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sensible

adj. (san-si-bl')
  • 1Qui est doué de sensibilité. Les êtres sensibles et les êtres inanimés. Il vaut mieux enlever l'esprit hors de ses réflexions, et traiter l'homme comme sensible, au lieu de le traiter comme raisonnable. [Montesquieu, Lettres persanes]
  • 2 Par extension, qui jouit d'une sensibilité exquise, plus grande qu'à l'ordinaire. Un cheval qui a la bouche sensible. En voilà pour tuer une oreille sensible. [Molière, Les femmes savantes] Jamais oreille ne fut plus sensible à l'harmonie. [Voltaire, Mél. litt. Mme du Châtelet.]

    Sensible à l'éperon, se dit d'un cheval qui obéit à cette aide.

    Qui reçoit une impression trop vive des objets. L'oeil est une partie fort sensible. Il est sensible aux moindres variations du temps.

    Sensible aux mouches, se dit d'un cheval qui craint beaucoup la piqûre de ces insectes.

    Terme de botanique. Se dit des plantes qui ferment leurs feuilles quand on y touche, ou qui ont des feuilles tellement délicates qu'on ne peut y toucher sans les froisser.

  • 3 Fig. Qui reçoit une impression morale. Puisque Rome le veut, puisqu'il est impossible De la rendre une fois à la pitié sensible. [Mairet, La mort d'Asdrubal] Vous ne vous montrez point sensible à cet outrage ! [Corneille, Horace] Aux larmes de sa mère il a paru sensible. [Racine, La Thébaïde, ou Les frères ennemis] Peu sensible aux charmes d'Hermione. [Racine, Andromaque] À mes périls Atalide sensible. [Racine, Bajazet] Quels hommes [les Spartiates], s'écria par admiration l'un des seigneurs persans, qui ne sont sensibles qu'à l'honneur et point à l'argent ! [Rollin, Histoire ancienne] Peu de gens aussi sensibles au mérite sont à portée de le favoriser, ou peu de gens à portée de le favoriser y sont aussi sensibles. [Fontenelle, Ozanam.]

    On le dit avec à et un infinitif. N'étant guère moins sensible à reconnaître les obligations que j'ai aux autres excellentes personnes... [Voiture, Lettres]

    Sensible sur. Vous n'êtes que trop vive et trop sensible sur ma vie et sur ma santé. [Sévigné, à Mme de Grignan, 6 mai 1671] Mes parents sont si peu sensibles à ce que je fais pour eux, et le sont tant sur ce que je ne puis faire, que leur commerce ne me donne que du chagrin. [Maintenon, Lettres]

    On a dit, mais on ne le dit plus, sensible en. Trop sensible en ton mal, de regret je me pâme. [Régnier, Élégies]

    Particulièrement. Être sensible à quelque chose, en éprouver un vif déplaisir. Docile à la censure quand elle était juste, Moncrif y était pourtant très sensible. [D'alembert, Éloges, Moncrif.]

    Absolument. Un plus sensible que moi se plaindrait du monde ; mais je me contente de l'oublier. [Guez de Balzac, Correspondance]

    C'est son endroit sensible, sa partie sensible, se dit en parlant des choses dont quelqu'un est le plus touché. Ah ! tu sais me frapper par où je suis sensible. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] S'il restait encore dans le coeur de Mme la Dauphine quelque endroit sensible, c'était à l'amour de la gloire et plus encore au salut de son époux. [Fléchier, Oraisons funèbres] C'est l'attaquer par son endroit sensible. [Massillon, Petit carême]

  • 4 Absolument. Qui est aisément ému, attendri. Son sort que tu plains te doit faire penser Que ton coeur est sensible et qu'on peut le percer. [Corneille, La mort de Pompée] Ma voix rendrait les bois et les rochers sensibles. [Rotrou, Véritable Saint Genest] Une personne si sensible et si délicate, qui ne pouvait seulement entendre nommer les maux, a souffert douze ans entiers et presque sans intervalle les plus vives douleurs. [Bossuet, Oraisons funèbres] Je me croirais un monstre si je cessais de l'aimer passionnément [le duc de Choiseul] ; je suis aussi sensible à l'âge de près de quatre-vingts ans qu'à vingt-cinq. [Voltaire, Correspondance] Les âmes sensibles ont plus d'existence que les autres ; les biens et les maux se multiplient à leur égard. [Duclos, Consid. moeurs, 4] À la moindre circonstance inopinée, l'homme sensible la perd [la tête] ; il ne sera ni un grand roi, ni un grand ministre, ni un grand capitaine, ni un grand avocat, ni un grand médecin. [Diderot, Parad. coméd. Mém. t. IV, p. 12, dans POUGENS] Je me connais sensible, je ne me crois pas faible. [Mme Riccoboni, Oeuv. t. IV, p. 50, dans POUGENS] Sois homme sensible, mais sois homme sage ; si tu n'es que l'un des deux, tu n'es rien. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation] Soyez fermes et non pas opiniâtres ; courageux, et non pas tumultueux ; libres, mais non pas indisciplinés ; sensibles, mais non pas enthousiastes. [Mirabeau, Collection complète des travaux de M. Mirabeau l'aîné] Sensible assez pour être aimante et bienfaisante, mais pas assez pour être le jouet de ses passions. [Marmontel, Mémoires d'un père pour servir à l'instruction de ses enfants]

    Particulièrement. Qui reçoit l'impression de l'amour. Hermione est sensible ; Oreste a des vertus. [Racine, Andromaque] Hippolyte est sensible et ne sent rien pour moi. [Racine, Phèdre]

  • 5Au sens passif. Qui peut être senti, qui fait impression sur les sens. Les objets sensibles. Le monde sensible. Les qualités excessives nous sont ennemies, et non pas sensibles : nous ne les sentons pas, nous les souffrons. [Pascal, Pensées]

    Idées sensibles, idées immédiatement fournies par les sens. Une idée abstraite veut être expliquée par une idée moins abstraite, et ainsi successivement, jusqu'à ce qu'on arrive à une idée particulière et sensible. [Condillac, Traité des syst. 2]

  • 6Qui cause une impression pénible. Le froid a été très sensible cette année.

    Par extension, douloureux. Le mal de dents est un mal très sensible. Un coup de poignard ne me serait pas plus sensible. [Sévigné, 224]

  • 7 Fig. Qui fait une vive impression agréable ou pénible, qui est vivement senti en bien ou en mal. Rome avec une joie et sensible et profonde. [Corneille, Cinna, ou La clémence d'Auguste] Les reproches me sont sensibles ; il faut qu'ils me le soient beaucoup, puisque j'y ferai céder, s'il le faut, mes plus sensibles intérêts. [Sévigné, 325] Vous me parlez de la mort de M. de la Rochefoucauld ; elle est encore toute sensible en ce pays-ci. [Sévigné, 5 avr. 1680] Ce revers est sensible, il faut le confesser. [Corneille Th. Ariane] C'eût été un soutien sensible à une âme comme la sienne, d'accomplir de grands ouvrages pour le service de Dieu. [Bossuet, Oraisons funèbres] Encore s'il eût plu à Dieu de lui conserver ce goût sensible de la piété qu'il avait renouvelé dans son coeur au commencement de sa pénitence. [Bossuet, ib.] Je fais cette lecture avec une sensible consolation. [Bossuet, Lett. 96] Ceux qui s'abandonnent à toutes sortes de divertissements très sensibles et très agréables, ne sont pas capables de pénétrer des vérités qui renferment quelque difficulté considérable. [Malebranche, De la Recherche de la vérité] Amitiés sensibles qui font une impression plus vive sur le coeur, qui le touchent, qui l'affectionnent. [Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 255] Laissons aux infidèles ces longues et sensibles douleurs [pour la mort des personnes chères] que la religion ne modère pas. [Fléchier, Oraisons funèbres] Ce qui fut le plus sensible au général carthaginois [Annibal], fut de voir Capoue assiégée par les Romains. [Rollin, Histoire ancienne] Ne me serait-il point sensible de vous voir faire une injuste préférence ? [Baron, l'Homme à bonnes fortunes, I, 3] Ce n'est pas, grand Dieu ! que ces consolations soient toujours sensibles à une âme fidèle. [Massillon, Paraphr. Ps. XV, 5]
  • 8Qui se fait percevoir, remarquer aisément, clairement. Mon malheur m'est visible, Et mon amour en vain voudrait me l'obscurcir ; Mais le détail encor ne m'en est pas sensible. [Molière, L'amphytrion] Pour me servir d'une comparaison qui sera plus sensible. [Pascal, Les provinciales] C'est le coeur qui sent Dieu, et non la raison ; voilà ce que c'est que la foi : Dieu sensible au coeur, non à la raison. [Pascal, Moyens, 1, édit. FAUGÈRE.] Si nos coeurs s'endurcissent après un avertissement si sensible [la mort rapide de Madame], que reste-t-il autre chose à la Providence que de nous frapper nous-mêmes sans miséricorde ? [Bossuet, Oraisons funèbres] Le compte est aisé à faire, et la suite le rendra sensible. [Bossuet, Discours sur l'histoire universelle] Dieu se rendit sensible par de continuels miracles. [Bossuet, ib. II, 3] Faits qu'il a rendus sensibles aux plus ignorants. [Bossuet, ib. II, 13] Le premier sujet de vos plaintes [de Fénelon] regarde l'altération de votre texte imputée à M. de Chartres : En voici, dites-vous, un exemple des plus sensibles.... [Bossuet, Rép. d'un théologien, 1] Le silence de la nuit, rendant les échos plus forts et plus sensibles, faisait paraître leurs cris comme des cris d'une troupe beaucoup plus grosse que la leur. [Rollin, Histoire ancienne] Les belles fables de l'antiquité ont encore ce grand avantage sur l'histoire qu'elles présentent une morale sensible. [Voltaire, Dictionnaire philosophique] Cet exemple suffit pour rendre ma pensée sensible. [Condillac, Conn. hum. II, I, 9]
  • 9Appréciable. Presque toute la nation irritée longtemps contre sa propre félicité qui ne lui était pas encore sensible. [Voltaire, Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand] En général, l'influence de la nourriture est plus grande et produit des effets plus sensibles sur les animaux qui se nourrissent d'herbes ou de fruits. [Buffon, Quadrupèdes] Il suffit de faire chauffer ou geler de l'eau, pour que l'air qu'elle contient reprenne son élasticité et s'élève en bulles sensibles à la surface. [Buffon, Hist. min. 2e part. Oeuv. t. VI, p. 137] Il est certain que Saturne éprouve, dans son mouvement, des variations sensibles, et il est fort vraisemblable que Jupiter est la principale cause de ces variations. [D'alembert, Oeuv. t. XIV, p. 130] La courbure du globe terrestre est sensible à la surface des mers : le navigateur, en approchant des côtes, aperçoit d'abord leurs points les plus élevés. [La Place, Expos. I, 1]
  • 10 Terme de physique. Qui indique les plus légères différences. Un thermomètre, une balance sensible. M. d'Arci imagina de suspendre un petit canon à un pendule, et de juger de la force de la poudre par l'arc que le recul ferait décrire à ce canon.... pour juger de la supériorité d'une poudre sur une autre, on trouverait difficilement un instrument plus sensible ou plus sûr. [Condorcet, d'Arci.]
  • 11 Terme de musique. Note sensible, ou, substantivement, la sensible, la note qui est à un demi-ton au-dessous de la tonique. Beaucoup de chants populaires, pleins d'expression et de naïveté, sont dépourvus de note sensible. [H. Berlioz, à travers chants, p. 13] Il y a deux sensibles : la sensible dure, qui produit un effet si majestueux dans le plain-chant, et qui est un peu délaissée par nos compositeurs modernes, et la sensible proprement dite ; c'est dans les modes 1, 2, 3, 4, 7 et 8 de la tonalité du plain-chant qu'existait la sensible dure ; M. Hector Berlioz, dans son beau mystère l'Enfance du Christ, a employé à plusieurs reprises ce degré, et toujours avec beaucoup de bonheur. [A. Loquin, Notions élém. d'harmonie moderne, p. 3]

    Accord sensible ou dominant : les harmonistes de l'école de Rameau appelaient ainsi l'accord de septième de dominante.

  • 12 nm Tout ce qui est sensible, susceptible d'être ému. Vous pouvez dire, à coup sûr, de tout ce qui excite le sensible dans les comédies les plus honnêtes, qu'il attaque secrètement la pudeur. [Bossuet, Comédie, 5] Saint François de Sales, qui enseigne que les actes de piété, chassés et comme repoussés de tout le sensible, se retirent dans la haute pointe de l'esprit. [Bossuet, Instructions sur les états d'oraison]

    Objets des sens. Il y a sensibles communs et sensibles propres : les sensibles propres sont ceux qui sont particuliers à chaque sens ; et les sensibles communs sont ceux qui sont communs à plusieurs sens. [Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même]

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SENSIBLE.
12S. m. Ajoutez : Ses enfants [de la mère du prince de Condé], qui étaient le sensible de son coeur. [Mme de Motteville, Mém. p. 361]
13Proverbialement et populairement. C'est comme si vous chantiez femme sensible, se dit d'une demande qui ne doit pas avoir de résultat.

Cette locution vient d'une romance célèbre de l'opéra d'Ariodant (1799), musique de Méhul, paroles d'Hoffmann : Femme sensible, entends-tu le ramage De ces oiseaux qui célèbrent leurs feux ? Pour indiquer une demande vaine, on a dit d'abord : C'est comme si tu chantais femme sensible sur l'air de Malbroug, c'est-à-dire si tu détruisais par l'air ridicule l'effet des paroles sentimentales. Puis la locution s'est abrégée, comme il arrive souvent.

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