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trop

nm (tro ; le p se lie : il va tro-p avant ; mais, pour peu qu'il y ait suspension, le p ne se fait pas sentir : le tro et le tro peu)

(Trop est essentiellement un substantif.)

  • 1Ce qui est en excès. Le trop de confiance attire le danger. [Corneille, Le Cid] Sa mère, que longtemps je voulus épargner.... L'a de la sorte instruite ; et ce que je vois suivre Me punit bien du trop que je la laissai vivre. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] Le trop d'expédients peut gâter une affaire.... N'en ayons qu'un, mais qu'il soit bon. [La Fontaine, Fables] Il y en a beaucoup que le trop d'esprit gâte. [Molière, Critique de l'école des femmes]
  • 2Mon trop de..., son trop de, etc., l'excès de mon, de son, etc. Mais votre trop d'amour pour cet infâme époux Vous donnera bientôt à plaindre comme à nous. [Corneille, Horace] Il s'en est peu fallu que, durant mon absence, On ne m'ait attrapé par son trop d'innocence. [Molière, L'école des femmes] J'abuse, cher ami, de ton trop d'amitié. [Racine, Andromaque]
  • 3Sans article, trop de, un excès de. Je me suis accusé de trop de violence. [Corneille, Le Cid] Voilà les pauvres gens Malheureux par trop de fortune. [La Fontaine, Fables] Nos sens n'aperçoivent rien d'extrême : trop de bruit nous assourdit, trop de lumière éblouit.... [Pascal, Pensées] Il nous sera toujours impossible de satisfaire pleinement les divers ordres de lecteurs ; le littérateur trouvera dans l'Encyclopédie trop d'érudition, le courtisan trop de morale, le théologien trop de mathématique, le mathématicien trop de théologie, l'un et l'autre trop de jurisprudence et de médecine. [D'alembert, Oeuv. i. I, p. 372] Trop de sang, trop de pleurs ont inondé la France. [Chénier M. J. la Promenade.]

    C'est trop que ou de, il y a excès à. Ah ! ma bonne, que je voudrais bien vous voir un peu, vous entendre.... vous voir passer, si c'est trop que le reste ! [Sévigné, 18 févr. 1671] Si certains esprits vifs et décisifs étaient crus, ce serait encore trop que les termes pour exprimer les sentiments. [La Bruyère, I] C'est trop contre un mari d'être coquette et dévote : une femme devrait opter. [La Bruyère, III]

    C'en est trop, c'est aller trop loin. C'en est trop, madame, répliqua don Fadrigue ; je ne mérite pas que vous me regrettiez si longtemps. [Lesage, Le diable boiteux]

  • 4Trop, régime direct d'un verbe. Non, je n'aurai pas trop de toute ma puissance Pour punir à mon gré mon odieux rival. [Fontenelle, Thét. et Pol. IV, 4] Et qui peut nous combler de honte et de dépit, Moi d'en avoir trop su, vous d'en avoir trop dit. [Voltaire, Indiscr. I, 3] Boileau restera un de nos bons auteurs classiques pour les vers ; on lui a peut-être trop accordé de son vivant ; peut-être lui refuse-t-on trop aujourd'hui. [Duclos, Oeuv. t. x, p. 85]
  • 5Trop précédé d'une préposition.

    De trop, qui est en excès. Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant. [Boileau, L'art poétique] Ignorez-vous qu'une multitude de vos frères périt ou souffre du besoin de ce que vous avez de trop ? [Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes] Mademoiselle, votre approbation est de trop. [Diderot, Le père de famille]

    Vous n'êtes pas de trop, se dit pour engager à rester une personne qui craint que sa présence ne gêne. Vous savez que votre présence ne gâte jamais rien, et que vous n'êtes point de trop, en quelque lieu que vous soyez. [Molière, Les amants magnifiques] Un homme habile sent s'il convient, ou s'il ennuie : il sait disparaître, le moment qui précède celui où il serait de trop quelque part. [La Bruyère, v.] Oh ! ça, monsieur, voulez-vous que je vous parle franchement ? vous êtes de trop dans la maison. [Dancourt, 2e chap. Diable boit. sc. 1] Tu la gênes ; tu es ici de trop. [Boissy, Franç. à Lond. sc. 2]

    Par trop, à l'excès. Son style est par trop familier. Tu m'obliges par trop avec cette nouvelle : Va, je reconnaîtrai ce service fidèle. [Molière, L'étourdi, ou Les contretemps]

  • 6Trop d'un, de deux, de la moitié, un, deux, moitié de trop. Trop d'un Héraclius en mes mains est remis ; Je tiens mon ennemi, mais je n'ai plus de fils. [Corneille, Héraclius, empereur d'Orient] C'est trop, me disait-il, c'est trop de la moitié, Je ne mérite pas de vous faire pitié. [Molière, Tartuffe, ou l'imposteur] Nous sommes trois chez vous, c'est trop de deux, madame. [Hugo, Hernani, ou l'Honneur castillan]
  • 7Adv. de quantité. Plus qu'il ne faut, avec excès. C'est trop m'importuner en faveur d'un sujet. [Corneille, Nicomède] Ce secret, qui fut gardé entre dix-sept personnes, est un de ceux qui m'ont persuadé que parler trop n'est pas le défaut le plus commun des gens qui sont accoutumés aux grandes affaires. [Retz, Mémoires] Gens trop heureux font toujours quelque faute. [La Fontaine, Berceau.] Il ne fallait pas faire faire cela par un écolier ; et vous n'étiez pas trop bon vous-même pour cette besogne-là. [Molière, Le bourgeois gentilhomme] Le trop riant espoir que vous leur présentez. [Molière, Le misanthrope] Je reçois votre lettre du 16 ; elle est trop aimable, et trop jolie, et trop plaisante. [Sévigné, 25 juill. 1689] Ils [les rois] ont trop fait sentir aux peuples que l'ancienne religion se pouvait changer. [Bossuet, Oraisons funèbres] Trop faible pour expliquer avec force ce qu'il sentait, il empruntait la voix de son confesseur. [Bossuet, Oraisons funèbres] Vous le savez trop bien : jamais, sans ses avis, Claude qu'il gouvernait n'eût adopté mon fils. [Racine, Britannicus] Il [le péché] nous paraît moins hideux, parce qu'on n'est jamais trop effrayé de ce qui nous ressemble. [Massillon, Car. Pass.] Je ne vous envoie jamais aucun des petits livrets peu orthodoxes qu'on imprime en Hollande et en Suisse....je n'ai été que trop calomnié. [Massillon, Lett. Richelieu, 8 nov. 1769]

    Terme de manége. Trop assis, se dit du cheval dont les extrémités postérieures se rapprochent trop de la ligne du centre de gravité, ou qui la devancent.

    Trop ouvert, se dit lorsque les membres sont trop portés en dehors.

    Trop serré, se dit lorsque les membres sont trop portés en dedans.

    Pas trop, pas plus qu'il ne faut. Elle n'a pas trop dansé.

    Médiocrement. Je ne m'y fierais pas trop. M. de Vivonne est fort mal de sa blessure, M. de Marsillac pas trop bien de la sienne, et M. le Prince est quasi guéri. [Sévigné, 153] Muréna, de retour à Rome, reçut l'honneur du triomphe, qu'il n'avait pas trop mérité. [Rollin, Histoire ancienne]

  • 8Trop peu, pas assez. Vous en avez plus qu'il ne vous en faut, et il en a trop peu. Trop peu d'honneur pour moi suivrait cette victoire. [Corneille, Le Cid] Joignez tous vos efforts contre un espoir si doux : Pour en venir à bout c'est trop peu que de vous ! [Corneille, Le Cid] Les dieux t'ont laissé vivre assez pour ta mémoire, Trop peu pour l'univers. [Rousseau J.-b. Odes et poésies diverses]
  • 9Trop mieux, s'est dit pour beaucoup mieux. Pardonnez-moi toutes ces redites, vous qui savez et qui possédez trop mieux tous les points que je range ici. [Saint-simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon] Trop mieux aimant suivre quelques dragons. [Gresset, Ver-Vert]

    Bossuet a employé trop dans le sens archaïque de beaucoup. Au premier avis que le hasard lui porta d'un siége important, il [Condé] traverse trop promptement tout un grand pays, et, d'une première vue, il découvre un passage assuré pour le secours.... Louis de Bourbon.

  • 10Assez et trop longtemps, pendant un temps trop long. Assez et trop longtemps ma lâche complaisance De vos jeux criminels a nourri l'insolence. [Boileau, Satires]

PROVERBES

Trop est trop, rien de trop, tout excès est blâmable. Rien de trop est un point Dont on parle sans cesse, et qu'on n'observe point. [La Fontaine, Fables]

Trop et trop peu n'est pas mesure.

À chacun le sien n'est pas trop.

Il y a deux sortes de trop, c'est-à-dire le trop et le trop peu.

Qui trop embrasse mal étreint, qui entreprend trop de choses à la fois ne réussit à rien.

REMARQUE

Trop de avec un nom au pluriel veut au pluriel le verbe dont il est sujet : Trop de larmes ont été répandues.

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