]

    Populairement. Un rude lapin, un homme courageux, hardi.

  • 15 nf Espèce de couleuvre.
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